Avis n° 78 (2004-2005) de M. Marcel LESBROS , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 25 novembre 2004

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N° 78

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2004-2005

Annexe au procès-verbal de la séance du 25 novembre 2004

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de finances pour 2005 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME VI

ANCIENS COMBATTANTS

Par M. Marcel LESBROS,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gérard Dériot, Jean-Pierre Godefroy, Mmes Claire-Lise Campion, Valérie Létard, MM. Roland Muzeau, Bernard Seillier, vice-présidents ; MM. François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Anne-Marie Payet, Gisèle Printz, secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, MM. Henri d'Attilio, Gilbert Barbier, Daniel Bernardet, Claude Bertaud, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mmes Isabelle Debré, Christiane Demontes, M. Gérard Dériot, Mme Sylvie Desmarescaux, M. Claude Domeizel, Mme Bernadette Dupont, MM. Michel Esneu, Jean-Claude Étienne, Guy Fischer, Jacques Gillot, Jean-Pierre Godefroy, Mmes Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Christiane Kammermann, M. André Lardeux, Mme Raymonde Le Texier, MM. Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Roger Madec, Jean-Pierre Michel, Alain Milon, Georges Mouly, Jackie Pierre, Mmes Catherine Procaccia, Janine Rozier, Michèle San Vicente, Patricia Schillinger, Esther Sittler, MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vézinhet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 1800 , 1863 à 1868 et T.A. 345

Sénat : 73 et 74 (annexe n° 4 ) (2004-2005)

Lois de finances .

SOMMAIRE

Pages

AVANT-PROPOS 5

I. UNE AUGMENTATION EXCEPTIONNELLE DES CRÉDITS QUI CONSOLIDE LES EFFORTS DES ANNÉES PASSÉES 7

A. UN BUDGET ENFIN DÉCONNECTÉ DE L'ÉVOLUTION DÉMOGRAPHIQUE DU MONDE COMBATTANT 8

1. Des évolutions démographiques contrastées 8

a) La diminution inexorable du nombre de pensionnés pour invalidité 8

b) L'extinction progressive du fonds de solidarité des anciens combattants d'Indochine et d'Afrique du nord 8

c) L'augmentation régulière du nombre de titulaires de la retraite du combattant 9

2. Un souci de sincérité budgétaire : le rebasage des services votés 11

a) La compensation des insuffisances de crédits des années passées 11

b) L'application du « rapport constant » 11

3. La montée en charge des mesures nouvelles précédemment adoptées 13

a) La décristallisation des pensions et retraites des anciens combattants d'outre-mer 13

b) La revalorisation du plafond majorable de la rente mutualiste du combattant 15

c) La majoration des pensions de veuves 16

d) La modification des conditions d'attribution de la carte du combattant 16

B. PRÉPARER L'APPLICATION DE LA LOI ORGANIQUE RELATIVE AUX LOIS DE FINANCES POUR AMÉLIORER L'EFFICACITÉ BUDGÉTAIRE 17

1. Une nouvelle nomenclature budgétaire qui n'est pas exempte de limites 18

a) La nomenclature proposée 18

b) Une expérimentation dès 2005 19

c) Les limites de la nouvelle nomenclature 19

2. Des objectifs et des indicateurs associés qui manquent parfois d'ambition 20

a) L'objectif de réduction des coûts occulte le critère de la qualité du service 22

b) La traduction de la politique de la mémoire en objectifs et indicateurs se révèle difficile 23

II. L'ÉVOLUTION DES CRÉDITS PAR CATÉGORIES DE DÉPENSES : BILAN ET PERSPECTIVES 24

A. LE BILAN À MI-MANDAT DE LA POLITIQUE EN FAVEUR DES ANCIENS COMBATTANTS : LE SUCCÈS DE LA MÉTHODE DES PETITS PAS 24

1. L'objectif de réparation reste central 24

a) La consolidation des droits connexes aux pensions d'invalidité 24

b) Un effort important en faveur de l'INI 25

c) L'indemnisation des orphelins de victimes de la barbarie nazie 27

2. La solidarité : l'avenir du budget des anciens combattants 28

a) Un outil modernisé : l'ONAC 29

b) Un soutien renforcé à la politique d'action sociale de l'office 30

3. La politique de la mémoire face aux défis de la succession des générations 32

a) Le succès des cérémonies du souvenir 33

b) Les nécropoles nationales : passer de l'entretien à la mise en valeur du patrimoine 34

B. POURSUIVRE LES RÉFORMES APRÈS 2005 36

1. Évaluer le bien-fondé de la revendication des anciens combattants d'AFN concernant la « campagne double » 36

2. Poursuivre les négociations en faveur d'une indemnisation rapide et définitive des RAD - KHD 37

3. La revalorisation de la retraite du combattant : une mesure symbolique très attendue 39

EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS 41

• Article 72 quater (nouveau) Simplification du rapport constant 41

• Article 72 quinquies (nouveau) Indemnisation des anciens prisonniers de l'ALN 42

TRAVAUX DE LA COMMISSION 45

I. AUDITION DU MINISTRE 45

II. EXAMEN DE L'AVIS 51

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Pour la première fois depuis plus d'une décennie, les crédits inscrits au budget des anciens combattants pour 2005 sont en augmentation. Cette hausse, bien que très légère, témoigne de la volonté du Gouvernement de redistribuer au profit des anciens combattants et de leurs ayants droits les économies résultant mécaniquement de la réduction inéluctable des personnes concernées.

Grâce à cette hausse des crédits, le projet de budget pour 2005 permet la consolidation des nombreuses mesures mises en oeuvre depuis 2002 en faveur du monde combattant, qu'il s'agisse de la décristallisation des pensions et retraites des anciens combattants d'outre-mer, de l'amélioration des conditions d'attribution de la carte du combattant aux anciens d'Afrique du nord ou encore de la revalorisation uniforme des pensions de veuves.

Pour tenir compte de l'intégralité de l'effort de la nation en faveur du monde combattant, il convient en outre de rappeler les mesures nouvelles figurant au budget du Premier ministre en faveur des orphelins des victimes de la barbarie nazie et en faveur des harkis.

Il reste naturellement encore des questions en suspens. Mais grâce à la méthode progressive adoptée par le Gouvernement depuis 2002, ces points devraient trouver une réponse dans les meilleurs délais. C'est la raison pour laquelle les pistes de réflexion proposées par le présent avis sont, avant tout, une invitation à poursuivre avec assiduité l'action engagée depuis trois ans.

I. UNE AUGMENTATION EXCEPTIONNELLE DES CRÉDITS QUI CONSOLIDE LES EFFORTS DES ANNÉES PASSÉES

Le projet de budget des anciens combattants pour 2005 s'élève à 3,394 milliards d'euros, soit une augmentation de 0,14 % par rapport aux crédits inscrits en loi de finances initiale pour 2004. Cette hausse, quoique très faible, rompt avec l'évolution constatée ces dix dernières années , puisque les crédits consacrés aux anciens combattants diminuaient jusqu'ici régulièrement, à un rythme moyen de 2,41 % par an.

Évolution des crédits budgétaires

(en millions d'euros)

 

LFI 2004

PLF 2005

Variation en %

Réparation et reconnaissance

2 923

2 917

- 0,2

Institution nationale des Invalides

7,1

7,2

+ 1,9

Indemnités et pécules

0,05

0,03

- 24,1

Pensions d'invalidité

2 230

2 190

- 1,8

Indemnités et allocations diverses

32

31

- 3,8

Retraite du combattant

565

600

+ 6,2

Soins médicaux gratuits

80

80

0

Appareillage des mutilés

9

9

0

Solidarité

465

476

+ 2,5

ONAC

37

36,5

- 2

Réductions de transport

6,3

5,8

- 6,7

Associations et oeuvres diverses

0,3

0,25

- 11,1

Fonds de solidarité AFN

40

30

- 25

Prestations de sécurité sociale

170

186

+ 9,4

ONAC dépenses sociales

12,1

12,6

+ 3,8

Majoration des rentes

199

205

+ 3,1

Mémoire

2,2

1,6

- 27

TOTAL

3 390

3 395

+ 0,14

C'est la raison pour laquelle, avant même d'aborder les détails de l'action du ministère délégué aux anciens combattants, votre commission se félicite du fait que le monde combattant ait été entendu dans sa revendication de voir les « économies » réalisées en raison de la diminution des effectifs bénéficiaires être redéployées sur des actions en faveur des anciens combattants.

A. UN BUDGET ENFIN DÉCONNECTÉ DE L'ÉVOLUTION DÉMOGRAPHIQUE DU MONDE COMBATTANT

1. Des évolutions démographiques contrastées

a) La diminution inexorable du nombre de pensionnés pour invalidité

Le nombre de bénéficiaires de pensions d'invalidité ou de pensions d'ayants cause s'élevait à 425.734 au 31 décembre 2003, en diminution de 3,56 % par rapport à la même date l'année précédente. Compte tenu de la moyenne d'âge des pensionnés et de leur ventilation par tranche d'âge, une baisse de 3,91 % est encore attendue pour 2004.

Pensions militaires d'invalidité et de victimes de la guerre
(en paiement au 31 décembre)

Année

Invalides

Veuves et orphelins

Ascendants

Total

1998

357.479

154.634

13.591

525 . 704

1999

341.271

147.621

11.613

500 . 505

2000

330.330

143.281

10.862

484 . 473

2001

315.982

137.950

9.534

463 . 466

2002

301.679

131.610

8.149

441 . 438

2003

290.044

128.066

7.624

425 . 734

La baisse du nombre de pensionnés se traduit par une diminution prévisible de 88,3 millions d'euros des dépenses de pension pour 2005. Elle entraîne également indirectement 422.000 euros de moindres remboursements à diverses compagnies de transports. Au total, ces évolutions démographiques entraînent une réduction de 88,7 millions d'euros des prévisions de dépenses, soit un recul de 3,8 % par rapport aux crédits prévus à ce titre pour 2004 et un impact de - 2,5 % sur l'ensemble du budget des anciens combattants.

b) L'extinction progressive du fonds de solidarité des anciens combattants d'Indochine et d'Afrique du nord

Le présent projet de budget traduit également la diminution d'une deuxième catégorie de ressortissants : celle des bénéficiaires du fonds de solidarité des anciens combattants d'Indochine et d'Afrique du nord. Les crédits prévus à ce titre s'élèvent en effet à 30 millions d'euros, en baisse de plus de 25 %, après des baisses de 20 % en 2004 et de 45 % en 2003.

Ce fonds de solidarité a pour objet d'apporter une aide financière aux anciens combattants d'Afrique du nord, âgés de plus de 57 ans et en situation de chômage de longue durée dans l'attente de l'ouverture de leurs droits à la retraite. Il verse deux types d'allocations :

- l'allocation différentielle (AD), destinée aux personnes disposant de ressources personnelles mensuelles inférieures à 767 euros. Cette allocation est majorée pour les chômeurs justifiant d'une durée de cotisation vieillesse de 160 trimestres : elle permet alors de compléter leurs revenus à hauteur de 929 euros ;

- l'allocation de préparation à la retraite (APR), qui constitue un revenu à part entière et qui est constitutive de droits en matière d'assurances sociales. Elle est versée aux personnes titulaires de l'AD depuis plus de six mois et se substitue alors à cette dernière. Elle est égale à 65 % d'un revenu de référence (le plus souvent la moyenne des revenus mensuels d'activité professionnelle de l'intéressé au cours de sa carrière), est plafonnée à 1.190 euros par mois au 1 er janvier 2004 et ne peut être inférieure au minimum assuré par l'AD.

L'aide apportée s'éteint donc naturellement lorsque les bénéficiaires liquident leurs droits à retraite ou, à défaut, lorsqu'ils atteignent l'âge d'ouverture du minimum vieillesse, soit 65 ans.

Fonds de solidarité des anciens combattants
d'Indochine et d'Afrique du nord

(en millions d'euros)

Année

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004 *

2005 **

Nombre de bénéficiaires :

 
 
 
 
 
 
 
 

- AD

21.392

14.720

9.194

5.732

4.061

2.911

2.572

1.802

- APR

12.287

10.720

7.550

5.143

3.604

2.784

2.104

1.933

TOTAL

33.679

25.440

16.744

10.875

7.665

5.695

4.050

3.745

Crédits ouverts

248

209

142

101

69

51

40

30

Crédits consommés

233

191

138

95

66

49

22

-

* Situation au 31 juin 2004 Source : MIDAC

** Prévisions

Or, aujourd'hui, l'âge des allocataires est compris entre 58 et 65 ans, avec une forte majorité de plus de 60 ans : ainsi, 5 % d'entre eux sont âgés de 60 ans, 16 % de 61 ans, 24 % de 62 ans, 29 % de 63 ans. Il ne reste plus aujourd'hui que 1802 allocataires de l'AD et 1933 de l'APR. On peut donc prévoir pour 2006 un nombre résiduel d'allocataires, une ou deux centaines tout au plus.

c) L'augmentation régulière du nombre de titulaires de la retraite du combattant

A rebours de l'évolution constatée pour les pensions d'invalidité, le nombre de bénéficiaires de la retraite du combattant ne cesse d'augmenter depuis plusieurs années, du fait de l'arrivée à l'âge d'ouverture du droit à cette allocation de reconnaissance, des contingents importants d'anciens combattants d'Afrique du nord.

Retraites du combattant
(en paiement au 31 décembre)

 

Effectif au 1 er janvier

Attributions au cours de l'année

Extinctions au cours de l'année

Effectif au 31 décembre

Solde

Variation en %

2000

964.022

143.027

75.665

1.031.384

+ 67.362

+ 6,99

2001

1.031.384

140.606

72.307

1.099.683

+ 68.299

+ 6,62

2002

1.099.683

178.178

62.294

1.215.567

+ 115.884

+ 10,54

2003

1.215.567

145.155

72.000

1.288.722

+ 73.155

+ 6,02

2004 *

1.300.000

133.820

57.820

1.376.000

+ 76.000

+ 5,85

2005 *

1.376.000

120.000

56.000

1.440.000

+ 64.000

+ 4,65

* Prévisions Source : MIDAC

Ce facteur strictement démographique se traduit par un ajustement à la hausse des crédits nécessaires au paiement des retraites de l'ordre de 22,5 millions d'euros.

La croissance du nombre de bénéficiaires de la retraite du combattant devrait toutefois se tarir d'ici deux ans, puisque plus aucun effectif important éligible à la retraite du combattant n'aura moins de 63 ans en 2005. Compte tenu du nombre de survivants des derniers contingents de la guerre d'Algérie et du taux d'attribution de la carte du combattant ouvrant droit à la retraite parmi cette génération du feu, le nombre de bénéficiaires potentiels de la retraite peut être évalué à 61.000 personnes, soit à peine autant que le nombre de titulaires supplémentaires en 2005.

Au total, comme en témoigne le tableau suivant, l'influence de la démographie sur le projet de budget des anciens combattants pour 2005 se traduit par une diminution des crédits de l'ordre de 76 millions d'euros.

Impact budgétaire de la variation du nombre de ressortissants

 

LFI 2002

LFI 2003

LFI 2004

PLF 2005

Pensions militaires d'invalidité et allocations rattachées

- 101

- 104

- 103

- 88

Remboursement à diverses compagnies de transport

+ 0,4

- 0,1

- 0,5

- 0,4

Soins médicaux gratuits

- 7,3

- 14,4

- 11

0

Fonds de solidarité

- 60,8

- 41,5

- 10

- 10

Retraite du combattant

+ 41

+ 29

+ 30,7

+ 22,4

TOTAL

- 127,7

- 131

- 93,8

- 76,3

2. Un souci de sincérité budgétaire : le rebasage des services votés

a) La compensation des insuffisances de crédits des années passées

La baisse du nombre de pensionnés pour invalidité avait visiblement été surestimée en 2004 et l'ampleur de la hausse du nombre de titulaires de la retraite du combattant n'avait pas été anticipée correctement par les services financiers du ministère. En témoignent les taux de consommation des crédits inscrits aux chapitres 46-20 (Pensions d'invalidité, allocations et indemnités diverses) et 46-21 (Retraite du combattant) qui, au 30 juin 2004, étaient déjà supérieurs à 65 %.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a prévu un « rebasage » des crédits de l'ordre de 3 millions d'euros au titre des pensions d'invalidité et de 7 millions d'euros pour la retraite du combattant

La participation de l'État à la couverture du risque maladie des pensionnés de guerre 1 ( * ) avait également été régulièrement sous-estimée ces dernières années. Le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2004 met ainsi en évidence le fait que la caisse nationale d'assurance maladie reste dans l'attente du remboursement de dépenses datant de 1991 et 1992 pour un montant total de 42 millions d'euros. Si l'apurement de cette dette ancienne n'est pas prévu, le projet de budget des anciens combattants pour 2005 devrait toutefois contribuer au programme de remboursements complémentaires, à hauteur de 16 millions d'euros.

Votre commission ne peut qu'approuver le souci de sincérité budgétaire du Gouvernement qui corrige, dans le projet de budget pour 2005, les erreurs d'évaluation des budgets précédents.

b) L'application du « rapport constant »

Au-delà de l'évolution démographique du monde combattant, le présent projet de budget tient également compte de la revalorisation du montant des pensions en application du mécanisme du « rapport constant ».


Historique et mécanisme du rapport constant

La loi du 31 mars 1919 n'avait prévu aucun mécanisme de revalorisation du montant des pensions d'invalidité, ce qui conduit, dès 1945, à un décalage important entre l'évolution du niveau des pensions et celle du niveau de vie. C'est la raison pour laquelle la loi du 27 février 1948 mit en place un rapport constant entre le taux des pensions et les traitements des fonctionnaires, afin que toute augmentation des traitements de la fonction publique entraîne une augmentation des pensions.

Ce principe simple a toutefois connu une mise en oeuvre chaotique, du fait notamment de divergences sur l'ancrage de la valeur du point et sur la prise en compte ou non des mesures catégorielles pour l'évolution de la valeur du point de pension.

Le mécanisme actuel résulte de l'article 123 de la loi de finances pour 1990. Il comporte trois étapes :

- à chaque fois que le point de la fonction publique est revalorisé, le point de la pension militaire l'est également, du même taux et à la même date ;

- une fois par an, une comparaison est établie entre l'évolution des traitements de la fonction publique, mesurée par l'indice INSEE, et celle des pensions. Elle fait généralement apparaître une évolution plus favorable de la moyenne des traitements, car ceux-ci bénéficient à la fois des revalorisations uniformes du point de la fonction publique et des mesures catégorielles. La valeur du point PMI est donc rectifiée pour combler cet écart ;

- au 1 er janvier, si un décalage est apparu, les pensionnés bénéficient d'un rappel de pension.

Trois chapitres budgétaires voient leur dotation majorée en application du « rapport constant » : le chapitre 46-20 (Pensions d'invalidités, allocations et indemnités diverses), le chapitre 46-21 (Retraite du combattant) et l'article 10 du chapitre 46-30 (Majoration des rentes des anciens combattants et victimes de guerre).

En l'absence de mesures générales ou catégorielles de revalorisation des traitements de la fonction publique en 2004, il n'y a pas lieu d'effectuer un recalage de la valeur du point, qui reste à 12,89 euros, ni d'effectuer un rappel de pension pour rétablir le niveau adéquat du point pour l'année écoulée.

En conséquence, la provision pour 2005 tient uniquement compte de l'évolution naturelle des rémunérations en fonction du « glissement - vieillesse - technicité » (GVT) : 2,2 millions d'euros supplémentaires sont ainsi prévus au titre des pensions d'invalidité, 0,6 million au titre de la retraite du combattant et 180.000 euros au titre de la majoration des rentes.

Le mécanisme de recalage annuel de la valeur du point s'appliquera pour la dernière fois à l'année 2004, puisque, conformément à la demande des associations, le Gouvernement a mis en place un groupe de travail conjoint entre le ministère délégué aux anciens combattants et le ministère de l'économie et des finances, afin de proposer une évolution du dispositif et que celui-ci a abouti à une proposition de simplification qui a été adoptée à l'unanimité à l'Assemblée nationale.

La solution retenue, conforme à celle proposée par le rapport sur les perspectives de la revalorisation des indices de référence utilisés pour le calcul des pensions, établi en application de l'article 126 de la loi de finances pour 2002, vise à appliquer au point PMI l'évolution de l'indice INSEE des traitements de la fonction publique, à chacune de ses variations. Ce mécanisme simplifié permet de prendre en compte en temps réel l'ensemble des évolutions des traitements, qu'il s'agisse de mesures générales ou catégorielles, et d'améliorer la lisibilité du système en évitant les recalages de la valeur du point et les rappels de pensions annuels.

Votre commission ne peut que se féliciter du fait que le Gouvernement soit parvenu à mettre fin à une polémique qui divise depuis quinze ans le monde combattant.

3. La montée en charge des mesures nouvelles précédemment adoptées

a) La décristallisation des pensions et retraites des anciens combattants d'outre-mer

Par l'article 68 de la loi de finances rectificative pour 2002, le Gouvernement a décidé de mettre fin à l'iniquité qui frappaient les anciens combattants d'outre-mer dont les pensions et retraites avaient été cristallisées lors de l'accession à la souveraineté des anciennes possessions de la France d'outre-mer.

A ce titre, deux provisions ont été prévues en loi de finances initiale pour 2003, pour un total de 72,5 millions d'euros. Or, compte tenu de la parution extrêmement tardive du décret d'application 2 ( * ) permettant la mise en oeuvre effective de la décristallisation des pensions, aucune dépense n'est en réalité intervenue en 2003.

Conformément au décret du 30 novembre 2003, l'application en 2004 de la décristallisation des pensions et retraites des anciens combattants d'outre-mer s'est faite selon les modalités suivantes :

- une nouvelle valeur du point de pension a été fixée, pays par pays, en fonction des parités des pouvoirs d'achat publiées par l'ONU. Pour chaque pays concerné, cette valeur ne peut être supérieure à la valeur du point français ni inférieure à la valeur actuelle majorée de 20 %. Les nouvelles valeurs ont été appliquées automatiquement à compter du 1 er janvier 2004 ;

- un rappel de quatre annuités a été prévu, égal à la différence entre la valeur de la pension calculée en fonction des nouvelles valeurs du point et celle de la pension cristallisée. Le coût de ces rappels est estimé à 60 millions d'euros, pour les pensions militaires d'invalidité et les retraites du combattant ;

- une révision des droits , pour les pensions militaires d'invalidité, a été autorisée, en cas d'aggravation des infirmités pensionnées ou d'infirmités nouvelles en relation avec celles déjà indemnisées. L'application de ces nouvelles dispositions suppose toutefois une demande expresse des intéressés. Au 30 juin 2004, 688 demandes de révision ont été reçues et 125 décisions, dont 27 positives, ont été rendues ;

- l'ouverture de droits à réversion est enfin également autorisée. Elle suppose également une demande expresse. Au 30 juin 2004, 1.426 demandes ont été reçues et 93 décisions d'attribution ont été prises ;

- les anciens combattants et leurs ayants droits concernés se sont vus ouvrir la possibilité, jusqu'au 31 décembre 2005, de renoncer à leur pension ou retraite en optant pour le versement d'un capital . Le nombre de demandes de sorties en capital pour 2004 n'a pas été précisé.

Le coût pour 2004 de l'application de la décristallisation des pensions des anciens combattants d'outre-mer s'élève à 23,8 millions d'euros au titre des pensions militaires d'invalidité au taux décristallisé et 54,9 millions d'euros au titre des quatre annuités de rappel prévues par le décret. S'agissant de la rentraite du combattant, l'application des nouvelles valeurs du point entraîne une dépense supplémentaire de 5 millions d'euros, à laquelle il convient d'ajouter 5,8 millions au titre des quatre annuités de rappel. La dépense totale s'élève donc à 89,5 millions d'euros.

Or, d'après les réponses du ministère délégué aux anciens combattants aux questions de la Cour des Comptes sur l'exécution du budget pour 2004, seul un cinquième de cette provision avait été maintenue en loi de finances initiale pour 2004, soit 15,5 millions au total. Si cette provision était effectivement suffisante pour couvrir l'annuité 2004 des pensions et retraites au taux décristallisé, elle ne tenait en réalité compte ni des sorties en capital, puisque leur principe n'avait pas été fixé au moment de l'élaboration du budget, ni des rappels d'annuités.

Dans la mesure où il s'agissait de crédits évaluatifs, pensions et retraites décristallisées, rappels et sorties en capital ont toutefois pu être versés dans leur intégralité et les bénéficiaires des pensions n'ont donc pas eu à souffrir des mauvaises prévisions de dépenses.

En 2005, le projet de budget affiche une provision supplémentaire de 32 millions d'euros, pour faire face aux sorties en capital, ce dont votre commission ne peut que se féliciter, une telle provision étant indispensable à la sincérité du budget. En revanche, l'ensemble des rappels d'annuité ayant été payés sur le budget pour 2004, votre commission considère qu'il n'y a effectivement plus lieu de prévoir des crédits à ce titre.

L'exercice 2006 devrait permettre le versement de la dernière tranche des sorties en capital du dispositif, après quoi le versement des pensions et retraites des anciens combattants d'outre-mer au taux décristallisé devrait reprendre son rythme de croisière.

b) La revalorisation du plafond majorable de la rente mutualiste du combattant

Les rentes mutualistes du combattant ont été créées en 1923, dans le souci de créer un lien de solidarité entre l'effort personnel d'épargne des anciens combattants et la reconnaissance de la Nation, par l'intermédiaire d'un concours financier de l'État.

Ainsi, en plus de la majoration légale que perçoit l'ensemble des titulaires de rentes viagères, les bénéficiaires de la rente mutualiste du combattant ont droit à une majoration spéciale égale, en règle générale, à 25 % du montant de la rente résultant de leurs versements personnels. Le total formé par la rente et la majoration spéciale est plafonné, l'ensemble des sommes inférieures à ce plafond étant exonérées d'impôt.

Deux éléments ont donc une influence sur le coût, pour l'État, des rentes mutualistes du combattant : le nombre de bénéficiaires et le montant des rentes souscrites, le nombre de bénéficiaires dépendant principalement du nombre de cartes du combattants et de titres de reconnaissance de la Nation attribués.

Or, il a été décidé en loi de finances initiale pour 2004 d'abaisser à quatre mois la durée de présence en Afrique du nord requise pour obtenir la carte du combattant. Il devrait, à terme, en résulter la mise en circulation de 20.000 nouvelles cartes et donc l'élargissement d'autant du nombre des bénéficiaires potentiels de la rente mutualiste.

Par ailleurs, la réévaluation de 27,5 points d'indice, depuis 1998, du plafond majorable de cette rente a eu un double impact : elle constitue une incitation pour certains anciens combattants à souscrire la rente, dans la mesure où l'effet de levier de leur épargne augmente et elle influe sur le montant des rentes. Malgré une pause dans le processus de revalorisation depuis la loi de finances pour 2004, on mesure encore aujourd'hui, compte tenu d'un certain « effet retard », l'effet des hausses successives du plafond majorable.

Or, celui-ci a été mal anticipé par les services financiers du ministère, puisqu'en 2003, il manquait 30 millions d'euros sur le chapitre 47-22 relatif aux rentes mutualistes et qu'en 2004, malgré une mesure nouvelle de 31 millions d'euros, il ne restait déjà plus, au 30 juin 2004, que 40 % des crédits prévus pour une année pleine.

Votre commission rappelle que les crédits relatifs aux rentes mutualistes ne sont pas des crédits évaluatifs : en cas d'insuffisance, les compagnies d'assurance et les groupes mutualistes qui avancent la majoration ne sont plus remboursés. Ainsi, en 2003, deux des plus importantes compagnies mutualistes n'ont pas été remboursées de leurs frais au titre de la rente du combattant.

C'est la raison pour laquelle le projet de budget pour 2005 prévoit une augmentation de 3,1 %, soit 6 millions d'euros, des crédits consacrés à la rente mutualiste du combattant. Votre commission reste toutefois réservée sur le caractère suffisant de cette mesure d'ajustement, compte tenu de la sous-évaluation chronique de ce chapitre.

c) La majoration des pensions de veuves

L'article 121 de la loi de finances pour 2004 a prévu l'augmentation uniforme de quinze points d'indice des pensions de veuves, versées en application des dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre à compter du 1 er juillet 2004 3 ( * ) .

Compte tenu de sa date d'entrée en vigueur, cette mesure n'a été financée qu'à mi-année en loi de finances initiale pour 2004, pour un montant total de 11,84 millions d'euros. Le projet de budget pour 2005 prévoit donc l'extension de ce financement en année pleine, à hauteur de 23,68 millions d'euros.

d) La modification des conditions d'attribution de la carte du combattant

L'attribution de la carte du combattant à l'ensemble des anciens combattants d'Afrique du nord pouvant justifier d'une présence au moins égale à quatre mois sur l'un des trois théâtres du conflit (Algérie, Tunisie et Maroc) avant la date du 2 juillet 1962, a été décidée par l'article 123 de la loi de finances pour 2004 pour des raisons d'équité.


Les motifs de l'alignement à quatre mois de la durée de présence requise en Afrique du nord pour l'attribution de la carte du combattant

Les particularités de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc ont amené le Gouvernement à créer, en 1998, un critère alternatif d'attribution de la carte du combattant : ainsi, une durée de services en Algérie d'au moins dix-huit mois a été reconnue équivalente à la participation à une action de feu ou de combat, condition exigée pour prétendre à la carte du combattant. Cette mesure a permis l'attribution de 39.157 cartes du combattant. Cette durée a été ramenée successivement à quinze mois en 1999, puis à douze mois l'année suivante.

Une exception à cette règle, elle-même déjà dérogatoire, a été ouverte pour les rappelés. Dans la mesure où ces derniers avaient été contraints à revenir sous les drapeaux en 1956, alors qu'ils avaient déjà effectué leur service militaire, il paraissait légitime de prévoir une règle particulière à leur égard : la durée requise pour l'attribution de la carte a donc été fixée pour eux à quatre mois.

Le précédent gouvernement a estimé que cette disposition nouvelle devait également bénéficier également aux fonctionnaires de police et aux CRS ayant effectué des séjours en Algérie totalisant au moins quatre mois de présence ; 1.587 policiers ont bénéficié de cette interprétation extensive, dont la base légale était au demeurant fragile.

Dans ces conditions, il était difficile de maintenir, pour l'ensemble des autres participants aux combats en Afrique du Nord, l'exigence d'une présence de douze mois. C'est la raison pour laquelle, la loi de finances pour 2004 a permis l'attribution de la carte du combattant pour une durée de services en Afrique du nord d'au moins quatre mois.

Cette mesure, applicable depuis le 1 er juillet 2004 et qui concerne environ 20.000 personnes, comporte une incidence budgétaire, tant sur la retraite du combattant que sur les rentes mutualistes. Sa mise en oeuvre relève des attributions de l'office national des anciens combattants et des victimes de la guerre (ONAC). Les demandes d'attribution de la carte du combattant sont actuellement en cours d'instruction par ses services départementaux.

Son coût s'élève en année pleine à 8,4 millions d'euros : c'est la raison pour laquelle le présent projet de budget prévoit une augmentation de 3 millions des crédits consacrés à la retraite du combattant, en plus des 3 millions déjà inscrits à ce titre en 2004, le solde étant inclus dans l'augmentation des crédits de la rente mutualiste.

B. PRÉPARER L'APPLICATION DE LA LOI ORGANIQUE RELATIVE AUX LOIS DE FINANCES POUR AMÉLIORER L'EFFICACITÉ BUDGÉTAIRE

Bien que votre commission ne puisse que se féliciter du dynamisme des actions engagées par le Gouvernement en faveur du monde combattant et qui se traduit par une augmentation exceptionnelle des crédits en 2005, elle considère que la valeur d'un budget ne se juge pas à la seule progression nominale de ses dépenses.

La mise en oeuvre, à compter de 2006, de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances devrait donner au Parlement de nouveaux outils pour juger de l'efficacité des dépenses budgétaires. Dès cette année, et même si son examen et son exécution continueront à se faire sous l'empire de la loi organique de 1959, le projet de loi de finances fait l'objet d'une double présentation, selon la nomenclature actuelle et selon la future nomenclature faisant référence à des programmes et à des actions, soumis à des objectifs et à des indicateurs chiffrés de performance.

Votre commission souhaite profiter de cette année de transition pour analyser les objectifs et indicateurs prévus par le Gouvernement et pour proposer les adaptations qui lui paraissent nécessaires pour donner toute leur efficacité à ces nouveaux outils.

1. Une nouvelle nomenclature budgétaire qui n'est pas exempte de limites

a) La nomenclature proposée

La nouvelle nomenclature budgétaire proposée par le Gouvernement regroupe les crédits qui figurent aujourd'hui dans la section budgétaire « anciens combattants » au sein d'une mission, intitulée Mémoire et liens avec la Nation qui recouvre à la fois l'actuel budget des anciens combattant et les crédits consacrés, au sein du budget de la défense, à la journée d'appel et de préparation à la défense (JAPD). Cette mission est découpée en deux programmes : « Liens entre la nation et son armée » et « Mémoire, reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant ».

Du point de vue des anciens combattants, le plus important est le second programme, décomposé en quatre actions :

- la première est intitulée « administration de la dette viagère » et regroupe les crédits relatifs aux pensions militaires d'invalidité et ceux consacrés à la retraite du combattant. Cette action aura le volume financier de loin le plus important ;

- la deuxième, dénommée « gestion des droits liés aux PMI » regroupe les crédits consacrés aux soins médicaux gratuits, au suivi sanitaire des anciens militaires et à l'appareillage des mutilés ;

- au sein de la troisième « solidarité » , se retrouvent les crédits relatifs à l'attribution des cartes et titres et aux emplois réservés, qui figuraient jusqu'ici au budget de la défense, ainsi que ceux relatifs au fonds de solidarité, au fonctionnement et aux investissements de l'ONAC et de l'Institution nationale des Invalides (INI) et aux dépenses d'action sociale de l'ONAC ;

- la dernière « entretien des lieux de mémoire » regroupe les crédits affectés aux travaux d'entretien des nécropoles nationales.

Les crédits de rémunération des personnels de la direction des statuts, des pensions et de la réinsertion sociale (DSPRS), principale direction responsable de la mise en oeuvre des actions de ce programme, seront ventilés, au prorata des agents occupés aux différentes tâches, entre les quatre actions.

En revanche, certains crédits figurant aujourd'hui dans la section budgétaire « anciens combattants » rejoignent le premier programme, au titre de sa deuxième action consacrée à la politique de la mémoire : tel est le cas des crédits concernant les frais de voyage et les subventions aux associations et fondations en faveur des actions de mémoire.

b) Une expérimentation dès 2005

Dans le cadre de la future nomenclature budgétaire en programmes et en actions, les crédits seront fongibles au sein d'un même programme, la répartition en actions étant donnée à titre indicatif. Afin d'expérimenter cette fongibilité des crédits, une globalisation au sein d'un même chapitre budgétaire de l'ensemble des crédits gérés par la DSPRS est prévue au titre de l'exercice 2005 : seront donc concernés les crédits de fonctionnement (rémunérations et charges sociales des personnels) et l'ensemble des crédits d'intervention placés sous la responsabilité de cette direction et de ses services déconcentrés.

Les crédits globalisés sont identifiés grâce à la création d'un nouveau chapitre budgétaire (46-30) intitulé « prestations et avantages ouverts aux bénéficiaires du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre » qui regroupe désormais les crédits relatifs aux réductions des tarifs de transports, aux indemnités et pécules, au fonds de solidarité, aux prestations de sécurité sociale remboursées par l'État au titre de la section comptable « invalides de guerre », aux soins médicaux gratuits, à l'appareillage des mutilés et à la majoration des rentes.

L'objectif de cette expérimentation de la globalisation des crédits est de tester la pertinence des objectifs proposés dans le cadre de la future nomenclature budgétaire, de déterminer les valeurs cible à retenir pour les indicateurs chiffrés et de finaliser les modalités du dialogue de gestion avec les services déconcentrés.

c) Les limites de la nouvelle nomenclature

La principale critique de votre commission s'agissant de la nouvelle nomenclature budgétaire proposée par le Gouvernement concerne la répartition des crédits relatifs à la politique de la mémoire, même si elle reconnaît que certains crédits gagnent en lisibilité : ainsi les crédits relatifs à l'entretien des nécropoles, s'agissant en tout cas des crédits de personnel, sont mieux identifiés.

Mais si la répartition envisagée est différente de celle applicable aujourd'hui, la politique de la mémoire reste scindée en deux : alors que les crédits de subvention aux associations et aux actions de mémoire et ceux consacrés aux pèlerinages sur les tombes de soldats morts pour la France, qui figuraient aujourd'hui dans la section budgétaire « anciens combattants » sont intégrés à l'action « Politique de la mémoire » du premier programme, la nouvelle nomenclature laisse subsister une action « Entretien des lieux de mémoire » au sein du deuxième programme.

Votre commission regrette que le Gouvernement n'ait pas choisi d'unifier la gestion de la politique de la mémoire et se soit en réalité borné à « inverser » la responsabilité des actions par rapport à la nomenclature actuelle, confiant au ministère de la défense la responsabilité des subventions en faveur des actions de mémoire et au ministère délégué aux anciens combattants l'entretien des tombes des soldats morts pour la France. Il estime qu'il aurait été plus judicieux de regrouper l'ensemble de ces crédits dans le même programme et sans doute au sein de l'action « politique de la mémoire » du premier programme.

2. Des objectifs et des indicateurs associés qui manquent parfois d'ambition

Le tableau ci-après récapitule les objectifs retenus par le Gouvernement pour le programme « Mémoire, reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant » , ainsi que les indicateurs chiffrés qui y sont associés.

Action 1 - Administration de la dette viagère

Objectif 1 : liquider les pensions au moindre coût et avec la meilleure efficacité possible (du point de vue du contribuable)

Indicateur 1 : dépense moyenne de liquidation d'un dossier de pension
Indicateur 2 : nombre moyen de dossiers de pension traités par agent

Objectif 2 : liquider les retraites du combattant au moindre coût et avec la meilleure efficacité possible (du point de vue du contribuable)

Indicateur 1 : dépense moyenne de liquidation d'un dossier de retraite
Indicateur 2 : nombre moyen de dossiers de retraite traités par agent

Objectif 3 : améliorer les délais de traitement des dossiers de pensions (du point de vue de l'usager)

Indicateur unique : délai moyen de traitement d'un dossier de pension

Action 2 - Gestion des droits liés aux pensions militaires d'invalidité

Objectif 1 : payer les soins médicaux gratuits au moindre coût et avec la meilleure efficacité possible (du point de vue du contribuable)

Indicateur 1 : dépense moyenne de liquidation d'un dossier de soins médicaux gratuits
Indicateur 2 : nombre moyen de dossiers de soins médicaux gratuits traités par agent

Objectif 2 : fournir les prestations d'appareillage au moindre coût et avec la meilleure efficacité possible (du point de vue du contribuable)

Indicateur 1 : dépense moyenne de liquidation d'un dossier d'appareillage
Indicateur 2 : nombre moyen de dossiers d'appareillage traités par agent

Objectif 3 : améliorer les délais de traitement des demandes d'appareillage (du point de vue de l'usager)

Indicateur unique : délai moyen de traitement d'un dossier d'appareillage

Action 3 - Solidarité

Objectif 1 : stabiliser le coût à l'acte de l'activité « solidarité » de l'ONAC (du point de vue du contribuable)

Indicateur unique : dépense moyenne par acte de solidarité

Objectif 2 : délivrer les cartes et titres au moindre coût et avec la meilleure efficacité possible (du point de vue du contribuable)

Indicateur unique : nombre moyen de dossiers traités par agent

Objectif 3 : fournir les prestations médicales, paramédicales et hôtelières aux pensionnés et hospitalisés de l'INI au meilleur rapport qualité-prix (du point de vue de l'usager)

Indicateur 1 : coût du point d'indice synthétique d'activité (ISA)
Indicateur 2 : coût moyen des prestations d'hôtellerie par journée d'hébergement
Indicateur 3 : indice de satisfaction des usagers

Action 4 - Entretien des lieux de mémoire

Objectif unique : entretenir les nécropoles nationales au moindre coût et avec la meilleure efficacité possible (du point de vue du contribuable)

Indicateur 1 : dépense moyenne d'entretien pour un mètre carré
Indicateur 2 : surface moyenne entretenue par un agent

a) L'objectif de réduction des coûts occulte le critère de la qualité du service

Neuf des objectifs retenus sur douze et quatorze indicateurs sur vingt, soit la très grande majorité d'entre eux, visent à la réduction du coût des services rendus, qu'il s'agisse de la liquidation des pensions et retraites, de l'attribution des différents titres, des prestations d'appareillage, des actions de solidarité ou encore de l'entretien des nécropoles.

Votre commission considère que la réduction des coûts n'est pas nécessairement un objectif illégitime, compte tenu notamment de la diminution inéluctable du nombre d'usagers concernés par les services rendus par le ministère délégué aux anciens combattants. A terme, la question du maintien de services spécialement consacrés aux anciens combattants devra nécessairement être posée et seul un service rendu dans les meilleures conditions de rapport « qualité/prix » donnera une légitimité à la préservation d'un service distinct. Votre commission note également que les objectifs et indicateurs retenus correspondent aux principes posés par la loi organique relative aux lois de finances, à savoir la recherche d'une amélioration de la dépense publique.

Elle observe toutefois que, mis à part les indicateurs relatifs à la réduction de la durée de traitement des demandes de pensions, de retraites et de titres, l'ensemble des indicateurs se place du point de vue du seul contribuable. Si une prise en compte du contribuable est tout à fait légitime, il n'en reste pas moins que le grand absent de ces indicateurs est l'usager, c'est-à-dire l'ancien combattant lui-même ou tout du moins le ressortissant de l'ONAC.

Aucun indicateur relatif à la qualité du service n'a en effet été retenu. Cet état de fait est particulièrement frappant s'agissant des dépenses de solidarité, puisque aucun indicateur sur la performance de l'aide sociale apportée par l'ONAC n'est prévu. Votre commission considère qu'il aurait pourtant été utile de mesurer la performance de cette aide du point de vue des intéressés. A cet effet, des indicateurs concernant la durée de présence au sein des dispositifs d'aide ou encore le montant des aides accordées au regard du nombre de personnes aidées auraient pu être envisagés.

S'agissant toujours de l'évaluation de la qualité du service, la même remarque est applicable aux objectifs et indicateurs concernant les appareillage : il aurait pu être instructif de disposer d'une évaluation du caractère adapté ou non des prescriptions ou encore de la satisfaction des personnes appareillées.

b) La traduction de la politique de la mémoire en objectifs et indicateurs se révèle difficile

L'analyse des objectifs et des indicateurs retenus au titre de l'action « politique de la mémoire » , qui figure au sein du premier programme consacré aux liens entre la nation et son armée, fait apparaître une difficulté à mettre en perspective cette politique.

Deux objectifs ont été retenus : sensibiliser à la mémoire des conflits et maîtriser le coût des actions de mémoire. Or, si le premier traduit bien une orientation forte de la politique de la mémoire, aucun lien n'est fait avec l'objectif général d'amélioration de la dépense qui doit sous-tendre la nouvelle présentation des crédits budgétaires. Ainsi, il aurait fallu viser l'efficacité des actions de sensibilisation plutôt que la sensibilisation elle-même. Les indicateurs retenus restent de simples indicateurs d'activité : rapporter ces indicateurs à la dépense correspondante aurait permis de dégager une réelle idée de l'efficacité des actions engagées. Votre commission estime qu'un indicateur de l'efficacité socio-économique des dépenses en faveur des actions de mémoire aurait pu être prévu, sur le modèle de celui mis en place pour apprécier l'efficacité des dépenses de communication du ministère de la défense.

Le second objectif, celui de la maîtrise du coût de la politique de la mémoire, est davantage conforme à la philosophie de la loi organique relative aux lois de finances mais aucun indicateur fiable n'est prévu pour son évaluation, sauf pour ce qui concerne la mesure de l'efficacité des programmes de rénovation des nécropoles. Votre commission engage le Gouvernement à mettre à profit l'année 2005 pour construire un tel indicateur.

II. L'ÉVOLUTION DES CRÉDITS PAR CATÉGORIES DE DÉPENSES : BILAN ET PERSPECTIVES

A. LE BILAN À MI-MANDAT DE LA POLITIQUE EN FAVEUR DES ANCIENS COMBATTANTS : LE SUCCÈS DE LA MÉTHODE DES PETITS PAS

1. L'objectif de réparation reste central

Les crédits relatifs à la réparation et à la reconnaissance des services rendus représentent 86 % du total des crédits affectés au budget des anciens combattants pour 2005. Ils sont presque stables (- 0,2 %) et s'élèvent à 2,9 milliards d'euros.

Votre commission ne reviendra pas, à ce stade, sur les facteurs d'évolution de la dette viagère et de la retraite du combattant. Elle souhaite toutefois s'arrêter sur deux outils du droit à réparation : les droits connexes aux pensions militaires d'invalidité que sont les soins médicaux gratuits et l'appareillage et le soutien à l'Institution nationale des invalides (INI).

a) La consolidation des droits connexes aux pensions d'invalidité

La diminution inéluctable du nombre de pensionnés pour invalidité n'a pas conduit, bien au contraire, le Gouvernement à ignorer les demandes du monde combattant dans le domaine du droit à réparation.

Ainsi, la loi de finances pour 2003 a permis la revalorisation du plafond de prise en charge des cures thermales pour les anciens combattants, à hauteur de cinq fois le plafond de la sécurité sociale, mettant ainsi fin à une mesure d'économie décidée par le précédent gouvernement qui avait pris par surprise les anciens combattants les plus modestes et les avait, en pratique, privés de cet aspect du droit à réparation.

Le Gouvernement s'est également engagé dans la modernisation du droit à réparation, à travers l'amélioration de la prise en charge des psychotraumatismes de guerre. Des bilans médicaux gratuits en matière de santé psychique ont été créés par la loi de finances pour 2003, afin de renforcer l'expertise médicale autour de ces nouvelles pathologies et de mieux orienter les anciens combattants dans la prise en charge des affections dont ils souffrent.

La même loi de finances a également créé un observatoire de la santé des vétérans, chargé de coordonner les actions destinées à améliorer la prise en charge médicale des militaires et anciens militaires.

Sa mise en place opérationnelle a été rendue possible par la publication du décret n° 2004-524 du 10 juin 2004 portant attributions et organisation de l'observatoire de la santé des vétérans qui lui confie les missions suivantes :

- établir une cartographie des risques encourus par les militaires ;

- aider au recueil des données permettant de disposer d'un historique de carrière des militaires et participer à la coordination d'un réseau de soins civils et militaires ;

- assurer une veille sanitaire, notamment en matière de pathologies émergentes, et piloter les enquêtes épidémiologiques nécessaires ;

- apporter un conseil scientifique dans la recherche d'imputabilité, sans se substituer aux directions départementales des anciens combattants, compétentes pour le traitement des pensions militaires d'invalidité.

La montée en charge de ces dispositifs explique en partie la stabilité des crédits affectés aux soins médicaux gratuits et à l'appareillage, malgré la diminution du nombre de pensionnés pour invalidité. Cette stabilité des ressources masque même en réalité une progression des dépenses, comme en témoigne l'exécution budgétaire pour 2003 et 2004.

Ainsi, en 2003, s'agissant des soins médicaux gratuits, le report de charge sur 2004 a atteint 25,4 millions d'euros, soit 6 millions de plus par rapport aux prévisions budgétaires initiales. En 2004, les services financiers du ministère délégué aux anciens combattants estiment que les crédits prévus resteraient insuffisants de 7 à 8 millions d'euros par rapport aux besoins, et ce même si le gel de 8 millions d'euros décidé en début d'année 2004 était levé. S'agissant des appareillages, on constate également un report de charge de 2003 sur 2004 qui confirme une tendance à la hausse du besoin pour la deuxième année consécutive.

b) Un effort important en faveur de l'INI

Les années 2003 et 2004 ont été des années charnières pour l'INI, puisque la première a vu l'accréditation de l'Institution par l'ANAES et la seconde la signature d'un nouveau projet d'établissement, embrassant à la fois le projet hospitalier et le projet hôtelier.

L'ensemble des mesures prévues dans le cadre de l'accréditation et du projet d'établissement a permis à l'INI de retrouver son équilibre budgétaire, ainsi que le niveau d'activité qui doit normalement être le sien et qui s'était effondré en 2002, du fait notamment du départ à la retraite de nombreux praticiens et de la fermeture pour cause de rénovation d'un certain nombre de lits. En témoigne, par exemple, le taux d'occupation du centre des pensionnaires qui a fortement augmenté puisqu'il est passé de 87 % en 2002 à 97,7 % en 2003.

Activité du centre des pensionnaires et du centre médico-chirurgical de l'INI
en nombre de journées réalisées.

 

2002

2003

2004 (prévisions)

2004 (au 30 juin)

Réalisation des prévisions

Centre des pensionnaires

29.121

30.227

29.100

15.360

53 %

Centre médico-chirurgical

16.957

22.995

24.200

13.281

55 %

Total

46.078

53.222

53.300

28.641

54 %

Le nouveau projet d'établissement fixe deux priorités à l'Institution : la sécurité des pensionnaires et des personnes hospitalisées et la modernisation des outils de gestion dans tous les domaines de son activité.

C'est bien la sécurité des personnes accueillies qui motive le soutien renforcé de l'État, à hauteur de 7,2 millions d'euros, soit une augmentation de 2 % de la subvention de fonctionnement de l'Institution. Il s'agit principalement d'aider l'INI à poursuivre la professionnalisation de son personnel, en insistant sur la permanence médicale indispensable à la sécurité de l'établissement et l'accompagnement des pensionnaires et grands invalides dans toutes ses composantes. Ainsi, pour la troisième année consécutive, l'État donne les moyens à l'Institution de faire face à ses missions et de sauvegarder son excellence dans le domaine de la grande dépendance et du grand handicap.

Après le financement, en 2004, du repyramidage du corps des infirmiers, la hausse de la subvention de l'État en 2005 devrait permettre le recrutement de deux techniciens supérieurs d'études et de fabrication (TSEF) destinés l'un, au renforcement de l'équipe du service informatique, et l'autre, à la création d'un poste de chargé de prévention dans le cadre de l'amélioration de la sécurité. Par ailleurs, afin d'étoffer le plateau technique, un ergothérapeute sera recruté.

S'agissant de la modernisation des outils de gestion, la mise en place de la comptabilité analytique a permis de dégager des coûts de fonctionnement par activité. Les prix de journée pour 2005 seront ainsi à la hauteur des coûts analytiques constatés. Cette comptabilité analytique devrait également faciliter le déploiement du système d'information hospitalière (PMSI) au sein de l'Institution et la préparation de son passage à la tarification à l'activité (T2A).

Votre commission ne peut que soutenir ces efforts qui permettront à l'INI de tenir toute sa place au service des grands invalides de guerre et, plus largement, au service des personnes handicapées.

c) L'indemnisation des orphelins de victimes de la barbarie nazie

La mise en place, à la suite des conclusions de la mission Mattéoli, d'une indemnisation spécifique des orphelins dont les parents ont été victimes des persécutions antisémites, avait pour objectif de permettre l'indemnisation des orphelins juifs qui, du fait des conditions de nationalité ou des mesures de forclusion restrictives applicables au régime d'indemnisation par l'Allemagne des victimes des persécutions nazies, n'avaient jamais été indemnisés.

Mais le champ d'application du décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000 a été défini de façon sans doute trop hâtive, de telle sorte qu'il a suscité, dès sa publication, un fort sentiment d'injustice parmi les orphelins de déportés, et même parmi les orphelins juifs eux-mêmes. Étaient en effet exclus du bénéfice de l'indemnisation :

- les orphelins dont les parents étaient bien morts du fait des persécutions antisémites mais fusillés ou massacrés en France et non en déportation ;

- les orphelins dont les parents étaient morts en déportation pour des motifs autres que leurs origines juives, et notamment pour faits de résistance.

C'est la raison pour laquelle, conformément à l'article 115 de la loi de finances pour 2003, le Gouvernement a confié à Philippe Dechartre, ancien résistant lui-même, une mission de réflexion sur l'indemnisation de l'ensemble des orphelins de victimes de la barbarie nazie.

L'ensemble des consultations et des études effectuées par M. Dechartre a convergé sur l'idée d'accorder aux orphelins des victimes du nazisme une indemnisation d'un montant identique à celui fixé par le décret du 13 juillet 2000, mais distincte dans sa base juridique. Toutefois, il est apparu que, si le mode d'indemnisation ne soulevait pas de difficulté juridique, la définition du périmètre des ressortissants éligibles à ce dispositif demandait une attention toute particulière, afin de ne pas susciter à nouveau un sentiment d'injustice en excluant à nouveau des personnes qui pourraient estimer relever du futur dispositif d'indemnisation.

C'est la raison pour laquelle, bien que le rapport de M. Dechartre ait été rendu public en septembre 2003, la publication du décret permettant l'indemnisation a été retardée pour permettre la conduite d'une étude préalable. Ces travaux ont abouti, après consultation du Conseil d'État, à la publication du décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 instituant une aide financière en reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie durant la deuxième guerre mondiale .

Il prévoit que toute personne dont le père ou la mère, de nationalité française ou non, a été déporté à partir du territoire national durant l'occupation, pour acte de résistance à l'ennemi ou pour des motifs politiques, et a trouvé la mort en déportation, a droit à une mesure de réparation, si elle était mineure de moins de vingt et un ans au moment où la déportation est intervenue.

Ce régime bénéficie également aux personnes du même âge au moment des faits, dont le père ou la mère, de nationalité française ou étrangère, a, durant l'occupation, été exécuté dans les circonstances ouvrant droit au titre d'interné résistant ou d'interné politique. Sont exclues du bénéfice de cette mesure les personnes qui reçoivent une indemnité viagère versée par la République fédérale d'Allemagne ou la république d'Autriche en raison des mêmes faits.

Comme dans le cadre du décret du 13 juillet 2000, l'indemnisation peut revêtir deux formes au choix de l'intéressé : un capital forfaitaire et unique de 27.440,82 euros ou une rente viagère mensuelle de 457,35 euros.

L'instruction des demandes relève, comme pour l'indemnisation des orphelins juifs, du ministère délégué aux anciens combattants, la décision de réparation étant prise par le Premier ministre. Le paiement des rentes viagères et des indemnités en capital est assuré par l'ONAC qui reçoit à cet effet des crédits du budget des services généraux du Premier ministre.

Les crédits prévus au budget du Premier ministre s'élèvent à 20 millions d'euros pour 2005. Il est évident que cette somme ne saurait représenter l'intégralité du financement de la mesure d'indemnisation. Il s'agit de la première annuité de sa montée en charge, cette somme ayant été déterminée en référence aux sommes dépensées lors de la première année d'application de l'indemnisation des orphelins juifs.

Votre commission soutient la mise en place de cette nouvelle indemnisation qu'elle demandait depuis la parution du décret du 13 juillet 2000. Elle ne peut d'ailleurs qu'approuver la solution retenue par le Gouvernement qui rejoint celle qu'elle proposait elle-même dès son avis sur le projet de loi de finances pour 2003 et qui permet tout à la fois de souligner la spécificité des persécutions dont ont été victimes les juifs de France et d'assurer une indemnisation équitable de l'ensemble des orphelins de victimes de la barbarie nazie.

2. La solidarité : l'avenir du budget des anciens combattants

Les crédits relatifs à la solidarité regroupent les financements nécessaires à la mission de l'ONAC, à la majoration des rentes mutualistes du combattant et les crédits du fonds de solidarité des anciens combattants d'Indochine et d'Afrique du Nord.

Les crédits consacrés à ces actions dans le projet de loi de finances pour 2005 s'élèvent à 476 millions d'euros, en augmentation de 2,5 % par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2004 et représentent 14 % du total du budget des anciens combattants. Ce poids augmente d'année en année puisqu'il était de 13,1 % en 2003 et de 13,7 % en 2004.

Votre commission ayant déjà exposé les facteurs d'évolution des crédits relatifs à la majoration des rentes et au fonds de solidarité, elle portera ici son attention sur le principal instrument de la politique de solidarité envers les anciens combattants, l'ONAC, dont l'État accompagne la mutation.

a) Un outil modernisé : l'ONAC

Initialement centrée sur la distribution des cartes et titres, l'activité de l'ONAC s'est redéployée depuis plusieurs années sur la solidarité et l'action sociale en faveur des anciens combattants et victimes de guerre, tout en développant une nouvelle mission, la mise en valeur de la mémoire combattante.

Ces changements conduisent l'office à repenser son organisation, notamment en termes de personnel. La baisse de la subvention de fonctionnement de l'État doit donc être replacée dans son contexte, à savoir le contrat d'objectifs et de moyens signé, de sa propre initiative, pour la période 2003-2007 par l'ONAC avec ses autorités de tutelle. Celui-ci prévoit un recentrage de l'office sur les activités qui constituent sa véritable vocation et, par conséquent, un effectif plus resserré pour faire face à ces missions.

Contrat d'objectifs et de moyens :
objectifs de gestion des effectifs des services départementaux de l'ONAC

 

Effectif budgétaire avant contrat au 31/12/2002

Objectif à la fin
du contrat

Catégorie A

105

101

Catégorie B

117

122

Catégorie C

426

149

Conseillers techniques (A)

6

0

Assistantes sociales (B)

44

61

Emplois jeunes

98

0

Délégués à la mémoire (A)

0

100

Total

796

533

Source : MICAC

L'année 2003 a ainsi vu la première tranche de la décroissance des effectifs de l'ONAC, avec la suppression de cinquante emplois d'adjoints administratifs dans les services départementaux. Cela s'est traduit par une première diminution de 1,6 million d'euros de la subvention de fonctionnement versée par l'État. Cette réduction des effectifs a reçu l'accompagnement de la cellule « Proxima Défense » qui permet aux agents des services départementaux volontaires de retrouver un poste au sein d'autres services du ministère de la défense ou d'autres administrations.

Dans le même temps, les maisons de retraite de l'ONAC ont été engagées dans un processus de rapprochement avec le droit commun applicable à ce type d'établissements. A cet effet, des contacts ont été pris avec les conseils généraux et l'assurance maladie pour le conventionnement tripartite de ces maisons, afin notamment d'éviter la prise en charge par l'office de charges qui reviennent normalement à l'assurance maladie. Au 30 juin 2004, six des neuf maisons de retraite de l'ONAC avaient signé leur convention tripartite.

En 2004, l'office a poursuivi sa politique de réduction des effectifs : comme en 2003, cinquante emplois d'adjoints administratifs ont été supprimés, entraînant une deuxième diminution de 1,6 million d'euros de la subvention de fonctionnement de l'État. Parallèlement, l'ONAC finance sur ses ressources propres le redéploiement d'une cinquantaine d'emplois, pour renforcer les personnels paramédicaux des maisons de retraite et les équipes enseignantes des écoles de reconversion professionnelle.

Le projet de budget pour 2005 prévoit à nouveau la suppression de cinquante emplois d'agents administratifs supplémentaires, correspondant à une nouvelle économie de 1,6 million d'euros sur la subvention de fonctionnement de l'État. Par ailleurs, les économies réalisées par l'office sur ses ressources propres, grâce notamment à l'externalisation de certaines activités dans les maisons de retraites, permettent de financer soixante nouveaux postes de délégués à la mémoire combattante correspondant à une contractualisation des actuels assistants mémoire embauchés sous contrat emploi jeune et parvenus en fin de contrat en 2003 et 2004.

Votre commission se félicite des conditions satisfaisantes dans lesquelles se déroule la mise en oeuvre du contrat d'objectifs et de moyens de l'office et notamment le plan de décroissance des effectifs. Elle observe toutefois que la méthode des départs volontaires vers d'autres administrations, si elle permet une diminution sereine des effectifs, risque de conduire à des résultats déséquilibrés selon les départements. Elle engage donc le Gouvernement à rester vigilant à ce sujet, afin de permettre le maintien d'un service de qualité dans tous les départements.

b) Un soutien renforcé à la politique d'action sociale de l'office

Alors que la subvention de l'État pour l'action sociale diligentée par l'ONAC était de 12,1 millions d'euros en 2004, elle s'établit pour 2005 à 12,6 millions d'euros, en augmentation de 3,8 %.

Votre commission approuve le renforcement du soutien de l'État à l'office au titre de ses actions de solidarité qui traduit la prise en compte de l'évolution des missions qui lui sont dévolues. Comme elle le soulignait déjà dans son avis de l'an passé, elle observe en effet que l'ONAC finance une part toujours plus importante de son action sociale sur ses fonds propres : de 17,5 % en 2001, cette part est passée à 18,2 % en 2002.

Répartition du financement de l'action sociale de l'ONAC

 

2001

2002

2003

Subvention versée par l'État

10,8

11,4

12,1

Fonds propres

2,3

2,4

2,7

Total

13,1

13,8

14,8

La demande d'action sociale adressée à l'ONAC s'est en effet renforcée depuis plusieurs années, le Gouvernement insistant régulièrement sur la mission de solidarité en faveur des anciens combattants et victimes de guerre qui lui est confiée, et la consolidation de la subvention versée par l'État en loi de finances initiale pour 2004 n'a pas suffi pour endiguer la pression exercée par les demandes d'aide sociale sur les fonds propres de l'Office.

La création, en 2003, de la nouvelle carte de veuve a également contribué à augmenter la demande d'aide sociale adressée à l'ONAC. Ainsi au 31 décembre 2003, les services départementaux de l'office avaient instruit 42.091 demandes et délivré 37.904 cartes.

La forte augmentation des aides individuelles attribuées à cette catégorie de ressortissants témoigne de la meilleure information dispensée aux intéressées : les interventions en faveur des veuves ont ainsi augmenté de plus de 29 % en volume et de 18 % en montant entre 2002 et 2003. Les résultats disponibles à la fin du premier semestre 2004 permettent d'ores et déjà de constater que 7.122 veuves ont bénéficié d'une intervention financière de l'office pour une dépense d'un montant global supérieur à 2,8 millions d'euros.

Interventions sociales individuelles par catégorie de ressortissants

 

Nombre d'interventions

Montants des aides attribuées
(en milliers d'euros)

Bénéficiaires

2002

2003

Évolution
en %

2002

2003

Évolution
en %

Anciens combattants

16.402

16.590

+ 1,1

4.533

4.640

+ 2,4

Harkis

1.328

1.362

+ 2,6

649

670

+ 3,3

Veuves

12.385

16.067

+ 29,7

4.351

5.154

+ 18,4

Pupilles et orphelins de guerre majeurs

1.310

1.407

+ 7,4

628

665

+ 5,9

Pupilles mineurs ou en études

569

659

+ 15,8

384

464

+ 20,6

Assistance aux ressortissants dans les TOM et à l'étranger

11.539

8.169

- 29,2

711

793

+ 11,5

Secours permanents et occasionnels aux compagnes et aux pensionnés hors-guerre

86

74

- 14,0

68

64

- 5,0

Subventions pour l'équipement automobile des grands invalides et mutilés de guerre

2

5

+ 150

2

7

+ 222

Total interventions individuelles

43.621

44.333

+ 1,6

11.326

12.457

+ 10,0

Prêts et avances remboursables

620

666

+ 7,4

855

979

+ 14,6

Total général

44.241

44.999

+ 1,7

12.181

13.436

+ 10,3

Il reste qu'à ce jour, moins de 1 % de l'effectif total des veuves a bénéficié d'une aide de l'ONAC depuis 1998, ce qui laisse à penser que la tendance à la hausse des aides accordées par l'office à cette catégorie de ressortissants devrait se poursuivre dans les années qui viennent. C'est la raison pour laquelle, connaissant les difficultés économiques et sociales multiples auxquelles sont confrontées un grand nombre de veuves qui ne disposent pas d'un droit à pension de réversion et pour lesquelles les secours de l'ONAC sont donc le seul recours, votre commission ne peut qu'encourager le Gouvernement à poursuivre son soutien à l'action sociale de l'office.

3. La politique de la mémoire face aux défis de la succession des générations

Les crédits relatifs à la mémoire combattante relèvent de deux sections budgétaires différentes : la section « anciens combattants » qui regroupe essentiellement les crédits liés aux partenariats avec le monde associatif, pour 1,8 million d'euros, et la section « défense » principalement axée sur la remise en état des sépultures de guerre et des lieux de mémoire et dont les crédits s'élèvent à 6,5 millions d'euros.

Crédits consacrés à la mémoire combattante

 

2002

2003

2004

2005

Section budgétaire « Anciens combattants »

Frais de voyage des familles

0,21

0,21

0,21

0,21

Subventions en faveur des actions de mémoire

1,99

2,30

2,12

1,61

Total

2,2

2,51

2,33

1,82

Section budgétaire « Défense »

Personnel recruté à l'étranger pour l'entretien des nécropoles

0,65

0,58

0,57

0,57

Commémorations, information historique et actions culturelles

2,50

3,43

2,83

2,82

Entretien des nécropoles nationales en France et à l'étranger

1,22

1,22

1,03

1,03

Remise en état des sépultures de guerre

4,88

6,60

1,16

1,15

Dotations pour les fondations de mémoire

9,15

3,36

0

0

Tourisme de mémoire

1,45

3,96

0,92

0,92

Total

19,85

19,15

6,51

6,49

Total général

22,05

21,66

8,84

8,31

L'ensemble de ces crédits connaît une baisse sensible, de l'ordre de 6 %, par rapport aux crédits inscrits en loi de finances initiale pour 2004. Les subventions en faveur des actions de mémoire, qui figurent à la section budgétaire « anciens combattants », diminuent notamment de 27 %, pour atteindre 1,6 million d'euros, soit moins de 0,1 % du total des crédits inscrits au budget des anciens combattants.

Il convient toutefois de nuancer cette baisse des crédits car les fonds qui seront réellement disponibles pourraient être bien supérieurs, compte tenu des reports de la gestion précédente. Ainsi, en 2004, les crédits ouverts s'étaient trouvés majorés de plus de 10 millions d'euros par rapport aux crédits prévus en loi de finances initiale. Dans la mesure où le taux de consommation des crédits relatifs à la mémoire plafonne à 60 %, il n'y pas de raison de penser que les reports de 2004 sur 2005 seront sensiblement moins importants.

Votre commission regrette d'ailleurs cette sous-consommation chronique des crédits qui lui paraît témoigner d'un manque de constance dans la volonté affichée par le Gouvernement de promouvoir une véritable politique de la mémoire imaginative et dynamique, à destination notamment des jeunes générations.

a) Le succès des cérémonies du souvenir

Outre les sept cérémonies nationales et l'hommage annuel rendu à Jean Moulin, la direction du patrimoine, de la mémoire et des archives (DPMA) a organisé, en 2004, des cérémonies ponctuelles demandées par le Haut conseil de la mémoire combattante, dont les plus importantes ont été celles présentées dans le cadre du soixantième anniversaire des débarquements et de la libération du territoire. Un hommage a également été rendu aux combattants de la campagne d'Italie de 1944 lors de deux cérémonies en Italie et les victimes de la barbarie nazie ont été honorées lors des cérémonies organisées à Tulle et Oradour-sur-Glane.

Votre commission se félicite du succès populaire remporté par ces commémorations, notamment auprès des jeunes générations, comme en témoigne l'émouvante cérémonie organisée avec le concours du l'Office franco-allemand de la jeunesse (OFAJ) au mémorial de Caen à l'occasion des cérémonies du débarquement de Normandie.

Elle note toutefois que si l'année 2004 a également vu le quatre-vingt-dixième anniversaire de la première bataille de la Marne et le cinquantième anniversaire de la bataille de Dien-Bien-Phu, les cérémonies organisées à ces deux occasions n'ont rencontré qu'un écho limité, malgré la présence du Président de la République qui fut très appréciée par les anciens combattants.

En 2005, les commémorations seront axées sur le soixantième anniversaire de la victoire de 1945 et de la fin de la seconde guerre mondiale ainsi que sur le soixantième anniversaire de la libération des camps.

Dans cette perspective, le pavillon français rénové d'Auschwitz et l'exposition qui y est présentée seront inaugurés, concrétisant ainsi un projet mené depuis 2003 en collaboration avec les autorités polonaises et la direction du musée d'État polonais d'Auschwitz-Birkenau. L'année 2005 verra également l'inauguration du centre européen du résistant-déporté dans le système concentrationnaire nazi, construit à proximité de l'ancien camp de concentration de Natzweiler-Struthof, en Alsace.

Votre commission insiste sur l'importance de donner à ces événements un retentissement qui sorte du cercle restreint des associations d'anciens combattants. C'est à cette condition que la politique de la mémoire cessera d'être une simple politique du souvenir pour devenir une politique de mise en valeur de l'histoire patriotique et combattante de notre pays.

b) Les nécropoles nationales : passer de l'entretien à la mise en valeur du patrimoine

En 1993, un programme a été établi pour la rénovation des nécropoles nationales et des carrés militaires de la première guerre mondiale qui, créés en 1920, avaient considérablement souffert du temps. Ce programme, qui couvrait la période de 1994 à 2000 pour un budget de 7,6 millions d'euros, n'a toutefois été satisfait qu'à hauteur de 60 %. C'est la raison pour laquelle un nouveau programme été engagé pour la période 2000-2008 qui prévoit qu'à l'issue des interventions sur les sépultures de la Grande Guerre, la rénovation des tombes de 1939-1945 sera amorcée.

Parmi les actions particulières accomplies en 2004, il convient de citer l'aménagement de la crypte de Thil (Meurthe-et-Moselle) dans le cadre de la valorisation d'un lieu de mémoire complémentaire au camp de concentration de Natzweiler-Struthof et la restauration du cimetière français de Sébastopol où reposent près de 45.000 soldats français morts pendant la guerre de Crimée, qui a pu aboutir après dix ans de négociations.

En ce qui concerne la nécropole nationale de Notre-Dame-de-Lorette, une convention d'intention avait été signée le 15 novembre 2001 entre le ministre délégué aux anciens combattants, le président du conseil régional du Nord-Pas-de-Calais, le président du conseil général du Pas-de-Calais et le président de la communauté d'agglomération de Lens-Liévin en vue de la restauration par l'État de la nécropole et de la valorisation du site par les collectivités locales. La DMPA a préparé un programme pluriannuel de travaux pour réaliser cette opération, qui prévoit pour 2005 la rénovation des ossuaires et des entrées de la nécropole.

Votre commission ne peut qu'approuver cette programmation de la rénovation des nécropoles nationales, d'autant plus qu'une enquête menée fin 2002 par le ministère délégué aux anciens combattants montre l'urgence d'une telle remise en état. Ainsi, 12 % des nécropoles seraient à restaurer complètement, de même que 13 % environ des monuments et des ossuaires à rénover. Par ailleurs, près de 15 % des murs d'enceinte, portes d'accès, allées ou escaliers devraient être remis aux normes de sécurité et 6 % des bâtiments annexes réparés.

Elle estime toutefois que la politique de la mémoire ne peut se borner à la programmation de travaux d'entretien et qu'il est nécessaire d'entreprendre une véritable démarche de mise en valeur du patrimoine de la France combattante. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle elle avait approuvé, dès 2003, l'initiative du ministère délégué aux anciens combattants de promouvoir le tourisme de mémoire.

Elle regrette donc qu'en 2004, le tourisme de mémoire ait souffert de l'annulation de l'ensemble des crédits d'investissement prévus en loi de finances initiale, hors contrats de plan État - régions, même si cette restriction d'activité a permis par contraste de mettre en valeur le rôle de relais local des services départementaux de l'ONAC.

Il convient toutefois de saluer la signature, le 9 février 2004 à Lille, d'une convention entre le secrétariat d'État au tourisme et le ministère délégué aux anciens combattants, afin d'améliorer l'information, l'accessibilité aux personnes handicapées et le multilinguisme sur les sites de mémoire.

B. POURSUIVRE LES RÉFORMES APRÈS 2005

1. Évaluer le bien-fondé de la revendication des anciens combattants d'AFN concernant la « campagne double »

Depuis 1962, les fonctionnaires et agents publics anciens combattants d'Afrique du Nord demandent que soit étudiée la possibilité de leur accorder le bénéfice de la « campagne double » pour la durée des services accomplis en temps de guerre. Les fonctionnaires anciens combattants d'Afrique du Nord s'estiment en effet frappés d'une injustice dans la mesure où ils bénéficient seulement de majorations pour campagne simple alors que les anciens combattants des conflits précédents ont eu droit à la majoration pour campagne double sous certaines conditions : En effet, l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraites a permis d'accorder des bonifications de campagne pour les conflits de 1914-1918, de 1939-1945 et d'Indochine notamment, même si toutes les périodes de ces conflits ne permettaient pas de bénéficier de la campagne double.


Le mécanisme des bénéfices de campagne

Les majorations de durée de service militaire prises en compte pour le calcul des pensions de retraite des militaires ont été créées il y a plus de quatre-vingts ans par la loi du 16 avril 1920. Leur bénéfice a été étendu aux fonctionnaires et ouvriers de l'État par les lois des 14 avril 1924 et du 27 juin 1929.

Ainsi, dans la fonction publique, le temps passé sous les drapeaux est considéré comme l'accomplissement de services effectifs. Il est donc pris en compte dans la constitution du droit à pension. En outre, il ouvre droit aux « bénéfices de campagne » lorsque les services ont été accomplis en temps de guerre. Dans ce dernier cas, la durée effective de services effectués en temps de guerre peut être majorée de 50% (demi-campagne), 100 % (campagne simple) ou 200 % (campagne double).

Pour en bénéficier, il n'est pas nécessaire d'être en possession de la carte du combattant.

Il faut relever que les salariés du secteur privé ne disposent d'aucune mesure de cette nature en matière de retraite. En revanche, ils bénéficient de dispositions spécifiques sur la validation des services et l'anticipation du départ en retraite.

Afin de répondre à l'attente des associations d'anciens combattants d'Afrique du Nord, le Gouvernement a décidé de confier à Christian Gal, inspecteur général des affaires sociales, une mission de clarification en vue d'une éventuelle attribution de la « campagne double » aux fonctionnaires et agents publics ayant participé à ce conflit.

D'après les informations transmises à votre rapporteur, cette mission sera réalisée en deux temps :

- une première étape de juillet à septembre 2004 consacrée aux prises de contacts avec les élus, les associations, les organisations publiques et les organismes parapublics concernés et au recueil des informations propres à permettre une première esquisse de solution. Cette première période fera l'objet d'un rapport intermédiaire, en fin d'année 2004 ;

- une seconde étape commencera au mois de mars 2005 et se terminera fin mai 2005 par la remise au ministre d'un rapport définitif.

Il subsiste à ce jour 101.000 militaires et 203.000 fonctionnaires pouvant revendiquer la qualité d'ancien combattant d'Afrique du Nord. Si le bénéfice de la « campagne double » était accordé à l'ensemble de ces agents, la dépense s'élèverait à 252 millions d'euros, mais à 51 millions d'euros seulement si l'on retenait l'hypothèse, proposée par le Gouvernement, de n'accorder le bénéfice de la « campagne double » que pour le temps effectué en unité combattante.

Votre commission soutient l'initiative du Gouvernement de clarifier le débat autour de la revendication des anciens combattants d'Afrique du Nord concernant la « campagne double ». Elle estime qu'à cette occasion, l'ensemble des données devra être pris en compte et notamment le fait que l'attribution de la « campagne double » ne bénéficierait qu'aux agents publics, alors que les anciens combattants du secteur privé ont souvent été placés dans une situation sociale précaire.

2. Poursuivre les négociations en faveur d'une indemnisation rapide et définitive des RAD - KHD

L'incorporation de force dans les formations paramilitaires allemandes du Reichsarbeitsdienst (RAD) et du Kriegshilfsdienst (KHD), instituées en avril 1941 en Moselle et en mai de la même année en Alsace, a concerné au total plus de 45.000 personnes, dont une forte proportion de femmes.

Assimilés au départ aux personnes contraintes au travail, les incorporés de force dans le RAD-KHD ne bénéficiaient que des mesures d'indemnisation prévues pour les victimes civiles de la guerre, sauf en matière de pension d'invalidité : en application des dispositions de l'article L. 239-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, les anciens du RAD-KHD bénéficient de droits à pension d'invalidité identiques à ceux des incorporés de force dans l'armée allemande.

Toutefois, à la suite de l'arrêt Kocher rendu par le Conseil d'État le 16 novembre 1973, il a été admis que les membres des RAD-KHD, engagés sous commandement militaire dans des combats, pouvaient se voir attribuer le certificat d'incorporé de force dans l'armée allemande qui leur ouvre droit à la carte du combattant, à la retraite du combattant et à la rente mutualiste du combattant, ainsi qu'à l'indemnisation versée par la Fondation « Entente franco-allemande » en application de l'accord intergouvernemental du 31 mars 1981.

Le certificat d'incorporé de force dans l'armée allemande leur est accordé toutes les fois où les conditions de l'arrêt Kocher sont remplies, quel que soit le type de formation ou d'emploi des intéressés, dès lors qu'il y a eu affectation à un poste de combat dans une zone d'opération militaire. Pour les RAD, la preuve personnelle de cette participation aux combats est réputée établie par l'affectation à l'une des unités dont les recherches d'archives ont établi qu'elles avaient été engagées dans les batailles. Une liste d'unités combattantes du RAD a été publiée.

La question de l'indemnisation par la fondation « Entente franco-allemande » ne demeure donc posée que pour les seuls incorporés de force dans des formations paramilitaires qui n'ont pas participé à des combats. Un certificat d'incorporé de force dans les formations paramilitaires allemandes a bien été créé à leur profit mais il n'ouvre droit à aucun avantage supplémentaire. Son attribution a toutefois permis le recensement des 5.661 alsaciens et mosellans survivants, potentiellement concernés par une extension de l'indemnisation par la fondation.

En 1998, le comité directeur de la fondation « Entente franco-allemande » avait approuvé le principe d'une indemnisation des derniers incorporés de force dans les formations paramilitaires allemandes mais elle avait subordonné son intervention à une participation financière de la France. Or, l'ensemble des partenaires concernés s'accorde à reconnaître que l'indemnisation des RAD-KHD relève de la responsabilité allemande et non de celle de la France.

Une réunion tenue à Strasbourg le 12 mai 2003 entre le secrétaire d'État aux anciens combattants, la fondation, les parlementaires alsaciens et lorrains et les associations locales d'anciens combattants a permis de relancer la réflexion sur un assouplissement des conditions de versement des indemnisations aux catégories d'incorporés de force qui n'en ont pas encore bénéficié.

Le Gouvernement a fait un pas en avant en proposant, contre toute logique juridique, d'abonder à hauteur de la moitié du coût de l'indemnisation des RAD-KHD les fonds de la fondation, mais celle-ci argue désormais d'une impossibilité d'assurer l'indemnisation du fait de ses statuts. Au cours des dernières négociations, elle a refusé huit modifications, ce qui bloque le dossier.

Votre commission regrette l'interprétation restrictive que la fondation fait de ses statuts pour refuser, malgré l'évidente bonne volonté du Gouvernement français et des intéressés, d'indemniser les anciens du RAD-KHD. Elle ne peut qu'encourager le Gouvernement à saisir directement les autorités allemandes pour débloquer cette situation dont personne ne souhaite qu'elle trouve son issue spontanée dans le simple déclin démographique des survivants de l'incorporation de force.

3. La revalorisation de la retraite du combattant : une mesure symbolique très attendue

Malgré son montant très modeste, la retraite du combattant constitue la mesure à laquelle le monde combattant est le plus attaché : mesure qui concerne le plus grand nombre d'anciens combattants, elle représente la reconnaissance des services rendus, assimilée par eux à une sorte de « légion d'honneur ».

Depuis 1954, le montant de cette retraite du combattant est fixé en référence à l'indice 33 des pensions militaires d'invalidité : pour une valeur du point de pension égale à 12,89 euros au 1 er janvier 2004, la retraite s'élève donc à 425,37 euros par an.

Votre commission reconnaît que la revalorisation demandée par les associations d'anciens combattants, qui consisterait à fixer le montant de la retraite en référence à l'indice 48, aurait un coût important : à raison de 16 à 17 millions d'euros par point supplémentaire, la dépense totale serait de l'ordre de 250 millions d'euros. Chacun s'accordera à dire que le contexte budgétaire actuel ne permet pas un effort aussi considérable, surtout s'il est concentré sur un seul exercice budgétaire.

Votre commission rappelle d'ailleurs qu'elle a toujours milité pour une revalorisation progressive sur cinq ans, l'objectif des quarante-huit points demandé par les associations pouvant de plus être révisé. Bien que le Gouvernement argue du fait qu'une revalorisation de la retraite ne serait sensible, sur le plan individuel, qu'à compter de trois points supplémentaires, votre commission estime qu'une augmentation, même plus modeste, de l'ordre d'un ou deux points, constituerait déjà un signal très fort en direction du monde combattant. Une mesure de cet ordre pourrait, en outre, être plus facilement financée par un redéploiement de crédits, par exemple ceux auparavant consacrés au fonds de solidarité aujourd'hui en voie d'extinction.

EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS

Article 72 quater (nouveau)
Simplification du rapport constant

Ajouté à l'Assemblée nationale, le présent article vise à remplacer par un dispositif plus lisible le mécanisme en vigueur depuis la loi de finances pour 1990, permettant la revalorisation annuelle du point des pensions militaires d'invalidité, autrement appelé « rapport constant ».

La loi du 31 mars 1919, qui créa les pensions militaires d'invalidité n'avait prévu aucun mécanisme de revalorisation de leur montant ; les gouvernements y procédaient donc au coup par coup de manière aléatoire. Il en résulte, en 1945, un décalage important entre l'évolution du niveau des pensions et celle du niveau de vie. Pour y remédier, la loi du 27 février 1948 mit en place un rapport constant entre le taux des pensions et les traitements des fonctionnaires : toute augmentation des traitements de la fonction publique entraîne depuis lors une augmentation des pensions.

En 1953, le mécanisme du rapport constant fut une nouvelle fois amendé, afin de fixer, pour chaque taux d'invalidité, un indice de pension exprimé en points et de définir la valeur de ce point d'indice : cette valeur fut alors fixée par référence au millième du traitement correspondant à l'indice de fin de carrière d'un huissier à cette époque.

Le mécanisme ainsi créé connut une mise en oeuvre chaotique, puisqu'à plusieurs reprises, en 1978 puis en 1987, un décalage entre l'évolution de la valeur du point de pension et celle des traitements de la fonction publique fut à nouveau constaté. Un contentieux permanent se fit jour, concernant la prise en compte des mesures catégorielles pour l'évolution de la valeur du point de pension.

La rédaction actuelle de l'article L. 8 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre résulte de l'article 123 de la loi de finances pour 1990. Elle prévoit que le montant des pensions évolue à la fois :

- au cours de l'année, sur la base des augmentations générales dont bénéficient les fonctionnaires de l'État ;

- au 1 er janvier de chaque année, en fonction de l'évolution de l'indice moyen annuel de l'ensemble des traitements bruts calculés par l'INSEE. Dans la mesure où cet indice englobe, outre les augmentations générales, les mesures spécifiques accordées à certaines catégories de fonctionnaires, le nouveau mécanisme proposé permet donc enfin la prise en compte des mesures catégorielles.

Enfin, un supplément de pension est versé au titre de l'année écoulée, lorsqu'un décalage est constaté entre la valeur du point au 31 décembre de l'année n - 1 et celle au 1 er janvier de l'année n .

Les associations d'anciens combattants dénoncent depuis l'origine le manque de lisibilité du mécanisme du rapport constant et les délais apportés au versement des rappels du recalage annuel de la valeur du point.

C'est la raison pour laquelle, conformément à la demande des associations, le Gouvernement a mis en place un groupe de travail conjoint entre le ministère délégué aux anciens combattants et le ministère de l'économie et des finances, afin de proposer une amélioration de ce dispositif.

La solution proposée par cet article additionnel reprend en réalité celle suggérée par le rapport sur les perspectives de la revalorisation des indices de référence utilisés pour le calcul des pensions, établi en application de l'article 126 de la loi de finances pour 2002 : il s'agit d'appliquer au point des pensions militaires d'invalidité l'évolution de l'indice INSEE des traitements de la fonction publique, à chacune de ses variations, ce qui permet de prendre en compte en temps réel l'ensemble des évolutions des traitements, qu'il s'agisse de mesures générales ou catégorielles, et d'améliorer la lisibilité du système en évitant les recalages de la valeur du point et les rappels de pensions annuels.

Votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article.

Article 72 quinquies (nouveau)
Indemnisation des anciens prisonniers de l'ALN

Le décret n° 73-74 du 18 janvier 1973, validé par la loi n° 83-1109 du 21 décembre 1983, prévoit la possibilité d'indemniser, en raison de leur nature, les infirmités attribuées à la captivité dans des camps à régime sévère, selon des conditions dérogatoires aux règles d'imputabilité de droit commun.

Ce régime dérogatoire ne s'applique toutefois qu'aux prisonniers qui ont été détenus dans des camps précisément énumérés. Or, les camps de prisonniers ou les prisons de l'armée de libération nationale (ALN) ne figuraient pas jusqu'ici sur cette liste.

Des crédits supplémentaires, d'un montant de 213.429 euros, avaient pourtant été ouverts, en loi de finances initiale pour 2000, pour permettre l'extension aux anciens prisonniers de l'ALN des conditions favorables d'indemnisation des infirmités et maladies prévues pour l'ensemble des prisonniers détenus dans des camps dits « sévères ». Le nombre de bénéficiaires était évalué à une soixantaine de personnes.

Cependant, l'attribution de ces crédits n'emportait pas l'ouverture du droit à pension, puisque la loi de finances pour 2000 ne modifiait pas parallèlement la liste des camps ouvrant droit à l'indemnisation.

L'article additionnel adopté par l'Assemblée nationale aménage les textes en vigueur, permettant ainsi l'indemnisation des intéressés. Il met fin à la situation singulière, qui dure depuis quatre ans, d'une indemnisation qui restait juridiquement impossible alors même que les crédits correspondants avaient été votés.

Votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article .

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DU MINISTRE

Réunie le mardi 26 octobre 2004 sous la présidence de M  Nicolas About, président, la commission a procédé à l'audition de M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué aux anciens combattants sur le projet de budget de son ministère pour 2005.

M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué aux anciens combattants, a d'abord souligné l'augmentation significative des crédits du projet de budget des anciens combattants pour 2005, après une décennie de baisse, preuve de l'attention que le Gouvernement porte au monde combattant, dans un contexte financier pourtant difficile. La Nation consacrera, en 2005, 3,39 milliards d'euros aux anciens combattants, soit une hausse des crédits par ressortissant de près de + 4 %.

Cette tendance résulte d'abord des mesures de justice, de solidarité et d'équité décidées par le Gouvernement, plusieurs des dispositions prises en 2004 produisant, pour la première fois, leur effet en année pleine. Il a ainsi évoqué l'harmonisation des conditions d'attribution de la carte du combattant en Afrique du Nord, désormais attribuée, pour l'ensemble des appelés d'Algérie, Tunisie et Maroc, à partir de quatre mois de séjour avant le 2 juillet 1962, ainsi que l'augmentation de 15 points des pensions des veuves.

Il a observé, en outre, que l'augmentation du budget en 2005 s'explique par une raison démographique, de nombreux anciens combattants de la guerre d'Algérie atteignant 65 ans, âge à partir duquel ils commencent à percevoir la retraite du combattant.

Il a précisé, par ailleurs, que le projet de budget pour 2005 porte la marque de la priorité sociale retenue par le Gouvernement : en témoigne l'augmentation de près de 4 % des crédits sociaux de l'ONAC, qui atteindront 12,6 millions d'euros, alors qu'ils étaient, jusqu'en 2003, partiellement financés par la réserve parlementaire. Cette hausse a été décidée à la suite des conclusions du rapport consacré aux anciens combattants et leurs veuves dont les revenus sont inférieurs au SMIC, établi en application de l'article 122 de la loi de finances pour 2004.

Abordant la question de l'indemnisation des orphelins des victimes d'actes de barbarie pendant la deuxième guerre mondiale, M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué aux anciens combattants, a indiqué que ceux-ci bénéficieront d'une indemnisation identique à celle accordée aux orphelins des déportés de la Shoah par le décret du 13 juillet 2000. 500 dossiers d'orphelins de déportés, de fusillés et de massacrés sont d'ores et déjà en instance de réponse auprès du secrétariat général du Gouvernement. Les crédits nécessaires au financement de cette nouvelle indemnisation sont inscrits au budget du Premier ministre et s'ajoutent donc aux crédits du budget des anciens combattants.

Il a ensuite évoqué la question du « rapport constant », que le Gouvernement a décidé de rendre plus lisible. Le débat récurrent sur l'évolution de la valeur du point de pension va trouver son issue grâce à un mécanisme d'ajustement identique, en niveau et en rythme, à celui applicable au point « Fonction publique ».

Il a également souhaité mettre en perspective son action avec le mouvement, plus large, de réforme de l'État : l'exécution du contrat d'objectifs et de moyens de l'ONAC, qui entre dans sa troisième année, est conforme aux objectifs fixés en 2002 et approuvés par le monde combattant ; l'Institution nationale des Invalides (INI) devrait conclure un contrat du même ordre avant la fin de l'année 2004 et une « démarche qualité » a été engagée dans le domaine des pensions afin de réduire les délais de gestion des dossiers.

M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué aux anciens combattants, a constaté que le projet de budget pour 2005 répond à la volonté affirmée par le Gouvernement, dès sa nomination, de répondre aux attentes légitimes des anciens combattants. S'il est impossible, pour 2005, de revaloriser la retraite du combattant, des avancées ont été réalisées depuis lors : la décristallisation des pensions des anciens combattants des pays anciennement sous souveraineté française, l'indemnisation des orphelins des victimes de la barbarie pendant la deuxième guerre mondiale, l'harmonisation des conditions d'attribution de la carte du combattant AFN, l'augmentation des pensions des veuves et celle des crédits sociaux de l'ONAC, le rétablissement du remboursement des cures thermales, la revalorisation de 7,5 points du plafond majorable des rentes mutualistes, la sauvegarde de l'ONAC, la modernisation de l'INI, la création d'un bilan médical gratuit pour les névroses traumatiques de guerre et d'un observatoire de la santé des vétérans et, dans le domaine de la mémoire, la création d'une journée d'hommage aux Harkis et d'une journée nationale d'hommage aux morts pour la France en Afrique du nord.

Enfin, M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué aux anciens combattants, a insisté sur le fait que la politique de mémoire est une priorité de son action, dont témoignent les 845 commémorations organisées en 2004 en Normandie, en Provence et à Paris, et qui trouveront leur prolongement en 2005 pour le 60 e anniversaire de la victoire sur le nazisme, de la libération des camps de concentration, du retour des prisonniers de guerre et des victimes du service du travail obligatoire et, enfin, de la victoire dans le Pacifique.

M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis des crédits affectés aux anciens combattants , s'est félicité des progrès enregistrés depuis 2002 en faveur du monde combattant. Il a souhaité connaître le coût des mesures prévues au titre du budget des anciens combattants pour 2005. Revenant sur la publication, le 27 juillet 2004, d'un décret instituant l'indemnisation des orphelins de victimes de la barbarie nazie, il s'est interrogé sur l'impact budgétaire et le calendrier de mise en oeuvre de cette mesure. Il a rappelé la revendication des anciens combattants d'Afrique du Nord pour obtenir le bénéfice de la « campagne double ». Il s'est ensuite enquis des principaux axes du projet d'établissement de l'INI. Il a enfin voulu savoir si le Gouvernement envisage, à moyen terme, une revalorisation de la retraite du combattant.

M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué aux anciens combattants, a rappelé que le budget des anciens combattants pour 2005 s'élève à 3,39 milliards d'euros, soit une augmentation globale de 0,14 % et une hausse par ancien combattant de 4 % par rapport à 2004. Cette augmentation des crédits résulte d'une évolution démographique contrastée, l'arrivée à l'âge de la retraite de contingents importants d'anciens combattants d'Afrique du Nord compensant la diminution inéluctable du nombre de pensionnés pour invalidité.

Concernant l'indemnisation des orphelins de victimes de la barbarie nazie, il a indiqué que l'inscription d'une provision de 20 millions d'euros au budget du Premier ministre a été calibrée en fonction de sa montée en charge, sept à huit mille personnes devant bénéficier de cette nouvelle mesure d'indemnisation.

Il a ensuite expliqué qu'une mission d'études a été confiée à un inspecteur général des affaires sociales sur la question de la « campagne double » pour les anciens combattants d'Afrique du Nord et qu'un rapport d'étape est attendu pour la fin du mois de novembre 2004.

Abordant ensuite la question de la modernisation de l'INI, il a souligné la nécessité de prévoir des exigences adaptées au type de prestation, hospitalière ou hôtelière, fournie par l'institution. Le projet hospitalier de l'INI a fait l'objet d'une démarche d'accréditation auprès de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES), dont les conclusions ont été positives. L'INI s'engage désormais dans l'élaboration d'un contrat d'objectifs et de moyens global, prévoyant notamment le recrutement de professionnels de qualité.

S'agissant enfin de la retraite du combattant, il a précisé que ses services travaillent en concertation avec les associations d'anciens combattants pour déterminer les priorités de chaque exercice budgétaire et que la revalorisation de la retraite n'avait pas été retenue à ce titre pour 2005.

M. Jacques Baudot, rapporteur spécial de la commission des finances, a souligné l'adoption de ce budget à l'unanimité par la commission des finances. L'augmentation des crédits consacrés aux anciens combattants en 2005 contraste avec les dix années précédentes marquées par une baisse moyenne de 2,41 %. Il s'est déclaré, en outre, satisfait de la montée en charge de la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances.

Revenant sur la publication du décret du 27 juillet 2004, il a fait état des réclamations de certains orphelins pour que le décalage de quatre ans entre l'indemnisation des orphelins de confession juive et celle des autres catégories d'orphelins soit compensé, tout en les estimant peu fondées. Il a enfin regretté qu'aucune revalorisation, même symbolique, de la retraite du combattant ne soit prévue en 2005.

M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué aux anciens combattants, a expliqué que la mise en oeuvre rétroactive de l'indemnisation des orphelins de victimes de la barbarie nazie n'est pas envisageable car la nouvelle indemnisation n'a ni les mêmes causes, ni le même périmètre d'éligibilité, que celle prévue par le décret du 13 juillet 2000.

M. Guy Fischer a fait valoir que l'augmentation de 0,14 % du budget des anciens combattants pour 2005 est due en réalité à la montée en charge de mesures votées en 2003 et 2004. Il a déploré le fait qu'aucune mesure nouvelle ne soit envisagée pour 2005. Évoquant le rapport sur les anciens combattants et leurs veuves disposant de ressources inférieures au SMIC, il a regretté que celui-ci s'en tienne à un simple état des lieux et que la question de la création d'une allocation différentielle de solidarité soit éludée. Il s'est enfin inquiété de la diminution des effectifs de l'ONAC, susceptible de conduire à une remise en cause du service de proximité assuré par ses antennes départementales.

Mme Gisèle Printz a également souligné l'absence de mesure nouvelle dans ce projet de budget, notamment en matière de revalorisation de la retraite du combattant et du plafond majorable des rentes mutualistes du combattant. Elle a fait état de l'injustice frappant certains orphelins exclus du périmètre du décret du 27 juillet 2004. Elle a enfin souhaité connaître l'état d'avancement des négociations avec la fondation « Entente franco-allemande » concernant l'indemnisation des anciens incorporés de force dans les formations paramilitaires allemandes.

Mme Bernadette Dupont a observé que les associations locales d'anciens combattants se prévalent de leurs dépenses d'action sociale en faveur de leurs adhérents à l'appui de leurs demandes de subvention et qu'elles paraissaient donc ignorer l'existence de crédits d'action sociale intégrés dans le budget de l'ONAC.

M. Gilbert Barbier s'est fait l'écho des difficultés de mise en oeuvre de l'harmonisation à quatre mois de la durée de présence requise en Afrique du Nord pour l'obtention de la carte du combattant, insistant sur le fait que cette harmonisation place sur le même plan militaires de carrière et appelés du contingent.

M. Marcel-Pierre Cléach, président du groupe d'études des sénateurs anciens combattants , a regretté l'absence de revalorisation du plafond majorable de la rente mutualiste du combattant, estimant que cette mesure peu coûteuse recevrait l'assentiment de l'ensemble du monde combattant. Il a souhaité connaître les principales mesures envisagées dans le cadre du contrat d'objectifs et de moyens de l'ONAC.

M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué aux anciens combattants , a tout d'abord rappelé que si l'objectif du rapport consacré aux anciens combattants et leurs veuves disposant de ressources inférieures au SMIC est d'établir un recensement des ressortissants de l'ONAC disposant de faibles ressources, cela ne signifie pas pour autant que le Gouvernement n'envisage pas d'améliorer leur situation.

Revenant sur le contrat d'objectifs et de moyens de l'ONAC, il a rappelé que la réduction des effectifs a été proposée par le conseil d'administration de l'Office lui-même et que les suppressions de postes se sont accompagnées de mesures de restructuration d'un certain nombre de corps de fonctionnaires.

Il a souligné la difficulté à laquelle s'est heurté le Gouvernement pour définir le périmètre d'éligibilité à la nouvelle indemnisation des orphelins de victimes de la barbarie nazie de la manière la plus large et équitable que possible mais il a reconnu, que dans un certain nombre de cas, le juge devra apprécier in concreto si les conditions d'indemnisation sont réunies.

Abordant ensuite la question de l'indemnisation des alsaciens et des mosellans incorporés de force dans le Reicharbeitsdienst (RAD) et le Krieghilfsdienst (KHD), il a rappelé les démarches entreprises par le Gouvernement auprès de la fondation « Entente franco-allemande », qui en est chargée. Il a souligné la bonne volonté du Gouvernement français, qui a proposé de prendre à sa charge la moitié de l'indemnisation, bien que celle-ci relève normalement de la responsabilité allemande. Il a regretté que la fondation, interprétant très restrictivement ses statuts, ait jusqu'à ce jour refusé toute solution de compromis.

Il a souligné que les subventions attribuées par l'ONAC aux anciens combattants sont des subventions individuelles et qu'elles ne recoupent donc pas entièrement le champ de celles qui sont versées par les collectivités territoriales aux associations locales d'anciens combattants. Il a toutefois concédé l'utilité d'une meilleure coordination de ces subventions, individuelles et collectives, afin d'améliorer l'efficacité globale de l'action sociale en faveur du monde combattant.

Revenant enfin sur les conditions d'attribution de la carte du combattant, il a rappelé que l'harmonisation à quatre mois de la durée de séjour en Afrique du nord requise pour l'obtention de la carte constitue une mesure d'équité dans la mesure où, jusqu'à présent, la durée exigée des appelés du contingent était de douze mois, mais de quatre mois pour les policiers et CRS. Le projet de budget pour 2005 prend en compte les conséquences financières de cette harmonisation sur les dépenses de retraite du combattant.

II. EXAMEN DE L'AVIS

Réunie le mercredi 24 novembre 2004 sous la présidence de M  Nicolas About, président, la commission a procédé à l' examen du rapport pour avis de M. Marcel Lesbros sur le projet de loi de finances pour 2005 (crédits consacrés aux anciens combattants ) .

M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis , a présenté les grandes lignes de son rapport (cf. exposé général du présent avis).

Mme Bernadette Dupont a fait part de la perplexité que lui inspire le projet de budget des anciens combattants pour 2005. Elle a jugé paradoxal d'indemniser des orphelins de la seconde guerre mondiale, désormais âgés de plus de 60 ans et qui ont souvent pu se constituer des droits à retraite pendant toute leur carrière, alors que de nombreuses veuves d'anciens combattants d'Afrique du Nord sont exclues, du fait de conditions de ressources extrêmement restrictives, du bénéfice des pensions de réversion et de l'aide sociale de l'ONAC. Revenant sur la question des incorporés de force dans les formations paramilitaires allemandes, elle a relevé qu'une indemnisation ne réglera pas l'ensemble des problèmes, notamment sociaux, rencontrés par les intéressés.

M. Paul Blanc a souhaité connaître le nombre de nouveaux bénéficiaires potentiels de la retraite du combattant dans les cinq prochaines années. Évoquant ensuite la question de la « campagne double » pour les anciens combattants ayant la qualité d'agents publics, il s'est insurgé contre une mesure qui ne concernerait que le secteur public, alors que la réintégration professionnelle des anciens combattants du secteur privé a souvent été beaucoup plus difficile.

Mme Gisèle Printz a précisé que la plupart des personnes exclues de l'indemnisation au titre de l'incorporation de force par la fondation « Entente franco-allemande » étaient des femmes et que celles-ci, au-delà d'une indemnisation financière, souhaitaient obtenir une reconnaissance de leurs souffrances. Elle a regretté par ailleurs l'absence de toute mesure de revalorisation de la retraite du combattant dans le projet de budget pour 2005. Elle a souhaité également qu'une solution d'indemnisation équitable soit apportée à la situation des anciens prisonniers du camp de Tambow, situés du mauvais côté de la « ligne Curzon ». Elle a rappelé enfin l'opposition de plusieurs grandes associations à la date retenue pour la commémoration des combats en Afrique du Nord et s'est déclarée, à titre personnel, attachée à la date du 19 mars.

M. Guy Fischer a estimé que le Gouvernement avait fictivement minoré le projet de budget pour 2004 et majoré en conséquence celui pour 2005. Il a déploré l'absence de mesures nouvelles concernant la retraite du combattant, la rente mutualiste du combattant et l'aide aux veuves. Il a craint que la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances ne conduise à remettre en cause l'existence d'un budget autonome pour les anciens combattants. Regrettant lui aussi que la date de commémoration des combats en Afrique du Nord ait été fixée au 5 décembre et non au 19 mars, il a indiqué que son groupe s'opposera à l'adoption du projet de budget des anciens combattants pour 2005.

M. Michel Esneu a souhaité savoir si les lycées, qui organisent des sorties et des voyages sur différents lieux de mémoire, peuvent obtenir des subventions spécifiques pour soutenir leurs actions.

M. Jean-Paul Godefroy a fait part de ses difficultés à mobiliser les enfants des écoles pour les cérémonies commémoratives du 11 novembre et du 8 mai. Il a déploré que la grande distribution fasse de ces jours dédiés au souvenir des occasions d'opérations promotionnelles, détournant ainsi les citoyens de leur devoir de mémoire. Il a estimé qu'il ne devrait pas être accordé d'ouverture des magasins durant ces jours fériés.

M. Nicolas About, président, a considéré que la présence des enfants au monument aux morts dépend également du degré de motivation des enseignants pour les sensibiliser et les accompagner.

Répondant à l'ensemble des intervenants, M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis, a rappelé que le projet de budget des anciens combattants pour 2005 comporte plusieurs mesures nouvelles : la majoration de la dotation d'action sociale de l'ONAC, l'amélioration de l'indemnisation des anciens prisonniers d'Afrique du Nord, la simplification du rapport constant et l'indemnisation des orphelins de victimes de la barbarie nazie.

Il a confirmé que la priorité du monde combattant porte sans conteste sur la revalorisation de la retraite du combattant. Il a estimé qu'une augmentation d'un ou deux points constituerait déjà une avancée souhaitable et il s'est engagé à insister en ce sens auprès du Gouvernement.

Il a reconnu que les conditions de ressources opposées aux veuves d'anciens combattants sont très restrictives mais il a rappelé que les 131.000 veuves pensionnées ont récemment bénéficié d'une majoration de 15 points de leurs pensions, soit 193 euros.

Il a enfin précisé que le nombre des anciens combattants d'Afrique du Nord susceptibles de bénéficier, dans les deux années à venir, de la retraite du combattant, s'élevait à 61.000, les plus jeunes ayant désormais atteint l'âge de 63 ans.

La commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés aux anciens combattants pour 2005 , ainsi qu'aux articles 72 quater et 72 quinquies qui lui sont rattachés .

Au cours de sa réunion du 24 novembre 2004, la commission des Affaires sociales a émis un avis favorable à l'adoption des crédits des anciens combattants pour 2005. Elle a émis un avis favorable à l'adoption des articles 72 quater et 72 quinquies rattachés à ces crédits.

* 1 L'article L. 381-23 du code de la sécurité sociale dispose en effet que la couverture du risque maladie des invalides de guerre est assurée par une cotisation des bénéficiaires sur leur pension et « par une contribution inscrite chaque année au budget général de l'Etat et dont le montant est déterminé, compte tenu du coût moyen des risques pour l'année précédente et de la cotisation prévue au présent article ».

* 2 Il s'agit du décret n° 2003-1044 du 30 novembre 2003 pris pour l'application de l'article 68 de la loi de finances rectificative pour 2002 instituant un dispositif de révision des prestations versées aux ressortissants des pays placés antérieurement sous la souveraineté française résidant hors de France.

* 3 Cet article a fait l'objet du décret d'application n° 2004-694 du 13 juillet 2004 portant augmentation uniforme des pensions des veuves attribuées au titre du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre à compter du 1er juillet 2004.

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