N° 85

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2005-2006

Annexe au procès-verbal de la séance du 16 novembre 2005

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi portant engagement national pour le logement ,

Par Mme Valérie LÉTARD,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gérard Dériot, Jean-Pierre Godefroy, Mmes Claire-Lise Campion, Valérie Létard, MM. Roland Muzeau, Bernard Seillier, vice-présidents ; MM. François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Anne-Marie Payet, Gisèle Printz, secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, MM. Jean-Paul Amoudry, Gilbert Barbier, Daniel Bernardet, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mmes Isabelle Debré, Christiane Demontès, Sylvie Desmarescaux, M. Claude Domeizel, Mme Bernadette Dupont, MM. Michel Esneu, Jean-Claude Etienne, Guy Fischer, Jacques Gillot, Francis Giraud, Mmes Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, Christiane Kammermann, MM. Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Mme Raymonde Le Texier, MM. Roger Madec, Jean-Pierre Michel, Alain Milon, Georges Mouly, Mmes Catherine Procaccia, Janine Rozier, Michèle San Vicente, Patricia Schillinger, M. Jacques Siffre, Mme Esther Sittler, MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, Alain Vasselle, François Vendasi, André Vézinhet.

Voir les numéros :

Sénat : 57, 81 et 86 (2005-2006)

Logement et habitat.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

La situation d'urgence des banlieues, qui révèle un malaise profond longtemps sous estimé, donne un relief tout particulier au débat qui va s'engager sur le texte qui est soumis à notre examen.

En effet, le projet de loi « Engagement national pour le logement » entend répondre à un grand défi : celui d'offrir à tous, dans des délais rapides, un logement décent pour assurer le respect du « droit au logement », inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948.

Le défi est d'autant plus grand que le logement en France connaît aujourd'hui une crise d'une ampleur exceptionnelle, caractérisée à la fois par l'insuffisance de logements disponibles, notamment dans le parc locatif social et dans les hébergements d'urgence, et par un retard considérable pris dans les projets de construction et de rénovation.

De cette situation découle pour partie l'augmentation des prix de l'immobilier, accélérée par ailleurs par la hausse du coût des matières premières sur le marché mondial : au deuxième trimestre 2005, l'indice du coût de la construction - qui sert de base à l'évolution des loyers - progressait encore en glissement annuel de 3,63 % après une hausse de 4,85 % au premier trimestre. Il en résulte un accroissement notable de la part consacrée au logement dans le budget des ménages, le taux d'effort moyen des locataires représentant plus de 20 % de celui-ci.

La conjonction de ces deux phénomènes - insuffisance de l'offre et hausse des prix - conduit à des situations d'urgence telles qu'il n'est plus possible de retarder la mise en oeuvre d'une politique volontariste en faveur du logement. Pilier de la politique d'insertion, le logement en est une composante essentielle car il conditionne souvent le retour à l'emploi et l'équilibre de la vie familiale.

C'est pourquoi on ne peut que se réjouir du fait que ce projet de loi, attendu depuis plus de deux ans, ait été déposé en premier lieu sur le bureau du Sénat. Ce texte s'insère en réalité dans le cadre plus large du Pacte national pour le logement, programme d'action global en faveur du logement, destiné à amplifier le mouvement impulsé par le programme national de rénovation urbaine (PNRU) et par le volet « logement » du Plan de cohésion sociale.

Ces deux plans prévoient notamment, sur la période 2004-2009 :

- la réhabilitation de 400.000 logements et le remplacement de 250.000 habitations dégradées par de nouvelles constructions ;

- la réalisation de 500.000 logements locatifs sociaux, la remise sur le marché de 100.000 logements vacants, le conventionnement de 200.000 locations à loyer maîtrisé, le développement de l'accession à la propriété grâce à l'extension du prêt à 0 % et l'augmentation du nombre de places d'hébergement.

Les chantiers ont été engagés, puisque l'Agence nationale de rénovation urbaine (Anru) a déjà approuvé 131 projets portant sur 112.000 réhabilitations, 58.700 constructions et 61.700 démolitions.

Rappelons également que des dispositions relatives au logement ont également été prises dans la loi du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne : la création d'un nouvel indice de révision des loyers, plus équilibré et plus stable que l'indice du coût de la construction ; la création d'un dispositif de garantie contre les loyers impayés financé par l'Union d'économie sociale du logement (UESL) et la mise en place d'une exonération temporaire d'impôts sur les plus-values réalisées par le vendeur lors des cessions de terrains aux bailleurs sociaux.

Il s'agit aujourd'hui d'accélérer le rythme des réalisations, en levant les obstacles qui subsistent et freinent la mise en oeuvre des projets sur lesquels le Gouvernement s'est engagé : le Pacte national pour le logement comprend ainsi des mesures financières, fiscales, réglementaires et législatives, qui prendront effet dès le début de l'année 2006.

Plus spécifiquement, le texte présenté au Parlement est centré sur la construction de logements et comporte deux volets : le premier est consacré à la mobilisation des ressources foncières, afin d'accélérer les chantiers de construction de logements ; le second , sur lequel votre commission s'est saisie pour avis, comporte des dispositions visant à favoriser l'accès au logement pour les ménages les plus défavorisés.

Le présent rapport présente donc les dispositions de la deuxième partie du texte, « développement de l'offre et accès au logement », qui s'articulent autour de deux priorités : faciliter l'accès au logement des ménages les plus modestes et développer le parc locatif privé à loyer maîtrisé.

I. FACILITER L'ACCÈS AU LOGEMENT DES MÉNAGES LES PLUS MODESTES

A. AMÉLIORER LA CAPACITÉ DU PARC LOCATIF SOCIAL À RÉPONDRE AUX BESOINS DE LOGEMENTS

L'accès au logement des ménages défavorisés dépend en premier lieu de la capacité du parc locatif social à répondre aux demandes qui lui sont adressées.

Trois mesures visent à améliorer l'organisation, le fonctionnement et le financement des organismes bailleurs, afin de mieux répondre aux demandes croissantes de logements locatifs sociaux : la création des offices publics de l'habitat (OPH), la refonte du système des attributions de logements dans le parc social et la réforme des modalités d'application du supplément de loyer de solidarité (SLS).

1. La création des offices publics de l'habitat

Afin de moderniser et unifier l'organisation et le fonctionnement des offices publics d'habitations à loyer modéré (OPHLM) et des offices publics d'aménagement et de construction (Opac), le projet de loi prévoit la création par voie d'ordonnance d'un statut unique d'office public, sous le nom d'office public de l'habitat (OPH). 291 organismes bailleurs sont concernés.

Préparée de longue date, en concertation avec la fédération nationale des OPHLM et des Opac, les organisations représentatives des personnels des offices, le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT), les associations de locataires et les ministères concernés, cette réforme fait déjà l'objet d'un texte abouti, qui a été validé lors de l'assemblée générale de la fédération nationale des OPHLM et des Opac au mois de mai 2005.

Le projet d'ordonnance prévoit qu'à l'instar des Opac, les nouveaux OPH devront adopter le statut d'établissement public à caractère industriel et commercial (Epic), afin de gagner en souplesse et en autonomie de gestion. Ils demeureront néanmoins rattachés à une collectivité territoriale (ou un groupement de collectivités), dont la présence au conseil d'administration deviendra majoritaire.

Outre les missions et le régime comptable et financier des nouveaux offices, l'ordonnance doit mentionner également les dispositions relatives à l'évolution du statut des fonctionnaires territoriaux, actuellement en activité dans les Opac et les OPHLM. Ils bénéficieront d'une période transitoire, au cours de laquelle ils pourront opter entre le maintien en position normale d'activité avec un déroulement de carrière classique, l'exercice d'un droit d'option pour le statut de salarié de droit privé ou une position de détachement au sein de l'office pendant une période définie.

Cette réforme, qui nécessite d'habiliter le Gouvernement à prendre les mesures nécessaires par voie d'ordonnance en vertu de l'article 38 de la Constitution, devrait permettre une mise en oeuvre plus efficace des politiques locales de l'habitat en coopération avec les collectivités territoriales.

2. La réforme du système des attributions des logements locatifs sociaux

Conséquence de la décentralisation, la réforme proposée du système d'attribution des logements locatifs sociaux vise à rendre plus efficace la gestion des demandes prioritaires.

A cet effet, il est prévu :

- la création d'un accord collectif intercommunal , qui se substitue à l'accord collectif départemental lorsqu'un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) bénéficie d'une délégation de compétence en matière de logement ;

- la simplification de la procédure , grâce à la suppression du règlement départemental d'attribution, de la conférence intercommunale du logement (CIL) et de la charte intercommunale du logement. Cela devrait permettre une meilleure articulation de l'accord collectif intercommunal ou départemental (à défaut de l'existence d'un EPCI délégataire de la compétence logement) avec le plan départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées (PDALPD). Son rôle est en effet renforcé dans la procédure, celui-ci devant être consulté pour avis par la commission de médiation ;

- le renforcement des rôles du préfet et de la commission départementale de médiation , afin de permettre la mise en demeure des organismes bailleurs de loger des personnes considérées comme étant prioritaires.

Ainsi, le renforcement des pouvoirs du préfet et de la commission de médiation et l'intervention du PDALPD en amont de la procédure devraient se traduire par une meilleure prise en compte des demandes prioritaires, parmi lesquelles figurent les personnes logées dans des centres d'hébergement temporaires ou d'urgence ou celles qui, en situation de retour à l'emploi, ne bénéficient pas d'un logement stable.

3. Libérer le parc social au profit des ménages les plus défavorisés par une application plus dissuasive des surloyers

Le surloyer est un supplément de loyer qui s'applique aux locataires du parc social lorsque leurs revenus dépassent significativement le plafond de ressources conditionnant l'accès au logement. Dans ses modalités d'application actuelles, le supplément de loyer de solidarité (SLS) a un impact très limité sur la mobilité du parc locatif social. Le pourcentage de logements libérés a atteint 10,5 % seulement en 2003. En effet, il n'est pas appliqué lorsque les revenus du locataire sont inférieurs de 20 % au plafond de ressources conditionnant l'accès au logement, et il est facultatif lorsque le dépassement du plafond de ressources de référence est compris entre 20 et 60 %. Son application est en revanche obligatoire dès que les revenus des locataires dépassent ce plafond de plus de 60 %.

Le texte propose l'application d'un barème national obligatoire de surloyer, dont le seuil désormais impératif de déclenchement est de 20 % au-dessus des plafonds de ressources fixés pour l'accès à un logement social. Ce barème ne s'applique qu'aux organismes bailleurs n'ayant pas signé de convention globale de patrimoine ou si celle-ci ne comporte pas de dispositions relatives au SLS.

Ce système, plus dissuasif, devrait inciter à la libération des logements sociaux occupés par des locataires ayant des revenus sensiblement supérieurs aux plafonds, et donc en mesure d'acquitter les loyers du marché ou d'accéder à la propriété d'un logement. L'efficacité du dispositif devrait même être accrue lorsqu'il existe des conventions globales de patrimoine, le barème de surloyer appliqué pouvant être alors mieux adapté aux réalités des marchés immobiliers locaux.

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