B. UN MOYEN : LA PROFESSIONNALISATION DE L'ÉTAT ACTIONNAIRE

Ce processus a été engagé suite au rapport dit Barbier de La Serre remis au ministre de l'économie des finances et de l'industrie début 2003 35 ( * ) .

Ce rapport soulignait que l'Etat exerce vis-à-vis des entreprises publiques des responsabilités multiples et potentiellement conflictuelles, puisqu'il est leur actionnaire et parfois leur client, qu'il règlemente ou régule leur secteur d'activité et qu'il peut leur déléguer par contrat des missions de service public. Aussi afin de tenir compte du fait que ces entreprises évoluent dans un univers très largement ouvert à la concurrence, la rapport préconisait de bien distinguer ces missions et de mieux identifier ce qui, au sein de l'Etat, relève du rôle d'actionnaire.

a) L'APE, cheville ouvrière de l'Etat actionnaire...

La principale concrétisation du rapport a été la création de l'Agence des participations de l'Etat (APE) qui est pleinement opérationnelle depuis début 2004 36 ( * ) . Avec soixante personnes rattachées à la direction générale du Trésor et de la politique économique, l'agence exerce les missions de l'Etat vis-à-vis d'un peu plus de 70 entités qui vont de l'Imprimerie nationale à Renault 37 ( * ) .

Au sein de l'administration, l'APE constitue la force de référence, d'analyse et de proposition au ministre chargé de l'économie et elle anime le comité de direction de l'Etat actionnaire chargé de déterminer le cadre général de la stratégie pour chacune des entreprises avec les ministères concernés.

Vis-à-vis des entreprises, l'Agence représente l'Etat aux assemblées d'actionnaires et elle participe aux organes sociaux où elle assure la cohérence des positions des autres représentants de la puissance publique. Elle dispose en outre de moyens de contrôle des entreprises, en liaison avec les services de l'inspection générale des finances et du contrôle général économique et financier.

b) L'amélioration de l'intervention publique

Parmi les changements significatifs apportés par la création de l'agence, on peut citer en premier lieu la promotion de la collégialité. En effet, le directeur général de l'agence et son adjoint, épaulés par trois sous-directeurs, entretiennent une relation directe avec le ministre, alors qu'avant la création de l'agence le directeur du Trésor, manquait de temps pour examiner tous les dossiers qui lui étaient soumis. En outre, le travail en commun entre des gestionnaires issus du secteur public et du secteur privé permet une meilleure appréhension des problèmes.

En deuxième lieu, l'Agence se veut, au quotidien, plus proche des entreprises, en jouant pleinement son rôle d'actionnaire pour discuter la stratégie de chacune d'entre elles. Cette proximité permet de réduire l'asymétrie d'information dans les dossiers complexes, par exemple en prenant le temps nécessaire pour examiner la stratégie internationale d'EDF ou l'adaptation de cette entreprise aux normes comptables. Enfin, dans le cadre de relations parfois délicates avec la Commission européenne, l'Agence dispose de plus de temps et de moyens pour préparer les dossiers et prévenir les critiques possibles sur le fondement du droit communautaire. Tel a notamment été le cas du dossier du fret ferroviaire, ou plus récemment de l'entrée de l'Etat dans le capital d'Alstom.

Un des apports de l'Agence est aussi sa contribution à une meilleure gouvernance des entreprises.

c) Les conditions d'une meilleure gouvernance des entreprises

L'Agence à tout d'abord mis en oeuvre à une large échelle un programme de formation de ses représentants afin que tous disposent d'un référentiel juridique, financier et comptable commun pour exercer efficacement leurs responsabilités et s'impliquer dans l'objectif d'une meilleure gouvernance des entreprises dont ils assurent le suivi.

S'agissant plus spécifiquement des entreprises publiques 38 ( * ) , l'agence a élaboré et mis en oeuvre une charte qui décline, pour chacune d'entre elles, des obligations en matière de bon fonctionnement des organes sociaux 39 ( * ) , les relations de l'entreprise avec l'agence 40 ( * ) ainsi que les procédures applicables aux situations exceptionnelles 41 ( * ) .

Cette charte met en application plusieurs recommandations de la commission d'enquête constituée à l'Assemblée nationale afin de tirer les enseignements des défaillances de l'Etat actionnaire constatées dans certaines affaires retentissantes de ces dernières années 42 ( * ) . D'ailleurs, votre rapporteur pour avis constate que les dispositifs et procédures mis en place intègrent une large part des recommandations internationales basées sur les meilleures pratiques en matière de gouvernance des entreprises publiques 43 ( * ) .

Votre rapporteur pour avis se félicite que l'Etat se soit doté des moyens d'exercer son rôle d'actionnaire de façon bien distincte de ses autres missions 44 ( * ) .

Ceci est d'ailleurs indispensable pour que l'Etat actionnaire puisse poursuivre des objectifs propres mesurables par des indicateurs de performance spécifiques.

* 35 Rapport sur l'Etat actionnaire et le gouvernement des entreprises publiques remis le 23 février 2003 à M. Francis Mer, ministre de l'économie des finances et de l'industrie par un groupe présidé par M. René Barbier de La Serre.

* 36 Il convient toutefois de noter que ses modalités d'actions ont été précisées par le décret n° 2004-963 du 9 septembre 2004.

* 37 Soit la liste des entreprises qui figurent en annexe III du présent rapport ainsi que leurs filiales majoritaires.

* 38 C'est-à-dire les entités dont l'Etat détient plus de la moitié du capital.

* 39 Conseil d'administration, comités du conseil, comité d'audit et comité de stratégie.

* 40 Reporting mensuel, organisation de réunions régulières de bilan et de préparation des échéances importantes.

* 41 Différents types d'opérations en capital (en particulier les augmentations de capital et les cessions) et missions d'audit.

* 42 Rapport de la commission d'enquête sur la gestion des entreprises publiques afin d'améliorer le système de prise de décision déposé le 3 juillet 2003 par M. Philippe Douste-Blazy, président.

* 43 Lignes directrices sur le gouvernement d'entreprise des entreprises publiques, OCDE, 28 avril 2005.

* 44 Pour prendre un exemple d'actualité, il serait souhaitable que cette distinction opère dans le cas où l'Etat-législateur déciderait de créer la taxe sur les billets d'avions annoncée pour financer la lutte contre les pandémies internationales. Il n'y aurait aucune contradiction à ce que l'Etat-actionnaire, détenteur de 18,7 % du groupe Air France-KLM, estime quant à lui que cette nouvelle taxe appliquée dans quelques pays seulement crée un désavantage concurrentiel pour la compagnie et qu'il propose dès lors une stratégie d'adaptation de la compagnie à ce contexte, passant éventuellement par un renforcement du soutien financier des actionnaires.

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