B. L'INQUIÉTANTE ENVOLÉE DES COÛTS D'ENTRETIEN DES MATÉRIELS

Lors de son audition par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, le Chef d'état-major de l'armée de l'air, le général Wolsztynski, a rappelé que la création de la SIMMAD ((structure interarmées de maintien en condition opérationnelle des matériels aériens de la Défense), il y a cinq ans, répondait à la volonté d'améliorer la disponibilité des matériels aéronautiques, et d'en optimiser les coûts.

Il a rappelé que le premier objectif avait été globalement satisfait, avec un redressement moyen d'un à deux tiers des appareils disponibles.

Cependant, ce ratio lui semble encore insuffisant et, surtout, les coûts pour l'atteindre ne cessent de croître.

Ce problème n'est pas spécifique à l'armée de l'air : la Cour des Comptes a ainsi publié, en décembre 2004, un rapport public particulier sur « le maintien en condition opérationnelle des matériels des armées », qui reconnaît, notamment, l'apport bénéfique de la création de la SIMMAD. La Cour évoque, comme facteur important d'augmentation des coûts du MCO (maintien en condition opérationnelle), « le rajeunissement des matériels mis à la disposition des armées, qui sont techniquement plus sophistiqués, donc plus complexes et plus onéreux à maintenir en condition opérationnelle que les matériels plus simples et plus anciens utilisés antérieurement. »

Elle décrit ainsi les opérations inhérentes à ce maintien en condition opérationnelle :

LE CONCEPT DE MCO

Le MCO peut être défini comme l'ensemble des moyens et procédures nécessaires pour qu'un matériel reste, au long de sa durée d'utilisation, apte à l'emploi qui lui est assigné.

La notion de maintien en condition opérationnelle des matériels recouvre deux types de fonctions.

La première fonction est le soutien technique qui regroupe trois grandes catégories d'opérations :

- la maintenance proprement dite, comprenant les actions visant à maintenir (ou rétablir) un équipement dans un état spécifié (telles que les carénages pour l'entretien des coques des bateaux, la reconstitution du potentiel d'heures de vol d'un aéronef ou le changement de moteur d'un char) ;

- la gestion de configuration des équipements qui permet de suivre l'évolution de la définition technique des matériels au long de leur vie opérationnelle ;

- la tenue à jour des référentiels techniques, mais aussi l'analyse du retour d'expérience issue de l'exploitation des faits techniques.

La deuxième fonction est le soutien logistique. Il comprend les opérations d'approvisionnement des rechanges (par le biais d'achats publics, essentiellement), la maintenance de ceux-ci, leur magasinage (stockage) et le ravitaillement en pièces de rechange des unités, des structures de soutien (ateliers industriels) voire, dans certains cas, des industriels.

La maintenance peut s'exercer suivant deux modes distincts :

- la maintenance préventive qui correspond à l'ensemble des opérations à caractère systématique ou conditionnel, définies pour chaque type de matériel et destinées à prévenir les altérations ou à limiter leur développement, de façon à maintenir les matériels aptes à l'emploi ;

- la maintenance corrective qui concerne les opérations ayant pour but de remédier aux avaries survenues en fonctionnement ou aux altérations décelées au cours de la maintenance.

La fonction maintenance est organisée dans les armées suivant trois niveaux techniques d'intervention (NTI) . Un NTI représente un ensemble de moyens en personnels et en matériels permettant de faire face à des charges de maintenance qualitativement et quantitativement définies.

Le NTI 1 assure la mise en oeuvre et la maintenance en ligne du matériel (traitement en piste avant et après vols pour les aéronefs, entretien courant des bâtiments de la Marine). Les opérations sont effectuées avec des moyens limités, par les utilisateurs des matériels eux-mêmes ou par des structures légères de proximité (ateliers de piste pour les aéronefs). Ainsi, par exemple, le NTI 1 des bateaux est assuré par les équipages eux-mêmes, parfois en mer. Pour le matériel roulant, ce NTI 1 s'apparente aux opérations qu'un utilisateur de voiture averti peut réaliser lui-même sur son véhicule.

Le NTI 2 correspond aux opérations de maintenance préventive programmée ou curative visant soit à restaurer le potentiel de « vie » des équipements, soit à réaliser des réparations lourdes, exécutées par un organisme de soutien spécialisé, situé ou non sur le site des utilisateurs. Il s'agit, par exemple, des opérations réalisées par les escadrons de soutien spécialisé des bases aériennes ou les ateliers militaires de la flotte des bases navales. Les équipements nécessaires au NTI 2 sont adaptés à ce niveau d'intervention, plus poussé que le NTI 1.

Le NTI 3 correspond aux opérations « lourdes » de maintenance programmée préventive de reconstitution de potentiel (« grandes visites ») ou de réparations à caractère industriel exécutées chez les industriels ou dans des établissements spécialisés nécessitant des moyens véritablement industriels. Elles sont souvent l'occasion de remises à niveau et de modernisation des matériels ou de leurs équipements.

Source : Cour des Comptes

Ce redressement de la disponibilité des matériels a été obtenu dans un contexte contraint par le vieillissement des flottes. La SIMMAD s'efforce désormais de négocier les contrats de MCO en fonction des ressources dont elle dispose. L'armée de l'air consacre au maintien en condition opérationnelle plus du quart du budget d'investissement (ancien titre V), soit environ 960 M€ par an sur les cinq dernières années . L'évolution des coûts d'entretien des aéronefs est présentée, en euros, et par flotte, dans le tableau ci-dessous :

Aéronef

2003

2004

Sept 2005

Mirage 2000

199 695 955

277 966 946

200 845 657

C135

67 919 812

101 138 147

77 368 944

C160

111 674 399

117 144 274

67 974 867

Mirage F1

70 805 730

79 516 831

53 774 826

E3F

43 445 795

68 203 231

45 953 483

Alphajet

49 711 953

73 784 309

42 905 030

Rafale

27 772 544

11 183 266

38 595 188

Cougar / Puma /Super Puma

26 830 691

16 818 176

19 990 652

Ecureuil / Fennec

13 709 729

18 419 870

16 118 910

C130

17 110 339

19 559 870

14 189 552

CN-235

14 972 340

13 493 784

11 983 447

DC8

23 306 649

32 697 402

11 166 066

Airbus A310

8 658 961

9 790 195

6 516 123

Tucano

10 381 311

11 872 492

6 032 789

Epsilon

6 151 765

9 105 023

5 118 667

Xingu

5 601 441

9 247 127

3 811 677

Falcon 50

5 668 878

4 961 710

3 690 128

Mystère 20

5 431 122

9 290 467

3 140 682

Falcon 900

7 820 547

3 703 824

2 538 344

N262

3 564 745

5 713 818

2 376 141

Puma

10 151 814

13 161 014

Airbus A319

2 526 873

2 089 653

1 863 827

Super Puma

5 064 668

6 502 789

TBM 700

4 632 040

3 824 022

1 830 882

Mirage IV

2 088 562

3 405 926

1 787 535

Jaguar

2 428 126

6 757 782

936 204

Twin-Otter

1 469 952

1 540 044

859 171

Source : Armée de l'Air

Ces montants sont constatés alors que le format de l'armée de l'air se réduit, car de nombreux appareils ayant été retirés du service ces dernières années, dont les appareils de transport DC8, l'avion de recueil de renseignements électromagnétiques DC8 Sarigue, les Mirage IV de reconnaissance stratégique et les Jaguar.

C'est dans ces conditions que la disponibilité moyenne de flottes a été redressée, en dépit des difficultés techniques qui ont touché les moteurs des Mirage 2000 et F1, et des problèmes de corrosion constatés sur les Transall, éléments qui ont eu un impact négatif sur les résultats attendus.

DISPONIBILITÉ DES MATÉRIELS AÉRIENS DE 1998 À 2005 (3)

Nombre d'aéronefs en entretien aux AIA

Durée moyenne d'immobili-sation

Année 1998

Année 1999

Année 2000

Année 2001

Année 2002

Année 2003

Année 2004


1 er semestre

2005

Avions de combat

Mirage 2000 B/C

8

5,3 mois

62%

68%

66%

68%

66%

70%

66%

61%

Mirage 2000 -5F

1

5,5 mois

so

64%

66%

68%

58%

65%

61%

52%

Mirage 2000 D

8

6,5 mois

64%

72%

67%

63%

49%

55%

57%

50%

Mirage 2000 N

2

6,3 mois

67%

61%

58%

63%

59%

70%

69%

70%

Mirage F1 B

1

8,5 mois

61%

63%

58%

58%

38%

60%

72%

50%

Mirage F1C

(1)

61%

64%

59%

56%

60%

66%

*

*

Mirage F1CR

8

8,5 mois

65%

61%

63%

60%

68%

63%

69%

54%

Mirage F1 CT

8

8,5 mois

69%

60%

59%

51%

66%

62%

70%

67%

Jaguar A

0

70%

69%

71%

69%

77%

79%

81%

72%

Jaguar E

0

53%

55%

59%

62%

62%

72%

79%

80%

Mirage IVP

0

77%

74%

68%

65%

55%

63%

66%

72%

Avions de transport

C 160

8

5,5 mois

nd

nd

52%

56%

57%

57%

55%

52%

C130

(2)

nd

nd

64%

65%

48%

49%

64%

74%

CASA

(2)

nd

nd

67%

72%

66%

61%

62%

69%

Nord 262

(1)

nd

nd

47%

40%

52%

55%

66%

*

(1) Mirage F1C retrait du service au 01/07/2004 ; Jaguar A et E, Mirage IVP, Nord 262 : retrait du service en cours (aucune immobilisation en AIA jusqu'au retrait)

(2) CASA et C130 : aucun entretien par les AIA

(3)L'objectif de 75 % se traduit par un nombre d'avions pour chaque flotte :

82 M2000 DA, 42 M2000D et 45 M2000N pour la flotte Mirage 2000

26 MF1 CR, 27 MF1 CT et 8 MF1 B pour la flotte Mirage F1

57 avions pour la flotte Alphajet

24 avions pour la flotte Tucano - 55 avions pour la flotte Epsilon - 9 avions pour la flotte C130 - 40 avions pour la flotte Transall C160

Des contrats d'objectifs de disponibilité ont été fixés par flotte, depuis juin 2003, à la SIMMAD, dans le but de réduire les coûts du MCO . L'armée de l'air indique que « Les contrats d'objectifs de disponibilité, exprimés en nombre d'aéronefs, fixent deux seuils : un seuil minimal acceptable et un seuil optimal : le premier permet de respecter les engagements opérationnels en cours et d'assurer l'entraînement aérien, le second permet d'y ajouter les contrats opérationnels de projection fixés à l'armée de l'air.

Ces contrats d'objectif permettent d'adapter les ressources au juste besoin pour assurer les engagements opérationnels de l'armée de l'air, ainsi que la préparation et le maintien en condition opérationnelle des équipages.

Ils permettent également de faciliter l'échange de données (besoins prioritaires, pièces manquantes, faits techniques) entre les commandements utilisateurs et la SIMMAD, chargée d'assurer la maîtrise d'ouvrage déléguée de la maintenance. »

Début 2004, les flottes « avions des écoles » et  « avions de soutien » ont connu une dégradation de leur disponibilité due, respectivement, aux problèmes techniques des flottes Epsilon et Tucano et aux difficultés contractuelles pour l'entretien des Mystère XX.

Amorcée au second semestre 2004, une baisse de la disponibilité globale des aéronefs de l'armée de l'air est constatée au premier semestre 2005(- 2%). Ce recul est centré sur les avions de combat, pour lesquels la situation des moteurs reste un point critique (flottes de Mirage 2000 et de F1), et sur les hélicoptères. »

Par ailleurs, certaines rigidités financières dans les résultats de la SIMMAD font l'objet de deux audits distincts, l'un confié à l'IGA Alain Roche, l'autre à un cabinet privé.

Quels que soient leurs résultats, il semble déterminant, pour la maîtrise de ces coûts, que le prix des appareils futurs englobe les frais engendrés par leur maintenance. C'est ce que le général Wolsztynski appelle de ses voeux, en réclamant le passage « d'une logique d'acquisition à une logique de possession ».

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