B. LES CRÉDITS D'INFRASTRUCTURE : UN RALENTISSEMENT DES OPÉRATIONS

Tel qu'adopté par l'Assemblée nationale, le programme « soutien de la politique de la défense » prévoit désormais, pour l'action « politique immobilière », une dotation de 1,4 milliard d'euros d'autorisations d'engagement et de 1,3 milliard d'euros de crédits de paiement.

1. Le contenu des crédits de politique immobilière

Une petite partie de ces crédits (109,7 millions d'euros d'AE et 102,8 millions d'euros de CP) est consacrée à la sous-action « logement familial ». Gérées par la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives ces dotations permettent d'une part d'assurer l'entretien des logements domaniaux ainsi que d'honorer les garanties d'occupation dues aux opérateurs immobiliers en vertu des conventions de réservation conclues par le ministère de la défense, et d'autre part de conduire les opérations de réhabilitation et de construction de logements domaniaux ainsi que de conclure des conventions de réservation avec des opérateurs immobiliers. Le parc de logements familiaux est estimé à environ 63 500 logements . Les investissements s'élèveront à 84 millions d'euros en 2006, dont 54 millions d'euros pour des programmes de construction ou de réhabilitation et 30 millions d'euros pour le renouvellement des conventions de réservation de logements passées avec la société nationale immobilière.

Pour l'essentiel, les crédits de politique immobilière concernent les crédits d'infrastructure . Il faut toutefois noter que certains d'entre eux demeurent dans le périmètre des deux programmes « préparation et emploi des forces » et « équipement des forces » 5 ( * ) . En effet, certains crédits relatifs à l'entretien immobilier relèvent du régime des « masses », c'est-à-dire des dotations globales déléguées aux unités ou formations pour leur fonctionnement ; par ailleurs, certaines opérations d'infrastructure sont étroitement liées à des programmes d'armement, celles liées aux programmes nucléaires ou au « Rafale ».

En ce qui concerne les crédits d'infrastructure inscrits au programme « soutien » , hors crédits de la gendarmerie, ils s'élèveront en 2006 à 1,3 milliard d'euros d'autorisations d'engagement et de 1,1 milliard d'euros de crédits de paiement , soit un niveau comparable à celui de l'an passé, les dotations supplémentaires prévues pour 2006 concernant essentiellement la gendarmerie et ne figurant donc plus dans le programme.

Outre des dépenses de personnel, cette dotation comprend des dépenses de fonctionnement (environ 135 millions d'euros) consacrées à l'entretien des immeubles et des logements domaniaux ainsi qu'au fonctionnement du service d'infrastructure de la défense. Votre rapporteur regrette que le projet annuel de performances ne comporte aucune précision sur la justification de ces crédits et sur leur évolution.

Le restant, soit 794 millions d'euros, correspond à des dépenses d'investissement . Cinq opérations majeures, représentant près de 135 millions d'euros de crédits de paiement, sont érigées en programmes d'infrastructure. Le ministère de la défense distingue ensuite, parmi les opérations des armées, directions ou services, celles qui sont « structurantes pour l'accomplissement des missions », les opérations relevant du soutien général de l'activité (mise aux normes sanitaires ou environnementales, mise aux normes de sécurité des installations pyrotechniques ou des installations présentant un risque particulier sur le plan radiologique, biologique ou chimique, amélioration du cadre de vie et de la protection des sites) et enfin les opérations de maintien ou de remise en état du patrimoine.

Au total, les crédits d'infrastructure prévus pour 2006 dans le cadre du programme « soutien de la politique de la défense » se répartissent comme suit :

état-major de l'armée de terre ..........................
état-major de la marine .................................
état-major de l'armée de l'air ..........................
service de santé des armées ............................
service des moyens généraux ..........................
délégation générale pour l'armement ................
direction de la mémoire et du patrimoine ............
service des essences des armées ......................
état-major des armées ...................................
autres directions ou services ...........................

277,0 millions d'euros
206,5 millions d'euros
118,0 millions d'euros
82,3 millions d'euros
37,6 millions d'euros
24,2 millions d'euros
15,2 millions d'euros
14,7 millions d'euros
6,2 millions d'euros
12,5 millions d'euros

LES GRANDS PROGRAMMES D'INFRASTRUCTURE EN 2006

Cinq opérations d'infrastructure ont été érigées en programme compte tenu de leur importance.

L'hôpital Sainte-Anne de Toulon

Engagé en 2000, ce programme vise à reconstruire l'hôpital d'instruction des armées sur l'emprise de la caserne Grignan et de regrouper sur l'emprise actuelle les autres organismes du service de santé, dont l'école du personnel paramédical des armées. Les dotations prévues en 2006 s'élèvent à 30,3 millions d'euros en AE et 79,5 millions d'euros en CP, le coût total du programme étant évalué à 230,3 millions d'euros. La fin des travaux de l'hôpital est prévue au printemps 2007 et l'installation des autres organismes pour la fin 2010.

L'infrastructure opérationnelle Tigre

Ce programme comporte la construction des installations nécessaires à la maintenance et au remisage des hélicoptères, à l'approvisionnement en pièces détachées ainsi qu'à la mise en place des simulateurs de vols sur les sites d'Etain et de Pau. Les dotations prévues en 2006 s'élèvent à 0,4 millions d'euros en AE et 30,1 millions d'euros en CP, le coût total du programme étant évalué à 174,9 millions d'euros.

L'infrastructure opérationnelle Leclerc

Ce programme relatif au stationnement des chars et aux bâtiments destinés aux simulateurs sera pratiquement achevé en 2006. Son coût total est de 71,1 millions d'euros. Les dotations prévues en 2006 s'élèvent à 3,5 millions d'euros en AE et 11,7 millions d'euros en CP.

Le pôle stratégique de Paris

Engagé à compter de 2005, ce programme d'un coût prévisionnel de 136 millions d'euros vise à rénover l'infrastructure de commandement stratégique, notamment le centre de planification et de conduite des opérations (CPCO), à renforcer la sécurité de l'îlot Saint-Germain face aux risques de crue de la Seine ou d'agression et à réinstaller sur d'autres sites différents organismes, notamment l'installation de l'état-major de l'armée de terre à l'Ecole militaire. Les dotations prévues en 2006 s'élèvent à 25 millions d'euros en AE et 8,4 millions d'euros en CP.

L'école d'hélicoptères franco-allemande

Destinée à former les équipages allemands et français sur le Tigre, cette école est déjà en fonctionnement et une partie des bâtiments destinés au commandement, à l'instruction, aux simulateurs, au remisage des aéronefs et à la maintenance a été livrée. Les dotations prévues en 2006 s'élèvent à 3,4 millions d'euros en AE et 5,3 millions d'euros en CP. Le coût total du programme est de 87,5 millions d'euros et la quasi-totalité des paiements auront été effectués fin 2006.

2. Des opérations soumises à une contrainte financière accrue

La mise en oeuvre de la LOLF doit s'accompagner, en matière de politique immobilière, de la définition d'indicateurs destinés à mesurer l'avancement des opérations d'infrastructure et la maîtrise des coûts et des délais de réalisation .

Quatre indicateurs ont été prévus : le pourcentage de dépassement de la durée prévisionnelle des projets, le pourcentage de dépassement de leur coût initial, le taux de conformité des réalisations aux exigences techniques spécifiées et enfin le coût de fonctionnement des structures en charge de la politique immobilière. Deux autres indicateurs relatifs au coût du mètre carré construit et rénové sont prévus, ainsi qu'un indicateur sur le taux de vacance des logements.

Aucun de ces indicateurs n'est renseigné dans le projet de loi de finances pour 2006, les éléments nécessaires devant être fournis par le service d'infrastructure de la défense à compter de 2007.

Suite à une question de votre rapporteur lors son audition devant la commission le 8 novembre dernier, M. Christian Piotre, secrétaire général pour l'administration, a considéré que l'état d'avancement était satisfaisant pour les opérations majeures. Il a notamment cité l'hôpital Sainte-Anne à Toulon et l'école franco-allemande d'hélicoptères au Luc. Il a en revanche reconnu que les contraintes financières avaient conduit à ralentir le rythme d'opérations jugées moins prioritaires et il confirmé à votre rapporteur que cela était par exemple le cas, dans l'armée de terre, pour le plan de valorisation des structures de vie des engagées, dit « plan VIVIEN ».

Les difficultés du « plan VIVIEN » sont particulièrement représentatives de la tension de plus en plus vive sur les crédits d'équipement des armées, du fait notamment des besoins croissants pour l'acquisition d'équipements neufs et pour le maintien en condition opérationnelle. Les dépenses de flux, comme l'infrastructure, constituent une variable d'ajustement sur laquelle il est facile de jouer, par étalement dans le temps des opérations programmées.

Ce plan, rappelons-le, vise à moderniser les conditions d'hébergement des sous-officiers ou militaires du rang dans les casernements de l'armée de terre, en transformant les locaux destinés aux appelés en logements adaptés et décents pour des militaires professionnels. Depuis son lancement, et jusqu'en 2004, l'armée de terre lui a consacré le quart de son budget d'investissement immobilier annuel. La dotation était voisine de 100 millions d'euros par an entre 1997, première année de réalisation du plan, et 2003. A compter de 2004, les dotations ont chuté , du fait des contraintes financières et des besoins importants pour les opérations majeures telles que l'école franco-allemande et les infrastructures Tigre, le quartier général de force de réaction rapide à Lille ou la construction du centre d'entraînement en zone urbaine (CENZUB) au camp de Sissonne. Les crédits sont tombés à 62 millions d'euros en 2004 puis 50 millions d'euros en 2005. Enfin, l'accentuation des contraintes sur les flux d'infrastructure conduit à ne plus envisager que 23 millions d'euros en 2006 , soit cinq fois moins que le rythme annuel initialement prévu .

Cette situation est particulièrement préjudiciable alors qu'à peine plus de la moitié de l'objectif de réalisation a pu être atteint (56 % des places pour les brigadiers et caporaux-chefs ; 64 % pour les autres d'engagés). Le besoin restant à couvrir est estimé à plus de 5 700 chambres pour les brigadiers et caporaux-chefs et à près de 15 000 places pour les autres engagés. La persistance d'un tel volume d'infrastructures non modernisées joue en défaveur de la fidélisation des personnels .

Au delà des difficultés générales liées à la tension sur les crédits d'équipement, il faut souhaiter que le regroupement des crédits d'infrastructure permettra d'élargir les possibilités d'arbitrage, l'absence de marge de manoeuvre au sein de la dotation d'infrastructure très contrainte des forces terrestres s'étant révélée particulièrement défavorable pour les personnels logés en unité.

3. La nécessaire amélioration des procédures de cessions immobilières

Le ministère de la défense détient un patrimoine immobilier d'une grande diversité, qui occupe 260 000 hectares, soit 0,5% du territoire national. La politique de cession a pris de l'ampleur avec les restructurations liées à la réduction du format des armées. La mission pour la réalisation des actifs immobiliers est chargée de négocier la vente du patrimoine devenu inutile aux armées et de procéder aux études de reconversion. Depuis 2004, une accélération des cessions a été souhaitée dans le cadre de la stratégie ministérielle de réforme du ministère. Le produit des cessions, qui s'élevait à 33 millions d'euros en 2003, est appelé à s'accroître à l'avenir.

Votre rapporteur tient à souligner les obstacles rencontrés par les collectivités locales candidates au rachat d'emprises du ministère de la défense en raison des procédures imposées pour la dépollution des sites .

L' obligation de dépollution incombe au ministère de la défense , que ce soit à la suite de la cessation d'activité d'une installation classée pour la protection de l'environnement (ICPE) ou dans le cas de sites pollués par fait de guerre ou d'activités industrielles.

Un décret intervenu en mai 2003 assouplit cette obligation en considérant que la dépollution doit s'envisager en regard de l'usage futur du terrain. Votre rapporteur se réjouit particulièrement de la parution, attendue de longue date, du décret du 26 octobre 2005 permettant désormais aux entreprises de travaux publics de répondre aux appels d'offres des marchés de dépollution pyrotechnique du ministère de la défense, alors que jusqu'à présent, ces opérations ne pouvaient être réalisées que par les services de l'administration.

Par ailleurs, les crédits destinés au Fonds interarmées de dépollution , créé cette année, passeront de 10 millions d'euros en 2005 à 15 millions d'euros en 2006.

Il faut souhaiter qu'après ces mesures juridiques et financières, les opérations de cession au profit des collectivités locales et de reconversion des sites de la défense pourront être notablement accélérées.

* 5 Pour le programme « équipement des forces, 547,23 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 475,54 millions d'euros de crédits de paiement ; pour le programme « préparation et emploi des forces », 72,16 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 70,89 millions d'euros de crédits de paiement.

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