Avis n° 103 (2005-2006) de M. Paul BLANC , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 24 novembre 2005

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N° 103

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2005-2006

Annexe au procès-verbal de la séance du 24 novembre 2005

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de finances pour 2006 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME VI

SOLIDARITÉ ET INTÉGRATION

Par M. Paul BLANC,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gérard Dériot, Jean-Pierre Godefroy, Mmes Claire-Lise Campion, Valérie Létard, MM. Roland Muzeau, Bernard Seillier, vice-présidents ; MM. François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Anne-Marie Payet, Gisèle Printz, secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, MM. Jean-Paul Amoudry, Gilbert Barbier, Daniel Bernardet, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mmes Isabelle Debré, Christiane Demontès, Sylvie Desmarescaux, M. Claude Domeizel, Mme Bernadette Dupont, MM. Michel Esneu, Jean-Claude Etienne, Guy Fischer, Jacques Gillot, Francis Giraud, Mmes Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, Christiane Kammermann, MM. Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Mme Raymonde Le Texier, MM. Roger Madec, Jean-Pierre Michel, Alain Milon, Georges Mouly, Mmes Catherine Procaccia, Janine Rozier, Michèle San Vicente, Patricia Schillinger, M. Jacques Siffre, Mme Esther Sittler, MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, Alain Vasselle, François Vendasi, André Vézinhet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 2540 , 2568 à 2573 et T.A. 499

Sénat : 98 et 99 (annexe n° 29 ) (2005-2006)

Lois de finances .

Les crédits de la mission « Solidarité et intégration » pour 2006

Programmes

Crédits de paiement (en euros)

Variation 2006/2005 (en %)

Politiques en faveur de l'inclusion sociale

1.010.720.000

+ 16,3

Prévention de l'exclusion

60.008.274

+ 1,7

Actions en faveur des plus vulnérables

740.863.460

+ 3,8

Conduite et animation de la politique de lutte contre l'exclusion

32.048.266

- 3,5

Rapatriés

177.800.000

+ 179,6

Accueil des étrangers et intégration

560.962.727

- 1,0

Population et participation à la régulation des migrations

12.255.619

+ 61,5

Prise en charge sociale des demandeurs d'asile

318.758.052

- 4,4

Intégration

219.249.056

+ 2,1

Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité

10.700.000

0,0

Actions en faveur des familles vulnérables

1.102.900.000

+ 4,0

Accompagnement des familles dans leur rôle de parents

23.053.149

- 3,3

Soutien en faveur des familles monoparentales

875.000.000

+ 1,4

Protection des enfants et des familles

204.846.851

+ 17,7

Handicap et dépendance

7.848.490.305

+ 6,4

Évaluation et orientation personnalisée des personnes handicapées

13.824.470

0,0

Incitation à l'activité professionnelle

2.229.570.000

+ 6,2

Ressources d'existence

5.491.495.153

+ 6,7

Compensation des conséquences du handicap

91.049.235

- 0,4

Personnes âgées

16.975.378

- 3,2

Pilotage du programme

5.576.069

- 10,3

Protection maladie

607.013.150

- 32,1

Accès à la protection maladie complémentaire

323.533.150

- 51,0

Aide médicale de l'Etat

233.480.000

0,0

Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante

50.000.000

-

Égalité entre les hommes et les femmes

27.442.180

+ 2,1

Accès des femmes aux responsabilités et à la prise de décision

881.164

0,0

Égalité professionnelle

5.000.294

0,0

Égalité en droit et en dignité

10.915.221

- 0,1

Articulation des temps de vie

203.321

0,0

Soutien du programme égalité entre les hommes et les femmes

10.442.180

+ 5,8

Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales

1.065.662.797

+ 4,9

État-major de l'administration sanitaire et sociale

64.720.252

+ 39,7

Statistiques, études et recherche

40.295.002

+ 77,4

Gestion des politiques sociales

251.890.049

+ 2,1

Gestion des politiques sanitaires

288.868.598

+ 29,9

Pilotage de la sécurité sociale

42.655.242

- 19,6

Soutien de l'administration sanitaire et sociale

377.233.654

- 11,1

Total mission « Solidarité et intégration »

12.223.191.159

+ 3,5

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Les crédits de la mission « Solidarité et intégration » pour 2006 s'élèvent à 12,2 milliards d'euros, y compris les dépenses de personnel. En application de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances du 1 er août 2001, ils sont répartis en sept programmes, eux-mêmes subdivisés en trente et une actions.

Toutefois, ces crédits sont loin de représenter l'intégralité de l'effort de la Nation dans le domaine de la solidarité. S'agissant des personnes handicapées, l'assurance maladie, les départements et la nouvelle caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) portent la dépense publique mobilisée en leur faveur à 43 millions d'euros.

Pour 2006, outre le financement des minima sociaux, les crédits doivent permettre de financer deux priorités : la mise en oeuvre du plan de cohésion sociale et l'application de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Conformément à l'esprit de la nouvelle loi organique qui prévoit une justification des dépenses au premier euro, c'est à la lumière de ces deux priorités qu'il convient d'apprécier la progression des crédits qui s'établit à 3,5 % par rapport à 2005.

Conformément aux objectifs fixés par le plan de cohésion sociale, le projet de budget pour 2006 honore d'abord les engagements de l'Etat en faveur de l'inclusion sociale. Ses actions s'ordonnent autour de trois priorités : améliorer l'accueil des publics fragiles, créer les conditions d'un égal accès aux soins pour tous et favoriser l'accueil et l'intégration des étrangers.

2006 sera la première année de mise en oeuvre de la prestation de compensation du handicap décidée dans le cadre de la loi du 11 février 2005 : elle constitue le coeur du dispositif permettant désormais aux personnes handicapés de décider librement de leur choix de vie.

C'est la raison pour laquelle votre commission, qui a inspiré la création de cette prestation, sera particulièrement attentive aux conditions de sa mise en oeuvre, ainsi qu'à l'installation des maisons départementales des personnes handicapées, guichet unique qui devrait permettre d'améliorer l'accès aux droits des personnes handicapées.

Même si la loi ne prévoit pas son intervention directe dans le financement de la prestation de compensation, votre commission regrette que l'Etat reste en retrait sur cette problématique de la compensation du handicap. Son engagement dans la nouvelle architecture institutionnelle demeure en effet timide et elle craint que son manque de mobilisation ne vienne décourager les efforts des autres financeurs extralégaux.

L'engagement de l'Etat ne se dément toutefois pas dans deux domaines : celui de la scolarisation des enfants handicapés, qui connaît une progression enfin soutenue, et celui du développement de l'emploi des personnes handicapées.

2006 marque en effet un tournant, puisque pour la première fois les employeurs publics qui ne respectent pas leur obligation d'emploi seront assujettis à une contribution au nouveau fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées dans la fonction publique. Votre commission regrette pourtant les incertitudes qui entourent sa mise en place et les tentatives de certaines administrations - notamment l'éducation nationale - de contourner leur obligation d'emploi.

Sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Solidarité et intégration » pour 2006.

I. UN BUDGET À LA HAUTEUR DES DÉFIS DU PLAN DE COHÉSION SOCIALE

Les mesures destinées à faciliter l'inclusion sociale recouvrent des actions financées dans plusieurs programmes de la mission « Solidarité et intégration » :

- le programme « politiques en faveur de l'inclusion sociale » (1,01 milliard d'euros), qui vise à mettre en oeuvre les politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, en développant des actions de prévention, en favorisant l'accès à l'hébergement d'urgence ou d'insertion et en permettant un accompagnement individualisé des personnes les plus en difficulté. Il prévoit également un plan de reconnaissance en faveur des rapatriés ;

- le programme « accueil des étrangers et intégration » (561 millions d'euros), qui regroupe les actions en faveur des immigrants, telles que l'hébergement et la prise en charge sociale des demandeurs d'asile et les mesures en faveur de l'intégration des personnes immigrées ;

- le programme « égalité entre les hommes et les femmes » (27 millions d'euros), qui vise à réduire les inégalités professionnelles, économiques et sociales constatées entre les hommes et les femmes ;

- le programme « protection maladie » (607 millions d'euros), qui rassemble les dispositifs contribuant à garantir l'accès aux soins à l'ensemble de la population (couverture maladie universelle complémentaire [CMU-C], aide médicale de l'Etat [AME]) et à la couvrir de préjudices non pris en compte par le système de protection sociale actuel (l'indemnisation des victimes de l'amiante).

A. UNE PRIORITÉ : AMÉLIORER L'ACCUEIL DES PUBLICS EN DIFFICULTÉ

1. L'augmentation des capacités d'accueil en hébergement d'urgence et d'insertion

La loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale, et plus spécifiquement, son programme 14 intitulé « résoudre la crise du logement par le renforcement de l'accueil et de l'hébergement d'urgence », prévoit d'ici à 2009 la création de 1.800 places dans les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) et de 7.000 places dans les centres d'accueil pour demandeurs d'asile (Cada), dont respectivement 500 et 2.000 par transformation de places d'urgence. Il envisage également de créer 4.000 places en maisons relais et d'accorder la priorité pour l'accès aux logements sociaux aux personnes sortant d'un dispositif d'hébergement temporaire ou d'urgence.

a) Des dispositifs d'urgence pérennisés

Le dispositif d'urgence sociale repose sur la mise en place de plates-formes d'accueil et d'orientation (numéro vert 115, équipes mobiles, ...), pour que les personnes sans domicile puissent accéder à un hébergement et à des services de premiers secours. Il est complété par les centres d'hébergement d'urgence (environ 12.000 places) ou le financement de nuitées d'hôtel durant la période hivernale (près de 9.600 places), qui permettent un hébergement immédiat et de courte durée.

L'allocation logement temporaire (ALT) contribue largement au financement des dispositifs d'urgence sociale, grâce aux aides forfaitaires qui sont versées aux organismes sociaux ou aux communes disposant d'aires d'accueil pour les gens du voyage.

Pour 2006, les moyens affectés aux dispositifs d'urgence et à l'ALT représentent plus de 190 millions d'euros.

b) L'augmentation nécessaire des capacités d'accueil des centres d'hébergement et de réinsertion sociale

Les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) constituent des dispositifs temporaires d'hébergement et d'insertion à destination des personnes ou familles ayant de graves difficultés financières et ayant la faculté de retrouver à terme leur autonomie sociale. La loi de cohésion sociale prévoit une augmentation significative et rapide de leur capacité d'accueil d'ici à 2007.

En 2005, 800 places nouvelles ont déjà été créées, nécessitant un abondement supplémentaire de 70 millions d'euros par rapport à l'enveloppe initiale. Pour 2006, la dotation budgétaire des CHRS, en hausse de 4,8 % par rapport à la loi de finances pour 2005, permet le financement de 31.507 places dans 735 structures, dont 500 places nouvelles , pour un coût moyen annuel d'environ 15.000 euros. Pourtant, malgré cette augmentation, il est à craindre que les crédits prévus pour 2006 ne soient insuffisants, ceux-ci étant déjà inférieurs à l'exécution des années 2004 et 2005.

Sur les 21,67 millions d'euros de crédits supplémentaires accordés pour 2006, 10,27 millions d'euros sont consacrés à la revalorisation des salaires des personnels, 6 millions d'euros financent le rebasage budgétaire partiel des CHRS, les crédits affectés à la création des 500 nouvelles places ne représentant qu'un quart de l'augmentation de la dotation.

Evolution des crédits d'aide sociale consacrés aux CHRS depuis 2000

(en euros)

Années

Taux d'évolution

LFI

Dont actualisation

Dont mesures nouvelles

Places nouvelles

2000

2,90 %

390.795.433

4.786.709

6.400.000

500

2001

3,24 %

403.451.426

6.255.993

6.400.000

500

2002 (1)

3,57 %

417.457.858

6.086.432

7.920.000

530

2003

2,59 %

428.385.988

4.528.130

6.400.000

500

2004 (2)

2,08 %

437.310.000

8.924.011

-

0

2005 (3)

3,15 %

451.070.000

7.460.000

6.300.000

800

2006

4,85 %

472.740.000

6.000.000

5.400.000

500

(1) Y compris les crédits s'élevant à 1,52 million d'euros pour la création du lieu d'accueil et d'orientation pour mineurs étrangers à Taverny de 30 places.

(2)Pour la LFI 2004, le « rebasage » budgétaire a été privilégié par rapport à la création de places nouvelles.

(3) 800 places dont 500 par transformation de places d'hébergement d'urgence .

Votre commission déplore que les moyens affectés au rebasage budgétaire des CHRS soient insuffisants au regard des besoins financiers réels des établissements. La mission d'inspection conjointe conduite en 2005 par l'Igas et l'IGF préconise en effet un rebasage à hauteur de 12 millions d'euros, sans pour autant prendre en compte la suppression dans certains départements des aides au logement versées aux personnes hébergées dans ces centres. On peut en effet craindre que la remise en cause du versement des aides par les caisses d'allocations familiales accentue le manque de solvabilité des personnes accueillies et ne produise des déficits importants et une augmentation des contentieux.

Enfin, votre commission s'inquiète d'une double dérive :

- l'allongement significatif de la durée moyenne de prise en charge dans les centres, comprise actuellement entre un an et deux ans. L'indicateur proposé par le projet annuel de performance prévoit un taux cible de sorties des personnes hébergées en CHRS de 50 % en 2007 , ce qui correspond à une durée moyenne de séjour de six mois . Cet allongement de la durée moyenne d'hébergement crée un véritable engorgement des dispositifs d'accueil temporaires, qui s'explique en partie par la difficulté actuelle de trouver un logement dans le parc social ;

- l'augmentation du nombre des demandeurs d'asile parmi les personnes hébergées, les centres d'accueil qui leur sont réservés ne disposant pas d'une capacité d'hébergement suffisante. La part croissante qu'ils représentent par rapport à l'ensemble des personnes hébergées dans les CHRS est estimée à 15 % ou 25 %, ce qui contribue à modifier peu à peu le profil des personnes accueillies.

L'allongement de la durée moyenne de séjour et l'accueil de plus en plus fréquent des demandeurs d'asile ont ainsi éloigné les CHRS de leur mission principale de réinsertion. C'est pourquoi, votre commission souhaite un recentrage des CHRS sur leurs missions essentielles, en réservant la priorité de l'accueil aux personnes auxquelles ils étaient originellement destinés.

Toutefois, des mesures ont été prises pour accroître l'offre de logements sociaux et la capacité d'accueil des Cada. Elles devraient permettre aux CHRS de se recentrer sur leurs missions initiales et améliorer la fluidité entre les dispositifs temporaires d'hébergement et le parc social.

c) Les maisons relais, un dispositif d'avenir

Conçues comme de véritables pensions de famille, elles constituent un logement durable et adapté, destiné à la prise en charge des personnes ou familles en situation de grande exclusion, qui ne peuvent accéder à un logement autonome. En 2004, 111 maisons relais ont été ouvertes, permettant la création de 1.800 places dans soixante départements. En 2005, les 13 millions d'euros affectés à ce type d'hébergement ont permis notamment le financement de 1.000 places nouvelles. A la fin de 2007, l'objectif fixé par le plan de cohésion sociale est d'assurer une couverture homogène sur l'ensemble du territoire national pour atteindre 4.000 places.

Pour 2006, ce dispositif est doté d'une enveloppe globale de 24,3 millions d'euros, le projet de loi de finances assurant ainsi la création de 1.500 places nouvelles, dont le tarif journalier a été porté de 8 à 12 euros par personne hébergée.

2. Améliorer l'accueil des migrants

L'action « prise en charge des demandeurs d'asile » (318 millions d'euros) constitue une part essentielle (56,8 %) du programme « Accueil des étrangers et intégration ». Elle prévoit l'augmentation des capacités d'accueil en faveur des demandeurs d'asile, la réforme de l'allocation d'insertion et la création expérimentale d'une aide au retour volontaire.

a) Le développement des dispositifs d'accueil et d'hébergement en faveur des demandeurs d'asile

Alors que le nombre de demandeurs d'asile en France n'a cessé d'augmenter depuis 1997 pour atteindre 65.614 personnes en 2004, le dispositif national d'accueil comporte un nombre de places limité, qui ne permet pas actuellement de faire face à l'accroissement massif des demandes d'hébergement.

Le dispositif national d'accueil se compose des centres d'accueil pour demandeurs d'asile (Cada), de deux centres de transit, d'un centre d'accueil et d'orientation pour mineurs isolés demandeurs d'asile (Caomida) et de vingt-sept centres provisoires d'hébergement (CPH), dont la capacité d'accueil est stabilisée depuis quelques années au profit de l'hébergement en Cada.

Cet ensemble est complété par des dispositifs d'urgence , dont la gestion est le plus souvent déconcentrée, renforcés pendant la période hivernale par le « plan hiver ».

Evolution du dispositif national d'accueil des demandeurs d'asile
(capacités pérennes)

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

CADA

Nombre de places

3.588

3.781

4.756

5.282

10.317

12.480

15 460

Nombre de centres

61

63

73

83

151

181

222

Centres de transit

Nombre de places

126

126

126

126

126

146

186

Nombre de centres

2

2

2

2

2

2

2

CPH

Nombre de places

1.018

1.018

1.028

1.028

1.028

1.028

1.023

Nombre de centres

28

28

28

28

28

28

27

Capacité totale

4.732

7.925

5.910

6.436

11.471

13 .654

16.669

Source : Direction générale de l'action sociale

• Les Cada assurent l'hébergement temporaire des demandeurs d'asile pendant la durée d'instruction de leur dossier, ainsi qu'un accompagnement social et administratif de leur demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) ou de la Commission de recours des réfugiés (CRR).

Le plan de cohésion sociale a prévu la création de 7.000 places en Cada, dont 2.000 par transformation de places d'urgence, afin d'atteindre 21.000 places à la fin de 2007. En 2004, un effort considérable a permis l'ouverture de 3.000 places. Cette année, 2.000 places seront créées par la transformation de places d'urgence.

Pour 2006, le projet de loi de finances prévoit la création de 2 . 000 places de Cada supplémentaires (dont 400 en Rhône-Alpes) au lieu des 1.000 initialement prévues par le plan, ce qui permet d'atteindre l'objectif inscrit dans la loi de cohésion sociale avec un an d'avance. A cette fin, l'enveloppe globale s'élève à 148 millions d'euros, dont 28 millions d'euros de crédits redéployés grâce à l'économie réalisée sur le financement de l'allocation d'insertion.

Votre commission se réjouit de l'effort supplémentaire réalisé en faveur de l'hébergement des demandeurs d'asile , les capacités d'accueil demeurant encore très insuffisantes.

• Par ailleurs, les crédits relatifs à la prise en charge sociale des demandeurs d'asile afférents à la région Rhône-Alpes, soit 31 millions d'euros, sont inscrits au programme des interventions territoriales de l'Etat (Pite) et ne relèvent plus du programme « Accueil des étrangers et intégration » : ils permettent notamment de financer 400 places nouvelles en Cada à mi-année. Cette expérimentation d'une gestion déconcentrée de l'accueil des demandeurs d'asile pourrait constituer le prélude à une réforme généralisée, visant à confier au préfet de région ou du département la gestion globale de l'accueil des migrants sur son territoire de compétence.

• Comme chaque année, les crédits consacrés pour 2006 aux dispositifs d'hébergements d'urgence nationaux et déconcentrés risquent d'être très insuffisants au regard des besoins estimés. Ils s'élèvent à 35,7 millions d'euros, alors que l'exécution de la loi de finances pour 2005 révèle une dépense déjà supérieure à 93 millions d'euros. Sur cette enveloppe globale, 10 millions d'euros permettent de financer 1.500 places d'urgence nationale.

b) La réforme de l'allocation d'insertion

L'allocation d'insertion (AI) est une prestation versée sous condition de ressources aux anciens détenus, aux rapatriés, aux demandeurs d'asile et aux réfugiés statutaires, lorsqu'ils ne peuvent accéder à des revenus de remplacement du travail ou à d'autres minima sociaux. Cette allocation, d'un montant mensuel d'environ 300 euros, est actuellement accordée pour une durée de six mois, renouvelable une fois. Pour plus de 80 %, les bénéficiaires sont des demandeurs d'asile.

Renommée allocation temporaire d'attente , l'allocation d'insertion fait l'objet d'une réforme, qui a été engagée début 2005 dans le cadre de la transposition de normes communautaires et de la loi du 10 décembre 2003 relative au droit d'asile et qui est complétée par l'article 88 du projet de loi de finances, rattaché à la mission.

Cette réforme prévoit :

- d'ajouter aux prestataires actuels les bénéficiaires de la protection temporaire 1 ( * ) et de la protection subsidiaire 2 ( * ) ;

- de limiter la durée de versement de l'allocation aux demandeurs d'asile pendant la seule durée de la procédure d'instruction de leur demande 3 ( * ) , y compris en cas de recours devant la commission des recours des réfugiés, grâce à la mise en place d'une validation mensuelle, qui se substitue à l'engagement de versement par période de six mois ;

- de privilégier l'aide apportée sous la forme d'un hébergement en Cada plutôt que sous la forme d'un versement en espèces, ce qui signifie qu'à partir de 2006, la nouvelle allocation ne sera plus versée aux personnes prises en charge dans un centre d'hébergement au titre de l'aide sociale, ni à celles qui auront refusé cette offre d'hébergement.

En 2003, le coût total de l'AI a représenté 169,8 millions d'euros et a couvert plus de 45.000 bénéficiaires, dont 39.000 demandeurs d'asile. En 2004, les crédits affectés à l'AI ont atteint 187,6 millions d'euros, alors que pour 2005, la dépense a été estimée à 156,93 millions d'euros, correspondant au financement de l'allocation au profit d'environ 51.000 bénéficiaires.

Pour 2006, la révision des conditions d'attribution et de versement de l'allocation d'insertion, devenue l' allocation temporaire d'attente (Ata) et la réduction attendue des délais d'instruction des demandes d'asile, devraient permettre d'économiser environ 28 millions d'euros de crédits, qui seront redéployés en faveur de la création de places d'hébergement en Cada. C'est la raison pour laquelle les crédits affectés au financement de l'Ata, d'un montant de 129 millions d'euros, seront inférieurs à ceux de 2005. Ils devraient permettre néanmoins de couvrir 43.000 prestataires en année pleine et environ 47.800 dans l'hypothèse d'une durée d'instruction moyenne de neuf mois.

Votre commission se réjouit du redéploiement annoncé des crédits économisés grâce à la réforme de l'allocation d'insertion, qui permettront de financer des places nouvelles d'hébergement. Il sera toutefois particulièrement attentif à ce que l'exécution de la loi de finances pour 2006 confirme ce redéploiement au profit des Cada , dont les capacités d'accueil demeurent encore insuffisantes.

c) L'expérimentation d'une aide au retour volontaire

Le programme « Accueil des étrangers et intégration » participe à la politique de régulation des migrations du Gouvernement en offrant aux demandeurs d'asile des moyens de subsistance et d'hébergement pendant la durée d'instruction de leur dossier.

Dans ce cadre, un dispositif expérimental d'aide au retour volontaire (ARV) est mis en place depuis le 1 er septembre 2005, pour les étrangers en situation irrégulière, qui n'ont pu obtenir la délivrance ou le renouvellement de leur titre de séjour et qui ont été invités à quitter le territoire français.

Ce dispositif prévoit, après examen du dossier par l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations (Anaem), le versement d'une aide de 2.000 euros pour un adulte, de 3.500 euros pour un couple et 1.000 euros par enfant jusqu'au troisième enfant, puis 500 euros par enfant supplémentaire. Celle-ci fait l'objet de versements fractionnés au moment du départ et sur une durée d'un an dans le pays de retour. Cette aide financière est accompagnée d'un entretien personnalisé et d'une assistance juridique et administrative pour régler les formalités de retour. 10 millions d'euros sont affectés à cette aide pour 2006, financée à parité par l'Etat et par l'Anaem.

Placée sous la responsabilité du préfet dans vingt et un départements et réalisée en partenariat avec l'Anaem, cette expérimentation fera l'objet d'une évaluation avant d'être généralisée sur l'ensemble du territoire .

3. Développer les dispositifs d'accueil et d'écoute des jeunes en difficulté

Deux mesures nouvelles entrent dans le cadre de la mise en oeuvre du programme 18 « restaurer le lien social » du plan de cohésion sociale : la création de nouveaux points d'accueil et écoute des jeunes (PAEJ) et le développement des pôles d'accueil en réseau pour l'accès aux droits sociaux (Parads).

a) Le développement des points d'accueil et écoute des jeunes

Les PAEJ offrent aux jeunes en difficulté des lieux d'accueil, d'écoute, de soutien et de médiation. En 2004, on en comptait déjà 174, répartis dans soixante-quatre départements. Cent points nouveaux ont été créés en 2005 pour un coût total de 2,9 millions d'euros et la création de trente-trois nouvelles antennes est prévue pour 2006.

Chaque projet, doté d'un budget estimé à 108.000 euros, est co-financé par les collectivités locales, les organismes de protection sociale et l'Etat, dont le rôle d'impulsion est décisif. Généralement, il contribue à hauteur d'un tiers au budget de chaque PAEJ, soit un montant global qui atteint 10 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2006.

b) Le succès des pôles d'accueil en réseau pour l'accès aux droits sociaux (Parads)

Créés en 2005, les Parads sont des guichets uniques départementaux d'accueil et d'information relatifs aux droits sociaux, qui regroupent les principaux intervenants du secteur social : les caisses d'allocations familiales et d'assurance maladie, les caisses de la Mutualité sociale agricole et les centres communaux d'action sociale.

En 2005, une enveloppe d'1 million d'euros a permis la création de vingt pôles d'accueil. Pour 2006, une dotation équivalente assure la montée en charge du dispositif avec la création de vingt nouvelles structures dans les départements qui en sont dépourvus.

c) Le rôle décisif du Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire

Le fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire (Fonjep) est un maillon essentiel du dispositif de lutte contre les exclusions, puisque son rôle consiste à aider les associations à financer les personnes qualifiées qui contribuent aux actions de terrains qu'elles mènent.

Pour 2006, le Fonjep dispose de 12,5 millions d'euros pour assurer la gestion de 1.690 postes d'encadrement au sein des associations d'insertion. Ainsi, chaque poste correspond, pour l'association bénéficiaire, à une aide de l'Etat d'environ 7.300 euros, à laquelle il faut ajouter des frais de gestion divers.

Votre commission déplore que le coût unitaire des postes financés n'ait pas été réévalué, ce qui risque de se traduire soit par une diminution du nombre de postes, soit par un dépassement des crédits.

4. L'engagement de l'Etat en faveur des rapatriés

L'action « rapatriés » (177,8 millions d'euros) s'inscrit dans le cadre de la mission interministérielle aux rapatriés (Mir). Pour 2006, elle finance 114 millions d'euros de mesures nouvelles, résultant principalement de l'application de la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des rapatriés :

• Depuis le 1 er janvier 2003, une allocation trimestrielle de reconnaissance est versée aux Harkis et veuves originaires d'Afrique du Nord, âgées de soixante ans et plus, domiciliés dans un Etat membre de l'Union européenne et ayant acquis la nationalité française avant le 1 er janvier 1973. Cette allocation, qui s'apparente à une forme de retraite complémentaire, s'élève actuellement à 1.830 euros par an.

La loi du 23 février 2005 a réformé ses modalités de versement en permettant aux bénéficiaires d'opter, avant le 1 er octobre 2005, soit pour une augmentation de l'allocation de reconnaissance portée à 2.800 euros par an, soit pour un maintien de l'allocation à son niveau actuel avec un versement complémentaire en capital de 20.000 euros, soit enfin pour une sortie en capital de 30.000 euros. Le projet de loi de finances prévoit, dès 2006, une contribution de 100 millions d'euros au financement de ce dispositif, dont le coût global estimé s'élève à 600 millions d'euros.

• Dans le cadre de la loi du 23 février 2005, le Gouvernement a fixé à la fin de l'année 2006 le délai-limite de règlement des dossiers de désendettement des rapatriés réinstallés dans des professions non salariées. La réalisation de cet objectif devrait se traduire pour 2006 par une dépense de 10 millions d'euros.

• La même loi a prolongé le plan Harkis d'aide au logement jusqu'au 31 décembre 2009, qui prévoit des aides à l'acquisition de la résidence principale ou à l'amélioration de l'habitat, ainsi qu'une aide exceptionnelle au titre du désendettement immobilier. A cette fin, une enveloppe de 6 millions d'euros a été prévue par la loi de finances pour 2006.

• Enfin, la loi prévoit la restitution aux rapatriés d'Algérie, du Maroc et de Tunisie des sommes prélevées sur les certificats d'indemnisation (article 46 de la loi du 15 juillet 1970). D'un montant global de 311 millions d'euros, cette mesure devrait concerner environ 90.000 personnes. Son financement sera étalé de 2005 à 2008 : 39 millions d'euros ont déjà été dépensés en 2005 et les crédits engagés pour 2006 s'élèvent 61,8 millions d'euros.

B. UN DÉFI : FAVORISER L'ÉGALITÉ ET LA COHÉSION SOCIALE

1. Améliorer les conditions d'un égal accès aux soins

a) Une gestion rationalisée de la couverture maladie universelle complémentaire

L'action « accès à la protection maladie complémentaire » contribue au financement du fonds CMU via une subvention versée par l'Etat de 323,5 millions d'euros pour l'année 2006. Cette dotation, en nette diminution par rapport à 2005, traduit la poursuite du transfert du financement de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) de l'Etat vers l'assurance maladie, engagé depuis 2004.

Evolution de la contribution de l'Etat au fonds CMU-C

(en millions d'euros)

Années

2004

2005

Prévisions 2006

Mission « Solidarité et intégration » (1)

946,56

660,58

323,5

Mission « Outre-mer » (2)

50

34,4

31,0

TOTAL

996,56

694,98

354,5

(1) Anciennement budget « Santé-solidarité »

(2) Anciennement budget « Outre-mer »

Créée par la loi du 27 juillet 1999, la CMU-C est une protection complémentaire publique, complète et gratuite, attribuée sous conditions de résidence et de ressources. Grâce à la couverture intégrale des soins pris en charge et à la dispense d'avance de frais, elle vise à assurer un haut niveau de protection complémentaire aux personnes disposant de faibles revenus.

L'article 89 du projet de loi de finances pour 2006 propose d'aligner les modalités de calcul des plafonds de ressources fixés pour l'accès à la CMU-C sur celles qui sont en vigueur pour le RMI. Celles-ci intègrent dans le calcul du plafond le montant du forfait logement, qui s'élève environ à 50 euros. Cette mesure devrait entraîner une réduction du nombre de bénéficiaires potentiels et permettre d'économiser 20 millions d'euros.

En 2004, près de 4,8 millions de bénéficiaires étaient couverts par le dispositif CMU-C . Ce nombre reste relativement stable, malgré un nombre d'entrées et de sorties important : en 2004, 1.631.006 personnes sont sorties du dispositif, tandis qu'y entraient 1.464.317 nouveaux bénéficiaires.

Votre commission approuve l'alignement des conditions d'octroi de la CMU-C sur celles du RMI, les allocataires du RMI et leurs ayants droit représentant plus de la moitié des bénéficiaires. Cette mesure de cohérence va dans le sens d'une harmonisation des conditions d'accès aux droits connexes et aux minima sociaux , que votre commission a appelé de ses voeux dans son rapport d'information relatif aux minima sociaux 4 ( * ) .

b) La révision des conditions d'accès à l'aide médicale d'Etat

L'action « aide médicale de l'Etat » (233,5 millions d'euros) constitue une nouvelle action du programme « Protection maladie » , celle-ci appartenant auparavant au programme « Accueil des étrangers et intégration ».

L'aide médicale d'Etat (AME) permet l'accès aux soins des personnes étrangères résidant en France depuis plus de trois mois, sous conditions de ressources, et qui ne peuvent pas bénéficier de la CMU.

La mise en place de conditions plus restrictives a permis de limiter l'évolution du nombre de bénéficiaires :

• en 2003, la loi de finances rectificative a conditionné le versement de l'AME à une résidence en France ininterrompue de plus de trois mois, supprimé la possibilité d'admission immédiate et permis une prise en charge forfaitaire par l'Etat des soins urgents pour les étrangers en situation irrégulière, non éligibles à l'AME5 ( * ). En limitant le « tourisme médical », ces premières mesures ont entraîné une diminution significative du nombre de prestataires : 147.297 bénéficiaires en 2004 contre 170.318 en 2003.

• en 2005, deux décrets 6 ( * ) ont fixé les modalités d'accession à l'AME et ont précisé :

- la nature des ressources prises en compte et la période sur laquelle porte leur évaluation ;

- les conditions d'agrément des associations ou organismes qui assurent la domiciliation postale des bénéficiaires et les assistent dans leurs démarches ;

- la création et les modalités de remise d'un titre standardisé d'admission à l'AME ;

- les pièces justificatives à fournir pour vérifier le respect des conditions nécessaires pour accéder à l'AME ;

- la nature du suivi des dépenses liées à l'AME.

La mise en place de conditions de versement plus restrictives devrait permettre, dès 2006, d'enrayer la dérive des dépenses constatée chaque année en exécution, ce que votre commission ne peut qu'approuver. Toutefois, en 2005, la dépense est estimée à 368 millions d'euros, alors que la loi de finances initiale a prévu 233 millions d'euros de crédits de paiement, soit un dépassement de 135 millions d'euros.

Pariant sur les effets immédiats des décisions réglementaires nouvelles, le projet de loi de finances pour 2006 a reconduit les crédits de l'AME au même niveau que les années précédentes, soit 233 millions d'euros. Ils incluent 20 millions d'euros pour financer la prise en charge des soins urgents pour les étrangers non bénéficiaires de cette aide.

Votre commission craint pourtant une sous-dotation de cette mesure, qui se traduit chaque année par l'accumulation d'une dette auprès de la caisse nationale d'assurance maladie, qui atteint déjà près de 400 millions d'euros à la fin 2004.

c) L'indemnisation des victimes de l'amiante

L'action « fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante » contribue à hauteur de 50 millions d'euros au besoin de financement du fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva), l'essentiel de sa dotation provenant de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) du régime général de la sécurité sociale.

Votre commission, suivant les préconisations du rapport de la mission d'information commune sur le bilan et les conséquences de la contamination par l'amiante 7 ( * ) , souhaiterait que la participation de l'Etat atteigne progressivement 30 % des recettes annuelles du Fiva , soit environ 100 millions d'euros. En effet, cette contribution devrait être à la hauteur de la double responsabilité de l'Etat en tant qu'employeur et en tant qu'autorité régalienne en charge de la santé publique. Cet effort supplémentaire de l'Etat favoriserait de surcroît le retour à l'équilibre de la branche AT-MP.

2. Créer les conditions d'une véritable égalité des chances

a) Le contrat d'accueil et d'intégration

Le contrat d'accueil et d'intégration (CAI), qui constitue la base de la nouvelle politique d'accueil et d'intégration voulue par le Président de la République 8 ( * ) , a pour objectif de favoriser l'intégration des étrangers qui souhaitent s'installer en France durablement ou pour une durée au moins égale à un an. Signé entre la personne volontaire et le préfet, le CAI est pris en compte pour l'obtention de la carte de résident et la naturalisation.

Mis d'abord en place à titre expérimental dans douze départements, il a été étendu à quatorze nouveaux départements, l'objectif étant à terme de couvrir l'ensemble du territoire. La montée en charge du dispositif est rapide, puisque 8.027 contrats ont été signés en 2003, puis 37.613 en 2004, pour atteindre un total de 81.089 au mois d'août 2005. Le CAI pourrait également être étendu aux jeunes âgés de seize à dix-huit ans, six départements ayant expérimenté un partenariat entre les antennes locales de l'Anaem et les services départementaux de l'éducation nationale.

L'Anaem et le fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations (Fasild) organisent la mise à disposition gratuite d'un ensemble de prestations telles que des cours d'éducation civique obligatoires, des formations linguistiques facultatives, des journées d'informations pratiques « Vivre en France » et un accompagnement social personnalisé.

Ainsi, l'action « intégration » (219 millions d'euros) contribue à l'extension du dispositif sur l'ensemble du territoire, notamment via les subventions versées au Fasild (177 millions d'euros), qui assure l'ensemble des prestations liées aux CAI. La dotation de l'Anaem (16,4 millions d'euros), en charge de la gestion du service public d'accueil des étrangers, doit financer la généralisation du CAI, en créant des antennes ou des bureaux d'accueil dans tous les départements.

Votre commission se réjouit de la mise en place rapide des CAI et de l'adhésion dont ils font l'objet dans les départements qui les ont déjà expérimentés. En effet, plus de 90 % des personnes auxquelles le CAI a été proposé ont accepté de le signer, manifestant ainsi une véritable volonté d'intégration. Pour cette raison, votre commission souhaite que les crédits affectés à l'Anaem et au Fasild pour permettre sa généralisation en 2006 soient utilement employés.

b) Favoriser l'égalité entre les hommes et les femmes

Le programme « Égalité entre les hommes et les femmes » ne regroupe qu'une fraction mineure de la mission « Solidarité et intégration » avec une dotation budgétaire de 27,44 millions d'euros répartie en cinq actions : « accès des femmes aux responsabilités et à la prise de décision », « égalité professionnelle », « égalité en droit et en dignité », « articulation des temps de vie » et « soutien du programme égalité entre les hommes et les femmes ».

Les crédits sont affectés en grande majorité aux associations qui mènent des actions de terrain relatives à l'égalité professionnelle, à l'accès des femmes aux hautes fonctions politiques ou économiques, à l'information des femmes sur leurs droits, à l'écoute et l'accompagnement des femmes victimes de violences, à la lutte contre les discriminations ou encore à la meilleure articulation entre vie professionnelle et vie familiale. Les fonds qui leur sont accordés par l'Etat font l'objet le plus souvent de conventions triennales qui permettent de stabiliser leur budget et de pérenniser leurs actions.

Un des acteurs essentiels de ce programme est le Centre national d'information sur les droits des femmes (CNIDFF) constitué en réseau regroupant 115 centres sur l'ensemble du territoire, afin d'offrir une information juridique, financière, économique, sociale ou sanitaire gratuite.

c) Le rôle central de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité

Créée par la loi du 30 décembre 2004, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde) est une autorité administrative indépendante, chargée d'enregistrer les réclamations pour discrimination et de promouvoir le principe d'égalité.

L'action qui lui est consacrée regroupe les moyens budgétaires mis au service de cet organisme, qui sont reconduits en 2006 à hauteur de 10,7 millions d'euros et qui comprennent 5,8 millions d'euros pour financer l'équivalent de soixante-six emplois à temps plein et 4,9 millions d'euros pour les dépenses de fonctionnement hors personnel.

La Halde prévoit une montée en puissance de son activité dès 2006, l'année 2005 ayant permis sa mise en place et l'organisation de ses activités. Elle estime notamment à 4.000 le nombre de réclamations qu'elle pourrait enregistrer l'année prochaine et réserve une partie des crédits non employés en 2005 au développement d'actions de communication et de promotion en faveur de l'égalité.

C. UNE NÉCESSITÉ : ENCADRER LES RISQUES DE DÉRAPAGE DES MINIMA SOCIAUX

1. Un premier bilan en demi-teinte de la décentralisation du revenu minimum d'insertion

La gestion du revenu minimum d'insertion (RMI) et du revenu minimum d'activité (RMA), désormais confiée aux départements par la loi du 18 décembre 2003 9 ( * ) , ne relève plus de la mission « Solidarité et intégration ». Pourtant, le RMI et le RMA participent éminemment à la politique nationale de lutte contre les exclusions, dont les actions sont regroupées dans le programme « Inclusion sociale » de la mission.

C'est pourquoi, votre commission souhaite établir un premier bilan de la décentralisation du RMI-RMA , sur deux points qui lui paraissent essentiels : la compensation financière par l'Etat du transfert de la gestion du RMI au profit des départements et la mise en place du contrat d'insertion - revenu minimum d'activité (CI-RMA).

a) La compensation financière versée par l'Etat aux départements

Le transfert de la gestion du RMI aux départements fait l'objet d'une compensation financière de l'Etat , grâce à l'affectation d'une fraction du produit de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP), d'un montant égal aux dépenses de l'année 2003, soit 4,94 milliards d'euros .

Dans son rapport relatif à la décentralisation du RMI 10 ( * ) , Michel Mercier a dressé un premier bilan de ce transfert de compétences. Pour l'année 2004, il estime que la compensation de l'Etat est insuffisante au regard de l'augmentation de 9 % du nombre de bénéficiaires du RMI, qui a occasionné un surcroît de dépenses de même ampleur (+ 8,3 % environ), établissant le coût total du transfert à 5,36 milliards d'euros . Il en résulte un déficit global estimé à 430 millions d'euros , la quasi-totalité des départements étant concernée et certains affichant même un déficit supérieur à 15 %.

Pour éviter qu'une telle situation ne se reproduise, l'Observatoire de la décentralisation propose que l'année 2004 serve désormais de référence à la fixation du montant de la compensation et que le RMI soit financé par des ressources plus modulables, en complément de la TIPP, telles qu'une part de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance ou une dotation différentielle.

A compter de 2006, le Gouvernement qui s'est engagé à compenser intégralement les dépenses liées à la gestion du RMI, remettra tous les trois ans un rapport au Parlement relatif à l'évolution dans chaque département du nombre de bénéficiaires du RMI, du RMA ou du revenu de solidarité et à la gestion administrative et financière des politiques d'insertion menées localement. Ce rapport de synthèse devrait permettre, en mutualisant les expériences départementales, d'améliorer l'efficacité du dispositif et de rendre sa gestion plus performante.

Cela suppose une mobilisation active des départements et de tous les acteurs impliqués dans la gestion du RMI, en faveur de la réinsertion et du retour à l'emploi des personnes concernées.

b) Favoriser la réinsertion et le retour à l'activité des personnes bénéficiaires du RMI

Le CI-RMA, créé par la loi du 18 décembre 2003, est un contrat à durée déterminée et à temps partiel, dérogatoire du droit commun. Il vise à favoriser le retour à l'emploi des titulaires du RMI, grâce à l'activation de l'allocation, qui est alors versée à l'employeur pour diminuer d'autant le coût du travail.

Compte tenu du peu de succès rencontré par le dispositif dans les premier mois de sa mise en oeuvre, il a été modifié une première fois par la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale, puis par la loi du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne.

Le CI-RMA réformé est entré en application le 26 août 2005. Il s'adresse désormais au seul secteur marchand et associatif et a été étendu aux titulaires de l'allocation spécifique de solidarité (ASS), de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et de l'allocation de parent isolé (API). De plus, lorsqu'il a la qualité d'un contrat de travail temporaire, le CI-RMA peut être renouvelé deux fois, en supprimant les délais de carence entre deux contrats ainsi que l'indemnité compensatrice de précarité versée au bénéficiaire au moment de son départ. C'est actuellement déjà le cas lorsque le CI-RMA est un contrat à durée déterminée.

Ces diverses mesures ont permis une redynamisation du dispositif : ainsi, au mois d'octobre 2005, près de 2.200 bénéficiaires du RMI et plus de 630 titulaires de l'ASS et l'API avaient signé un CI-RMA.

Le projet de loi relatif au retour à l'emploi et au développement de l'emploi, déposé à l'Assemblée nationale le 8 novembre 2005, devrait compléter utilement les dispositifs déjà mis en oeuvre pour inciter les titulaires de minima sociaux à reprendre une activité. Ce texte vise en priorité à favoriser la sortie de l'assistance des allocataires du RMI, de l'ASS et de l'API en encourageant des reprises d'emploi d'une durée suffisante pour assurer l'autonomie financière de ces salariés et de leur famille. À cette fin, il met en place un mode d'intéressement commun aux trois catégories de bénéficiaires, reposant sur le versement de primes forfaitaires, plus simple que l'actuel dispositif mais également financièrement plus avantageux.

Ainsi, tout bénéficiaire du RMI, de l'ASS ou de l'API qui reprendra un emploi d'une durée de plus de 78 heures par mois percevra pendant les trois premiers mois, son allocation en plus de son salaire ; pendant les neuf mois suivants, une prime mensuelle de 150 euros (avec une bonification de 75 euros par mois pour les familles), une prime forfaitaire de 1.000 euros au quatrième mois suivant l'embauche et la prime mensuelle pour l'emploi d'un montant moyen estimé à 66 euros.

Pour que la première heure travaillée soit encouragée, tout allocataire qui reprendra un emploi d'une durée mensuelle inférieure à 78 heures bénéficiera d'un intéressement proportionnel à son temps de travail.

Cette réforme, qui n'entraînera pas de dépense supplémentaire pour les départements, devrait représenter un coût pour l'Etat de 240 millions d'euros, pour financer la prime de 1.000 euros.

Ainsi que l'a annoncé le Premier ministre, le 1 er septembre 2005, ce texte s'inscrit dans une volonté plus large de réformer les minima sociaux, en tenant compte des droits connexes , afin d'appréhender le système de façon globale et définir des principes propres à en améliorer la cohérence.

Votre commission approuve cette démarche, identique en tous points à celle qu'elle a elle-même préconisée en matière de versement des minima sociaux 11 ( * ) .

2. Des dépenses d'API très largement sous-estimées

Les fonds alloués en 2006 au financement de l'allocation de parent isolé (API) s'élèvent à 875 millions d'euros, en progression de 1,4 % par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2005.

Mais ce taux de progression est peu significatif car les dépenses réelles d'API en 2005, estimées à 970 millions d'euros par la commission des comptes de la sécurité sociale, ont été largement supérieures aux crédits ouverts qui se montaient, pour mémoire, à 863 millions d'euros. La sous-estimation de ces dépenses apparaît d'ailleurs chronique, puisque la dotation 2005 avait déjà été réévaluée de 12 % par rapport à 2004 à la suite du constat d'un dérapage des dépenses réelles par rapport aux prévisions.

Il convient, par conséquent, de comparer les crédits prévus par le présent projet de budget non pas aux crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2005 mais aux dépenses réelles : on constate alors que le Gouvernement table en réalité sur une diminution de 9,8 % des dépenses d'API en 2006.

Ce recul sensible serait rendu possible par une diminution importante du nombre de bénéficiaires, de l'ordre de 7,2 %, qui compenserait largement les effets de la revalorisation de 1,7 % du montant de l'allocation attendue en 2006, et même le rattrapage de la revalorisation intervenue en 2005 (+ 2,16 % au lieu des 1,5 % initialement budgétés).

Votre commission est particulièrement dubitative concernant l'hypothèse d'évolution du nombre de bénéficiaires retenue par le Gouvernement, dans la mesure où, depuis 1999 et quelle que soit la conjoncture économique, ce nombre a augmenté de 4 % en moyenne annuelle.

Ce recul massif du nombre de bénéficiaires de l'API serait, selon le Gouvernement, le résultat de la mise en oeuvre, à compter de 2006, d'une politique d'activation des dépenses d'allocation visant à mieux accompagner les bénéficiaires dans leur démarche de retour à l'emploi et à lever les obstacles matériels à la reprise d'activité.

Ainsi, le projet de loi relatif au retour à l'emploi et au développement de l'emploi, présenté en conseil des ministres le 8 novembre 2005, prévoit une réforme des mécanismes d'intéressement applicables aux bénéficiaires de l'API, ainsi que la mise en place, sur le modèle du RMI, d'une démarche d'insertion plus structurée à leur profit, comportant un accompagnement individualisé visant à repérer et à lever, au cas par cas, les obstacles au retour à l'emploi, notamment en ce qui concerne la garde des enfants.

Dans la lignée de la convention d'objectifs et de gestion signée avec la caisse nationale des allocations familiales, qui prévoit la poursuite du développement des places de crèche, et de la mise en place de la prestation de service unique (PSU) qui oblige les crèches à supprimer de leur règlement la référence à la bi-activité des parents, le projet de loi crée en effet une priorité d'accès aux places de crèche pour les bénéficiaires de l'API. Parallèlement, les caisses d'allocations familiales et les conseils généraux sont encouragés à définir une offre de services en matière d'accompagnement de ces personnes dans leur recherche d'un mode de garde.

Votre commission ne peut que se féliciter de cette prise en compte de la difficulté spécifique de retour à l'emploi des bénéficiaires de l'API liée à la garde d'enfant.

Toutefois, il est peu vraisemblable que ce projet de loi puisse avoir un effet aussi spectaculaire sur le nombre de bénéficiaires de l'API en si peu de temps : il ne devrait pas entrer en vigueur avant le mois de mai 2006 et sa montée en charge pourrait s'étaler sur plusieurs mois, voire plusieurs trimestres, le temps de diffuser l'information auprès des bénéficiaires.

Un dérapage des dépenses d'API paraît donc inévitable. Votre commission souligne d'ailleurs que la commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2005 table sur des dépenses d'1 milliard d'euros en 2006, soit une progression de 6,3 % : s'il est vrai que ces prévisions ont été établies avant prise en compte du projet de loi relatif au retour à l'emploi, elles donnent une idée de l'ampleur de l'inversion de tendance nécessaire pour respecter la dotation prévue.

II. UN NOUVEAU SOUFFLE POUR LA POLITIQUE DU HANDICAP

Les crédits en faveur des personnes handicapées, regroupés au sein de l' action « handicap et dépendance » de la mission « Solidarité et intégration » s'élèvent 7,8 milliards d'euros . Ces crédits ne représentent toutefois pas l'intégralité de l'effort de l'Etat dans ce domaine : si l'on ajoute les crédits relevant de la mission « Travail et emploi » au titre des entreprises adaptées, ceux de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » concernant les pensions militaires d'invalidité et ceux de la mission « Enseignement scolaire » relatifs à la scolarisation des élèves handicapés, l'ensemble des dépenses de l'Etat en faveur des personnes handicapées s'élève à 9,3 milliards d'euros dans le projet de loi de finances pour 2006 .

De plus, dans le domaine du handicap plus que dans tout autre, il convient de rappeler que l'Etat est loin d'être le seul financeur. La dépense publique en faveur des personnes handicapées s'élève en effet à 36,3 milliards d'euros, l'Etat n'assurant que 22 % de cette dépense.

Source : Projet de loi de finances pour 2006, Annexe « Solidarité et intégration »

C'est la raison pour laquelle le présent avis ne se limite pas à apprécier l'effort de l'Etat. Votre commission estime en effet qu'une telle approche serait trop partielle pour rendre compte de la politique en faveur des personnes handicapées : chaque fois que possible, l'analyse portera sur l'ensemble de la dépense publique. La nouvelle présentation budgétaire issue de la LOLF l'y invite d'ailleurs, puisqu'elle retrace, dans son annexe consacrée au programme « Handicap et dépendance », l'intégralité de cet effort public.

A. DONNER DES MOYENS D'EXISTENCE DÉCENTS AUX PERSONNES HANDICAPÉES : UN RÔLE FONDAMENTAL DE L'ETAT

1. L'incertitude sur l'évolution des dépenses d'allocation aux adultes handicapés en 2006

a) Le rattrapage des insuffisances de la dotation pour 2005

Les crédits consacrés à l'allocation aux adultes handicapés (AAH) s'élèvent à 5,2 milliards d'euros dans le projet de budget pour 2006, ce qui représente une augmentation de 7 % par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2005. Cette année encore, votre commission tient à rappeler qu'une telle progression ne doit pas être, en soi, un motif de satisfaction, dans la mesure où elle signifie qu'un nombre toujours plus important de personnes handicapées ne peut pas vivre de ses revenus d'activité ou reste sans emploi.

Cette hausse importante des crédits ouverts par rapport à 2005 ne signifie toutefois pas qu'une progression à due concurrence des bénéficiaires est attendue pour l'année 2006. En réalité, cette progression est d'abord causée par un nécessaire rebasage de la dotation faisant suite à la sous-estimation des dépenses en 2005 : alors que la loi de finances initiale pour 2005 avait prévu une dotation de 4,8 milliards d'euros, les dépenses réelles se sont montées à 5 milliards d'euros, cette sous-estimation expliquant à elle seule la moitié de la progression des crédits en 2006. La progression réellement imputable à l'année 2006 s'élève en fait à 3,7 %. Hors mesure nouvelle, la croissance spontanée des dépenses tombe même à 1,8 %.

Plusieurs facteurs expliquent ce dérapage par rapport aux prévisions établies lors de l'élaboration du budget :

- le nombre de bénéficiaires a crû de façon plus rapide que prévue : alors que l'hypothèse sur laquelle était fondée la dotation pour 2005 était de + 2,2 % pour le régime général et de - 5 % pour le régime exploitants agricoles, la croissance globale a été de 2,3 %. Cette situation s'explique par la morosité persistante du marché de l'emploi, qui pénalise plus encore que les autres les demandeurs d'emploi handicapés ;

- le coût moyen de l'allocation versée a progressé de 4,8 % au lieu des 1,5 % initialement budgétés : la revalorisation de l'allocation a d'abord été grevée par une inflation plus importante que prévue (2,16 % au lieu de 1,5 %). Par ailleurs, la structure des allocations versées évolue au profit d'un plus grand nombre d'allocations à taux plein (+ 14,2 % depuis 2003), ce qui s'explique une fois encore par le chômage important de la population handicapée et la proportion toujours croissante de personnes sans aucun revenu d'activité. Dans le même temps, le montant moyen des AAH à taux partiel a eu tendance à augmenter, attestant de l'importance du phénomène de travail à temps très partiel chez les personnes handicapées.

Dans ces conditions, votre commission reconnaît l'intérêt de l'indicateur prévu par le projet de loi de finances qui consiste à suivre la proportion d'allocataires de l'AAH percevant un revenu d'activité. Comme les autres minima sociaux, l'AAH ne doit pas enfermer ses bénéficiaires dans l'inactivité et il est nécessaire, tant pour la dignité des personnes concernées que pour la santé de nos finances publiques, de promouvoir l'accès ou le retour à l'emploi des allocataires de l'AAH.

Elle regrette toutefois que la construction de cet indicateur, qui figurait déjà à l'état d'ébauche dans l'avant-projet de projet annuel de performance de l'an passé, n'ait pas été achevée cette année, d'autant plus que les données nécessaires existent dans les fichiers de la Cnaf mais ne sont simplement pas exploitées à ce jour. Votre commission estime également qu'il serait utile, dans un deuxième temps, d'affiner cet indicateur par niveau de revenu d'activité, ainsi qu'en fonction de la durée de présence du bénéficiaire dans le dispositif d'intéressement.

S'agissant du rebasage de la dotation à la suite du dérapage des dépenses en 2005, votre commission ne peut qu'approuver l'effort de clarification budgétaire du Gouvernement. Elle regrette toutefois que cet effort ne soit entièrement abouti, puisqu'il laisse subsister une dette importante de l'Etat à l'égard de la Cnaf : fin 2005, si aucun apurement n'est prévu en loi de finances rectificative, cette dette s'élèvera en effet à 426 millions d'euros.

Dette de l'État à l'égard de la Cnaf au titre de l'AAH

(en millions d'euros)

2002

2003

2004

2005*

Dépenses constatées

4.430

4.577

4.812

5.068

Dotations budgétaires

4.277

4.526

4.661

4.847

Solde annuel

- 153

- 51

- 151

- 221

Ouvertures LFS

150

0

101

n.c.

Dette Cnaf cumulée

- 3

- 54

- 205

n.c.

* Prévisions

b) La fragilité des hypothèses pour 2006

En ce qui concerne l'évolution des dépenses imputables à la seule année 2006, votre commission ne peut qu'être circonspecte, tant les hypothèses retenues pour la fixation de la dotation lui paraissent fragiles.

Le projet de loi de finances table d'abord sur une progression du niveau des prix de l'ordre de 1,8 % pour déterminer la revalorisation de l'allocation au 1 er janvier prochain. Or, un dérapage est à craindre si l'on tient compte des risques inflationnistes liés à la hausse des prix du carburant.

La structure des allocations servant de base aux prévisions budgétaires paraît, elle aussi, sujette à caution. Le Gouvernement estime en effet que 70 % des AAH versées le sont au titre de l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale, c'est-à-dire à des personnes dont le taux d'invalidité est supérieur à 80 %, et 30 % seulement au titre de l'article L. 821-2 qui concerne les personnes dont le taux d'invalidité est compris entre 50 et 80 % mais qui sont dans l'impossibilité de se procurer un emploi du fait de leur handicap. Ces prévisions apparaissent contradictoires avec le fait que, depuis plusieurs années, la proportion des accords d'AAH au titre de l'article L. 821-2 s'élève plutôt à 40 %. Or, les allocations versées sur la base de cet article sont forcément des allocations de montant élevé, puisque qu'elles sont par définition versées à des personnes sans emploi.

Enfin, votre commission reste sceptique quant à la progression attendue du nombre de bénéficiaires de l'AAH : l'hypothèse de quasi-stabilité (+ 0,16 %) retenue par le Gouvernement lui semble particulièrement optimiste dans la mesure où la croissance moyenne annuelle des allocataires s'établit à 2,8 % entre 1996 et 2005.

Le Gouvernement explique cette hypothèse très basse par l'impact attendu des mesures prises en faveur de l'emploi des personnes handicapées dans le cadre de la loi « Handicap », en particulier de l'amélioration du cumul autorisé entre AAH et revenu d'activité, de l'alourdissement des sanctions contre les entreprises qui ne respectent pas l'obligation d'emploi et de la création du fonds d'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique.

Il mise également sur une harmonisation des pratiques d'attribution de l'AAH : une mission a ainsi été chargée d'analyser les écarts en termes de taux d'accord d'AAH entre départements et de faire des propositions pour unifier les critères d'attribution de l'allocation. Un premier élément d'harmonisation a vu le jour au dernier trimestre 2005, avec la parution d'un « barème emploi » destiné à encadrer l'évaluation de la condition d'incapacité à se procurer un emploi du fait du handicap, ouvrant droit au bénéfice de l'AAH dans le cadre de l'article L. 821-2 du code de la sécurité sociale.

Sur le fond, votre commission approuve naturellement ces mesures, puisqu'elle a contribué à les élaborer au cours de débats sur la loi du 11 février 2005. Mais elle doute qu'elles pourront avoir un impact aussi important dès 2006, compte tenu des inévitables délais de parution des décrets d'application et de montée en charge des nouveaux dispositifs sur le terrain. Elle estime donc qu'un nouveau dérapage des dépenses d'AAH en 2006 est à craindre.

2. Une prise en compte très partielle de l'impact de la loi du 11 février 2005

Votre commission est d'autant plus dubitative sur le respect de l'enveloppe consacrée aux dépenses d'AAH que l'impact des mesures prévues dans le cadre de la loi du 11 février 2005 ne semble qu'imparfaitement pris en compte.

a) La mise en place d'un dispositif d'intéressement au retour à l'emploi

La priorité accordée à l'intégration professionnelle des personnes handicapées a conduit le législateur à mettre en place un dispositif d'intéressement au profit des bénéficiaires de l'AAH qui reprennent une activité professionnelle.

Ainsi, les personnes handicapées exerçant une activité professionnelle pourront désormais appliquer un abattement sur leurs revenus d'activité pour la détermination du plafond de ressources ouvrant droit à l'AAH. Cet abattement varie en fonction du montant de ces revenus d'activité : fixé au maximum à 40 % pour des revenus d'activité inférieurs à 300 Smic horaire dans l'année, l'abattement diminue jusqu'à atteindre 10 % pour un revenu d'activité annuel égal à 1.100 Smic horaire et s'annule au-delà de 1.500 Smic horaire annuel.

Cet abattement a pour effet de porter de 0,2 à 0,3 Smic le niveau de salaire compatible avec le bénéfice d'une AAH à taux plein et, surtout, de permettre un cumul à taux partiel pour une plage de salaire beaucoup plus importante, à savoir jusqu'à 1 Smic, là où l'allocation s'éteignait au-delà de 0,3 Smic. Il convient en outre de souligner que, contrairement aux dispositifs mis en place pour d'autres minima sociaux, l'intéressement à la reprise d'activité dans le cadre de l'AAH est permanent, puisque l'abattement est possible sans limitation dans le temps.

La mise en oeuvre de ce nouvel intéressement devrait avoir deux effets contradictoires sur les dépenses d'AAH : l'élargissement de la plage de salaire compatible avec le bénéfice de l'allocation devrait freiner la réduction du nombre de bénéficiaires et engendrer un surcroît de dépenses, alors que l'augmentation du nombre de titulaires en situation d'emploi devrait permettre une réduction des montants moyens versés.

Il reste que, dans un premier temps tout au moins, le premier effet devrait l'emporter. Ainsi, le coût de cette mesure avait été estimé à 43,5 millions d'euros en 2005. Mais les informations transmises à votre commission ne permettent pas de savoir si cette dépense supplémentaire avait été prise en compte dans le budget pour 2005, ni si le projet de loi de finances pour 2006 en tient compte et encore moins de déterminer le coût de la poursuite de sa montée en charge pour 2006.

b) L'amélioration du « reste à vivre » en établissements

Au cours des débats sur la réforme de l'AAH dans le cadre de la loi « Handicap », la situation faite aux personnes accueillies en établissement médico-social a été largement dénoncée : jusqu'à présent, les décrets prévoyaient en effet que la participation des personnes accueillies devait être fixée de telle sorte que celles-ci ne conservent au plus que 12 % du montant de l'AAH à taux plein, soit environ 70 euros 12 ( * ) .

S'agissant de personnes lourdement handicapées ne disposant généralement d'aucunes autres ressources, cette somme s'avérait très insuffisante pour permettre à la personne de faire face à ses autres dépenses d'entretien. Elle ne permettait pas, en outre, aux personnes concernées de cotiser auprès d'une mutuelle, alors même qu'elles ne pouvaient pas avoir accès à la couverture maladie universelle (CMU).

C'est la raison pour laquelle l'article R. 821-8 du code de l'action sociale et des familles, modifié par un décret du 29 juin 2005, fixe désormais le « reste à vivre » minimum pour les personnes accueillies en établissement à 30 % du montant de l'AAH à taux plein, soit 180 euros. Il prévoit également qu'aucune réduction ne peut être appliquée lorsque la personne concernée a un enfant ou un ascendant à charge ou lorsque son conjoint se trouve sans emploi pour une raison considérée comme recevable par la commission des droits et de l'autonomie ou encore si elle est astreinte au paiement du forfait journalier hospitalier.

Ces dispositions, entrées en vigueur au 1 er juillet 2005, n'avaient pas été prises en compte dans le budget pour 2005. Rien, en l'état des informations disponibles, ne permet de s'assurer que le projet de budget pour 2006 corrige cette erreur. Votre commission n'a pas non plus été en mesure d'obtenir le coût de cette mesure pour les deux exercices budgétaires concernés.

c) La réforme des compléments d'allocation aux adultes handicapés

Prenant en compte la situation des personnes très lourdement handicapées pour lesquelles les perspectives d'amélioration de la situation financière ne pourraient pas passer par la mobilisation du mécanisme d'intéressement, la loi du 11 février 2005 a enfin prévu une réforme du complément d'AAH, qui garantit aux personnes handicapées durablement éloignées de l'emploi un complément de revenu, qui peut prendre deux formes :

- la majoration pour la vie autonome , d'un montant de 100 euros, remplace l'actuel complément d'AAH : comme lui, elle est versée aux personnes ayant un taux d'incapacité supérieur ou égal à 80 %, bénéficiant d'une AAH à taux plein ou en complément d'une pension d'invalidité et vivant dans un logement autonome pour lequel elles perçoivent une aide au logement. Ses conditions d'attribution sont toutefois plus dures puisque la majoration pour la vie autonome est réservée aux personnes qui ne perçoivent pas de revenus professionnels ;

- le complément de ressources , d'un montant de 166,51 euros, concerne les personnes handicapées qui remplissent les mêmes conditions de taux d'invalidité et de logement indépendant 13 ( * ) que les bénéficiaires de la majoration pour la vie autonome mais qui ont pour particularité d'avoir une capacité de travail inférieure à 5 % et d'être sans revenus professionnels depuis au moins un an.

Le projet de loi de finances pour 2006 prévoit 90 millions d'euros pour le financement de ces nouveaux compléments, le nombre de bénéficiaires attendus étant de 130.000 personnes pour le complément de ressources et de 51.000 personnes pour la majoration pour la vie autonome. Votre commission observe cependant que ceux-ci sont entrés en vigueur au 1 er juillet 2005 sans que le budget correspondant ait pu être prévu en loi de finances initiale pour 2005. Votre commission n'a pas pu se faire préciser, à ce stade, si l'enveloppe prévue tenait compte des dépenses à mi-année en 2005 ou si un apurement serait une nouvelle fois nécessaire en loi de finances rectificative.

Les actuels bénéficiaires du complément d'AAH peuvent choisir entre le maintien de celui-ci ou le basculement dans le nouveau système. Si elles choisissent le maintien du complément ancien, elles le perçoivent jusqu'au terme de la période pour laquelle l'AAH leur a été attribuée, soit dix ans au maximum. Par conséquent, les dépenses relatives au complément d'AAH vont s'éteindre progressivement jusqu'en 2015.

Compte tenu du caractère plus restrictif des conditions d'accès aux deux nouveaux compléments d'AAH, il est vraisemblable qu'un certain nombre de bénéficiaires du complément ancien, qui avaient une activité professionnelle, choisiront d'en conserver le bénéfice car elles ne peuvent pas accéder aux nouveaux compléments. Pour ces personnes, le risque d'un découragement de l'activité professionnelle ne doit pas être écarté, dans le cas où le salaire auquel elles peuvent prétendre ne permet pas d'atteindre le niveau de ressources garanti par l'AAH et ses nouveaux compléments.

3. Le fonds spécial d'invalidité : le grand oublié de la réforme du 11 février 2005

a) Une sous dotation chronique du fonds spécial d'invalidité

L'allocation supplémentaire du fonds spécial d'invalidité (FSI) est un minimum social qui complète les ressources des bénéficiaires de pensions d'invalidité de très faible montant. Elle est versée, pour le régime général, par la caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) et, pour les autres régimes, par un fonds spécial géré par la Caisse des dépôts et consignations. Les dépenses correspondantes leur sont ensuite remboursées par l'Etat.

Depuis 2000, la dotation ouverte en loi de finances a été presque systématiquement inférieure aux dépenses réelles, de sorte que la dette cumulée de l'Etat à l'égard des organismes débiteurs de la prestation s'élève aujourd'hui à 100 millions d'euros.

Dette cumulée de l'Etat au titre du FSI

2000

2001

2002

2003

2004

2005

Crédits ouverts

243

243

259

264

272

300

Dépenses réelles

268

276

283

273

292

289

Solde

- 25

- 33

- 24

- 9

- 20

11

Dette cumulée

- 25

- 58

- 82

- 91

- 111

- 100

La sous-estimation chronique des dépenses liées au FSI a conduit à confier en 2004 à l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et à l'Inspection générale des finances (IGF) une mission commune pour en analyser les causes. Cette mission a mis en lumière le manque de fiabilité des prévisions de croissance du nombre de bénéficiaires. Elle a également établi que ce taux de croissance s'élevait en réalité en moyenne annuelle à 0,6 %.

Un premier effort de rebasage de la dotation au FSI a été mené l'an passé : ainsi, les crédits ouverts sont excédentaires de l'ordre de 10 millions d'euros par rapport aux dépenses attendues en 2005, ce qui permet une première réduction de la dette cumulée de l'Etat à l'égard de l'assurance maladie. Cet effort est poursuivi en 2006 : la dotation prévue, qui s'élève à 305 millions d'euros, se base sur les dépenses réelles pour 2004, c'est-à-dire le dernier exercice clos pour lequel les dépenses sont connues avec certitude, elle tient compte de la revalorisation des prestations intervenue en 2005 (1,5 %) et prévue pour 2006 (1,8 %), ainsi que de l'évolution prévisionnelle des bénéficiaires, telle qu'elle ressort du rapport de la mission commune de l'Igas et de l'IGF.

Votre commission approuve cet effort de sincérité budgétaire mais elle engage le Gouvernement, conformément d'ailleurs aux conclusions de la mission menée par les deux inspections, à apurer également le solde de la dette cumulée à l'égard de la Cnam.

b) Un statut paradoxalement moins avantageux que celui de l'allocation aux adultes handicapés

Votre commission constate par ailleurs que les bénéficiaires de l'allocation supplémentaire du fonds spécial d'invalidité ont été les grands oubliés de la réforme de la politique du handicap intervenue en février dernier : alors que la situation des bénéficiaires de l'AAH a été considérablement améliorée, celle des bénéficiaires du « minimum invalidité » est inchangée et le fossé en termes de droits connexes entre les deux prestations s'est donc élargi : titulaires d'une prestation au moins partiellement contributive, les allocataires du FSI se voient reconnaître moins de droits que les bénéficiaires de l'AAH qui est un minimum social de solidarité.

Bien que son attribution soit normalement prioritaire sur l'AAH, l'accès à l'allocation supplémentaire du FSI est d'abord plus difficile car la base ressources utilisée pour évaluer les ressources du demandeur est moins favorable que celle de l'AAH : ainsi, alors que les plafonds de ressources sont identiques, les ressources retenues pour le FSI sont les ressources brutes, alors que celles prises en compte pour l'attribution de l'AAH sont les ressources nettes fiscales. Par ailleurs, il n'existe pas de majoration du plafond pour enfant à charge dans le cadre du FSI. Ces conditions plus restrictives conduisent donc les bénéficiaires à engager des démarches pour obtenir le bénéfice d'une AAH différentielle.

Il convient également de souligner que les sommes versées au titre du FSI sont récupérables sur succession et en cas de retour à meilleure fortune : ainsi, alors que cette allocation est, au moins pour partie, contributive, elle est désormais la seule prestation servie aux personnes handicapées qui demeure récupérable, puisque la loi du 11 février 2005 s'est attachée à supprimer l'ensemble des autres cas de recours sur succession.

Par ailleurs, contrairement à l'AAH, la pension d'invalidité entre dans la base ressources des allocations logement et des prestations familiales sous condition de ressources : cette règle conduit les bénéficiaires du minimum invalidité à percevoir des prestations de plus faible montant. Ils ne bénéficient pas non plus de l'exonération automatique de la taxe foncière.

Si cette inégalité n'est pas nouvelle, la loi du 11 février 2005 l'a encore creusée car, mis à part les cas où ils peuvent bénéficier d'une AAH différentielle, les bénéficiaires de l'allocation supplémentaire du FSI n'ont pas accès à la nouvelle majoration pour la vie autonome, ni au complément de ressources qui permet de garantir aux titulaires de l'AAH des ressources équivalentes à 80 % du Smic net ; ils ne bénéficient pas non plus du régime plus favorable de cumul de l'allocation avec un revenu d'activité.

Ces inégalités sont source d'un sentiment naturel d'injustice de la part des bénéficiaires du FSI qui ne comprennent pas pourquoi ils sont en quelque sorte pénalisés pour avoir travaillé. C'est également une source de fraude, certains bénéficiaires potentiels du FSI faisant semblant d'ignorer la règle de subsidiarité de l'AAH qui les oblige à demander d'abord le minimum invalidité, pour pouvoir bénéficier de l'ensemble des droits attachés à la qualité de bénéficiaire de l'AAH.

C'est la raison pour laquelle la mission commune de l'Igas et l'IGF précitée avait préconisé la fusion de l'allocation supplémentaire du FSI avec l'AAH. Votre commission n'y est pas opposée mais elle estime que cette question est finalement secondaire par rapport à celle de l'harmonisation des droits connexes.

B. L'AN I DE LA COMPENSATION DU HANDICAP

Trois ans après la reconnaissance légale du droit à compensation, la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, donne enfin un contenu concret à ce principe, à travers la création d'une prestation de compensation du handicap qui entre en vigueur au 1 er janvier 2006.

La mise en place de cette nouvelle prestation s'accompagne d'une modification en profondeur de l'architecture institutionnelle de la politique du handicap, avec la création des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) placées sous la responsabilité des conseils généraux et l'intervention de la CNSA, à la fois comme financeur complémentaire, comme responsable de la programmation du développement de l'offre de compensation collective que sont les établissements et comme animateur de la politique du handicap.

1. Des débuts très lents pour la compensation individuelle

a) Les incertitudes liées à la montée en charge de la prestation de compensation

A compter du 1 er janvier 2006, l'actuelle allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) sera remplacée par la prestation de compensation du handicap (PCH). Les crédits consacrés à son financement s'élèvent à 1,1 milliard d'euros en 2006, répartis entre les départements qui apportent 590 millions d'euros, correspondant aux sommes qu'ils consacrent aujourd'hui à l'ACTP - et la CNSA pour un montant de 500 millions d'euros.

Contrairement à celle qui la précédait, la PCH est versée sans condition de ressources et son montant n'est plus forfaitaire mais fonction du besoin réel de compensation du demandeur. Son objet est également plus large que l'ancienne ACTP, puisqu'elle vise à prendre en charge non seulement les frais relatifs aux aides humaines mais également ceux concernant les aides techniques, l'aménagement du logement et du véhicule de la personne handicapée, les éventuels surcoûts résultant de son transport, les dépenses d'aides spécifiques ou exceptionnelles, comme celles relatives à l'acquisition ou l'entretien de produits liés au handicap, ou celles relatives aux aides animalières.

Si l'effort des départements doit rester inchangé, l'apport de la CNSA doit donc permettre de financer les différences de périmètre entre l'ancienne ACTP et la prestation de compensation, c'est-à-dire la suppression de la condition de ressources, qui augmente le nombre de bénéficiaires potentiels de la prestation, l'amélioration de la prise en charge pour le volet aide humaine et l'élargissement de la nature des dépenses susceptibles d'être financées par la nouvelle prestation.

• L'impact de la suppression de la condition de ressources

Aujourd'hui, l'ACTP est versée à 130.000 personnes, mais environ 40.000 autres ont un droit théorique ouvert à cette allocation mais ne la reçoivent pas, du fait de ressources trop importantes. A l'avenir, ces personnes seront donc susceptibles de bénéficier de la PCH puisque celle-ci est versée sans condition de ressources. Dans cette hypothèse qui est la plus extensive, le nombre de bénéficiaires serait donc augmenté d'un tiers par rapport à l'ACTP.

Dans les faits, le Gouvernement table sur un nombre de bénéficiaires situé entre 87.000 et 112.000 personnes, s'agissant des personnes nécessitant une assistance continue pour les actes essentiels de l'existence, ce chiffre étant augmenté de 30.000 bénéficiaires réclamant une surveillance constante, ce volet de la prestation concernant spécifiquement les personnes se mettant en danger du fait d'un handicap mental ou psychique. Il convient également d'ajouter environ 10.000 personnes susceptibles de bénéficier du dispositif spécifique prévu pour les personnes aveugles. Au total, le nombre de bénéficiaires serait compris entre 127.000 et 152.000 personnes.

Si l'on retient cette hypothèse moyenne de nombre de bénéficiaires, le coût de la suppression de la condition de ressources par rapport à l'ACTP, toute chose égale par ailleurs - c'est-à-dire sans changement du montant moyen versé aux personnes handicapées - s'élèverait à 165 millions d'euros, ce qui représente le tiers des financements supplémentaires apportés par la CNSA pour le financement de la PCH.

• L'amélioration de la prise en charge des aides humaines

Le Gouvernement prévoit de consacrer 950 millions d'euros au financement de l'élément « aides humaines » de la prestation de compensation : ce budget correspond en fait aux sommes actuellement consacrées par les départements au financement de l'ACTP, complétées par un apport compris entre 300 et 350 millions d'euros de la CNSA.

Compte tenu du coût de la suppression de la condition de ressources par rapport à l'ACTP, les crédits disponibles pour une amélioration des montants versés aux personnes handicapées s'élèvent à 185 millions d'euros, ce qui correspond - sur la base d'un taux horaire moyen de 12 euros 14 ( * ) - à une hausse de 40 % du nombre d'heures d'auxiliaires de vie susceptibles d'être financées, soit en moyenne une heure supplémentaire par jour et par bénéficiaire par rapport à l'ACTP.

Ce chiffre doit toutefois être analysé avec prudence car l'effort sera certainement concentré sur les personnes les plus lourdement handicapées : en 2005, la CNSA a précisément consacré 180 millions d'euros au financement d'un dispositif de préfiguration de la prestation de compensation au profit des personnes très lourdement handicapées, permettant de porter à environ douze heures par jour la prise en charge de leurs aides humaines. La reconduction de l'aide d'ores et déjà attribuée aux 3.000 personnes concernées par ce dispositif transitoire absorberait donc le solde des crédits apportés par la CNSA.

Dans ces conditions, le respect des prévisions budgétaires supposerait que le niveau d'aide moyen pour le reste de la population handicapée reste inchangé. Dans la mesure où la prestation est attribuée sur la base des besoins réels de la personne handicapée et compte tenu de la faible solvabilisation permise à l'heure actuelle par l'ACTP, il est peu vraisemblable que la somme de ces besoins conduise à ouvrir des droits équivalant justement aux dépenses actuelles d'ACTP. Par conséquent, un effort supplémentaire des départements est inévitable.

• L'élargissement de la nature des dépenses prises en charge

Le solde de l'apport de la CNSA doit permettre le financement des autres éléments de la prestation de compensation :

- s'agissant des aides techniques, le Gouvernement prévoit un nombre de bénéficiaires de l'ordre de 126.000 personnes, la dépense correspondante s'élevant à 110 millions d'euros ;

- le nombre de personnes susceptibles de bénéficier d'un aménagement du logement ou du véhicule s'élèverait à 132.000. Mais ces investissements étant par définition ponctuels, l'ensemble de ces bénéficiaires ne sera pas concerné chaque année. La charge financière de ces aides sera donc répartie sur plusieurs années. Pour 2006, une enveloppe de 20 millions d'euros est prévue à ce titre ;

- les aides spécifiques ou exceptionnelles, pour lesquelles les estimations sont plus aléatoires, se voient consacrer 50 millions d'euros dans le budget de la CNSA ;

- le nombre de bénéficiaires potentiels des aides animalières se monterait 2.500, pour une dépense évaluée à 1,5 million d'euros.

A terme, le système d'information partagé qui doit se mettre en place entre les maisons départementales, les financeurs, l'Etat et la CNSA devrait progressivement permettre d'avoir une vision plus précise des effectifs de bénéficiaires et des dépenses entraînées par la création de la prestation de compensation.

Toutefois, compte tenu de la fragilité des hypothèses retenues pour 2006, votre commission estime qu'il sera sans doute nécessaire de réajuster dès cette année le concours de la CNSA aux départements au titre de la PCH. Il ne serait pas illégitime de concentrer davantage les ressources de la caisse sur cette prestation, quitte à ce que son apport en matière de financement des établissements soit revu à la baisse : dans ce domaine en effet, la CNSA n'intervient que pour majorer les efforts préalables et nécessaires de l'Etat et de l'assurance maladie, alors que pour la prestation de compensation, elle est un financeur indispensable, à parité avec les départements.

b) Les fonds départementaux de compensation du handicap : un investissement bien timide de l'Etat

La prise en charge des aides techniques et de l'aménagement du logement des personnes handicapées n'est pas une problématique entièrement nouvelle. Depuis 1997, des « sites pour la vie autonome » (SVA) - d'abord expérimentaux puis généralisés à compter de 2000 - sont chargés de développer l'accès aux solutions de compensation en fédérant l'ensemble des acteurs qui, au niveau départemental, sont susceptibles de contribuer, au titre de leur action sociale extralégale, au financement des aides techniques.

Dans ce cadre, un fonds départemental de compensation avait été mis en place au sein de chaque site, abondé par ces différents financeurs et par l'Etat. Ce dernier y a consacré 14 millions d'euros en 2005, chaque site ayant bénéficié d'une enveloppe déterminée en fonction de critères démographiques. Les fonds de compensation des SVA ont en outre été abondés de façon exceptionnelle en 2005 par une contribution de 110 millions d'euros de la CNSA, de façon à leur permettre d'attribuer des aides préfigurant la prestation de compensation. Malheureusement, le rattachement tardif de ce fonds de concours n'a pas encore permis la mobilisation de ces crédits au niveau local.

Lors du vote de la loi du 11 février 2005, le législateur a tenu à éviter que la mise en place de la prestation de compensation se traduise par un retrait de ces financeurs extralégaux, estimant que, compte tenu de l'ampleur des besoins, la nouvelle prestation devait s'ajouter aux financements existants et non s'y substituer.

C'est la raison pour laquelle les fonds départementaux de compensation du handicap ont été pérennisés, leur mission consistant à aider les personnes handicapées à financer les aides restant à leur charge après déduction de la PCH. Bien qu'ils soient alimentés par des contributions de nature extralégale, la loi a fixé une obligation de résultat à ces fonds : ainsi, les sommes restant à la charge de la personne handicapée après intervention du fonds ne peuvent être supérieures à 10 % de ses ressources.

En 2006, la dotation prévue par le présent projet de loi de finances pour abonder les fonds de compensation du handicap est une simple reconduction des crédits jusqu'ici consacrés aux fonds d'aide des SVA. Par ailleurs, aucune contribution exceptionnelle de la CNSA n'est à attendre cette année, dans la mesure où les crédits attribués aux SVA l'an passé sont mobilisés pour le financement de la prestation de compensation.

Votre commission regrette la faiblesse de l'engagement de l'Etat dans les fonds départementaux de compensation du handicap. Elle craint en effet que ce manque de mobilisation ne vienne décourager les efforts des autres financeurs extralégaux, et ce alors même que la mise en place de la PCH risquait déjà de les détourner du dispositif.

c) L'assurance maladie au secours du développement de l'offre de service à domicile

Si la nouvelle prestation de compensation du handicap permet de mieux solvabiliser la demande d'aide des personnes handicapées, votre commission estime qu'un soutien à l'offre de service à domicile reste nécessaire, dans un contexte de difficulté de recrutement dans ce secteur et d'explosion attendue de la demande.

• Une pause dans l'effort de création de postes d'auxiliaire de vie

Le développement des services d'auxiliaires de vie a été la première réponse apportée par l'Etat à la demande des personnes handicapées souhaitant vivre à domicile.

Le soutien de l'Etat à ces services prend la forme d'un forfait poste de 9.650 euros qui couvre environ un tiers du coût annuel d'un auxiliaire de vie, le solde étant donc normalement à la charge des usagers qui disposent dans la plupart des cas pour y faire face de l'ACTP ou d'une majoration pour tierce personne servie par la sécurité sociale. A l'avenir, la PCH, dans son volet « aides humaines » pourra être mobilisée pour financer le recours à ces services. Certaines collectivités locales subventionnent toutefois également ces organismes, ce qui permet de réduire à due concurrence la participation demandée aux personnes handicapées.

En 2005, l'Etat finançait 5.764 forfaits postes, ce nombre ayant augmenté de plus de 50 % depuis 2002, attestant de l'effort de rattrapage important accompli en faveur de ces services indispensables au maintien à domicile. Il est en revanche impossible de déterminer le nombre de personnes handicapées bénéficiaires de l'intervention de ces auxiliaires de vie car, depuis 2003, les directions départementales de l'action sanitaire et sociale ont la possibilité d'accorder jusqu'à trois forfaits pour la prise en charge d'une même personne dans le cas de personnes très lourdement handicapées nécessitant une assistance continue dans la vie quotidienne.

Pour la première fois depuis 2001, la loi de finances initiale pour 2005 n'avait prévu aucune création de poste d'auxiliaire de vie. Si l'Etat restait en retrait, une enveloppe de 180 millions d'euros a, en revanche, été ouverte au budget de la CNSA pour le financement d'une aide spécifique destinée aux personnes très lourdement handicapées et visant à permettre la rémunération d'une aide à domicile, soit sous la forme d'un emploi direct, soit en ayant recours à un service prestataire ou mandataire. Cette aide pouvait être versée, selon le souhait de la personne handicapée, en espèces ou sous la forme de forfaits d'auxiliaire de vie venant compléter les forfaits déjà attribués à cette personne dans le cadre des forfaits postes de droit commun.

Pour la deuxième année consécutive, le projet de loi finances pour 2006 ne prévoit aucune création de postes d'auxiliaire de vie. Les 56 millions d'euros prévus sont la simple reconduction des crédits permettant le financement des forfaits postes créés les années passées. Il convient également de souligner que la couverture des charges assurée par le forfait poste se dégrade d'année en année, car son montant est inchangé depuis 2001, alors que le coût du travail augmente.

Votre commission regrette cette situation car l'Etat donne prise à la critique selon laquelle la création de la prestation de compensation, placée sous la responsabilité des départements, lui a permis de se désengager de la politique du handicap.

• L'assurance maladie poursuit en revanche le développement des services médicalisés intervenant à domicile

Dans le cadre des différents plans mis en oeuvre depuis 1999 en faveur des personnes lourdement handicapées, l'assurance maladie a consenti un effort important en faveur des créations de places au sein des structures médicalisées intervenant à domicile :

- les services de soins infirmiers à domicile (Ssiad), désormais ouverts aux personnes handicapées, ont vu leurs capacités augmenter de 300 places en 2003, puis de 1.018 places en 2004 et enfin de 625 places en 2005, pour un montant total de près de 20 millions d'euros sur trois ans ;

- les services d'accompagnement médico-social pour adultes handicapées (Samsah) constituent un nouveau dispositif d'assistance pour les personnes handicapées à domicile. Ils s'adressent plus spécifiquement aux personnes handicapées mentales qui ont besoin d'un encadrement important pour vivre de façon autonome. En 2005, l'assurance maladie a financé 617 places dans ces nouveaux services, dont 214 étaient déjà installées au 30 avril 2005 ;

- enfin, des services ambulatoires annexés soit à des maisons d'accueil spécialisées (Mas), soit à des foyers d'accueil médicalisés (Fam) sont financés depuis 2002, permettant une intervention au domicile de personnes lourdement handicapées nécessitant un recours massif aux aides humaines. Dix-huit services, accueillant 219 personnes, sont à ce jour financés, pour un montant total de 6 millions d'euros.

En 2006, conformément aux objectifs fixés par le programme de création de places 2005-2007 annoncé à l'occasion de la présentation du projet de loi pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées, les crédits ouverts cette année au sein de l'Ondam devraient permettre le financement de 1.250 places nouvelles en services pour adultes handicapés. Une enveloppe supplémentaire a en outre été prévue dans le cadre du plan « Santé mentale » pour le financement de 750 places de Samsah spécifiquement dédiées aux personnes handicapées psychiques.

2. La poursuite de l'engagement en faveur de la compensation collective

Malgré les efforts engagés depuis 1999, force est de constater qu'un nombre toujours important de demandeurs reste dépourvu de solution de prise en charge. Pourtant, la loi du 11 février 2005 a reconnu que l'accès à un établissement adapté pouvait être une modalité d'exercice du droit à compensation. C'est la raison pour laquelle les créations de places en établissements demeurent une priorité des pouvoirs publics et bénéficient désormais de l'intervention de la CNSA.

a) Un effort toujours soutenu en faveur des créations de places en établissements

Comme chaque année, votre commission regrette que le système statistique ne permette pas de connaître avec précision le nombre de places réellement installées et pourvues, de sorte que la programmation des créations de places ne s'appuie pas sur des données fiables. Elle doit se borner à procéder à une estimation sur la base des places installées en 1998 et des chiffres partiels concernant les créations de places financées depuis cette date.

• Un accroissement sans précédent du volume des places créées

Les plans qui se sont succédé depuis 1999 ont comporté des objectifs quantitatifs pour deux types d'établissements :

- un doublement de la capacité d'accueil en maisons d'accueil spécialisées (Mas) et en foyers d'accueil médicalisés (Fam), par rapport aux places existantes en 1998 ;

- une augmentation d'un quart des places ouvertes en centres d'aide par le travail (CAT).

Programmation des créations de places depuis 1999

MAS / FAM

CAT

Plan pluriannuel 1999-2003

1999

1.100

2.000

2000

1.100

2.000

2001

1.100

1.500

2002

1.100

1.500

2003 *

2.200

3.000

2004 **

2.200

3.000

Programme pluriannuel 2005-2007

2005

2.900 ***

3.000

2006

2.500

2.500

2007

2.100

2.500

Total

18.500

21.000

* Doublement de l'annuité 2003 par rapport à la programmation initiale
** Prolongation d'un an du plan pluriannuel 1999-2003
*** Accélération des créations de places dans le cadre du plan « Un élan pour l'autisme »

Au 30 avril 2005, le nombre de places installées en Mas et en Fam s'élevait à 23.513, soit une progression d'un tiers par rapport à 1998. En tenant compte des places programmées, pour lesquelles le financement existe mais qui ne sont pas encore opérationnelles, ce chiffre passe à 29.207 places, soit une progression de deux tiers par rapport à 1998 et un taux de réalisation de 94 % par rapport aux objectifs fixés par les différents plans.

La différence entre le nombre de places réellement financées et les objectifs fixés initialement s'explique toutefois par le fait que la programmation était établie sur la base du coût moyen des places : comme l'assurance maladie finance intégralement les Mas et seulement partiellement les Fam, le nombre de places réellement créées dépend de la nature des projets retenus par les Ddass.

S'agissant des CAT, le bilan réalisé au 30 avril 2005 fait état de 104.985 places installées ou programmées, alors que la dotation budgétaire correspond à un nombre de places théoriques de 107.811, cet écart s'expliquant par une sous-estimation du coût moyen des places.

• Un effort important de prise en compte des personnes les plus lourdement handicapées

Les objectifs quantitatifs de création de places se sont doublés d'une volonté de rééquilibrer l'offre de places au profit de pathologies particulièrement mal dotées. C'est le cas du plan 2001-2003 en faveur des enfants, adolescents et adultes lourdement handicapés : 40 % des crédits ouverts dans le cadre de ce plan étaient destinés à la création de places pour enfants et adultes autistes, 30 % pour des places réservées aux personnes traumatisées crâniennes et 20 % pour des places destinées aux enfants et adultes polyhandicapés. A ce jour, ce plan a permis de financer 2.609 places nouvelles, pour un montant de 71 millions d'euros.

Cet effort en faveur des personnes les plus lourdement handicapées ne s'est pas démenti en 2004, malgré l'arrivée à échéance du plan précité puisque 16 millions d'euros ont été prévus dans le cadre de l'Ondam pour la poursuite des créations de places pour enfants autistes et polyhandicapés. Le nouveau plan 2005-2007 prévoit la création de 1.290 nouvelles places en faveur des enfants lourdement handicapés.

b) Une répartition des charges plus équilibrée entre l'assurance maladie et la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie

Dans la mesure où l'accès à une prise en charge en établissement relève du droit à compensation, la compétence de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) a été étendue au financement des établissements. Elle n'a toutefois pas vocation à se substituer aux financeurs de droit commun que sont l'Etat et l'assurance maladie : son intervention doit en principe être complémentaire de la leur et permettre une accentuation de l'effort de toute façon consenti par ces derniers.

Ce principe n'a toutefois pas été respecté en 2005 puisque la majeure partie de la charge des créations de places de cet exercice a été reportée sur la CNSA : ces créations ont en effet été financées pour un montant de 199 millions d'euros par la caisse, alors que l'assurance maladie n'y consacrait que 64 millions d'euros. Dans le même temps, l'effort de l'Etat était nul.

L'article 131 de la loi de finances pour 2005 a ainsi transféré à la CNSA le financement de l'intégralité des mesures nouvelles concernant les CAT pour cet exercice, c'est-à-dire l'extension en année pleine des 3.000 places créées en 2004 et le financement intégral des 3.000 places créées en 2005. Ces crédits ont été mis à la disposition de l'Etat par le biais d'un fonds de concours d'un montant de 49 millions d'euros.

L'article 12 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 avait également prévu une contribution de la CNSA, d'un montant de 150 millions d'euros, aux dépenses de fonctionnement des établissements à la charge de l'assurance maladie. Cette enveloppe a permis le financement de 70 % des créations de places en Mas et en établissements pour enfants handicapés en 2005.

Votre commission est heureuse de constater que le partage du financement de l'effort de création de places a été rééquilibré en 2006 :

- le financement des 2.500 places nouvelles en CAT de cette année incombe à nouveau entièrement à l'Etat, qui reprend également à sa charge les places créées l'an passé sur le budget de la CNSA. Cette situation est donc conforme au statut de la caisse qui ne lui permet plus désormais de financer les CAT ;

- le coût des 1.800 places nouvelles en établissements et services pour enfants handicapés, des 4.000 places nouvelles en établissements et services pour adultes handicapés et des 750 créations de places en services pour personnes handicapées psychiques prévues pour 2006, d'un montant de 407 millions d'euros, est partagé entre l'assurance maladie et la CNSA, qui assument respectivement 44 % et 56 % de ce total.

L'innovation de l'exercice 2006 réside, en outre, dans le fait que la CNSA se voie désormais confier la gestion de l'enveloppe médico-sociale de l'Ondam : ces crédits, complétés par une partie des ressources tirées de la journée de solidarité, constituent l'objectif de dépenses de la CNSA en matière de financement des établissements. Elle est dorénavant également responsable de leur juste répartition sur le territoire.

Votre commission sera particulièrement attentive au déroulement de cette première année de gestion de l'enveloppe déléguée de l'Ondam. Elle en espère une amélioration de la planification des ouvertures de places, même si elle est consciente que celle-ci est conditionnée par une rénovation de l'appareil statistique permettant de mieux évaluer les besoins locaux.

c) L'insuffisante prise en compte du coût des conventions collectives

Au-delà de l'effort consenti pour les créations de places, se pose la question de la revalorisation des dotations attribuées aux établissements, dans un secteur entièrement dépendant des financements publics.

Le taux de progression de la masse salariale est un bon indicateur du besoin de financement des établissements, dans la mesure où les charges de personnel représentent plus de 70 % de leurs budgets. Il s'établit à 2,7 % en 2005, alors que la loi de finances tablait sur une progression de 1,3 %, répartie entre une provision de 0,5 %, au titre des mesures générales prises pour la fonction publique et qui s'appliquent, par voie de convention collective, dans la plupart des établissements du secteur, et une provision de 0,8 % au titre du « glissement vieillesse technicité » (GVT).

• Une prise en compte toujours partielle des conséquences des accords collectifs agréés

Le dynamisme de la masse salariale est moins dû à une progression des effectifs qu'à une forte reprise de la croissance des salaires, en application des conventions collectives du secteur. Le coût des accords agréés en 2004 s'est élevé à 61 millions d'euros et leur montée en charge a encore un impact de 7 millions d'euros en 2005.

Les hypothèses retenues pour 2006 pour la fixation des dotations relatives au financement des établissements, tant au niveau du budget de l'Etat que dans le cadre de l'Ondam, tiennent compte de la revalorisation de 1,8 % du point fonction publique intervenue en 2005 et d'un GVT de 0,8 %. Mais elles ignorent, comme tous les ans, l'impact des accords collectifs qui doivent entrer en vigueur au cours de l'année 2006 et qui ont pourtant été agréés par les autorités de tutelle.

Or, plusieurs de ces accords pourraient venir accélérer la progression de la masse salariale :

- un accord important concernant la formation tout au long de la vie et à la politique de professionnalisation de la branche a été signé le 7 janvier 2005. Désormais agréé, cet accord a un coût de 19 millions d'euros ;

- plusieurs accords catégoriels ont également été agréés, concernant notamment la rémunération des médecins spécialistes intervenant en établissements et le travail de nuit de certaines catégories de personnel. Leur coût s'élève à 3,1 millions d'euros.

Votre commission ne peut que constater à nouveau les incohérences du dispositif d'agrément des conventions collectives du secteur médico-social, puisque les établissements ne parviennent pas à obtenir de leurs autorités de tutelle le financement intégral des conséquences des accords qu'elles ont pourtant agréés. Elle estime que le système actuel est doublement pervers :

- il n'incite pas les partenaires sociaux à prendre leurs responsabilités et à tenir compte des enveloppes de crédits réellement disponibles dans leur négociation, puisqu'ils savent que les autorités de tutelle viendront contrôler a posteriori le caractère finançable ou non des mesures proposées ;

- l'opposabilité des agréments laisse à désirer puisque l'on constate chaque année une prise en compte très partielle des accords agréés dans la définition des dotations, aussi bien en loi de finances qu'en loi de financement de la sécurité sociale.

Votre commission estime donc qu'un choix doit être fait entre une responsabilisation pleine et entière des partenaires sociaux, la procédure d'agrément étant alors supprimée, ou la mise en place d'un agrément effectivement opposable aux financeurs.

• L'imbroglio de la sortie des aides Aubry

Par ailleurs, les établissements médico-sociaux se heurtent à un problème spécifique de financement lié à la fin des aides Aubry I et II versées dans le cadre des accords de réduction du temps de travail : la loi du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi, a en effet substitué à compter du 1 er juillet 2003 un nouveau régime d'allégements de charges sociales, moins favorable, à celui lié à la mise en oeuvre des trente-cinq heures. Elle a également interdit, à compter du 1 er avril 2004, le cumul de l'aide forfaitaire versée aux entreprises ayant anticipé le passage aux trente-cinq heures dans le cadre de la loi Aubry I et des allégements de charges Fillon, considérant que les entreprises devaient désormais être capables d'autofinancer le coût des embauches supplémentaires liées à la réduction du temps de travail.

Or, les établissements médico-sociaux, déjà mis en difficulté lors du passage initial aux trente-cinq heures, du fait de leurs possibilités très faibles de gains de productivité, ne sont pas plus capables aujourd'hui qu'hier d'autofinancer entièrement les embauches rendues nécessaires pour assurer, autant que possible, le maintien de la qualité de l'accompagnement des personnes handicapées accueillies.

La Fédération nationale des associations de parents et amis employeurs et gestionnaires d'établissements et de services pour personnes handicapées mentales (Fegapei) estime à 259 millions d'euros le coût pour 2005 de la sortie des aides Aubry I et II pour les établissements du secteur médico-social, ce qui représente 2,6 % de la masse budgétaire de ces établissements.

Conscient de ce problème, le Gouvernement a mis en place un dispositif de soutien aux établissements connaissant des difficultés financières susceptibles de menacer la pérennité de leur activité. Les établissements concernés se verront ainsi proposer un plan pluriannuel de redressement et de retour à l'équilibre. L'enveloppe prévue pour le financement de ce dispositif de soutien, d'un montant de 50 millions d'euros, reste toutefois très en deçà des besoins.

3. Une faible mobilisation de l'Etat en faveur des maisons départementales des personnes handicapées

Indissociable de la mise en place de la prestation de compensation, le dispositif d'accueil, d'information, d'évaluation des besoins et d'orientation des personnes handicapées, porté par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), entre en vigueur au 1 er janvier 2006.

La loi du 11 février 2005 a prévu la constitution de ces maisons sous la forme d'un groupement d'intérêt public (Gip) rassemblant, de façon obligatoire, le département, l'Etat, l'assurance maladie, les caisses d'allocations familiales (Caf) et, au cas par cas, les autres personnes morales intervenant dans le domaine du handicap et qui peuvent apporter une contribution au fonctionnement de la maison. Les associations représentatives des personnes handicapées sont étroitement associées à son fonctionnement, à travers un statut de membre de droit de la commission exécutive, organe décisionnel des maisons.

Le statut de Gip suppose que chacun des membres du groupement contribue, à la mesure de ce qui a été décidé dans la convention constitutive, au fonctionnement de la maison, à travers la mise à disposition de moyens humains, matériels ou financiers.

La CNSA participe également indirectement au financement des maisons, à travers un concours financier spécifique versé aux départements. En 2005, ce concours s'est élevé à 50 millions d'euros. Passée cette période de démarrage, le soutien prévu en 2006 ne sera plus que de 20 millions d'euros.

Le versement de ce concours dépend de la signature d'une convention entre le département et la caisse visant à définir des objectifs de qualité de service pour la maison départementale des personnes handicapées et à dresser le bilan de réalisation des objectifs antérieurs. Cependant, afin de ne pas pénaliser les départements en 2005, la CNSA a prévu de verser ce concours sur la base d'une convention provisoire simplifiée, attestant simplement de l'existence légale du Gip et de la mise en place des principaux organes de la maison.

L'Etat, en tant que membre de droit des Gip départementaux, doit également apporter sa contribution au fonctionnement des maisons. Dans ce domaine également, le projet de budget pour 2006 prévoit une simple reconduction des moyens consacrés jusqu'ici au fonctionnement des SVA, soit 14 millions d'euros, correspondant à une dotation variant de 110.000 à 152.449 euros par maison départementale.

Votre commission s'étonne cependant de ne pas retrouver, parmi les crédits de l'action « évaluation et orientation personnalisée des personnes handicapées » qui regroupent normalement l'ensemble des apports de l'Etat aux maisons départementales, les sommes correspondant aux moyens des actuelles commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel (Cotorep) et commissions départementales de l'éducation spéciales (CDES), désormais fondues dans la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées créée au sein des maisons départementales. Ces crédits sont en fait globalisés au sein du programme « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales ».

Les chiffres disponibles les plus récents datent de décembre 2003 et font état de 1.371 agents de l'Etat affectés au secrétariat des Cotorep, soit 1.191 équivalents temps plein. Les commissions disposaient également d'un budget de fonctionnement de 5,6 millions d'euros et de crédits destinés au financement des vacations médicales d'un montant de 2,6 millions d'euros. Votre commission n'a, en revanche, pu obtenir aucune précision concernant les moyens des CDES.

Elle regrette le choix qui a été fait en termes de présentation budgétaire car il nuit à l'appréciation de l'effort réel de l'Etat en faveur des MDPH. Or, il lui paraît important que chacun puisse identifier la totalité de la contribution de l'Etat au fonctionnement des MDPH, notamment ses autres partenaires au sein des Gip départementaux. La transparence de l'Etat en la matière permettrait de lever les contestations qui commencent à être émises au niveau local sur l'évaluation des moyens, notamment humains, des actuelles Cotorep et CDES susceptibles d'être transférés aux maisons départementales.

C. LA PARTICIPATION DES PERSONNES HANDICAPÉES À LA VIE DE LA CITÉ : UNE PRIORITÉ DE L'ACTION DU GOUVERNEMENT

1. La scolarisation des enfants handicapés : un devoir pour les pouvoirs publics

a) Le succès des dispositifs d'accompagnement des élèves handicapés en milieu ordinaire

Depuis 2002, l'Etat s'est engagé en faveur de l'intégration scolaire des enfants et des adolescents handicapés dans l'école ordinaire. Cette intégration peut prendre deux formes :

- une intégration collective , à travers la scolarisation dans des classes adaptées, situées au sein d'établissements scolaires ordinaires : en 2004, 3.980 classes d'intégration scolaire (Clis) fonctionnaient dans le premier degré, soit une progression de 6,8 % par rapport à 2002.

L'effort a été encore plus sensible pour les unités pédagogiques d'intégration (UPI) dans le second degré, le nombre de classes ayant plus que doublé en deux ans. Le rythme d'ouverture de ces UPI a été fixé à deux cents nouvelles classes par an par le plan 2003-2008 en faveur de l'intégration scolaire des enfants handicapés, afin d'assurer le rattrapage nécessaire pour assurer la continuité des scolarités entre primaire et secondaire ;

- une intégration individuelle : dans ce cadre, l'existence de dispositifs d'accompagnement et de soutien s'avère la plupart du temps indispensable.

C'est la raison pour laquelle les différents plans de créations de places en établissements et services pour enfants et adolescents handicapés ont insisté sur le développement des places en services d'éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad) : depuis 2001, 6.319 nouvelles places ont été financées, pour un montant total de 81 millions d'euros. A ce jour, 4.636 places sont opérationnelles, soit un taux de réalisation de 75 %.

La tranche 2006 du programme 2005-2007 de créations de places consacre cette année encore 19 millions d'euros au sein de l'Ondam médico-social au financement de 1.250 nouvelles places.

L'Etat a également mis l'accent sur le développement des auxiliaires de vie scolaire (AVS), chargés accompagner les élèves handicapés dans leur scolarité. Recrutés depuis 2003 directement par le ministère de l'éducation nationale, sous statut d'assistant d'éducation, ils exercent leurs fonctions soit au sein des Clis et des UPI, soit auprès d'un ou plusieurs élèves en intégration individuelle.

Le projet de budget pour 2006 prévoit le financement de 5.837 de ces postes d'AVS, répartis entre 1.546 auxiliaires de vie scolaire collectifs (AVS-Co) et 4.291 auxiliaires de vie scolaire individuels (AVS-I).

La transition vers ce nouveau statut n'est toutefois pas entièrement achevée : il subsiste en effet encore 854 AVS recrutés localement par les chefs d'établissements sous d'autres types de contrats, ainsi que 306 AVS associatifs financés par les anciens forfaits postes versés par le ministère chargé des personnes handicapées.

L'effort engagé depuis 2002 en faveur de l'intégration scolaire des enfants et des adolescents handicapés commence à porter ses fruits. Ainsi, à la rentrée scolaire 2004-2005, on comptait 96.396 élèves handicapés scolarisés en primaire, dont 58.812 intégrés individuellement, soit une augmentation de près de 30 % en deux ans, et même de 63 % pour l'intégration individuelle.

La progression est encore plus spectaculaire dans le second degré : à la même rentrée, 37.442 élèves handicapés scolarisés en collège ou en lycée, dont 31.454 élèves intégrés individuellement, soit une augmentation globale de plus de 70 % et de 75 % pour la seule intégration individuelle.

Le succès du dispositif des AVS est enfin patent : à la rentrée 2005, le nombre d'élèves handicapés bénéficiant de l'intervention d'un AVS individuel avait augmenté d'un tiers par rapport à septembre 2004.

Votre commission ne peut que se féliciter de ces évolutions très positives, qui devraient être encouragées par la priorité donnée à la scolarisation en milieu ordinaire par la loi du 11 février 2005. S'agissant du dispositif des AVS, elle fonde de grands espoirs sur l'assouplissement des conditions de diplôme nécessaire pour accéder à ces fonctions, qui devrait faciliter leur recrutement. Elle plaide toutefois pour une amélioration de la mise en oeuvre, sur le terrain, de l'intégration scolaire qui se heurte encore trop souvent aux réticences d'une partie de la communauté éducative.

b) Un rééquilibrage qualitatif de l'offre de places en établissements d'éducation spéciale

Au 1 er janvier 2002, 108.235 places en établissements d'éducation spéciale étaient installées. En l'absence de chiffres plus récents, on ne peut que produire des estimations, sur la base des réalisations des différents plans de créations de places mis en oeuvre depuis cette date :

Nombre de places installées au 1 er janvier 2002

108.235

Plan triennal 2001-2003 *

+ 585

LFSS 2004

+ 731

Plan 2005-2007 (tranche 2005)

+ 924

Total

110.475

Évolution par rapport à 2002

+ 2,1 %

* Le bilan de ce plan fait également état de 945 places pour autistes financées et 793 places pour traumatisés crâniens mais il n'est pas possible de distinguer parmi ces places celles destinées aux adultes et celles réservées aux enfants.

Ce taux de progression apparaît relativement faible au regard de ceux concernant les établissements pour adultes, mais l'accueil des enfants handicapés en établissement doit être replacé dans la perspective de la priorité donnée à la scolarisation en milieu ordinaire qui conduit à revoir à la baisse le besoin de places en établissements. C'est la raison pour laquelle les 2.240 places créées depuis 2002 sont intégralement destinées à la prise en charge des enfants les plus lourdement handicapés, notamment les enfants autistes ou polyhandicapés, pour lesquels le déficit en places d'accueil était patent.

Accueil en établissement d'éducation spéciale ne signifie toutefois pas scolarisation : environ 25 % des enfants accueillis ne sont en effet pas scolarisés, ce pourcentage grimpant jusqu'à 78 % pour les enfants souffrant d'un retard mental sévère et 94 % pour les enfants polyhandicapés.

Votre commission reconnaît que dans un certain nombre de cas, la scolarisation au sens strict du terme n'est pas envisageable. D'ailleurs, cette non-scolarisation n'est pas synonyme d'absence complète d'apprentissage car les enfants accueillis acquièrent quand même des notions simples de communication, ou encore d'hygiène, à défaut de pouvoir maîtriser la lecture, le calcul et l'écriture.

Elle estime toutefois que parmi le quart des enfants accueillis et aujourd'hui non scolarisés, certains sont susceptibles de l'être. C'est la raison pour laquelle elle approuve le principe de l'inscription de tous les élèves, y compris ceux accueillis en établissements, dans l'école la plus proche de leur domicile. Cette inscription obligatoire devrait encourager le développement de conventions entre écoles ordinaires et établissements d'éducation spéciale en faveur de l'accueil des enfants handicapés, même à temps très partiel.

2. Des outils rénovés au service de l'emploi des personnes handicapées

a) Une obligation d'emploi renforcée

La loi n° 87-517 du 10 juillet 1987 en faveur de l'emploi des personnes handicapées a mis en place, pour tous les employeurs occupant plus de vingt salariés, qu'ils soient publics ou privés, une obligation d'emploi des travailleurs handicapés, dans une proportion de 6 % de leur effectif.

• Une réforme de l'obligation d'emploi dans le secteur privé qui vise à en faire mieux respecter l'esprit

En 2002, dernier exercice connu, le nombre de bénéficiaires de l'obligation d'emploi s'établissait à 229.500, employés dans 97.100 entreprises assujetties, ce qui représentait un taux d'emploi de 4 %.

Ce taux moyen ne correspond toutefois pas à la présence réelle des personnes handicapées dans le monde de l'entreprise, et ce pour plusieurs raisons :

- si elles ne souhaitent pas bénéficier des droits particuliers attachés à ce statut, les personnes handicapées ne sont pas obligées de déclarer leur qualité de bénéficiaire de l'obligation d'emploi à leur employeur, ce qui se traduit par une sous-estimation du nombre de travailleurs handicapés réellement employés. Il est, par définition, impossible d'estimer l'ampleur de ce biais ;

- à l'inverse, le calcul du taux d'emploi ne fait pas directement référence au nombre de personnes handicapées présentes dans l'entreprise mais à des « unités bénéficiaires » affectant une pondération différente à chaque travailleur handicapé en fonction de la gravité de son handicap, de son âge, de l'effort de formation consenti par l'entreprise à son profit, de son placement antérieur, de son taux d'incapacité permanente ou encore de son ancienneté. Une seule personne handicapée peut donc représenter jusqu'à 5,5 unités bénéficiaires. En moyenne, le rapport entre le nombre de personnes handicapées réellement présentes dans l'entreprise et le nombre d'unités bénéficiaires retenu pour le calcul du taux d'emploi s'établit à 1,5 % ;

- enfin, les entreprises peuvent satisfaire à l'obligation d'emploi par d'autres moyens que l'emploi direct de travailleurs handicapés : si 30 % d'entre elles ne recourent qu'à l'emploi direct, 35 % n'emploient en revanche directement aucune personne handicapée. 29 % remplissent même leur obligation uniquement par le biais d'une contribution à l'Agefiph.

Réponses des entreprises à l'obligation d'emploi en 2002

Cette méconnaissance, par près d'un tiers des entreprises, de l'esprit de l'obligation d'emploi est inquiétante, au moment où le taux de chômage des personnes handicapées s'élève à 12 %, soit deux points de plus que celui de la population générale.

L'emploi des personnes handicapées est l'une des priorités fixées par la loi du 11 février 2005. Elle s'est donc attachée à améliorer le mécanisme de l'obligation d'emploi, à travers trois mesures principales :

- la contribution due par les entreprises qui ne respectent pas le taux d'emploi de 6 % est alourdie : la cotisation maximale à l'Agefiph est portée de 500 à 600 fois le Smic horaire par bénéficiaire manquant et par an, et même à 1.500 Smic horaire pour les entreprises qui méconnaissent l'esprit de l'obligation en ne s'acquittant de cette obligation qu'à travers d'une contribution à l'Agefiph, et ce pendant trois années de suite ;

- le système des unités bénéficiaires est supprimé : désormais, le calcul du taux d'emploi s'effectuera sur la base du nombre de personnes handicapées réellement présentes dans l'entreprise. Par ailleurs, l'assiette d'assujettissement ne sera plus amputée des « emplois exigeant des conditions particulières d'aptitude » , qui conduisait à exclure des effectifs pris en compte pour le calcul du taux d'emploi près de 6 % des salariés théoriquement assujettis ;

- la contribution à l'Agefiph pourra désormais être modulée en fonction des efforts réels réalisés par l'entreprise en faveur de l'insertion professionnelle des personnes handicapées. Les employeurs pourront également déduire de leur contribution le coût des mesures qu'ils prennent, en plus de l'obligation légale, pour améliorer l'emploi des personnes handicapées.

• Une obligation d'emploi enfin sanctionnée dans les trois fonctions publiques

Contrairement au secteur privé, le non-respect par les employeurs publics de l'obligation d'emploi n'était jusqu'ici soumis à aucune sanction, même si - dans le cas de la fonction publique de l'Etat - un protocole d'accord du 8 octobre 2001 prévoyait, en théorie, la possibilité d'un versement au fonds interministériel pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique et l'interdiction de pourvoir les postes qui auraient dû revenir à un travailleur handicapé.

C'est la raison pour laquelle la loi du 11 février 2005 a mis en place un fonds, commun aux trois fonctions publiques, alimenté par des contributions des employeurs publics, sur le modèle de l'Agefiph. Votre commission en approuve naturellement la mise en place car elle estime que la fonction publique se doit d'être exemplaire en la matière, ce qui était loin d'être le cas jusqu'ici : d'après des chiffres relativement anciens - ils datent en 2002 concernant les agents de l'Etat, de 2001 pour la fonction publique territoriale et même de 2000 pour la fonction publique hospitalière - le taux d'emploi s'établissait à 4,3 %, 4,4 % et 5,3 % dans les trois fonctions publiques .

Votre commission regrette de n'avoir pu obtenir des informations plus récentes sur l'état de l'obligation d'emploi dans la fonction publique. Elle s'inquiète d'ailleurs d'autant plus de l'impossibilité dans laquelle se trouve l'administration de lui fournir ces indications que ce taux d'emploi devait servir, dès cette année, au calcul de la contribution des employeurs publics au fonds nouvellement créé.

b) Le recentrage des actions de l'Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés

Créée par la loi du 10 juillet 1987 en faveur de l'emploi des personnes handicapées, l'Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés (Agefiph) est chargée de collecter les contributions des entreprises qui n'atteignent pas le taux d'emploi de 6 % fixé par la loi et de les affecter à des actions en faveur de l'insertion professionnelle en milieu ordinaire des travailleurs handicapés.

En 2005, le produit de la collecte de l'Agefiph s'est élevé à 410 millions d'euros, en hausse de 4,3 % par rapport à l'année précédente. A compter de 2006, la collecte devrait progresser plus rapidement sous l'effet de la modification des règles de détermination du taux d'emploi, de l'alourdissement du montant maximum de la contribution et de la réforme de son mode de calcul, ce qui devrait compenser la tendance à l'essoufflement de la collecte, dû à la mauvaise conjoncture économique, constaté ces dernières années. Mais l'embellie devrait être de courte durée : si les mesures en faveur de l'insertion professionnelle des personnes handicapées sont aussi efficaces que prévu, le taux d'emploi devrait progresser et la collecte, elle, diminuer.

Le budget consacré par l'association aux actions en faveur de l'insertion professionnelle des personnes handicapées recule légèrement (- 0,9 %), s'établissant à 398 millions d'euros, soit un montant inférieur à la collecte de l'année. Ceci témoigne du recalibrage des actions menées par l'Agefiph pour tenir compte de l'essoufflement tendanciel de la collecte et de l'épuisement de ses réserves qui répond à une exigence de l'Etat dans le cadre de la nouvelle COG signée le 24 mai 2005.

Répartition des financements de l'Agefiph en 2005

Votre commission voudrait s'arrêter sur deux des principales actions financées par l'Agefiph : le soutien à la formation professionnelle des personnes handicapées et le financement du réseau Cap Emploi.

• L'engagement en faveur de la formation professionnelle

Depuis 2001, l'Agefiph a développé ses actions en matière d'amélioration de la qualification de la main-d'oeuvre handicapée. Leur bilan est largement positif, puisqu'en 2004, 29.050 stagiaires handicapés ont pu suivre une formation professionnelle qualifiante ou pré-qualifiante et 3.350 travailleurs handicapés ont pu bénéficier d'une aide à la formation dans l'emploi, soit une hausse respective de 17 % et 27 % en un an. Les primes en faveur des contrats de formation en alternance ont également connu un essor important : + 27 % pour les contrats d'apprentissage et + 15 % pour les contrats de qualification en alternance.

La nouvelle COG, à laquelle l'article 26 de la loi du 11 février 2005 a désormais donné une base légale, a confirmé le soutien à la formation professionnelle comme axe prioritaire d'intervention de l'Agefiph.

Conformément à cet engagement, l'association consacre, en 2005, une enveloppe de 12 millions d'euros au financement d'une convention avec l'association pour la formation professionnelle des adultes (Afpa). Celle-ci est abondée par des crédits du fonds social européen (FSE) d'un montant de 4 millions d'euros. Celui-ci contribue également au financement de formations courtes au profit des travailleurs handicapés et à celui du dispositif COMETE de réinsertion professionnelle précoce à partir des centres de rééducation fonctionnelle, à hauteur de 2,85 millions d'euros.

• Le financement du réseau Cap Emploi

L'Agefiph finance, depuis 1999, le réseau des Cap Emploi qui regroupe des structures labellisées 15 ( * ) spécialisées dans la préparation à l'emploi, le placement et l'accompagnement dans l'emploi des travailleurs handicapés. Afin d'optimiser le service rendu aux personnes handicapées, l'association a encouragé depuis trois ans un rapprochement entre les Cap Emploi et le service public de l'emploi.

A cet effet, un protocole d'accord a été conclu entre l'Etat, l'Agefiph, l'ANPE et les Cap Emploi en mars 2004, prévoyant les conditions de participation du réseau à la mise en oeuvre du plan d'aide au retour à l'emploi (Pare). Grâce à cette coopération, en 2005, le budget de 58 millions d'euros alloué par l'Agefiph aux Cap Emploi est abondé par une contribution de l'ANPE de 11 millions d'euros.

L'engagement des Cap Emploi dans le dispositif est un succès puisque 61.000 personnes handicapées ont été prises en charge à ce jour par le réseau dans le cadre de ce partenariat, dépassant l'objectif initialement fixé de 58.300 « programmes d'action personnalisés - nouveau départ » (PAP/ND).

Votre commission souligne qu'à l'avenir, un nouveau financeur devrait venir abonder le financement des Cap Emploi : le fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées dans la fonction publique. Il paraît en effet important que les employeurs publics puissent bénéficier de l'expertise des Cap Emploi, notamment en matière d'accompagnement dans l'emploi.

c) Des incertitudes concernant la mise en place du fonds fonction publique

Les moyens consacrés à l'insertion professionnelle des personnes handicapées en milieu ordinaire devraient bénéficier, à compter de 2006, de l'apport du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées dans la fonction publique.

La loi du 11 février 2005 s'est efforcée d'aligner, dans toute la mesure du possible, les règles désormais applicables aux employeurs publics sur celles du secteur privé : ainsi, les règles de calcul des effectifs pris en compte pour le calcul du taux d'emploi et les montants des contributions au fonds sont alignés sur ceux en vigueur dans les entreprises. Toutefois, pour donner aux employeurs publics le temps d'engager les efforts nécessaires à la mise à niveau de leur taux d'emploi, une montée en charge progressive de la contribution a été prévue : celle-ci est donc réduite de 80 % en 2006, puis 60 % en 2007, 40 % en 2008 et 20 % en 2009.

Malgré de nombreuses interventions auprès du Gouvernement, votre commission n'est pas parvenue à obtenir le montant prévisionnel des contributions attendues en 2006 pour chacune des trois fonctions publiques. Son examen attentif de l'ensemble des documents budgétaires ne lui a pas non plus permis de savoir si cette charge avait été prise en compte dans le projet de budget des différents ministères.

Elle a, en revanche, constaté que des stratégies d'évitement n'ont pas tardé à se mettre en place : ainsi, l'article 80 du présent projet de loi de finances prévoit la possibilité, pour le ministère de l'éducation nationale, de déduire de sa contribution au fonds les sommes qu'il consacre au financement du dispositif des auxiliaires de vie scolaire.

Pour justifier cette mesure, l'exposé des motifs de cet article prend appui sur les dispositions applicables au secteur privé qui permettent aux entreprises de déduire leurs dépenses en faveur de l'accueil, de l'insertion ou du maintien dans l'emploi des travailleurs handicapés au sein de l'entreprise ou, de façon plus générale, en faveur de l'accès des personnes handicapées à la vie professionnelle.

Votre commission estime que cet argument est fallacieux car la loi précise expressément que les entreprises ne pourront pas déduire les dépenses qui leur incombent en application d'une disposition législative ou réglementaire. Or, le financement des assistants d'éducation incombe bien au ministère de l'éducation nationale en vertu de la loi, il s'agit même d'une charge de service public.

En réalité, le ministère de l'éducation nationale a aujourd'hui un taux d'emploi de personnes handicapées très faible, sans doute inférieur à 3 %, conduisant à une contribution particulièrement lourde au fonds fonction publique, de l'ordre de 183 millions d'euros au terme de la montée en charge du dispositif en 2010. Déduire les dépenses d'AVS de cette contribution lui permettrait de s'exonérer totalement de sa contribution jusqu'en 2008 et de la réduire de l'ordre de 70 % au-delà de cette date.

Contribution du ministère de l'éducation nationale
après déduction des sommes consacrées aux auxiliaires de vie scolaire

(en millions d'euros)

2006

2007

2008

2009

2010

Montant de la contribution

36,6

73,2

109,8

146,4

183

Sommes déductibles

127,6

127,6

127,6

127,6

127,6

Contribution restant due

0

0

0

18,8

55,4

Source : Assemblée nationale, rapport n° 2568 de Jean-Yves Chamard,
rapporteur spécial, sur les crédits de la mission « Enseignement scolaire »

Votre commission estime donc que le mécanisme de déduction prévu est contraire à l'esprit de la loi du 11 février 2005. C'est la raison pour laquelle elle espère que les débats en séance publique permettront sa suppression.

Elle considère, en outre, que cette mesure, combinée au manque de transparence sur les ressources du fonds pour 2006, laisse mal augurer de l'avenir du fonds fonction publique. Elle rappelle qu'elle avait plutôt plaidé pour un fonds unique, commun aux secteurs privé et public : elle se laisse donc le délai d'un an pour examiner les conditions de mise en oeuvre du fonds mais n'exclut pas de proposer au terme de cette période d'essai la fusion des deux fonds.

d) Un soutien non démenti en faveur des entreprises adaptées

Répondant à une demande ancienne de ces structures, la loi du 11 février 2005 consacre la transformation des ateliers protégés en entreprises adaptées, leur reconnaissant ainsi une place spécifique, mais entière, dans le milieu de travail ordinaire. Au 31 décembre 2004, elles employaient 20.055 travailleurs handicapés.

Tirant les conséquences de leur intégration dans le milieu ordinaire de travail, la loi « Handicap » a mis fin au régime de la garantie de ressources dans ces entreprises : désormais, les travailleurs handicapés perçoivent une véritable rémunération, à la charge de l'employeur, au moins égale au Smic. Cependant, pour aider ces entreprises à réaliser cet objectif et compte tenu de la spécificité de ces structures au sein du milieu ordinaire de travail, la loi maintient une aide de l'Etat sous la forme d'une aide au poste forfaitaire.

Les crédits afférents à cette aide, d'un montant de 223 millions d'euros, permettent de financer 19.600 équivalents temps plein, dont 500 nouveaux postes en 2006, sur la base d'une aide au poste forfaitaire de 11.400 euros, en progression de 34 % par rapport à l'aide moyenne versée dans le régime de la garantie de ressources.

Les entreprises adaptées bénéficient en outre d'une subvention de développement et d'accompagnement, destinée à compenser le surcoût en termes de fonctionnement, liée notamment au surencadrement des travailleurs handicapés. La dotation prévue pour 2006, qui s'élève à 46 millions d'euros, tient compte à la fois des créations de places et des exigences nouvelles prévues par la loi en matière de suivi social et de formation professionnelle. Elle progresse donc de 7,9 % par rapport aux crédits inscrits en loi de finances initiale pour 2005.

Votre commission se félicite de l'effort réalisé cette année par l'Etat en faveur des entreprises adaptées qui permet de mettre en oeuvre dans de bonnes conditions la réforme voulue par le législateur.

e) L'amélioration du statut des personnes handicapées accueillies en centres d'aide par le travail

Les crédits ouverts par le projet de loi de finances pour 2006 correspondent au financement de 110.311 places de centres d'aide par le travail (CAT), dont 2.500 places nouvelles, créées conformément au plan de création de places en établissement 2005-2007 et dont le financement est prévu à mi-année. Cette dotation s'appuie sur une hypothèse de coût moyen par place de 11.458 euros, en progression de 3,9 % par rapport à 2005, pour tenir compte de l'augmentation de 1,8 % du point fonction publique.

Il convient de rappeler que la loi pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées a réformé sur plusieurs points le statut de ces établissements.

Elle a d'abord voulu faire du CAT un tremplin possible vers le milieu ordinaire de travail : elle s'est donc attachée à développer les passerelles entre le milieu protégé et le milieu ordinaire de travail. Ainsi, les personnes accueillies peuvent désormais quitter le CAT pour le milieu ordinaire en bénéficiant d'un soutien de leur établissement d'origine pour faciliter leur acclimatation dans leur nouvel emploi, tout en ayant l'assurance d'être réintégrées en cas d'échec de leur tentative d'insertion en milieu ordinaire de travail.

Le projet de budget pour 2006 se donne les moyens de mesurer l'efficacité de ce dispositif, à travers deux indicateurs :

- le premier retrace l'évolution du taux de sortie vers le milieu ordinaire des personnes accueillies en CAT : votre commission peut difficilement, à ce stade, apprécier la pertinence du chiffre de 3 % retenu comme cible à l'horizon 2009. Tout au plus peut-elle observer que les objectifs à retenir doivent être raisonnables car personne ne peut nier qu'une forte proportion des personnes accueillies en CAT a vocation à y demeurer toute sa vie professionnelle ;

- le second s'attache plus spécifiquement à l'efficacité des procédures de mise à disposition en mesurant le rapport entre le nombre de conventions signées et le nombre de personnes handicapées qui quittent un CAT pour le milieu ordinaire. Même si ce second indicateur reste à construire, votre commission tient à souligner son intérêt.

La loi du 11 février 2005 a également réformé le mécanisme de la garantie de ressources : celle-ci sera désormais intégralement versée par le CAT qui recevra pour contribuer à son financement une aide au poste dont le montant variera en fonction des caractéristiques du bénéficiaire et de l'effort de rémunération réalisé par le CAT sur ses fonds propres.

Le projet de budget pour 2006 a prévu 980 millions d'euros pour le financement de cette garantie de ressources rénovée, soit une hausse de 2,1 % par rapport à 2005. Cette dotation repose sur une hypothèse de nombre de bénéficiaires correspondant au nombre de places financées en CAT, soit 110.311, pour un montant moyen d'aide au poste de 8.986 euros.

Votre commission s'interroge toutefois sur l'adéquation de la dotation prévue avec la charge représentée par la réforme de la garantie de ressources - soit 41 millions d'euros selon les gestionnaires de CAT - car l'analyse des documents budgétaires ne permet pas de confirmer qu'il en est bien tenu compte.

*

* *

Pour toutes ces raisons, elle a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Solidarité et intégration » pour 2006.

EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS

Article 88
(art. L. 351-9 du code du travail)
Création de l'allocation temporaire d'attente
en remplacement de l'allocation d'insertion

Objet : Cet article réforme les conditions d'attribution de l'allocation d'insertion rebaptisée allocation temporaire d'attente.

I - Le dispositif proposé

Créée en 1984, l'allocation d'insertion (AI) est une prestation versée sous condition de ressources aux anciens détenus, aux rapatriés, aux demandeurs d'asile et aux réfugiés statutaires, lorsqu'ils ne peuvent accéder à des revenus de remplacement du travail ou à d'autres minima sociaux. D'un montant mensuel d'environ 300 euros, elle est versée par les Assedic pour une durée de six mois, renouvelable dans la limite de douze mois. Dans plus de 80 % des cas, les bénéficiaires sont des demandeurs d'asile.

Le présent article réforme les conditions d'attribution de l'AI et la rebaptise allocation temporaire d'attente (Ata), afin d'en traduire l'exacte nature : cette allocation consiste en effet à assurer la subsistance des demandeurs d'asile pendant la durée d'instruction de leur demande d'asile.

Engagée début 2005, dans le cadre de la transposition de normes communautaires et de la loi du 10 décembre 2003 relative au droit d'asile, cette réforme tient également compte des recommandations de la récente mission d'évaluation et de contrôle sur l'évolution des coûts budgétaires des demandes d'asile.

Elle prévoit :

- que les bénéficiaires de la protection temporaire 16 ( * ) et de la protection subsidiaire 17 ( * ) puissent également percevoir l'Ata ;

- que l'Ata ne soit versée que pendant la durée de la procédure d'instruction de la demande 18 ( * ) , y compris en cas de recours devant la commission des recours des réfugiés, grâce à la mise en place d'une validation mensuelle, qui se substitue à l'engagement de versement par période de six mois, reconductible une fois;

- que l'aide apportée sous la forme d'un hébergement en Cada soit privilégiée par rapport au versement en espèces, ce qui signifie qu'à partir de 2006, la nouvelle allocation ne sera plus versée aux personnes prises en charge dans un centre d'hébergement au titre de l'aide sociale, ni à celles qui auront refusé cette offre d'hébergement.

- qu'un décret fixe le montant de l'allocation, révisé une fois par an le cas échéant en fonction de l'évolution des prix.

En estimant que la durée de traitement des demandes d'asile serait ramenée d'un an à neuf mois, l'économie attendue de cette réforme s'élève à 28 millions d'euros, qui seraient redéployés en faveur de la création de nouvelles places d'hébergement en Cada.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté quatre amendements rédactionnels, dont l'un vise à préciser que l'indice d'évolution des prix retenu est celui « hors tabac ».

III - La position de votre commission

Votre commission considère que la réforme de l'allocation d'insertion, qui s'intègre dans le cadre plus général de la réorganisation du dispositif national d'accueil des demandeurs d'asile, permet d'en améliorer la cohérence et l'efficacité.

C'est pourquoi, elle vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 89
(art. L. 861-2 code de la sécurité sociale)
Financement de la couverture maladie universelle complémentaire

Objet : Cet article modifie le périmètre des ressources prises en compte pour l'accès à la couverture maladie universelle complémentaire.

I - Le dispositif proposé

Les modalités de calcul des plafonds de ressources pris en compte pour l'ouverture du droit à la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) et celles requises pour l'obtention du RMI ne sont pas exactement identiques :

- pour la CMU-C, selon l'article D. 861-1 du code de la sécurité sociale, le calcul du plafond de ressources intègre un forfait logement d'un montant fixé à 50,15 euros, selon le barème fixé au 1 er juillet 2005, variable selon la composition de la famille ;

- pour le RMI, le montant forfaitaire pris en compte au titre du logement pour le calcul du plafond de ressources est égal à 51,05 euros pour une personne seule, celui-ci variant également selon la composition du ménage.

Le présent article corrige cette incohérence et propose d'aligner les modalités de calcul des plafonds de ressources fixés pour l'accès à la CMU-C sur celles qui sont en vigueur pour le RMI.

Cette mesure devrait entraîner une réduction du nombre de bénéficiaires potentiels et permettre d'économiser ainsi 20 millions d'euros.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement précisant que les modifications prévues par cet article ne seraient applicables qu'aux nouvelles demandes d'attribution à compter du 1 er janvier 2006, et non aux demandes de renouvellement d'attribution. Ainsi, les actuels bénéficiaires de cette prestation ne seront pas concernés par la mesure.

III - La position de votre commission

Votre commission approuve l'alignement des conditions d'octroi de la CMU-C sur celles du RMI, les allocataires du RMI et leurs ayants droit représentant plus de la moitié des bénéficiaires. Cette mesure de cohérence va dans le sens de l'harmonisation des conditions d'accès aux droits connexes et aux minima sociaux qu'elle a appelée de ses voeux dans le rapport d'information qu'elle a consacré aux minima sociaux.

Votre commission vous propose d'adopter de cet article sans modification.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DES MINISTRES

A. AUDITION DE M. JEAN-LOUIS BORLOO, MINISTRE DE L'EMPLOI, DE LA COHÉSION SOCIALE ET DU LOGEMENT ET MME CATHERINE VAUTRIN, MINISTRE DÉLÉGUÉE À LA COHÉSION SOCIALE ET À LA PARITÉ

Réunie le mardi 25 octobre 2005 , sous la présidence de M. Nicolas About, président , la commission a procédé à l'audition de Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité , sur le projet de budget de son ministère pour 2006 (mission « Solidarité et intégration »).

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité , a tout d'abord présenté les deux missions dont elle a la charge : d'une part, la mission « Solidarité et intégration », et plus spécifiquement les crédits affectés aux programmes « politiques en faveur de l'inclusion sociale », « accueil des étrangers et intégration » et « égalité entre les hommes et les femmes », qui représentent 1,6 milliard d'euros, soit une augmentation à périmètre constant de 3,57 % ; d'autre part, la mission « Ville et logement » (7,2 milliards d'euros), notamment les deux programmes relatifs à la politique de la ville, « rénovation urbaine » et « équité sociale et territoriale et soutien », qui connaissent une augmentation par rapport à 2005 de 3,7 %. L'augmentation conjointe des crédits affectés à ces deux missions confirme la volonté du Gouvernement d'honorer les objectifs fixés par le plan national de rénovation urbaine (PNRU) et le plan de cohésion sociale.

Au sein de la mission « Solidarité et intégration », le programme « politiques en faveur de l'inclusion sociale » consacre plus d'un milliard d'euros à la prévention de la pauvreté et de l'exclusion et au développement des dispositifs d'accueil d'urgence. Il prévoit 500 places supplémentaires en centres d'hébergement et de réinsertion sociale et 1.500 places en maisons-relais.

Le programme « accueil des étrangers et intégration » (561 millions d'euros environ) est essentiellement centré sur la prise en charge sociale des demandeurs d'asile, que ce soit au travers du développement des capacités d'hébergement des centres d'accueil des demandeurs d'asile (Cada), de l'expérimentation d'une aide au retour volontaire depuis le 1 er septembre 2005 ou de l'intensification des dispositifs favorisant l'intégration. Trois opérateurs principaux contribuent à la mise en oeuvre de ce programme : la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde), le fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre la discrimination (Fasild) et l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations (Anaem).

Le programme « égalité entre les hommes et les femmes » (27 millions d'euros) se structure en cinq actions : « accès des femmes aux responsabilités et à la prise de décision », « égalité professionnelle », « égalité en droit et en dignité », « articulation des temps de vie » et « soutien du programme égalité entre les hommes et les femmes ».

Mme Gisèle Printz a déploré la diminution des moyens humains mis à disposition des associations d'insertion, conséquence directe de la suppression des contrats emploi-solidarité, les nouveaux contrats aidés se révélant être plus coûteux. Elle a souhaité en outre obtenir des précisions sur la préparation d'un projet de loi relatif à la prévention des violences faites aux femmes.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, a précisé que les moyens mis à la disposition des associations sont en augmentation et permettent de financer notamment les droits sociaux accordés aux bénéficiaires de contrats aidés.

Concernant la prévention des violences faites aux femmes, Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, a annoncé la présentation d'un texte au Parlement au printemps 2006.

Mme Catherine Procaccia a demandé des précisions sur les actions engagées en faveur d'un meilleur accès aux responsabilités politiques et professionnelles des femmes.

M. André Vézinhet s'est inquiété de la disparition des contrats emploi-solidarité au sein des centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) et des associations d'insertion.

M. Guy Fischer s'est réjoui des efforts budgétaires consacrés aux CHRS, mais a précisé que la progression des frais de fonctionnement en limite la portée.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité , a rappelé que la loi relative à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, en cours d'examen, prévoit un meilleur accès des femmes aux postes de responsabilité, notamment dans les conseils d'administration des entreprises. Parallèlement, des réflexions sont en cours sur l'évolution professionnelle et sur la place des femmes dans la fonction publique.

Par ailleurs, elle a souligné l'effort budgétaire considérable du projet de loi de finances pour 2006 en faveur des CHRS. Elle a toutefois reconnu que l'augmentation du prix des logements affecte leur capacité d'accueil, les occupants y demeurant plus longtemps tandis que l'on enregistre un volume de demandes croissantes.

Il a également demandé des précisions sur la réforme de l'allocation d'insertion en faveur des étrangers en attente de régularisation.

Concernant l'allocation d'insertion, Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, a expliqué que la réforme permettra de limiter les versements en espèces et de réaliser une économie de 28 millions d'euros qui sera redéployée en faveur de l'hébergement dans les centres d'accueil des demandeurs d'asile (Cada). L'allocation temporaire d'attente qui la remplacera devrait en outre être versée sur une période moins longue en ramenant de dix mois à six mois la durée d'instruction des dossiers des étrangers en attente de régularisation.

B. AUDITION DE MM. XAVIER BERTRAND, MINISTRE DE LA SANTÉ ET DES SOLIDARITÉS, ET PHILIPPE BAS, MINISTRE DÉLÉGUÉ À LA SÉCURITÉ SOCIALE, AUX PERSONNES ÂGÉES, AUX PERSONNES HANDICAPÉES ET À LA FAMILLE

Réunie le mercredi 2 novembre 2005 sous la présidence de M. Nicolas About, président, la commission a procédé à l'audition de MM. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, et Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille sur le projet de budget de leur ministère pour 2006 (mission « Solidarité et intégration »).

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, à la famille, aux personnes âgées et aux personnes handicapées , a tout d'abord indiqué que les crédits relatifs au handicap ont progressé en moyenne de plus de 3 % par an ces dernières années. A ceux-ci s'ajoutent les financements prévus dans le cadre de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) depuis 2005 et ceux inscrits au budget de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), lesquels s'élèvent à 2,2 milliards d'euros en 2006.

Le projet de budget comporte 457 millions d'euros de mesures nouvelles, soit une augmentation de 6,43 % par rapport à 2005. Ces crédits supplémentaires financent, à hauteur de 340 millions d'euros, le surcroît de dépenses d'allocation aux adultes handicapés (AAH). Les crédits consacrés à cette allocation correspondent à la prise en charge de 797.000 personnes et permettent également de financer les nouveaux compléments d'AAH. Ceux-ci portent le niveau de ressources des bénéficiaires de cette allocation à 80 % du salaire minimum de croissance (Smic), conformément aux engagements pris par le Gouvernement lors du vote de la loi du 11 février 2005.

Le projet de loi de finances pour 2006 prévoit la création de 2.500 nouvelles places en centres d'aide par le travail (CAT), pour un coût de 110 millions d'euros, ainsi que le financement de la garantie de ressources des personnes supplémentaires accueillies dans ces centres pour un montant de 20 millions d'euros.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, à la famille, aux personnes âgées et aux personnes handicapées , a enfin insisté sur le fait que le budget de l'Etat ne recouvre que la moitié des mesures nouvelles en faveur des personnes handicapées. Les crédits mobilisés au sein de l'Ondam et de la CNSA progressent de 13 % au titre des personnes âgées et de 6,16 % pour le secteur du handicap. Contrairement à 2005, la contribution de la CNSA ne se substituera pas à celui de l'Etat et de l'assurance maladie mais s'y ajoutera.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités , a fait valoir que les crédits de ce ministère, soit 11 milliards d'euros en 2006, reflètent les grandes priorités de l'action du Gouvernement en matière de solidarité et de santé publique et qu'ils permettent de concilier l'impératif de maîtrise des dépenses publiques et une politique volontariste en faveur de la cohésion sociale.

Les politiques sanitaires et sociales représentent 55 % des dépenses publiques qui seront mises en oeuvre dans le souci d'une juste répartition des moyens sur l'ensemble du territoire et entre les citoyens.

Selon la nouvelle nomenclature issue de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), trois missions et huit programmes relèvent du ministère de la santé et des solidarités. Les objectifs et les indicateurs annexés au projet de budget permettent aux parlementaires d'être mieux informés sur la pertinence des politiques publiques et de mieux contrôler l'action du Gouvernement.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités , a ensuite observé que la progression substantielle des crédits dévolus à la mission « Solidarité et intégration » permettra de renforcer la cohésion sociale et de mettre en oeuvre des politiques ambitieuses, notamment dans le domaine du handicap.

La solidarité et l'intégration sont au coeur de l'action du Gouvernement pour renforcer la cohésion sociale et celui-ci s'est engagé à mener une action énergique en faveur des victimes de toute forme d'exclusion, ce qui inclut les personnes handicapées et les familles vulnérables. En conséquence, la mission « Solidarité et intégration » recueille 10,62 milliards d'euros, soit 9,56 milliards d'euros sans les dépenses de soutien.

La politique du handicap constitue le programme prioritaire de cette mission, dans la lignée du grand chantier lancé par le Président de la République et de la loi du 11 février 2005. Les moyens supplémentaires dégagés cette année sont mis au service d'une nouvelle orientation de la politique du handicap, reposant sur le changement de regard, la non-discrimination, la priorité donnée à l'intégration des personnes en milieu ordinaire, le droit à compensation et la participation des citoyens handicapés à la vie de la cité.

De ce fait, les crédits du programme « handicap et dépendance » progresseront de 6,43 % par rapport à 2005, atteignant 7,86 milliards d'euros. Ils sont destinés en priorité à l'intégration par le travail et à la mise en oeuvre du droit à la compensation : 340 millions d'euros supplémentaires financent la réforme de l'AAH et les crédits destinés aux centres d'aide par le travail (CAT) connaîtront une progression de 9,6 % permettant notamment de financer 2.500 places nouvelles.

Enfin, pour apaiser les départements inquiets du coût de la création des maisons départementales du handicap et de la nouvelle prestation de compensation du handicap, le ministre a assuré que le financement de ces mesures a été entièrement anticipé.

S'agissant de la politique en faveur des familles les plus vulnérables, M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités , a indiqué que les crédits inscrits au budget de l'Etat s'élèvent à 1,1 milliard d'euros, principalement destinés à l'allocation de parent isolé (API) à hauteur de 875 millions d'euros. L'accompagnement des bénéficiaires de cette prestation sera amélioré avec un suivi personnalisé et approprié de la personne pour favoriser son retour à l'emploi, conformément à l'ambition du Premier ministre d'insérer durablement les allocataires de minima sociaux sur le marché du travail. Pour faciliter la recherche d'emploi des femmes isolées, un effort particulier a été réalisé pour la garde des enfants : la convention d'objectifs et de gestion de la Caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf) prévoit ainsi la création de 15.000 places de crèches supplémentaires, qui s'ajoutent aux 57.000 en cours de construction.

S'agissant des tutelles et curatelles d'Etat, M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités , a indiqué que les crédits les concernant ont été revalorisés par rapport à 2005 et atteignent 197 millions d'euros. L'Agence française de l'adoption (Afa), dont le financement est prévu par le projet de budget, sera installée avant l'été 2006 afin d'optimiser le service public de l'adoption, dans l'intérêt partagé des enfants et des familles.

Il a ensuite rappelé que le troisième programme de la mission « Solidarité et intégration » concerne la protection des plus démunis et l'indemnisation des victimes de l'amiante. Les engagements de l'Etat en matière de financement de la couverture sociale des plus démunis seront tenus, puisque 607 millions d'euros seront affectés aux dépenses d'aide médicale d'Etat (AME) et au financement de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C). S'agissant de l'AME, il a fait part de son attachement à un dispositif qui répond à une exigence humanitaire et sanitaire, celle de prendre en charge les soins des personnes en situation irrégulière sur le territoire. Par ailleurs, le fonds de financement de la CMU verra sa stabilité financière confortée par la dotation d'équilibre versée par l'Etat.

Concernant les dépenses d'indemnisation, il s'est félicité de la fusion du fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles (FITH) et de l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam), estimant que celle-ci permettra une meilleure gestion de ces dépenses au service des victimes. Des objectifs ont été fixés au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva) afin de réduire les délais de présentation et de paiement des offres d'indemnisation, le but étant d'atteindre un traitement en moins de quatre mois de 100 % des dossiers d'ici trois ans.

Abordant enfin le programme de soutien qui finance les dépenses de personnel et de fonctionnement du ministère, M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, a indiqué que ses crédits s'élèvent à 1,065 milliard d'euros. L'évolution des effectifs de l'administration sanitaire et sociale s'inscrit dans la politique globale de maîtrise de ses emplois publics, décidée par le Gouvernement. Le nombre d'emplois du ministère est fixé à 14.921 équivalents temps plein travaillé (ETPT) ; dans le même temps, des efforts seront engagés pour la réduction du taux de vacance pour la revalorisation des carrières des fonctionnaires et pour la mise en place de la validation des acquis de l'expérience (VAE) sanitaire et sociale. Une gestion vertueuse des équipements et de l'immobiliser sera mise en oeuvre à travers un important programme de cessions immobilières, d'un montant de 30 millions d'euros sur les années 2005 à 2008.

Abordant enfin la question de l'avenir de l'administration sanitaire et sociale, il s'est dit conscient des interrogations suscités par l'apparition d'agences, par le mouvement de déconcentration des services et de recentralisation de certaines actions et, plus largement, sur le rôle de l'Etat en matière de santé publique et de cohésion sociale : sur ce point, la place centrale de l'Etat est confirmée, ses missions ne sont pas remises en cause et il n'est pas question de modifier la structure des services régionaux et départementaux des affaires sanitaires et sociales.

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis de la mission « Solidarité et intégration » , a observé que le projet de loi de finances pour 2006 soumet à des conditions plus strictes l'attribution de la CMU-C et de l'AME. Il a donc voulu savoir combien de personnes seront exclues de ces dispositifs du fait de cette sévérité accrue et connaître les prises en charges possibles en cas d'urgence sanitaire.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités , a assuré que les mesures prises par le Gouvernement concernant l'AME et la CMU-C n'ont pas pour objectif de réduire, coûte que coûte, le nombre de bénéficiaires de ces dispositifs.

S'agissant de la CMU-C, la modification des ressources prises en compte pour le bénéfice de la couverture maladie universelle (CMU) doit être appréhendée en lien avec l'effort consenti par le Gouvernement dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 concernant l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé. Compte tenu de l'effet de vase communicant entre les deux dispositifs, le Gouvernement a demandé une expertise plus fine sur le nombre de personnes susceptibles d'être touchées par ces changements de périmètre.

Concernant l'AME, les mesures prévues ne durcissent pas les conditions d'accès au dispositif et ne font, en réalité, qu'assurer l'effectivité des règles qui, depuis l'origine, sont censées le régir. Cet effort de contrôle va dans le sens de la responsabilité et, s'agissant d'une politique de solidarité, il est de l'intérêt même des bénéficiaires que l'Etat s'assure du bon usage des crédits ouverts. La condition de durée minimale de trois mois de présence sur le sol français nécessaire pour bénéficier de l'AME est indispensable pour éviter que des personnes abusent du dispositif et viennent en France uniquement pour s'y faire soigner. Par ailleurs, une circulaire du 16 mars 2005 fixé déjà les conditions de prise en charge des soins urgents.

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis de la mission « Solidarité et intégration » , a voulu connaître les paramètres qui ont présidé à l'établissement des prévisions de dépenses d'AAH et d'API, estimant que, malgré les réformes annoncées en faveur des titulaires de minima sociaux, les prévisions d'évolution du nombre de bénéficiaires sont peut-être trop optimistes. Il a également souhaité faire le point sur la situation des dettes de l'Etat à l'égard de la branche famille au titre de ces deux allocations.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, à la famille, aux personnes âgées et aux personnes handicapées , a estimé les prévisions d'évolution du nombre de bénéficiaires de l'AAH et de l'API optimistes, mais non déraisonnables. La loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées prévoit de nombreuses dispositions pour favoriser leur emploi, qui entreront en vigueur, de façon échelonnée, au cours de l'année 2006. En outre, les travailleurs handicapés bénéficient déjà des mesures de droit commun en faveur de l'emploi prévues dans le cadre du plan de cohésion sociale. Un meilleur pilotage de la dépense est possible dans le cadre des maisons départementales des personnes handicapées, grâce notamment à une réduction des écarts de traitement sur l'ensemble du territoire.

Concernant l'API, un projet de loi en faveur du retour à l'emploi des bénéficiaires de minima sociaux sera déposé prochainement par le Gouvernement et la réforme de l'intéressement prévue dans ce cadre permet d'espérer une baisse sensible du nombre de bénéficiaires.

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis de la mission « Solidarité et intégration », a souhaité connaître le coût de la réforme de la garantie de ressources des personnes accueillies en CAT. Il s'est également ému des divergences d'appréciation du niveau souhaitable de l'aide au poste en entreprise adaptée entre les responsables associatifs et le Gouvernement.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, à la famille, aux personnes âgées et aux personnes handicapées , a expliqué que les gestionnaires d'entreprises adaptées ont demandé la fixation de l'aide au poste à hauteur de 12.500 euros par an, mais que ce chiffre n'a jamais été celui retenu par le Gouvernement. Cette aide au poste est finalement budgétée pour un montant de 11.877 euros, soit 80 % du Smic, ce qui représente une augmentation de 20 % de l'aide servie aux entreprises adaptées par rapport au système antérieur.

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis de la mission « Solidarité et intégration », s'est enfin inquiété du financement de la sortie des dispositifs d'aides « Aubry I et II » pour les établissements médico-sociaux, estimant que la revalorisation de 1,5 % des financements qui leur sont attribués ne tient pas suffisamment compte de ce paramètre.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, à la famille, aux personnes âgées et aux personnes handicapées, a rappelé que les établissements médico-sociaux ont été parmi les premiers à signer des accords de réduction du temps de travail, profitant alors d'un régime d'aides particulièrement avantageux, ce qui explique leurs difficultés actuelles. Un dispositif de soutien a été mis en place au sein du ministère, doté de 30 millions d'euros, afin d'aider les établissements les plus en difficulté. L'attribution d'une aide de l'Etat sera assortie d'une convention pluriannuelle prévoyant les mesures de gestion à mettre en oeuvre pour accompagner cette aide de l'Etat et assurer une sortie en bon ordre des dispositifs « Aubry ».

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis de la mission « Solidarité et intégration », a fait remarquer que 70 % des dépenses des établissements médico-sociaux sont des dépenses de personnel et que celles-ci sont tirées à la hausse par l'application de conventions collective pourtant agréées par l'Etat. Il a donc appelé ce dernier à prendre ses responsabilités en matière d'agrément des conventions collectives.

Mme Bernadette Dupont a témoigné de la difficile intégration des personnes handicapées en milieu de travail ordinaire. Elle a mis leurs difficultés sur le compte de leur faible qualification et a plaidé pour que le système de formation, initiale et continue, prenne en compte les besoins spécifiques des personnes handicapées. Elle a également attiré l'attention sur l'absolue nécessité d'un accompagnement dans l'entreprise pour les personnes handicapées psychiques.

Mme Raymonde Le Texier a souhaité connaître le nombre de bénéficiaires actuels de l'AME. Les nouvelles formalités imposées aux demandeurs d'AME les décourageront, à son sens, d'avoir recours à ce dispositif, ce qui produira des effets négatifs sur la santé publique.

M. Guy Fischer a fait part des inquiétudes des départements, quant au poids de la nouvelle prestation de compensation du handicap sur leurs finances, et de celles des associations de personnes handicapées, s'agissant du niveau de la prestation. Il a par ailleurs voulu savoir si les effectifs du ministère de la santé sont en hausse ou en recul par rapport à 2005 et connaître le montant des crédits prévus pour le financement du plan « santé et environnement ». Il a enfin souligné les difficultés d'accès aux soins des bénéficiaires de minima sociaux.

Abordant ensuite la question de l'insertion professionnelle des personnes handicapées, M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, à la famille, aux personnes âgées et aux personnes handicapées , a souligné que la loi du 11 février 2005 renforce les obligations de tous les employeurs, publics comme privés, ainsi que les sanctions applicables aux employeurs qui ne respectent pas l'esprit et la lettre de la loi. Ces mesures sont particulièrement importantes dans un contexte où les personnes handicapées connaissent un taux de chômage trois fois supérieur à la moyenne et où le fait d'annoncer son handicap diminue dans une proportion de 1 à 15 les chances d'obtenir un entretien d'embauche.

La même loi met l'accent sur la scolarisation des enfants handicapés : à ce titre, le budget de l'éducation nationale pour 2006 prévoit la création de 800 postes supplémentaires d'auxiliaires de vie scolaire et de 200 nouvelles unités pédagogiques d'intégration (UPI). Il est par ailleurs nécessaire de mobiliser la formation professionnelle de droit commun en faveur des personnes handicapées qui sortent du système scolaire sans qualification.

Il a également reconnu les difficultés soulevées par la prise en charge ambulatoire des personnes handicapées psychiques. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 prévoit le financement de groupes d'entraide mutuelle et de 1.500 places spécifiques en services d'accompagnement médico-social pour personnes adultes handicapées (SAMSAH) en faveur de ce public particulier.

M. Nicolas About, président , a rappelé la concession faite par la commission en acceptant la création d'un fonds distinct en faveur de l'insertion professionnelle des personnes handicapées dans la fonction publique au lieu d'un simple élargissement des missions de l'association pour la gestion du fonds pour l'insertion des personnes handicapées (Agefiph). Il a insisté sur la nécessité, pour le fonds de la fonction publique, de faire rapidement ses preuves, faute de quoi la commission serait fondée à demander une fusion des deux fonds.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, à la famille, aux personnes âgées et aux personnes handicapées , a dit comprendre les inquiétudes des départements concernant le financement et la montée en charge de la prestation de compensation du handicap, rappelant qu'ils ont été considérablement échaudés par l'expérience de l'allocation personnalisée d'autonomie (Apa). Il a toutefois insisté sur le fait qu'à la différence de l'Apa, la prestation de compensation du handicap est financée : outre les 580 millions d'euros jusqu'ici consacrés par les départements à l'allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP), la nouvelle prestation sera complétée par des crédits de la CNSA à hauteur de 500 millions d'euros, sans compter les crédits qui, auparavant, finançaient les sites pour la vie autonome (SVA) et sont également maintenus. Les dépenses de prestation de compensation seront moins dynamiques que celles de l'Apa qui subissent de plein fouet les effets du vieillissement de la population et le nombre de bénéficiaires de la prestation de compensation sera sensiblement le même que celui des bénéficiaires de l'ACTP, au correctif près que la condition de ressources de la nouvelle prestation est plus favorable.

M. Alain Vasselle s'est insurgé contre les mesures brutales de réduction des heures d'aide ménagère payées par les caisses régionales d'assurance maladie et par la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav).

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités , a précisé que le nombre des bénéficiaires de l'AME s'élevait à 170.184 au 30 juin 2005. Les modalités de contrôle des conditions d'accès à ce dispositif ont été élaborées en concertation avec les associations, afin de fixer des obligations réalistes. La rationalisation des dépenses d'AME permettra d'ouvrir aux bénéficiaires l'accès aux soins de ville.

S'agissant de l'effectif du ministère, le ministre a expliqué que celui-ci diminue de soixante équivalents temps plein, mais que la réduction du taux de vacance compense totalement cette baisse.

Il a enfin indiqué qu'il était intervenu auprès de la Cnav pour mettre fin aux réductions injustifiées des heures d'aide ménagère attribuées aux personnes âgées. Cette politique des caisses est d'autant plus scandaleuse que leurs crédits d'action sociale ont été revus à la hausse.

II. EXAMEN DE L'AVIS

Réunie le mercredi 23 novembre 2005 sous la présidence de M. Nicolas About, président, la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Paul Blanc sur le projet de loi de finances pour 2006 (mission « Solidarité et intégration »).

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis , a présenté les grandes lignes de son rapport (cf. exposé général du présent avis).

Mme Bernadette Dupont a fait part de la perplexité que lui inspirent certains mouvements contradictoires de crédits : ceux consacrés à l'accompagnement des familles diminuent, tandis que ceux relatifs à la protection de l'enfance augmentent, sans raison apparente. Elle a considéré que les études et statistiques ne nécessitaient pas une dotation si importante. Elle a par ailleurs regretté les lenteurs de mise en oeuvre de la loi « Handicap » du 11 février 2005.

Mme Janine Rozier a fait valoir que la volonté personnelle et le désir d'intégration des personnes immigrées elles-mêmes sont essentiels pour que les moyens financiers déployés par l'Etat pour faciliter leur accueil soient efficacement utilisés.

Mme Raymonde Le Texier a exprimé sa déception face à un projet de budget qui ne correspond pas, en l'état, à son titre de « Solidarité et intégration ». Elle a dit son inquiétude sur le problème de l'allongement des durées de séjour en CHRS, qui ne pourra être résolu qu'en créant davantage de logements sociaux offrant un hébergement durable, sans lequel la réinsertion des personnes en difficulté est excessivement difficile. Elle s'est également interrogée sur l'efficacité à attendre de la nouvelle aide au retour volontaire, considérant que la question financière n'est pas seule en cause. Elle a déploré les modifications apportées aux conditions de versement de la CMU-C et de l'AME, estimant que les économies attendues sont dérisoires comparées aux conséquences humaines d'un accès plus difficile aux soins. Regrettant l'absence de mesures en faveur du développement des services d'auxiliaire de vie, elle a souligné la nécessité de rester vigilant sur la mise en oeuvre de la loi « Handicap ». Si l'augmentation d'un tiers, à la rentrée 2005, du nombre d'élèves handicapés bénéficiant des services d'un auxiliaire de vie scolaire est un point positif, plusieurs centaines de dossiers d'intégration scolaire restent en attente de solution dans son département. Elle a enfin contesté le maintien des crédits alloués à la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde) au niveau qu'ils avaient l'an dernier, ce qui risque de pénaliser le développement de son activité.

M. Nicolas About, président , a rappelé que la Halde n'a été mise en place qu'en 2005, qu'elle n'a pas utilisé tous les crédits dont elle disposait cette année et que son activité ne devrait atteindre sa pleine ampleur qu'en 2006.

M. Guy Fischer a d'abord estimé que l'augmentation de 3,5 % des crédits en 2006 ne permet pas de faire face à l'acuité des défis que soulève le domaine de la solidarité. Il a fait le constat que la solidarité nationale trouve ses limites lorsque l'Etat en transfère la charge à l'assurance maladie. Il s'est également inquiété de l'engorgement des CHRS, qui résulte de l'allongement de la durée moyenne de séjour.

Il a souligné les risques de sous-estimations des moyens nécessaires à la mise en oeuvre de la loi « Handicap ». Il a rappelé l'opposition du groupe communiste républicain et citoyen à la création de la CNSA et il a fait part de l'inquiétude des départements quant au coût de la prestation de compensation.

M. André Lardeux s'est interrogé sur le montant des crédits consacrés à la Halde, estimant qu'ils sont supérieurs à ce qui était initialement prévu. Il s'est également inquiété de la charge excessive que devrait représenter la gestion du RMI et du RMA pour les départements, la dépense étant estimée pour 2005 à un milliard d'euros, soit une somme bien supérieure à la compensation prévue par la loi. S'agissant enfin des maisons départementales des personnes handicapées, il a souligné qu'en dépit des engagements pris, l'Etat semble réticent à mettre ses personnels à leur disposition.

M. Alain Vasselle a regretté que l'Etat se défausse systématiquement sur la sécurité sociale et les collectivités territoriales du financement de la politique de solidarité. Il a souhaité l'engagement d'une réflexion sur les politiques menées en faveur de la solidarité afin de recentrer les missions de l'Etat sur les actions essentielles, car sans cette réflexion, le dérapage des finances publiques sera inévitable. Il a demandé à ce que le ministre vienne faire le point, devant la commission, sur l'état d'avancement de l'élaboration des décrets d'application de la loi « Handicap ». Il a ensuite dénoncé une utilisation des excédents de la CNSA peu conforme à sa mission, estimant que le financement des unités de long séjour doit rester de la compétence de l'assurance maladie. Il a enfin regretté qu'aucune mesure ne soit prise pour mettre fin à la maltraitance que constituent, pour certaines personnes handicapées accueillies en établissement, les restrictions aux retours en famille qui ne sont motivées que par des considérations financières qu'il a souvent dénoncées, sans succès.

M. Nicolas About, président , a donné son accord sur l'organisation prochaine d'une audition du ministre sur le thème des décrets d'application de la loi « Handicap ».

M. Alain Gournac a rappelé que l'esprit de la nouvelle loi de finances n'est pas de s'attacher à l'évolution des crédits affectés à chaque mission, mais de s'interroger sur l'efficacité et la pertinence des mesures prises et de la satisfaction qu'elle procure à leurs bénéficiaires. De ce point de vue, il lui semble que le budget qui a été présenté comporte des avancées positives telles que la création de nouvelles places en Cada et le financement des nouvelles mesures en faveur des rapatriés. Il a également salué l'innovation que constitue la prestation de compensation du handicap. Enfin, il s'est interrogé sur les raisons du relatif échec du CI-RMA et a suggéré de sonder le Gouvernement sur ce point.

Il s'est enfin déclaré prêt à s'associer à l'amendement du rapporteur tendant à supprimer l'article 80 du projet de loi de finances.

M. Jean-Pierre Godefroy s'est interrogé sur le non-respect des délais prévus pour la publication des décrets d'application de la loi « Handicap » et il a appuyé la demande d'une audition du ministre à ce sujet. Il a par ailleurs déploré les conditions dans lesquelles allait se dérouler le débat budgétaire, qui limite le temps de parole des groupes politiques à cinq minutes, ce qui paraît insuffisant pour les missions budgétaires mobilisant des crédits importants.

Mme Marie-Thérèse Hermange a souligné l'effort particulier de ce budget en faveur de l'accueil des étrangers, dont les crédits ont augmenté de 61 % par rapport à 2005. Elle a également voulu savoir ce que recouvrent les actions intitulées « soutien des administrations sanitaires et sociales » et « pilotage de la sécurité sociale ».

Mme Valérie Létard a abondé dans le sens du rapporteur pour avis en rappelant l'importance de la dissociation des publics accueillis en CHRS et en Cada. Elle a rappelé que la réflexion engagée par le groupe de travail « minima sociaux » doit être conduite dans la sérénité, afin de permettre d'appréhender dans son ensemble la réforme du système de minima sociaux et des droits connexes, toute réponse précipitée ou partielle risquant de déboucher sur une déception.

Répondant à l'ensemble des intervenants, M. Paul Blanc, rapporteur pour avis, a d'abord souligné qu'on ne pourra consacrer davantage de moyens financiers à la solidarité qu'en travaillant plus et plus longtemps. Pour faire face aux besoins, il serait dans doute nécessaire d'imposer deux journées de solidarité au lieu d'une.

A Mme Bernadette Dupont, et s'agissant de l'accompagnement des familles, il a expliqué que la diminution des crédits de l'Etat est compensée par une participation accrue de la branche famille. La hausse des crédits consacrés à la protection de l'enfant est due à un soutien renforcé au service national d'appel téléphonique de l'enfance maltraitée (Snatem) et à l'aide au démarrage de la nouvelle Agence française de l'adoption. Par ailleurs, l'augmentation des crédits d'études et de statistiques sera notamment consacrée à améliorer l'information disponible sur la situation des bénéficiaires de minima sociaux, ce qui répond d'ailleurs à l'attente exprimée par la commission à l'occasion du rapport qu'elle a établi sur les minima sociaux.

En réponse à Mme Raymonde Le Texier, il a indiqué, d'une part, que 20 millions d'euros sont consacrés à la couverture des soins d'urgence pour les personnes qui n'ont pas accès à l'AME, d'autre part, que les trois mois de résidence minimale exigés pour y être éligible ont pour but de limiter le tourisme médical, ce qui permettra de rationaliser le système et d'en améliorer l'équité et l'efficacité. Concernant l'hébergement en CHRS, il a déclaré partager son inquiétude, tout en se montrant optimiste sur les réponses que l'on peut apporter. En effet, la création de nouvelles places en Cada et la réduction de la durée d'instruction des demandes devraient permettre de libérer au moins 15 % des places occupées en CHRS. De plus, on peut espérer que la création de nouveaux logements sociaux, grâce aux mesures prises dans le cadre du projet de loi « Engagement national pour le logement » et du plan de cohésion sociale, améliorera la fluidité du passage entre l'hébergement d'urgence et le parc social.

Il a abondé dans le sens de Mme Janine Rozier en soulignant que le succès du CAI est aussi le fait de la volonté des personnes immigrées qui ont choisi d'apprendre la langue française et les principes de notre République. Il a rappelé que 90 % des personnes à qui le CAI a été proposé, ont accepté de le signer librement.

En réponse à M. Guy Fischer, il a rappelé que l'esprit de la LOLF consiste à apprécier le contenu des actions financées, et non pas seulement l'augmentation des moyens mis en oeuvre. Il a de plus estimé que la hausse de 3,5 % des crédits, appliquée à un montant initial de plus de 10 milliards d'euros, n'est pas négligeable.

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis, a ensuite indiqué que les décrets d'application de la loi « Handicap » sur l'AAH et sur les maisons départementales sont déjà parus et que les départements ont même déjà pu bénéficier du financement de la CNSA pour l'installation de ces maisons. La procédure d'examen des décrets d'application devant le Conseil national consultatif des personnes handicapées se déroule dans de très bonnes conditions et les associations sont satisfaites, tant sur le contenu des décrets que sur le calendrier de leur examen.

Il a enfin précisé que le programme « soutien des politiques sanitaires et sociales » regroupe les crédits de fonctionnement de l'administration centrale, hors personnel, et que leur diminution va dans le sens d'une rationalisation bienvenue de la dépense publique. Les crédits de l'action « pilotage de la sécurité sociale » concernent les dépenses de personnel de la Direction de la sécurité sociale et des directions régionales des affaires sanitaires et sociales (Drass).

La commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Solidarité et intégration » pour 2006 ainsi qu'aux articles 88 et 89 qui lui sont rattachés.

* 1 Directive 2001/55/CE du Conseil du 21 juillet 2001 relative à des normes minimales pour l'octroi d'une protection temporaire en cas d'afflux massifs de personnes déplacées.

* 2 Loi n° 2003-1176 du 10 décembre 2003 modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile.

* 3 Directive 2003/09/CE du Conseil du 27 janvier 2003 relative à des normes minimales pour l'accueil des demandeurs d'asile dans les Etats membres.

* 4 Rapport d'information n °334 (2004-2005), Valérie Létard, « Minima sociaux : concilier équité et reprise d'activité ».

* 5 Circulaire du 16 mars 2005 relative aux soins urgents.

* 6 Décrets n° 2005-859 et 860 du 29 juillet 2005, relatifs à l'AME.

* 7 Rapport d'information n° 37 (2004-2005) de Gérard Dériot et Jean-Pierre Godefroy, « Le drame de l'amiante en France : comprendre, mieux réparer, en tirer des leçons pour l'avenir ».

* 8 Discours du 14 octobre 2002 prononcé à Troyes.

* 9 Loi du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité.

* 10 Rapport n° 316 (2004-2005), Michel Mercier, rapporteur pour l'Observatoire sénatorial de la décentralisation, « Le RMI : d'un transfert de gestion à une décentralisation de responsabilité », 4 mai 2005.

* 11 R apport d'information n° 334 (2004-2005), « Minima sociaux : concilier équité et reprise d'activité », Valérie Létard, rapporteur au nom de la commission des Affaires sociales du Sénat.

* 12 Ce pourcentage est identique pour les personnes incarcérées. Il s'établit à 17 % au moins pour les personnes handicapées hospitalisées.

* 13 S'agissant du complément de ressources, la loi n'exige pas que les personnes concernées perçoivent une aide au logement mais simplement que le logement soit indépendant.

* 14 A ce stade de l'élaboration des décrets d'application, les tarifs horaires proposés pour les aides humaines varient de 11,02 euros à 12,12 euros et 13,92 euros selon que la personne recourt au gré à gré, à un service mandataire ou à un prestataire de service. Le tarif du dédommagement de l'aidant familial est encore en cours de concertation.

* 15 Le réseau Cap Emploi regroupe deux types de structures : les équipes de préparation et de suite du reclassement (EPSR) et les organismes d'insertion et de placement (OIP).

* 16 Directive 2001/55/CE du Conseil du 21 juillet 2001 relative à des normes minimales pour l'octroi d'une protection temporaire en cas d'afflux massifs de personnes déplacées.

* 17 Loi n° 2003-1176 du 10 décembre 2003 modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile.

* 18 Directive 2003/09/CE du Conseil du 27 janvier 2003 relative à des normes minimales pour l'accueil des demandeurs d'asile dans les Etats membres.

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