N° 211

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2005-2006

Annexe au procès-verbal de la séance du 22 février 2006

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur le projet de loi pour l' égalité des chances , CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE AUX TERMES DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION, APRÈS DÉCLARATION D'URGENCE,

Par M. Philippe RICHERT,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jacques Valade, président ; MM. Ambroise Dupont, Jacques Legendre, Serge Lagauche, Jean-Léonce Dupont, Ivan Renar, Michel Thiollière, vice-présidents ; MM. Alain Dufaut, Philippe Nachbar, Pierre Martin, David Assouline, Jean-Marc Todeschini, secrétaires ; M. Jean Besson, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Jean-Marie Bockel, Yannick Bodin, Pierre Bordier, Louis de Broissia, Jean-Claude Carle, Gérard Collomb, Yves Dauge, Mme Annie David, MM. Christian Demuynck, Denis Detcheverry, Mme Muguette Dini, MM. Louis Duvernois, Jean-Paul Émin, Mme Françoise Férat, MM. François Fillon, Bernard Fournier, Hubert Haenel, Jean-François Humbert, Mme Christiane Hummel, MM. Soibahaddine Ibrahim, Alain Journet, André Labarrère, Philippe Labeyrie, Pierre Laffitte, Simon Loueckhote, Mme Lucienne Malovry, MM. Jean Louis Masson, Jean-Luc Mélenchon, Mme Colette Mélot, M. Jean-Luc Miraux, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Bernard Murat, Mme Monique Papon, MM. Jean-François Picheral, Jack Ralite, Philippe Richert, René-Pierre Signé, André Vallet, Marcel Vidal, Jean-François Voguet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (12ème législ.) : 2787, 2825 et T.A . 534

Sénat : 203, 210, 212, 213 et 214 (2005-2006)

Solidarité nationale.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi qui est soumis à votre examen s'inscrit dans le cadre du programme d'action ambitieux que le Gouvernement a lancé en consacrant l'année 2006 comme celle de l'égalité des chances.

Ainsi que l'a affirmé le Premier ministre dans sa conférence de presse du 1 er décembre dernier : « Au coeur de l'égalité des chances, il y a l'éducation ». Votre commission des affaires culturelles a souhaité, bien entendu, se saisir pour avis des dispositions du projet de loi relevant de ce domaine et visant à répondre au défi de la réussite éducative. L'enjeu n'est pas mince : chaque année, 150 000 jeunes sortent du système scolaire sans diplôme ni qualification. La spirale de l'échec les conduit trop souvent au chômage : près de 30 % des jeunes actifs de 15 à 24 ans ayant le brevet ou sans diplôme étaient sans emploi au deuxième trimestre 2004.

Cette situation, qui se traduit par le désarroi des jeunes concernés, assorti d'un gâchis collectif, ne peut durer. C'est pourquoi votre commission se réjouit de la mobilisation du Gouvernement pour offrir à ces jeunes de nouvelles voies de réussite et des raisons de croire en leur avenir.

La création de la formation d'« apprenti junior », qui fait l'objet des deux premiers articles du projet de loi, devrait ainsi permettre à certains collégiens qui ne trouvent pas leur place dans le système scolaire classique d'emprunter un parcours de qualification plus adapté à leurs attentes. Il faut néanmoins envisager ce nouveau dispositif avec précaution et l'encadrer de garanties solides qui en conditionneront la qualité et le succès.

Par ailleurs, votre commission a souhaité examiner un certain nombre d'autres dispositions du projet de loi relevant de son champ de compétences. Il s'agit de :

- l'article 13, qui traduit le souhait du Gouvernement d'inciter les exploitants cinématographiques à investir au sein des zones franches urbaines et à renforcer ainsi l'animation culturelle dans ces quartiers ;

- l'article 23, qui vise à favoriser la cohésion sociale et la lutte contre les discriminations dans le domaine de l'audiovisuel ;

- l'article 24, qui définit le contrat de responsabilité parentale, destiné aux familles manifestant des carences dans l'exercice de leurs devoirs éducatifs ;

- et l'article 28, qui tend à créer un service civil volontaire, afin d'aider les jeunes en difficulté à trouver un emploi en leur permettant d'intégrer différents corps de métier (défense, police, environnement, santé, culture et secteur associatif).

Ce projet de loi apporte de premiers éléments de réponses concrètes à des problèmes que notre pays a trop longtemps préféré ignorer, tant il est vrai qu'ils bousculent certaines idées préconçues. S'il faut les aborder avec vigilance, votre commission salue le courage politique qui inspire ce texte et elle adhère aux propositions ainsi formulées, sous réserve des amendements qu'elle vous présentera.

I. L'APPRENTISSAGE JUNIOR, UNE OPPORTUNITÉ NOUVELLE DE RÉUSSITE POUR LES JEUNES

En annonçant, lors de la conférence de presse du 1 er décembre 2005, la mise en oeuvre dès la rentrée 2006 de la formation d'apprentissage junior, le Premier ministre a indiqué qu'il s'agissait, « sans remettre en cause l'obligation de scolarité jusqu'à 16 ans, qui est de droit, de donner la possibilité à des jeunes qui ne s'épanouissent pas à l'école de s'engager dans des parcours différents . »

La création de cette formation s'inscrit dans le prolongement de deux réformes engagées par le Gouvernement, destinées à améliorer le niveau de qualification des jeunes et à favoriser leur insertion professionnelle :

- d'une part, la politique de relance de l'apprentissage, visant à développer cette voie à tous les niveaux de formation, qui s'est traduite dans le plan de cohésion sociale ;

- d'autre part, la rénovation de notre système éducatif, concrétisée par l'adoption de la loi n° 2005-380 du 23 avril 2005 d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école ; cette loi réaffirme notamment l'objectif de notre école d'amener 100 % des jeunes à une qualification reconnue.

L'apprentissage junior approfondit ces avancées, en offrant aux jeunes, au sein de la scolarité obligatoire, une chance nouvelle de réussite.

Il convient toutefois d' encadrer ce nouveau dispositif de garanties suffisantes , pour répondre simultanément au double défi d'acquisition des savoirs fondamentaux et d'accompagnement des jeunes vers une qualification et une insertion professionnelle durable.

A. UNE RÉPONSE NOUVELLE AU DÉFI DE QUALIFICATION DE TOUS LES JEUNES

1. Diversifier les parcours de réussite pour assurer l'égalité des chances : un défi majeur pour notre système éducatif

a) Une nécessité partagée de mieux prendre en compte la diversité des élèves et de leurs attentes au sein du collège unique

Le collège est le lieu où se cristallisent les difficultés scolaires qui, bien souvent, se sont accumulées dès l'école primaire.

En effet, 15 % des élèves présentent de sérieuses lacunes dans la maîtrise des savoirs fondamentaux à l'entrée en 6 e .

Or, de toute évidence, notre collège unique n'est pas en mesure d'apporter une réponse adaptée à chacun des jeunes, prenant en compte la diversité de leurs goûts, de leurs attentes et de leurs aptitudes.

Les enseignants expriment leur sentiment d'impuissance et leur désarroi face à des élèves en situation d'échec, bien souvent parce qu'ils sont mal à leur aise dans le cursus général.

En effet, les équipes éducatives manquent d'outils pour parvenir à motiver pour les apprentissages scolaires des jeunes se sentant en décalage avec un enseignement qui, dans notre pays plus qu'ailleurs, privilégie l'abstraction .

Cette spirale de l'ennui, de l'absentéisme et du « décrochage » vient alimenter les sorties sans qualification, dont le nombre stagne depuis plus de 10 ans à un niveau élevé : 150 à 160 000 jeunes quittent chaque année le système scolaire sans diplôme ; 60 000 d'entre eux -soit 8 % d'une génération- sont sans qualification , c'est-à-dire qu'ils n'ont pas atteint la dernière année de CAP ou de BEP.

Par ailleurs, le ministère de l'éducation nationale évalue à 15 000 le nombre de jeunes de moins de 16 ans qui ont rompu avec l'école avant même d'avoir atteint la fin de la scolarité obligatoire.

Sans apporter la panacée, l'apprentissage junior sera un outil de plus pour raccrocher des jeunes à la scolarité , tant qu'il est encore temps, et les conduire vers une qualification.

b) L'apprentissage junior s'inscrit dans le prolongement des avancées tracées par la loi d'orientation pour l'avenir de l'école

Face à ces constats, la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école a réaffirmé l'objectif de conduire 100 % des jeunes à une qualification reconnue.

Toutes les voies de formation -générale, technologique, professionnelle-, sous statut scolaire ou par la voie de l'apprentissage, relevant de l'éducation nationale ou de l'enseignement agricole- y concourent.

Plusieurs mesures-phare tendent à concrétiser cette ambition :

- La définition d'un socle commun de connaissances et de compétences, qui clarifie les attentes de la Nation à l'égard de son école ; ce socle donne une finalité explicite à la scolarité obligatoire, puisque sa maîtrise est sanctionnée, au terme de celle-ci, par le diplôme national du brevet rénové.

C'est à partir de la clarification de cette unité d'exigence que peut s'organiser la diversité des parcours, notamment dans le cadre de la formation d'apprenti junior.

Par ailleurs, le socle sert de base à la personnalisation des apprentissages, qui se traduit par la mise en oeuvre des programmes personnalisés de réussite éducative (PPRE). Ces PPRE proposent un soutien individualisé, permettant, à partir d'un diagnostic précoce des difficultés, de diversifier les approches pour s'adapter à la diversité des élèves.

- Le souci d'améliorer l'orientation des élèves en favorisant la découverte des métiers .

Les défaillances de notre système d'orientation sont à l'origine de décrochages ou de situations d'échec.

La mise en place, à partir de la rentrée 2005, de l'option de 3 heures de découverte professionnelle en classe de 3 e traduit la volonté de rapprocher l'école des milieux professionnels, afin d'améliorer la connaissance des métiers et des voies de formation par les élèves. Il s'agit, ainsi, de susciter une orientation choisie et non pas subie.

En outre, cette option se décline en un module de 6 heures, dispensé en lycée professionnel, et destiné à des élèves éprouvant des difficultés à suivre le cursus classique au collège. Il permet de les préparer, le cas échéant, à une orientation positive vers la voie professionnelle.

Il s'agit, par ailleurs, de contribuer à ouvrir davantage l'école sur son environnement économique, et de tisser des liens plus étroits entre les deux mondes de l'éducation nationale et de l'entreprise, dans l'intérêt des élèves et afin de favoriser leur insertion professionnelle.

Le dispositif d'apprentissage junior prend appui sur ces avancées positives, et s'inscrit dans leur continuité.

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