CHAPITRE II : LA POLICE TECHNIQUE ET SCIENTIFIQUE, UNE RÉVOLUTION EN COURS

En 1910, Edmond Locard crée à Lyon le premier laboratoire de police scientifique et y met en application le principe selon lequel « tout individu, à l'occasion de ses actions criminelles en un lieu donné, dépose et emporte à son insu des traces et des indices : sueur, sang, poussière, fibres, sperme, salive, poils, squames, terre, etc... Qu'ils soient de nature physique, chimique ou biologique, ces indices, une fois passés au crible d'examens de plus en plus sophistiqués, parlent et livrent le récit du crime avant de permettre au lecteur-enquêteur de déchiffrer la signature de l'auteur-coupable » 7 ( * ) .

Parmi les priorités fixées par la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure du 29 août 2002 (LOPSI), le développement de l'action judiciaire des forces de sécurité intérieure figure en bonne place. Pour y parvenir, l'annexe I de la loi dispose que « les moyens de la police technique et scientifique seront renforcés. Le développement d'outils d'investigation performants sera poursuivi afin d'obtenir, par la généralisation de nouveaux modes d'administration de la preuve, une amélioration du taux d'élucidation des faits constatés ».

En effet, le renforcement de la police technique et scientifique (PTS) est au coeur de différents enjeux :

- accompagner le passage d'une culture de l'aveu à une culture de la preuve pour confondre les délinquants ;

- adapter les forces de sécurité intérieure aux évolutions technologiques ;

- répondre à la sophistication des méthodes employées par les délinquants.

I. LE RENFORCEMENT DE LA POLICE TECHNIQUE ET SCIENTIFIQUE : UN OBJECTIF TENU DE LA LOPSI

A. DÉVELOPPER DE NOUVEAUX OUTILS

1. Champs et domaines de la PTS

De façon schématique, deux domaines peuvent être distingués au sein de la PTS :

- la recherche, le perfectionnement et la mise en oeuvre de procédés scientifiques et techniques visant à révéler l'identité d'un délinquant ainsi qu'à reconstituer le déroulement d'un acte délictueux. Il s'agit de la police scientifique au sens classique du terme. Elle est le fait principalement de personnels scientifiques. Elle recouvre différentes disciplines : la balistique, la toxicologie, la biologie (analyses de traces biologiques, établissement de profils génétiques), l'étude des documents et des traces papillaires (examens de documents, études comparatives d'écritures manuscrites et dactylographiques, l'analyse des incendies et des explosions, la physique-chimie (analyses des peintures, verres, fibres...), l'analyse des traces technologiques, la thanatologie... ;

- la mise au point et la gestion de traitements automatisés de données permettant d'exploiter, de collecter, de comparer et de diffuser l'ensemble des informations recueillies dans le cadre de l'action judiciaire en vue de faciliter la constatation d'infractions pénales. Les fichiers de police judiciaire les plus emblématiques sont le STIC pour la police nationale et JUDEX pour la gendarmerie nationale ainsi que le fichier automatisé des empreintes digitales (FAED) et le fichier national des empreintes génétiques (FNAEG) communs aux deux forces de sécurité intérieure.

2. Perfectionner et diffuser la PTS

La LOPSI avait naturellement pour objectif de renforcer le niveau d'excellence de la police scientifique dans les différentes disciplines. Sans cesse, les équipes perfectionnent leurs connaissances et leurs méthodes. A titre d'exemple et pour illustrer la diversité des champs d'investigation de la police scientifique, en 2006, l'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN) a fait l'acquisition d'un radar géophysique qui, associé à un chien spécialement dressé, permet de détecter l'enfouissement de cadavres.

La LOPSI a été également attentive à développer des outils d'investigation performants, en particulier au travers de « l'utilisation, l'alimentation et le rapprochement des grands fichiers de police ».

Un double constat s'imposait :

- la faiblesse de l'équipement et des réseaux informatiques de la police et de la gendarmerie nationale ;

- l'absence d'architecture intégrée des fichiers et des réseaux informatiques faisant en sorte que la police et la gendarmerie nationales ne pouvaient que très difficilement mutualiser leurs moyens ou, à tout le moins, accéder réciproquement aux données de l'autre.

Outre la mutualisation et la mise en commun des moyens respectifs de la police et de la gendarmerie nationales toutes les fois où cela semble utile, la LOPSI s'est fixé pour objectif qu' « à terme, tous les agents de la sécurité intérieure habilités (aient) accès à toutes les bases documentaires de recherches criminelles ».

L'ambition est que les moyens de la police technique et scientifique se diffusent à l'ensemble des forces de sécurité intérieure et deviennent un instrument quotidien de travail qui ne soit pas réservé à quelques grands services de police judiciaire ou aux affaires les plus importantes.

3. L'obligation d'évoluer vers de nouveaux modes d'administration de la preuve

Si le principe en droit français reste la liberté de la preuve, le juge reste souverain pour apprécier les éléments de preuve qui lui sont fournis.

La jurisprudence tend pourtant à délaisser certains modes de preuve comme le témoignage ou l'aveu. Ainsi, aucune condamnation ne peut être prononcée sur le seul fondement d'un témoignage anonyme.

A tout le moins, il apparaît de plus en plus indispensable d'étayer des témoignages ou des aveux par des preuves objectives fournies par les progrès de la police technique et scientifique.

* 7 Béatrice Durupt «  La police judiciaire, la scène de crime », Gallimard, 2000, p. 23. Cité dans le rapport sur la valeur scientifique de l'utilisation des empreintes génétiques dans le domaine judiciaire (n° 3121 AN-XI, n° 364 Sénat 2000-2001) de M. Christian Cabal, député, au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

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