B. DES MOYENS HUMAINS ET MATÉRIELS SUPPLÉMENTAIRES

Pour atteindre ces objectifs, des moyens humains, matériels et juridiques ont été engagés depuis 2002.

1. Des effectifs en hausse et une formation renforcée

Selon le rapport relatif à l'exécution au 31 décembre 2005 de la LOPSI réalisé par l'inspection générale de l'administration et le contrôle général des armées (IGA/CGA), les effectifs budgétaires 8 ( * ) des personnels techniques et scientifiques de la police nationale sont passés de 2.322 à 2.735 entre 2002 et 2005, soit une hausse de 413 personnels dont 357 scientifiques.

Cette hausse s'est poursuivie en 2006. Ainsi, l'Institut national de la police scientifique, établissement public administratif créé à la fin de 2004 et qui regroupe les six laboratoires de police scientifique de la police nationale , a vu le nombre de ses personnels scientifiques passer de 314 à 384 entre le 31 décembre 2004 et le 2 mai 2006.

Le projet de budget pour 2007 prévoit le recrutement de 115 personnels scientifiques supplémentaires pour la police nationale représentant environ 95 ETPT.

Dans la gendarmerie nationale, la hausse des effectifs a été moins sensible. Toutefois, au cours de son audition, le général Serge Caillet, sous-directeur de la police judiciaire à la direction générale de la gendarmerie nationale a estimé que les effectifs actuels permettaient de répondre aux besoins, même si dans l'avenir proche des recrutements seraient nécessaires pour répondre à la hausse structurelle de l'activité de la police scientifique.

Ces données ne rendent pas totalement compte des moyens humains consacrés à la police technique et scientifique. En effet, d'autres services y contribuent, en particulier la direction des systèmes d'information et de communication du ministère de l'intérieur (DSIC) qui a la responsabilité des équipements transversaux et structurants ou le service des technologies de la sécurité intérieure de la direction de l'administration de la police nationale. Ces services gèrent et financent par exemple le développement des applications nationales d'identification et de documentation criminelle comme le FAED ou le FNAEG.

Enfin, il faut y ajouter l'ensemble des policiers et gendarmes formés à la police technique de proximité. Sauf pour les crimes les plus importants pour lesquelles les spécialistes de la police scientifique se déploient sur la scène d'infraction 9 ( * ) , le recueil des indices et des traces qui seront ensuite analysés par les laboratoires de la police scientifique est le fait de policiers et gendarmes exerçant soit dans des services de sécurité publique, soit dans des services de police judiciaire.

Ainsi, la police nationale a formé en 2005 120 personnes ressources, dont 82 relevant de la direction centrale de la sécurité publique (DCSP) et 36 de la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ). Ces personnes ressources spécialement formées à la police technique de proximité sont ensuite chargées de former des policiers polyvalents aux techniques de base de l'identité judiciaire (relevés de trace ou anthropométriques, application de mesures conservatoires, gel des lieux) 10 ( * ) . La formation initiale des gardiens de la paix prévoit également une formation de cinq jours à ces techniques ; 3.700 en ont bénéficié en 2006. Le même effort est fourni par la gendarmerie nationale.

2. Un effort d'investissement ciblé sur quelques domaines prioritaires

Il n'est pas évident de connaître l'ensemble des moyens financiers alloués (hors masse salariale) à la police technique et scientifique. Certains investissements, notamment informatiques, sont transversaux et relèvent par exemple de la DSIC (voir ci-dessus). Toutefois, un ordre de grandeur peut être donné.

Pour la gendarmerie nationale :

- les dépenses de fonctionnement ont cru régulièrement depuis 2002 passant de 1,72  millions d'euros (M€) à 2,83 M€ en 2005. Pour 2006, 5,18 M€ devraient être consommés. Cette hausse spectaculaire est pour l'essentiel due à la montée en puissance du FNAEG en 2006 avec la mise en place d'une unité de génotypage de masse. Cette hausse régulière accompagne également le renforcement des capacités de police judiciaire de la gendarmerie nationale (effectifs des sections de recherche en hausse, création de plates-formes techniques judiciaires de la gendarmerie nationale au niveau départemental 11 ( * ) ) ;

- les dépenses d'investissement ont aussi cru régulièrement depuis 2002 passant de 1,67 M€ à 3,25 M€ pour 2007, après un pic exceptionnel en 2005 à 5,26 M€ justifié par l'acquisition de l'unité de génotypage de masse (1,8 M€). L'essentiel de ces moyens nouveaux a été dévolu aux unités locales de police judiciaire 12 ( * ) .

Pour la police nationale :

- le budget de fonctionnement et d'équipement (hors renouvellement) de la PTS (dotation de la sous-direction de la police technique et scientifique de la DCPJ et des six laboratoires de police scientifique 13 ( * ) ) est passé entre 2002 et 2005 de 6,25 M€ à 11 M€ 14 ( * ) . La quasi-totalité des ressources nouvelles a été attribuée aux laboratoires ;

- depuis l'entrée en vigueur de la LOLF, les projets annuels de performance pour 2006 et 2007 indiquent que les dépenses de fonctionnement et d'investissement de la police technique et scientifique de la police nationale étaient respectivement de 18,16 M€ et de 15,82 M€. Ces montants sont difficiles à comparer à ceux des années précédentes. En effet, ils comprennent diverses contributions de l'Etat au budget spécial de la préfecture de Police, dont étrangement un remboursement de la masse salariale des agents affectés au laboratoire de toxicologie. Ces montants comprennent également les subventions de l'Etat à l'Institut national de la police scientifique (INPS) soit 6,65 M€ en 2006 15 ( * ) et 8,4 M€ en 2007. Mais là encore, la lisibilité n'est pas simple puisque la subvention allouée pour 2007 couvre le fonctionnement et l'équipement du laboratoire de toxicologie de Paris, ce qui n'était pas le cas en 2006. Enfin, la différence de crédits en 2006 et 2007- respectivement 18,16 M€ et de 15,82 M€- s'explique pour l'essentiel par un changement de périmètre de ces enveloppes. En effet, en 2006 cette somme comprenait la dotation à la sous-direction de la police technique et scientifique de la police nationale à Ecully (Rhône) 16 ( * ) tandis que pour 2007, celle-ci figure dans une autre enveloppe. Votre rapporteur regrette ces changements de périmètre qui rendent mal aisé le suivi des crédits.

3. Le fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG)

Le département « biologie » de la PTS a été le principal bénéficiaire de ces moyens financiers et humains supplémentaires. Il a pour mission de rechercher et d'analyser les traces et indices biologiques, et notamment les empreintes génétiques qui font l'objet d'un traitement automatisé, le FNAEG.

Le FNAEG

Créé en 1998, le FNAEG est réellement devenu un fichier de masse à la suite des évolutions législatives de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure qui a étendu ce fichier à la plupart des crimes et délits. Placé sous le contrôle d'un magistrat, le FNAEG est mis en oeuvre par la direction centrale de la police judiciaire de la police nationale. Il est implanté à Ecully (Rhône) à la sous-direction de la police technique et scientifique. La conservation des prélèvements biologiques est assurée en revanche par le service central de préservation des prélèvements biologiques (SCPPB) qui est géré par la gendarmerie nationale.

Peuvent faire l'objet d'un enregistrement au fichier :

- les traces, c'est-à-dire les empreintes biologiques appartenant à des personnes non identifiées relevées sur des scènes d'infractions ;

- les empreintes biologiques des personnes définitivement condamnées pour les infractions entrant dans le champ du fichier (infractions sexuelles, crimes, violences, menaces, trafic de stupéfiants, atteintes aux libertés de la personne, atteintes aux libertés de la personne, vols, extorsions, recel, blanchiment...) ;

- les empreintes biologiques des personnes suspectes, c'est-à-dire des personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient commis l'une des infractions entrant dans le champ du fichier ;

- les empreintes biologiques des personnes disparues ou décédées dans des conditions inquiétantes.

En revanche, sont seulement comparées au fichier sans être enregistrées les empreintes des personnes à l'encontre desquelles il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elles ont commis un crime ou un délit.

Selon les informations recueillies par votre rapporteur au cours de son déplacement à Ecully, les départements « biologies » des laboratoires de police scientifique (LPS) de la police nationale représentent plus de 160 personnes, soit plus du quart du personnel scientifique de ces laboratoires.

Un autre indicateur de la priorité accordée à ce secteur est la part qu'il représente dans le volume de travail des LPS. En 2002, le nombre de dossiers arrivant dans les LPS et destinées à la biologie s'élevait à 8.343 sur un total de 17.575 (toutes les autres sections confondues), soit 47,5 %. En 2005, avant même le lancement opérationnel des unités de génotypage de masse, ce nombre était de 126.138 dossiers sur un total de 135.557, soit 93 %.

Toutefois, il est très difficile d'évaluer précisément le coût complet du FNAEG, même si les réponses au questionnaire budgétaire et les informations recueillies au cours des auditions et du déplacement à Ecully montrent que les moyens financiers supplémentaires dégagés depuis 2003 ont été prioritairement affectés à ce projet.

Ainsi, le projet annuel de performance pour le budget 2006 du programme « Police nationale » indique une enveloppe de 7,5 millions d'euros en crédits de paiement. Toutefois, un rapport de décembre 2005 d'une mission d'audit de modernisation 17 ( * ) indique qu'il ne lui a pas été possible d'établir la façon dont a été constitué ce montant. De la même façon, le projet annuel de performance pour 2007 annonce une enveloppe de 6,7 M€ en crédits de paiement.

Ces crédits recouvrent notamment :

- l'acquisition de kits de prélèvements buccaux ;

- le développement et la gestion du FNAEG proprement dit qui se trouve à Ecully ;

- le développement des capacités d'analyse de la police nationale, notamment avec le lancement de l'unité de génotypage de masse du LPS de Lyon en septembre dernier 18 ( * ) .

Toutefois, ces montants ne semblent pas intégrer par exemple les moyens engagés par la gendarmerie nationale pour développer ses capacités d'analyse de profils génétiques qui viendront ensuite alimenter le FNAEG 19 ( * ) .

Il est également difficile d'avoir une idée du coût global du système en y intégrant les coûts de personnel.

Ces remarques avaient d'ailleurs conduit la mission d'audit de modernisation précitée à renoncer à proposer une estimation du coût complet unitaire d'une analyse « individu ».

4. Des évolutions législatives et réglementaires pour encadrer et développer la police technique et scientifique

Deux domaines de la PTS ont principalement été l'objet de modifications législatives et réglementaires : les fichiers de police judiciaire et l'interception des communications.

De nombreux fichiers de police judiciaire sont désormais prévus par la loi, qu'il s'agisse du FNAEG, du SALVAC 20 ( * ) , du fichier des personnes recherchées ou des fichiers STIC et JUDEX 21 ( * ) .

Le développement de nouveaux moyens de communication a également conduit le législateur à adapter les règles en matière d'interception des communications et de conservations des données de trafic par les opérateurs 22 ( * ) .

Mme Aude Marland, adjointe du chef de bureau de la police judiciaire au ministère de la justice, a souligné l'attention nouvelle de son ministère à suivre au plus près les évolutions technologiques et les pratiques des délinquants pour adapter la réglementation aux besoins de l'enquête et de l'investigation. A cet égard, elle a mis en exergue la création par le décret n° 2006-1405 du 17 novembre 2006 de la délégation aux interceptions judiciaires . Une de ses missions sera de mettre en place une veille technologique et juridique dans ce domaine en liaison avec tous les acteurs concernés (administrations, opérateurs, fournisseurs d'accès, loueurs de matériels...). Le général Serge Caillet, directeur de la police judiciaire au sein de la gendarmerie nationale, a expliqué pour sa part que la mission qui avait préfiguré la création de cette délégation avait très bien fonctionné et témoignait d'un nouvel état d'esprit visant à garder un train d'avance sur les délinquants.

Ce développement législatif témoigne à la fois de la prise de conscience de la nécessité d'une police technique et scientifique efficace et du besoin d'encadrer la PTS eu égard aux atteintes aux libertés dont elle peut s'avérer porteuse. La PTS ne peut pas avoir pour unique limite ce que l'état des connaissances permet à un moment donné.

* 8 Le décalage avec les effectifs réels est assez faible et est du au décalage dans le temps de certains recrutements.

* 9 C'est le cas par exemple de l'Unité nationale d'investigation criminelle de la gendarmerie nationale ou de l'Unité gendarmerie d'identification des victimes de catastrophes.

* 10 Par exemple, au 31 décembre 2005, près de 10.000 policiers polyvalents avaient reçu un enseignement dans le domaine des prélèvements biologiques.

* 11 Il s'agit de petits laboratoires de police scientifique au niveau départemental.

* 12 Des investissements immobiliers ont également été engagés pour environ 9 M€. D'ici à cinq ans, l'IRCGN situé à Rosny-sous-Bois devrait être réinstallé à Pontoise pour un coût de 40 M€.

* 13 Les laboratoires de police scientifique de Lille, Lyon, Marseille, Paris et Toulouse et le laboratoire de toxicologie de la préfecture de police.

* 14 Ces sommes ne semblent toutefois pas intégrer la totalité des crédits de fonctionnement du laboratoire de police scientifique et du laboratoire de toxicologie de Paris.

* 15 Auxquels il faut ajouter une participation de 900.000 euros du ministère de la justice à valoir sur les prestations réalisées en 2006 au bénéfice des autorités judiciaires. Mme Muriel Renard, adjointe du chef du bureau de la police judiciaire au ministère de la justice, a indiqué qu'étaient imputées sur les frais de justice les demandes d'analyses génétiques émanant d'un magistrat. Les requêtes provenant d'un officier de police judiciaire sont en revanche imputées sur le budget de l'intérieur ou de la défense, sauf si l'analyse est effectuée par un laboratoire privé. Dans ce cas, les dépenses afférentes relèvent des frais de justice.

* 16 Environ 2,6 M€.

* 17 Mission d'audit de modernisation sur le coût des empreintes génétiques : maîtriser la dépense budgétaire induite par les analyses génétiques sur personnes dénommées. Décembre 2005. Mission conduite par l'Inspection générale de l'administration, l'Inspection général des services judiciaires, l'Inspection générale des affaires sociales.

* 18 Cette unité de génotypage de masse a une capacité d'analyse de 125.000 profils d'individus par an. Toutefois, les locaux et la robotique ont été configurés pour pouvoir évoluer si nécessaire vers le génotypage de 250.000 individus par an. Cette chaîne d'analyse représente environ 2,6 M€ d'investissement global. Selon les informations recueillies par votre rapporteur à Ecully, le coût de fonctionnement à plein régime a été évalué à 4,3 M€ par an.

* 19 Sa capacité d'analyse des « traces » devrait passer à 17.000 à la fin de 2006 au lieu de 7.400 en 2004. En outre, dans le courant du premier semestre 2007, l'unité de génotypage de masse de la gendarmerie sera opérationnelle et portera à 60.000 sa capacité d'analyses d'individus dénommés (coût direct de l'investissement d'environ 2 M€.

* 20 Système d'analyse des liens de la violence associée aux crimes : l'article 30 de la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales autorise la création de fichiers d'analyse criminelle de type SALVAC permettant de répertorier, de détecter et de rapprocher des crimes pouvant présenter un caractère sériel.

* 21 La loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure a donné une base légale à ces fichiers. Tout en élargissant leur champ d'application à de nouvelles infractions (des contraventions en particulier), elle a précisé les modalités de leur alimentation et de leur mise à jour ainsi que les règles de contrôle et d'accès. Elle a également étendu les possibilités de consultation de ces fichiers de police judiciaire à des fins administratives.

* 22 Loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne, loi du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle, loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, loi du 9 mars 2004 dite loi Perben II, loi du 24 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme.

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