2. Une portée relative

Le droit au logement doit bien évidemment être respecté par le législateur. Les autorités publiques doivent tendre à sa réalisation sans être assujetties à une obligation de résultat mais, en vertu de l'effet dit « de cliquet », sans supprimer les garanties existantes .

Le droit au logement permet au législateur d'apporter des limitations à des droits ou principes constitutionnellement garantis , qu'il s'agisse du droit de propriété, de la liberté d'entreprendre ou encore du principe de libre administration des collectivités territoriales.

En 1998, le Conseil constitutionnel a ainsi considéré que, « s'il appartient au législateur de mettre en oeuvre l'objectif de valeur constitutionnelle que constitue la possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent, et s'il lui est loisible, à cette fin, d'apporter au droit de propriété les limitations qu'il estime nécessaires, c'est à la condition que celles-ci n'aient pas un caractère de gravité tel que le sens et la portée de ce droit en soient dénaturés 8 ( * ) . »

En 2000 9 ( * ) , il a considéré que l'obligation de disposer d'au moins 20 % de logements sociaux mise à la charge de certaines communes 10 ( * ) par l'article 55 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains était « définie avec précision quant à son objet et à sa portée » et n'avait pas pour conséquence d'entraver leur libre administration. En revanche, il a censuré le dispositif de sanctions financières mis en place au motif qu'il ne faisait pas de distinction selon la nature ou la valeur des raisons à l'origine du retard enregistré par les communes n'ayant pas atteint cet objectif.

Le droit au logement doit également être concilié avec l'objectif de mixité sociale qui, figurant tant dans le code de la construction et de l'habitation que dans le code de l'urbanisme, « répond à un objectif d'intérêt général » selon le Conseil constitutionnel 11 ( * ) . Or ces deux objectifs peuvent parfois être antinomiques : celui de mixité sociale implique que l'occupation sociale d'un quartier, voire d'un immeuble, soit aussi diversifiée que faire se peut ; le droit au logement implique, au contraire, que l'attribution de logements vacants se fasse en priorité à ceux qui en sont dépourvus ou qui sont logés dans des conditions indignes, donc aux personnes défavorisées.

Pour autant, le Conseil constitutionnel n'a pas consacré l'existence d'un droit au logement ayant rang de principe constitutionnel .

Le Conseil d'Etat l'a rappelé en 2002 12 ( * ) , en refusant de l'assimiler à une « liberté fondamentale », au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, protégée par le juge administratif de l'urgence. N'a donc pu prospérer, en l'espèce, une demande de référé-liberté contre le refus de l'administration de réquisitionner des logements pour assurer de manière décente l'hébergement de réfugiés.

Dans un arrêt consécutif à l'occupation d'un immeuble de la rue du Dragon à Paris, la cour d'appel de Paris avait quant à elle estimé, en 1995, que le devoir de solidarité qu'entraîne le droit au logement ne pouvait peser que sur l'Etat et les collectivités territoriales et ne pouvait être imposé, sauf circonstances exceptionnelles et dans le cadre des lois en vigueur, à de simples particuliers.

Quant aux stipulations relatives au droit au logement qui sont contenues dans certaines conventions internationales ratifiées par la France, le Conseil d'Etat considère « qu'elles ne créent d'obligations qu'entre les Etats parties à ces conventions et ne produisent pas d'effet direct à l'égard des personnes privées 13 ( * ) . »

Si la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 produit des effets directs en droit interne, elle ne mentionne pas de droits économiques et sociaux. On ne peut toutefois exclure que le droit au logement bénéficie d'une lecture extensive des stipulations de cette convention par la Cour européenne des droits de l'homme, qui a déjà condamné « certaines situations intolérables pour la dignité de l'homme et qui proviennent de son extrême pauvreté 14 ( * ) ».

* 8 Décision n° 98-403 DC du 29 juillet 1998 - Loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions.

* 9 Décision n° 2000-436 DC du 7 décembre 2000 - Loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains.

* 10 Celles dont la population est au moins égale à 1.500 habitants en Ile-de-France et 3.500 habitants dans les autres régions et qui sont comprises dans une agglomération de plus de 50.000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15.000 habitants.

* 11 Décision n° 2000-436 DC du 7 décembre 2000.

* 12 Conseil d'Etat - 3 mai 2002 - Association de réinsertion sociale du Limousin et autres.

* 13 Conseil d'Etat - 3 mai 2002 - Association de réinsertion sociale du Limousin et autres.

* 14 CEDH - Airey - 9 octobre 1979.

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