C. LES DISPOSITIONS RELATIVES AUX « NICHES SOCIALES »

1. La révision du mode de calcul des allègements généraux de cotisations sociales patronales (article 9 D)

Adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue député Dominique Tian, contre l'avis de la commission mais avec l'avis favorable du gouvernement qui a levé le gage, l'article 9 D du présent projet de loi de financement modifie le mode de calcul de la réduction générale des cotisations patronales de sécurité sociale, dite « réduction Fillon ». Il revient sur une disposition adoptée par le Sénat à l'initiative du gouvernement dans le cadre de l'examen du projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat en juillet dernier, en excluant la prise en compte de la rémunération des temps de pause, d'habillage et de déshabillage versée en application d'une convention ou d'un accord collectif étendu en vigueur au 11 octobre 2007.

Evolution des modalités de calcul de la réduction générale des cotisations patronales de sécurité sociale
(III de l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale)

Mode de calcul en vigueur avant la loi TEPA

Mode de calcul en vigueur depuis la loi TEPA

Nouveau mode de calcul proposé par l'article 9 C

Il est fonction de la rémunération horaire du salarié concerné calculée en divisant la rémunération mensuelle par le nombre d'heures rémunérées au cours du mois considéré.

Il est fonction du rapport entre le salaire minimum de croissance calculé pour un mois sur la base de la durée légale du travail et la rémunération mensuelle du salarié telle que définie à l'article L. 242-1, hors rémunération des heures complémentaires et supplémentaires dans la limite, en ce qui concerne la majoration salariale correspondante, des taux de 25 % ou 50 %, selon le cas, prévus au I de l'article L. 212-5 du code du travail et à l'article
L. 713-6 du code rural.

Il est fonction du rapport entre le salaire minimum de croissance calculé pour un mois sur la base de la durée légale du travail et la rémunération mensuelle du salarié telle que définie à l'article L. 242-1, hors rémunération des heures complémentaires et supplémentaires dans la limite, en ce qui concerne la majoration salariale correspondante, des taux de 25 % ou 50 %, selon le cas, prévus au I de l'article L. 212-5 du code du travail et à l'article
L. 713-6 du code rural, et hors rémunération des temps de pause, d'habillage et de déshabillage versée en application d'une convention ou d'un accord collectif étendu en vigueur au 11 octobre 2007.

Lors des débats à l'Assemblée nationale, notre collègue député Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, a indiqué que « les allègements de charges sociales sur les bas salaires représentent 21 milliards d'euros. Lors de la discussion sur le TEPA, il y eu une reprise de 800 millions d'euros sur l'allègement de charges sociales, ce qui a entraîné, pour les entreprises qui bénéficient de l'allègement des charges, une surcharge de masse salariale de 1 point ».

La somme de 800 millions d'euros apparaît exagérée. Le gouvernement avait avancé, lors de l'examen du projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, un impact du dispositif de 500 millions d'euros. D'après les données transmises à votre rapporteur pour avis, les économies résultant du dispositif adopté dans le cadre de la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat ont été revues à la hausse de 100 millions d'euros par rapport aux estimations initiales, pour atteindre 600 millions d'euros , qui se décomposent ainsi :

- 400 millions d'euros au titre des indemnités compensatrices de congés payés ;

- 200 millions d'euros au titre des temps de pause, de déshabillage et d'habillage (contre une estimation initiale de 100 millions d'euros).

Votre rapporteur pour avis s'étonne que le gouvernement ait donné un avis favorable à cet amendement présenté par notre collègue Dominique Tian, dès lors que l'amendement présenté au Sénat par le gouvernement au cours de l'examen du projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat visait à prendre en compte les temps de pause, comme l'avait alors expressément indiqué Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi.

Extrait des débats du Sénat sur le projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (amendement n° 277 présenté par le gouvernement)

Mme Christine Lagarde, ministre. « Cet amendement reprend la mesure de neutralisation des heures supplémentaires dans le calcul de l'allégement général.

« L'accomplissement d'heures supplémentaires n'entraînera plus une diminution du taux de l'allégement sur les bas salaires en application de la mesure dite « Fillon », qui permet donc de diminuer les cotisations sociales sur les salaires les plus bas et présente en soi un caractère dégressif.

« La rédaction que nous vous proposons est plus explicite puisqu'elle exclut directement la rémunération des heures supplémentaires du calcul du taux de l'allégement général.

« Cet amendement a également pour mérite de simplifier le mode de calcul puisqu'il dépendra dorénavant de la rémunération mensuelle et non plus des heures rémunérées. La rémunération mensuelle est une référence plus simple, connue de tous, compréhensible puisque c'est celle qui figure en bas du bulletin de salaire.

« Prendre une référence mensuelle permet de mettre fin pour l'avenir à toutes les difficultés et les incertitudes juridiques qui tiennent à la conversion en heures rémunérées de multiples temps particuliers, tels les temps de pause, et des indemnités compensatrices de congés payés.

« Cet amendement permet aussi de limiter un effet d'aubaine apparu depuis plusieurs mois et qui est concentré sur un petit nombre de secteurs. Cet effet d'aubaine engendre un surcoût estimé à plus de 500 millions d'euros en année pleine pour les finances publiques.

« Ne serait-ce que cette seule considération me paraît de nature à vous convaincre, mesdames, messieurs les sénateurs, qu' il convient, dans un souci de gestion rigoureuse de l'argent public, d'adopter cet amendement ».

Dès lors que l'article 9 C ne vise que la rémunération des temps de pause, d'habillage et de déshabillage, sa portée est plus restreinte que le droit antérieur à la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat . Ainsi, l'effet d'aubaine lié aux indemnités compensatrices de congés payés demeure supprimé.

Pour autant, le coût de cet article pour les finances publiques est important, puisqu'il s'élève à 200 millions d'euros. D'après les informations recueillies par votre rapporteur pour avis, la grande distribution serait le premier bénéficiaire de ce dispositif.

En outre, si le gouvernement entend assurer en 2008 une compensation intégrale des allègements généraux de cotisations sociales patronales, il devrait nécessiter une modification de l'article 29 du projet de loi de finances pour 2008 , qui prévoit une adaptation du panier de recettes fiscales affectées à la sécurité sociale afin de compenser ces exonérations. Or, tel ne semble pas être la volonté du gouvernement, si l'on se reporte aux modifications apportées aux tableaux d'équilibre. Il convient donc que les débats au Sénat permettent d'éclaircir ce point.

En tout état de cause, ce dispositif n'apparaît pas cohérent avec la position qu'avait adoptée le gouvernement au mois de juillet 2007 , ni avec celles du Sénat. Comme l'a rappelé notre collègue Alain Vasselle lors de l'examen de l'amendement présenté par le gouvernement à l'article 1 er du projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, « le Gouvernement propose le retour à l'assiette de calcul de l'exonération « Fillon » sur les bas salaires en vigueur à l'origine, assiette qui ne tenait compte que des heures effectuées pour la détermination du montant de l'allégement. L'amendement voté, sur l'initiative de M. Bernard Accoyer, aujourd'hui président de l'Assemblée nationale, à l'article 14 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 avait substitué à l'assiette des heures effectives une assiette des heures rémunérées, plus large. Nous nous étions laissé convaincre à l'époque, mais la commission des affaires sociales avait émis les plus grandes réserves sur cet élargissement de l'assiette, qui englobait dès lors, comme vous l'avez rappelé, madame la ministre, les temps de pause ou d'habillage ainsi que les congés payés. Elle avait déjà souligné alors le caractère coûteux de cette mesure pour les finances sociales ».

Dès lors, à titre conservatoire, votre rapporteur pour avis vous proposera de supprimer cet article.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page