N° 92

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2007-2008

Annexe au procès-verbal de la séance du 22 novembre 2007

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur le projet de loi de finances pour 2008 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME II

AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT
FRANCOPHONIE

Par M. Jacques LEGENDRE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jacques Valade, président ; MM. Ambroise Dupont, Jacques Legendre, Serge Lagauche, Jean-Léonce Dupont, Ivan Renar, Michel Thiollière, vice-présidents ; MM. Alain Dufaut, Philippe Nachbar, Pierre Martin, David Assouline, Jean-Marc Todeschini, secrétaires ; M. Jean Besson, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Yannick Bodin, Pierre Bordier, Louis de Broissia, Jean-Claude Carle, Jean-Pierre Chauveau, Gérard Collomb, Yves Dauge, Christian Demuynck, Mme Béatrice Descamps, MM. Denis Detcheverry, Louis Duvernois, Jean-Paul Émin, Mme Françoise Férat, M. Bernard Fournier, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. Philippe Goujon, Jean-François Humbert, Mme Christiane Hummel, MM. Soibahaddine Ibrahim, Alain Journet, Philippe Labeyrie, Pierre Laffitte, Alain Le Vern, Simon Loueckhote, Mme Lucienne Malovry, MM. Jean Louis Masson, Jean-Luc Mélenchon, Mme Colette Mélot, M. Jean-Luc Miraux, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Bernard Murat, Mme Monique Papon, MM. Jean-François Picheral, Jack Ralite, Philippe Richert, Jacques Siffre, René-Pierre Signé, Robert Tropéano, André Vallet, Jean-François Voguet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) : 189 , 276 à 281 et T.A. 49

Sénat : 90 et 91 (annexe n° 4 ) (2007-2008)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

En Francophonie aussi il faut rompre avec les habitudes !

L'examen des crédits de la Francophonie pour 2008 provoque une désagréable impression de déjà vu.

Globalement, l'effort financier de la France en faveur de la Francophonie demeure important et proche du niveau des années précédentes, ce dont votre rapporteur pour avis se réjouit.

Mais cette approbation n'est pas l'expression d'une réelle satisfaction.

La France, année après année, consacre en effet des crédits importants à une politique qu'elle pilote mal et dont elle ne semble pas convaincue.

Les majorités changent. Les Gouvernements changent. Mais la responsabilité de la Francophonie continue à être confiée à un secrétaire d'Etat auprès du ministre des affaires étrangères, chargé de la coopération et de la Francophonie. Est-ce bien pertinent ? Comme les années précédentes, votre rapporteur pour avis répétera qu'il ne le croit pas. La coopération et la Francophonie ne concernent pas les mêmes pays. D'une part, ce n'est pas la même géographie, et, d'autre part, l'histoire et la force des choses condamnent le ministre à s'occuper pour l'essentiel de la coopération et très accessoirement de la Francophonie.

Il ne faut pas lui en faire grief. Il ne dispose pas d'une autorité directe sur la direction générale de la coopération internationale et du développement qui dispose de l'essentiel des moyens, et il n'a guère l'occasion de mener une action concertée avec le ministère de la culture, qui a la responsabilité de la langue française en France.

Votre rapporteur pour avis répétera donc, une fois de plus, qu'un vrai changement voudrait que soient réunis dans une même main, les relations culturelles extérieures, la Francophonie et l'audiovisuel extérieur de la France, au sein du ministère chargé des affaires étrangères.

Rien n'a bougé non plus quant à l'idée que l'on se fait de la Francophonie. Il y a « les pays francophones »... et les autres.

Et la preuve que la Francophonie attire et réussit, c'est qu'elle attire chaque année - à un titre ou à un autre comme membre, membre associé ou membre observateur - des pays supplémentaires.

Il faut donc régulièrement changer les cartes de géographie car l'on a ajouté quelques pays supplémentaires. Au dernier sommet, à Bucarest, nous avons ainsi ajouté Chypre, l'Ukraine, le Ghana et le Mozambique.

Jusqu'où irons-nous dans cette expansion ?

Votre rapporteur pour avis répond clairement que la Francophonie a vocation à concerner le monde entier .

Elle est concernée par le monde entier parce qu'il y a partout sur la planète des hommes et des femmes qui aiment la langue française, qui l'utilisent, qui souhaitent échanger en français, lire des journaux ou des livres français.

Il est urgent de revenir aux sources.

La Francophonie est une notion... linguistique.

C'est l'ensemble des hommes qui s'expriment en français. Et notre chance c'est qu'il y en a partout sur la planète.

Alors, cessons de mettre en avant le concept d'Etat. Privilégions la notion de réseau mondial. Tous les Etats de la planète ont vocation à s'intéresser à la Francophonie parce qu'il y a chez eux des hommes et des femmes - beaucoup ou peu - qui s'expriment en français.

Et certains d'entre eux ont entrepris d'agir ensemble pour entretenir et développer ce réseau mondial, et se réunissent régulièrement en Sommet pour débattre de l'action commune, mais sans cacher que la Francophonie est aussi, et peut-être plus encore, un ensemble d'actions et d'interactions d'individus, de collectivités, de groupes de la société civile, qui sont essentiels à son dynamisme.

Essayons aussi de rester modestes.

Chaque langue traduit avec ses mots une certaine vision du monde, illustre des valeurs.

Nous souhaitons que les mots du français servent à véhiculer les valeurs de la tolérance et de la démocratie. C'est notre honneur.

Mais ce n'est pas notre apanage. D'autres langues, à commencer par l'anglais, ont aussi défendu, illustré ces valeurs. Mais c'est, de la part des Etats de la Francophonie, une volonté politique évidemment bienvenue que de vouloir défendre un idéal démocratique.

Ce fut aussi un beau combat que celui auquel a contribué le monde francophone en faisant adopter par l'UNESCO une convention en faveur de la diversité culturelle, et donc linguistique.

Mais nous n'en tirons pas toutes les conséquences.

Pour défendre la diversité culturelle et linguistique, il faut veiller à ce que les langues gardent la capacité à exprimer les réalités du XXI e siècle.

Sommes-nous, sur ce point, suffisamment vigilants ?

Nous nous résignons à ce que le français soit de moins en moins utilisé dans le domaine des sciences. Croit-on vraiment qu'une langue qui n'est plus utile, utilisée, pour exprimer la création nouvelle, la découverte, la modernité, peut rester une langue à rayonnement mondial ?

C'est là qu'est le principal danger pour le statut du français, et non pas dans l'inclusion éventuelle dans notre langue de quelques mots d'origine anglaise. Le débat sur le protocole de Londres a montré que cette évidence est loin d'être toujours comprise.

Beaucoup de Français, surtout en situation de responsabilité, semblent se résigner au repli de l'usage du français sur la sphère privée. Et souvent est mis en avant le prétexte du coût des traductions. Oui, la traduction a un coût. Mais il n'est pas aussi élevé que l'on veut bien le dire. Et le recours à la traduction, avec l'apprentissage de langues étrangères, est la seule façon de permettre aux langues de s'exprimer sur tout et de favoriser entre les différentes aires linguistiques un véritable dialogue.

Accepter qu'une « langue internationale » plus ou moins appauvrie, un « sabir » devienne l'idiome commun est un terme du choix. Faire en sorte que nous vivions dans une société où l'on échange et où l'on se comprend en recourant aussi à la traduction est l'autre terme du choix.

Parce que votre rapporteur pour avis aime et respecte le français, il aime et respecte toutes les langues, il fait donc le choix d'un monde qui traduit et c'est dans ce monde là que la Francophonie peut trouver sa raison d'être.

I. UN PÉRIMÈTRE BUDGÉTAIRE INADAPTÉ LIÉ À UNE CONCEPTION BIAISÉE DE LA FRANCOPHONIE

A. LA FRANCOPHONIE EN MIETTES : UNE DISPERSION DES CRÉDITS QUI NUIT À LA LISIBILITÉ DES POLITIQUES DE PROMOTION DE LA LANGUE FRANÇAISE

1. Des crédits dispersés

La francophonie est par essence une politique interministérielle, chaque ministère ayant le devoir, dans son secteur d'attribution, de promouvoir l'usage du français. De nombreux ministères consacrent au demeurant des crédits à la francophonie.

Pour autant, la politique publique de la francophonie a une cohérence et une unité qui rendent nécessaire la réunion des crédits dans un cadre budgétaire unique . Votre rapporteur pour avis ne peut donc se satisfaire de la situation actuelle dans laquelle prévaut une dispersion très grande des crédits dédiés à la francophonie.

A tout le moins un document de politique transversale relatif à la francophonie devrait être publié annuellement.

Votre rapporteur pour avis déplore à cet égard que les réponses aux questions parlementaires relatives à l'analyse globale des crédits de la francophonie soient partielles et peu actualisées.

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