B. DES MENACES RÉELLES PÈSENT SUR LE POUVOIR D'ACHAT

1. Une inflation du prix des matières premières alimentaires et énergétiques

Si l'inflation globale en France restait, jusque là, à un niveau relativement bas, l'INSEE a annoncé dernièrement que l'inflation s'était accélérée, pour atteindre, en octobre, 2 % en rythme annuel (contre 1,5 % le mois précédent). Ce retour de l'inflation est d'ailleurs constaté dans la quasi-totalité des pays d'Europe : en octobre 2007, les prix auraient ainsi augmenté en rythme annuel de 2,6 % dans la zone euro.

Cette dégradation se nourrit de la hausse du prix des matières premières, qui s'accélère, même si, du fait de la croissance mondiale, elle sévit depuis 2004.

Source : Insee

Certains produits connaissent une inflation particulièrement forte. C'est évidemment le cas du pétrole . Le prix du baril a encore crû de près de 8 % par rapport au mois dernier, pour atteindre 82,9 dollars le baril (soit 58,3 euros). Les prix ont augmenté en raison de la faiblesse du niveau des réserves américaines d'essence et des tensions géopolitiques, notamment entre la Turquie et l'Irak. Depuis l'année 2007, la hausse atteint ainsi près de 55 % en devises et 41,5 % en euros.

Au mois d'octobre, l'indice des prix des matières premières hors énergie importées par la France a également augmenté de nouveau, de 3,3 % en devises. L'appréciation de l'euro à l'égard du dollar ramène à 1,3 % cette hausse exprimée en euros pour le mois d'octobre et à 6,1 % pour l'année 2007.

En outre, l'indice des prix des matières premières alimentaires , exprimé en devises, continue de croître à un rythme soutenu si bien que sa hausse depuis janvier 2007 atteint 42 % en euros. Cet emballement est surtout dû à la dérive des prix des oléagineuxs -notamment de l'huile de tournesol-, qui ont presque doublé depuis le début de l'année.

La hausse des prix des matières premières induit une augmentation des prix des carburants et de nombreux produits alimentaires -lait, fromage, oeufs, pain, céréales...-, qui constitue une menace certaine pour le pouvoir d'achat, notamment des ménages les plus modestes.

2. Un accroissement des dépenses contraintes, qui entament le revenu réellement disponible : logement, téléphonie

Si les Français jugent leur pouvoir d'achat menacé, c'est aussi en raison de la hausse rapide des prix des dépenses qu'ils identifient comme contraintes, c'est-à-dire précisément inélastiques aux prix ou encore nécessairement consenties quel qu'en soit le prix.

Or, selon les calculs de l'INSEE, les dépenses contraintes seraient proches de 40 % des dépenses totales des Français 12 ( * ) . Ce taux approximatif dépend de la définition retenue pour ces dépenses contraintes. L'enseigne de distribution E. Leclerc a confié au BIPE en 2004 le soin de réfléchir à un « indice de pouvoir d'achat effectif » ou « libéré » des dépenses contraintes entendues comme « celles contre lesquelles on ne peut rien ou presque rien en période de mauvaise conjoncture, puisqu'elles doivent de toute façon être payées. Elles sont généralement contractualisées, et l'arbitrage qu'en fera le consommateur a un coût : résiliation d'un contrat, recherche d'un nouveau logement... » 13 ( * ) .

Parmi celles-ci, le logement occupe la première place, représentant 80 % de ces dépenses identifiées par le Bureau d'information et de prévisions économiques (BIPE) : si l'on prend en compte l'ensemble des dépenses afférentes (loyers mais aussi remboursements d'emprunts, charges, assurances, taxe d'habitation...), le logement représente plus du quart des dépenses des Français. Or, sur la seule période 2003-2006, l'inflation du coût global de l'immobilier ainsi défini aurait atteint 7 % l'an en moyenne.

Au rang des dépenses contraintes, peuvent aussi être comptés les assurances obligatoires et les dépenses de transports, mais aussi les remboursements d'emprunts, les dépenses médicales non remboursées, les dépenses de communications électroniques (téléphonie mobile, haut débit) ou les conventions bancaires 14 ( * ) qui correspondent de plus en plus à des offres contractualisées s'éloignant de l'échange marchand ordinaire...

Ainsi, l'INSEE estime que les biens et services liés aux technologies de l'information et de la communication (TIC) ont représenté en 2005 une dépense équivalente à 4,2 % du budget des ménages, alors que cette part n'était que de 1,3 % en 1960.

Le pouvoir d'achat de la partie résiduelle du revenu disponible aurait ainsi connu, selon le BIPE, une croissance significativement plus faible que celle du pouvoir d'achat global mesuré par l'INSEE. L'INSEE s'est d'ailleurs lancé récemment dans la construction d'indices similaires, prenant en compte les dépenses à engagement contractuel, dont le poids a augmenté significativement depuis 2002, principalement sous l'effet des dépenses liées au logement et aux assurances. Il serait assurément utile de publier régulièrement des indices fondés sur les dépenses contraintes, qui mesurent une évolution des prix plus conforme à celle perçue par les ménages ; toutefois, la définition de la consommation contrainte est encore débattue. Ainsi, pourquoi inclure les dépenses des seuls transports collectifs, quand la voiture individuelle s'impose en milieu rural ? Ne faudrait-il pas inclure également les dépenses d'alimentation ? Il conviendrait notamment de distinguer entre les dépenses quasiment obligatoires dans le mode de vie contemporain et celles qui présentent un caractère irréversible en raison des « coûts de sortie ». L'élaboration d'indices consensuels nécessite donc une large concertation.

* 12 Pour les ménages les plus modestes, cette charge peut même représenter près de 50 % du total de leurs dépenses (cf. page 61 du rapport déjà cité de MM. Moati et Rochefort).

* 13 Cf. rapport déjà cité de MM. Moati et Rochefort.

* 14 Certaines pouvant même s'apparenter à de la vente forcée, le client se trouvant contraint d'acquérir des composantes dont il n'a pas usage afin d'accéder aux composantes recherchées.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page