C. L'ACTION INTERNATIONALE ET EUROPÉENNE DE LA GENDARMERIE

L'action de la gendarmerie ne se limite pas au territoire national. La gendarmerie est, en effet, de plus en plus impliquée dans la coopération internationale et européenne. A travers sa participation aux opérations extérieures, à la coopération policière internationale ou européenne ou encore à la force de gendarmerie européenne.

1. Une contribution importante aux OPEX

La participation de la gendarmerie aux opérations extérieures (OPEX) reste forte. En tant que force de police à statut militaire capable d'agir dans tout le spectre de la crise, de la guerre à la paix, la gendarmerie est en effet particulièrement adaptée à ce type d'opérations. Il s'agit là d'un aspect essentiel de la gendarmerie, qui justifie l'existence d'une force de police à statut militaire.

Au 1 er juillet 2007, environ 500 gendarmes français étaient déployés sous engagement international ou commandement national. Leurs compétences spécifiques leur permettent d'intervenir en accompagnement des forces ou dans le cadre de la gestion civile des crises.

Effectifs de la gendarmerie en OPEX au 1er juillet 2007

Opérations sous mandat de l'ONU

OPERATION

Officiers

Sous-officiers

TOTAL

FINUL (Liban)

1

4

5

MINUK (Kosovo)

5

40

45

MINUSTAH (Haïti)

2

31

33

MONUC (RDC)

1

8

9

ONUCI (RCI)

3

8

11

Opérations sous engagement international hors ONU

OPERATION

Officiers

Sous-officiers

TOTAL

U.E. EUFOR (BiH)

2

8

10

OTAN KFOR (Kosovo)

13

143

156

OTAN/Pamir (Afghanistan)

1

4

5

U.E EUPM (BiH)

11

2

13

U.E. EUPOL (RDC)

1

0

1

U.E. EU-PT (Kosovo)

1

0

1

U.E. EUBAM (Terr. Palestiniens)

2

1

3

U.E. EUPOL (Afghanistan)

1

0

1

Opérations sous commandement national

OPERATION

Officiers

Sous-officiers

TOTAL

Epervier (Tchad)

1

4

5

Licorne (RCI)

8

164

172

Boali (Centre Afrique)

1

4

5

Ambassades (accompagnement de sécurité et renfort des gardes permanents)

Officiers

Sous-officiers

TOTAL

1

48

49

La gendarmerie française est surtout déployée au Kosovo. Présente depuis le début de l'engagement terrestre en juin 1999, la gendarmerie française est, en effet, un acteur privilégié concernant l'accompagnement des forces, au sein de la KFOR (Kosovo Force) et, en termes de sécurité publique et d'action de police, au sein de la MINUK Police (Mission des Nations unies au Kosovo).

Au sein de la KFOR, le détachement gendarmerie de la Task force multinationale Nord (TFMN Nord sous commandement français) exécute des missions de recherche de renseignements et, le cas échéant, de maintien de l'ordre.

Dans ce cadre, la gendarmerie française déploie actuellement 13 officiers et 143 sous-officiers, ainsi que 4 VBRG (véhicules blindés à roues de la gendarmerie). La gendarmerie française est également impliquée en Bosnie-Herzégovine, au sein de la mission de police civile de l'ONU (MINUK), en application de la résolution 1244 de l'ONU. A ce titre, 5 officiers et 40 sous-officiers français sont intégrés à la mission de police civile de l'ONU.

Après avoir assuré dans un premier temps l'ensemble des missions de police au Kosovo, ils assurent désormais, en liaison avec les services de police locaux, les missions traditionnelles des forces de police civile internationales (contrôle, formation et conseil des polices locales).

La gendarmerie française devrait rester fortement impliquée au sein de la future mission de l'Union européenne au Kosovo, qui devrait débuter en 2008 en remplacement de la MINUK. Dans ce cadre, les autorités françaises souhaiteraient déployer la force de gendarmerie européenne avec des contingents français et des autres pays participants à cette force.

Dans les Balkans, la gendarmerie française est aussi présente en Bosnie-Herzégovine, au sein de la mission de police de l'Union européenne (13 gendarmes) et au sein de la force européenne (EUFOR) dans le cadre de l'opération Althea (10 gendarmes).

L'engagement de la gendarmerie française en Côte d'Ivoire est en diminution.

Dans le cadre de l'opération Licorne, la gendarmerie française déploie, depuis janvier 2003, en accompagnement des forces armées françaises, 161 gendarmes (7 officiers et 154 sous-officiers) ainsi que 6 VBRG.

Ces gendarmes, articulés en un sous groupement opérationnel à deux escadrons de gendarmerie mobile, accomplissent des missions de sécurité au profit des représentations diplomatiques et des intérêts français, des missions de protection et d'escorte.

En outre, 10 gendarmes articulés en trois brigades assurent une mission prévôtale. Une diminution des effectifs en charge de la protection des entreprises diplomatiques françaises a débuté en juillet 2007. Le dispositif doit passer de 161 à 94 gendarmes.

Par ailleurs, depuis le mois de mars 2004, la gendarmerie française participe à la mission de police civile de l'ONU en Côte d'Ivoire (ONUCI) à hauteur de 11 gendarmes (3 officiers et 8 sous-officiers). Ils assurent les missions traditionnelles des fores de police civile internationales, dans les domaines de la formation, du conseil et du contrôle des forces de police locales. Dans le cadre du volet militaire, un officier est déployé en qualité de conseiller auprès du gouvernement ivoirien.

Dans le cadre de la budgétisation progressive des opérations extérieures - dont on ne peut que se féliciter -, la gendarmerie bénéficie d'une provision de 4 millions d'euros de fonctionnement et de 11 millions d'euros au titre de la masse salariale dans le projet de loi de finances pour 2008.

Rappelons que, en 2006, le financement des OPEX pour la gendarmerie avait été complété par décret d'avance à hauteur de 19,5 millions d'euros.

2. La force de gendarmerie européenne

Votre rapporteur s'est rendu, du 21 au 23 mai dernier, avec le Président de la commission, Serge Vinçon, à Vicenza (Italie), au quartier général de la Force de gendarmerie européenne.

Lors de ce déplacement, votre rapporteur a pu s'entretenir avec les principaux officiers de l'état-major, issus des cinq pays participant à la Force de gendarmerie européenne (la France, l'Espagne, le Portugal, l'Italie et les Pays-Bas), dont son premier commandant, le général de brigade français, M. Gérard Deanaz, qui a depuis laissé sa place à un commandant des carabiniers italien.

Ces entretiens ont permis de faire le point sur l'état actuel de préparation de la Force de gendarmerie européenne et ses perspectives d'avenir.

Quelle est la vocation de la force de gendarmerie européenne ?

La Force de gendarmerie européenne (FEG ou EUROGENDFOR) a été créée à l'automne 2004, à l'initiative de l'ancien ministre de la Défense, Mme Michèle Alliot-Marie. Les cinq pays participants sont l'Espagne, la France, l'Italie, les Pays-Bas et le Portugal.

Cette force n'est pas un organisme de l'Union européenne, mais une coopération intergouvernementale menée entre des pays membres de l'Union européenne et destinée en priorité à doter celle-ci d'une capacité à conduire toutes les missions d'une force de police lors d'opérations de gestion de crise : protection des personnes et des biens, enquêtes de police judiciaire, lutte contre la criminalité organisée et le terrorisme, protection des frontières, etc.

La principale « valeur ajoutée » de la Force de gendarmerie européenne tient au fait qu'il s'agit d'une force « robuste », capable d'agir dans un environnement non stabilisé et de faire face aux différentes situations de maintien de l'ordre et de sécurité publique.

Le caractère « militaire » de cette force lui permet d'être utilisée dans un très large spectre de missions et dans l'ensemble de l'arc de la crise, depuis la phase militaire, jusqu'à la phase de stabilisation, avec une aptitude particulière pour les situations intermédiaires entre la guerre et la paix.

Les cinq forces de police à statut militaire parties prenantes à cette force sont la garde civile espagnole, la gendarmerie nationale française, l'arme des carabiniers italiens, la maréchaussée royale hollandaise et la garde nationale républicaine portugaise.

Comment est-elle organisée et financée ?

La chaîne de commandement est organisée en trois niveaux :

- le comité interministériel de haut niveau (CIMIN), composé des représentants des différents ministères des cinq États participants, agit comme un véritable conseil d'administration, chargé de la direction politico-stratégique de la Force. Toutes les décisions se prennent à l'unanimité ;

- l'état-major permanent, multinational, modulable et projetable, installé à Vicenza, en Italie, se compose d'une trentaine d'officiers et de sous-officiers supérieurs, issus des cinq pays participant à la force. La répartition des différents postes fait l'objet d'une rotation égalitaire entre les cinq pays tous les deux ans.

- la Force de gendarmerie européenne dispose d'une capacité initiale de réaction rapide de 800 gendarmes pouvant être déployés sur un théâtre extérieur dans un délai inférieur à 30 jours. L'effectif maximal mis à la disposition de la FGE peut atteindre 2 300 hommes et femmes. Les forces mises à la disposition de la force par les pays participants sont regroupées en IPU (« Integrated Police Units »), comprenant chacune environ cent vingt gendarmes. La gendarmerie française est le plus gros contributeur en personnels de la force.

La Force de gendarmerie européenne est financée par des contributions des Etats participants, selon une clé de répartition fondée sur le nombre d'officiers de la nationalité de l'Etat concerné. Pour 2007, le budget de la FGE est de 370 000 euros (contre 422 000 euros en 2006). La France, qui compte sept officiers à l'état-major de la force, contribue à hauteur des 7/30 e . La contribution de la France est prélevée sur le budget de la gendarmerie.

Bien que la FGE ne compte aucun pays anglophone, l'anglais est l'unique langue de travail au sein de la force.

Quelles sont les difficultés que rencontre cette force ?

La force de gendarmerie européenne a permis de créer un certain sentiment d'identité commune. Ainsi, les membres de cette force portent un insigne spécifique tout en gardant leurs uniformes nationaux. Il n'en demeure pas moins que, malgré les points communs qui existent entre les cinq forces de police à statut militaire, il subsiste de grandes différences entre les composantes. Ainsi, la gendarmerie nationale française est la seule à ne pas être contrainte par une limite horaire de travail. Ces différences pourraient s'accentuer avec l'adhésion de nouveaux pays.

Une autre difficulté tient au manque d'interopérabilité en raison de la diversité des matériels, notamment dans les transmissions.

La force de gendarmerie européenne repose actuellement sur une simple « déclaration d'intention », signée par les cinq gouvernements. Celle-ci devrait être remplacée prochainement par un véritable traité international, qui a été signé le 18 octobre dernier et qui sera soumis à une procédure de ratification par les parlements nationaux des pays participants. Ce traité devrait permettre de clarifier un certain nombre de questions d'ordre juridique, comme les droits et obligations du personnel de la Force ou encore le droit applicable dans le cadre d'opérations extérieures.

Quelles sont les perspectives ?

La Force de gendarmerie européenne n'est pas un « club fermé », mais elle a vocation à s'élargir à d'autres pays désireux de s'y associer.

Trois conditions doivent être réunies pour faire partie de la FGE :

- être un pays membre de l'Union européenne ;

- disposer d'une force de police à statut militaire de type « gendarmerie » ;

- cette force doit exercer au quotidien toutes les missions confiées habituellement à une force de police.

L'admission de nouveaux pays, comme membre de plein droit, ou comme partenaire ou observateur, est soumise à l'acceptation unanime des États participants.

Plusieurs États membres ou pays candidats (Roumanie, Pologne, Turquie) ont déjà déposé formellement leur candidature en 2006. La Pologne s'est vue reconnaître le 8 mars 2007 le statut de pays partenaire de la Force.

En revanche, deux « grands » pays, le Royaume-Uni et l'Allemagne, qui ne disposent pas de force de police à statut militaire de type « gendarmerie », restent à l'écart de cette initiative.

La Force de gendarmerie européenne a été déclarée opérationnelle en juillet 2006. Deux exercices, avec des troupes déployées sur le terrain, ont été menés en 2005 et en 2006.

En mars 2007, les cinq pays participants ont proposé l'engagement de la Force de gendarmerie européenne dans la mission de police de l'Union européenne « Althea » en Bosnie Herzégovine.

L'emploi éventuel de la force de gendarmerie européenne pour une mission de police au Kosovo a également été évoqué, mais cette idée se heurte à certaines difficultés d'ordre politique en raison des divergences entre les pays membres à propos de l'avenir du statut du Kosovo.

En définitive, la Force de gendarmerie européenne paraît aujourd'hui pleinement opérationnelle à votre rapporteur. Afin que cette force ne demeure pas « virtuelle » et qu'elle puisse faire ses preuves, il semble nécessaire de l'engager le plus tôt possible sur le terrain.

3. Une forte implication dans la coopération policière européenne et internationale

La gendarmerie française est impliquée dans de nombreuses actions de coopération en matière de sécurité avec d'autres pays, en particulier dans le cadre européen.

Avec la police nationale, la gendarmerie nationale participe au réseau des attachés de sécurité intérieure au sein des missions diplomatiques françaises à l'étranger. Il y a actuellement une trentaine de gendarmes français positionnés comme attachés de sécurité intérieure ou attachés de sécurité intérieure adjoints.

La gendarmerie conduit également de nombreuses actions de coopération, notamment en Afrique ou en Europe, à travers des programmes de formation ou d'expertise, grâce en particulier à l'excellence des centres de formation technique.

Ainsi, depuis 2005, la gendarmerie a noué une coopération avec le Qatar, dans le but de soutenir la mise en place de la nouvelle force de sécurité intérieure de cet Etat. Elle a participé à un jumelage en 2006 avec le Maroc et la gendarmerie française a été retenue en 2006 pour conduire le jumelage avec la gendarmerie roumaine dans le cadre du programme Phare de l'Union européenne.

La gendarmerie nationale est également fortement impliquée dans la coopération policière européenne, en particulier à travers la coopération Schengen, la coopération transfrontalière et l'office européen de police Europol.

La gendarmerie française est ainsi directement concernée par la coopération policière Schengen, qui s'exerce par le biais d'instances centrales (bureau SIRENE-France) et locales (les points de contact opérationnels Schengen).

La gendarmerie participe aussi à la coopération policière transfrontalière, avec les services de police et de douane.

Des gendarmes sont présents, avec des policiers et des douaniers dans les centres de coopération policière et douanière (CCPD) situés dans les zones frontalières et qui coopèrent avec les services des pays voisins en matière de lutte contre la criminalité ou l'immigration illégale.

La coopération policière transfrontalière a d'ailleurs été renforcée par le traité de Prüm, signé par la France en mai 2005.

Enfin, la gendarmerie nationale est fortement impliquée dans l'ensemble du dispositif EUROPOL.

La gendarmerie est en effet présente, tant au sein de l'Office européen de police, situé à La Haye, qu'au sein de l'unité nationale Europol, qui constitue l'interface entre l'office et les services nationaux.

Entre 2003 et 2006, le nombre de requêtes provenant de la gendarmerie française a augmenté de 245 %. En termes de nombre de messages échangés au sein de l'Office, la participation de la gendarmerie atteint 30 % des échanges réalisés avec la France.

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