C. POUR UN RETOUR DURABLE À L'EMPLOI DES BÉNÉFICIAIRES DE MINIMA SOCIAUX

1. Allocation de parent isolé : des moyens encore insuffisants

L'allocation de parent isolé (API) est une allocation différentielle dont le montant est égal à la différence entre le montant garanti, qui varie selon le nombre d'enfants à charge, et la moyenne des ressources de l'allocataire perçue au cours des trois mois précédents.

On distingue deux types d'API :


l'API longue , réservée aux parents qui élèvent seuls un ou plusieurs enfants âgés de moins de trois ans ;


l'API courte , versée pour une durée d'un an et destinée aux parents séparés, veufs ou divorcés depuis moins d'un an, élevant seuls un ou plusieurs enfants, quel que soit leur âge.

Au 1 er janvier 2007, le montant de l'allocation pour une personne seule et un enfant s'élevait à 748 euros par mois.

a) Les risques d'un nouveau dérapage des dépenses

Depuis 2002, les dépenses liées à l'API connaissent une augmentation régulière et soutenue, qui a atteint, ces trois dernières années, un rythme annuel moyen supérieur à 8 %. Le Gouvernement n'ayant pas pris la mesure de cette évolution, les crédits prévisionnels se sont révélés insuffisants, au fil des ans, pour couvrir la montée en charge rapide des dépenses liées à cette allocation.

Il en est résulté, à la fin de 2006, une dette cumulée de 409,4 millions d'euros que l'Etat a remboursée à la sécurité sociale au début du mois d'octobre dernier.

Dette accumulée par l'Etat au titre de l'API

(en millions d'euros)

2002

2003

2004

2005

2006

2007 (1)

Dépenses constatées

796

833

900

973

1 069

1 065

Dotations budgétaires initiales

740

805

770

863

875

909,5

Ouvertures en LFR

46

36

0

32

0,2

-

Solde annuel

- 10

8

- 130

- 78

- 194

- 155,5

Dette cumulée

10

2

132

210

409,4

155,5 (2)

(1) Prévisions.

(2) Après apurement de la dette constatée au 31 décembre 2006.

En 2007, bien que réévalués (3,9 %), les crédits inscrits en loi de finances seront de nouveau insuffisants pour couvrir les dépenses engagées. Pour faire face à cette situation, le Gouvernement a prévu une augmentation significative des crédits pour 2008, ainsi qu'une série de mesures visant à contenir l'évolution des dépenses.

Votre commission ne peut que se féliciter de cet effort de sincérité budgétaire et de maîtrise des dépenses, tout comme du remboursement de la dette contractée par l'Etat vis-à-vis de la sécurité sociale. Cela régularise une situation que votre commission dénonce depuis plusieurs années et qui a été particulièrement préjudiciable à la branche famille de la sécurité sociale qui a dû en assumer le coût.

Toutefois, il y a tout lieu de penser que cette situation va se reproduire dès 2007. Les prévisions tablent en effet sur une consommation de crédits de 1 065 millions d'euros, soit un déficit estimé à 155,5 millions d'euros.

Pour 2008, l'enveloppe consacrée à l'API s'élève à 1 020 millions d'euros, soit une hausse de 12,1 % par rapport aux crédits inscrits en LFI pour 2007. Cette augmentation permet de financer :

- une revalorisation de l'allocation limitée à 1 %, qui se justifie par la correction à la baisse du taux d'actualisation de 2007 pour tenir compte de la surestimation de l'inflation ;

- une progression du nombre moyen d'allocataires estimée à 1,9 % (225 505 allocataires), malgré l'hypothèse d'une croissance encore soutenue des naissances ; pour 2007, cette progression est évaluée à 4,5 %, mais elle tient compte de l'alignement du montant de l'API dans les Dom sur celui applicable en métropole. En 2008, les effets inflationnistes qui résultent de la plus grande attractivité de la prestation suite à sa revalorisation dans les Dom, ne devraient plus être perceptibles en 2008.

Votre commission juge quelque peu optimiste cette hypothèse de progression, le nombre moyen d'allocataires ayant crû à un rythme annuel supérieur à 4,5 % au cours des trois dernières années. Cette évolution résulte d'une augmentation significative de la part des familles monoparentales et d'une croissance soutenue des naissances qui devrait se poursuivre en 2007 et 2008.

On observe également une modification de la structure des allocataires au profit des titulaires de l'API longue (+ 7 % en 2006), tandis que le nombre de personnes percevant l'API courte décroît sensiblement (- 4 %). Les titulaires de l'API longue ayant vocation à se maintenir dans le dispositif pendant environ trois années, cette évolution devrait peser sur les deux ou trois exercices suivants.

Facteurs d'évolution des dépenses d'API

2003

2004

2005

2006

2007 *

2008 *

Nombre de bénéficiaires

184 900

192 700

201 400

211 600

221 300

225 505

Montant moyen mensuel
de l'allocation (en euros)

375

389

397

418

400

377

Part en % API longue

80

80

80,9

82,2

80

80

Part en % API courte

20

20

19,1

17,8

20

20

Dépenses constatées
(en millions d'euros)

833
4,8 %

900
8,0 %

972
8,0 %

1 064
9,5 %

1 065

1 020

* Prévisions.

Source : d'après les projets annuels de performances - 2008

Enfin, la dotation prévue pour 2008 étant inférieure de 40 millions d'euros aux dépenses constatées en 2006, il est presque certain qu'elle ne suffira pas à couvrir les dépenses d'API.

b) Des efforts significatifs pour contenir les dépenses

Pourtant, votre commission ne néglige pas les effets attendus des mesures prises par le Gouvernement pour contenir les dépenses. Elle craint néanmoins que leur impact pour 2008 ne soit quelque peu surestimé .

Deux de ces mesures visent à réduire le montant moyen mensuel versé aux allocataires :

- 142,5 millions d'euros d'économies sont attendus de l'application du principe de subsidiarité de l'API par rapport aux prestations sociales (allocation de soutien familial notamment) et aux créances d'aliments. Les estimations retenues pour 2007 s'élevaient à 131 millions d'euros, tandis que la commission des comptes de la sécurité sociale tablait plus raisonnablement sur 84 millions d'euros ;

- l'alignement du forfait logement de l'API sur celui applicable aux allocataires du RMI devrait permettre une minoration de la dépense de 7 à 10 millions d'euros, soit un montant sensiblement identique à celui observé en 2007.

Dans le même temps, le Gouvernement espère également contenir l'évolution du nombre de bénéficiaires en renforçant les contrôles et la lutte contre la fraude (22 millions d'euros d'économies) et en favorisant la reprise d'activité.

Une première série de mesures vise à lever les obstacles pratiques à la reprise d'activité, en facilitant l'accès aux modes de garde et en limitant le coût :

- tout d'abord, une disposition de la loi n° 2006-339 du 23 mars 2006 relative au retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux prévoit de leur réserver un accès privilégié aux crèches ;

- parallèlement, un avenant à la convention d'objectif et de gestion de la Cnaf prévoit d'accélérer le développement des places d'accueil collectif en portant de 10 000 à 12 000 le nombre de places créées chaque année. L'objectif est d'atteindre 362 000 places en 2012, soit 112 000 places supplémentaires par rapport à 2004 ;

- enfin, la loi de finances pour 2006 a porté le crédit d'impôt pour les frais de garde d'enfants de moins de six ans à 50 % des dépenses engagées dans la limite de 2 300 euros.


La réforme du système d'intéressement au retour à l'activité

La loi n° 2006-339 du 23 mars 2006 pour le retour à l'emploi et sur les droits et devoirs des bénéficiaires de minima sociaux a rénové le système d'intéressement à la reprise d'une activité professionnelle afin de le rendre plus lisible et plus incitatif pour les allocataires du RMI, de l'API et de l'ASS.

Elle prévoit d'accorder aux personnes reprenant un emploi avec un horaire mensuel d'au moins soixante-dix-huit heures :

- le cumul intégral des minima sociaux et du salaire de l'activité professionnelle pendant trois mois ;

- une prime de retour à l'emploi de 1 000 euros après le quatrième mois de travail ou dès la fin du premier mois, si le contrat est à durée indéterminée ou d'une durée déterminée supérieure à six mois ;

- une prime forfaitaire mensuelle de 150 euros pour les personnes isolées et de 225 euros pour les couples ou familles durant neuf mois, au terme de la période de cumul intégral du revenu d'activité et de l'allocation.

Ces mesures sont ouvertes aux personnes accédant à un emploi aidé, sauf s'il s'agit d'un contrat d'avenir (CA) ou d'un contrat d'insertion-RMA (CI-RMA), pour lesquels la prime de retour à l'emploi de 1 000 euros n'est pas accordée. Ces contrats offrent en effet déjà une forme d'intéressement, qui s'ajoute aux nouvelles primes forfaitaires mensuelles.

Pour leur part, les allocataires de l'API et du RMI travaillant moins de 78 heures par mois bénéficient du système antérieur qui leur permet de cumuler durant neuf mois 50 % de leur revenu d'activité avec leur minimum social.

Parallèlement, le Gouvernement entend récolter les fruits de la mise en place des mesures favorisant le retour à l'emploi des titulaires de l'API, prises dans le cadre de la loi précitée du 23 mars 2006 et de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale. Les premiers résultats, bien que modestes, sont toutefois encourageants :

- d'après la Cnaf, en 2006, seulement 5,8 % des allocataires de l'API bénéficiaient d'une aide au retour à l'emploi, qu'il s'agisse d'un intéressement ou d'un contrat aidé. Pour 2007, ce pourcentage devrait être doublé et atteindre 10,8 %. Cela explique en partie la diminution des effectifs de l'API courte (4 %), plus sensibles à l'incitation financière que les allocataires de l'API longue, pour lequel l'impact est marginal ;

- on observe également une augmentation significative du nombre de titulaires de l'API bénéficiant d'un contrat aidé (CA ou CI-RMA). En 2005, 435 d'entre eux seulement avaient signé ce type de contrat ; en 2007, 5 636 ont signé un CA et 890 un CI-RMA. En outre, le CA présente l'avantage d'assurer à chaque titulaire un suivi et un bilan de compétences, une formation et un accompagnement individualisé vers l'emploi avec les maisons de l'emploi, l'ANPE ou les missions locales ;

- de plus, la convention d'objectifs et de gestion de la Cnaf pour la période 2005-2008 a prévu de mettre en place un dispositif d'accompagnement renforcé des titulaires de l'API, qui comprend, outre une évaluation personnalisée, des entretiens collectifs et individuels, qui permettent d'identifier les obstacles à la réinsertion et de trouver des solutions adaptées pour les surmonter (garde d'enfants, formation, validation des acquis de l'expérience, ...). Plus de 85 % des Caf ont déjà mis en oeuvre ces dispositifs, et 29 245 bénéficiaires de l'API ont ainsi pu être suivis par des travailleurs sociaux. Près de la moitié des caisses déclarait même avoir mis en oeuvre des actions visant à favoriser l'accueil des enfants de parents isolés en crèche ;

- enfin, suivant les recommandations de l'audit de modernisation 11 ( * ) , la DGAS est en train d'élaborer un plan d'action visant à renforcer et expérimenter une démarche d'insertion des allocataires de l'API.

Si votre commission estime que ces mesures vont dans le bon sens, les résultats que l'on peut en attendre sont plus qu'incertains et il y a fort à parier que les dépenses engagées en 2008 seront au moins équivalentes à celles constatées en 2007, ce qui devrait se traduire par un nouveau déficit. De plus, la dotation pour 2008 ne tient pas compte de la dette contractée par l'Etat vis-à-vis de la sécurité sociale au titre de l'année 2007.

Aussi, votre commission demande au Gouvernement de prendre les mesures correctrices qui s'imposent avant la fin de l'année, dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2007. Il n'est en effet pas de bonne gestion que la sécurité sociale assume les conséquences financières de l'imprévision de l'Etat.

2. Revenu minimum d'insertion : la mobilisation payante des départements

La gestion du RMI et du CI-RMA, désormais confiée aux départements par la loi du 18 décembre 2003 12 ( * ) , ne relève plus de la mission « Solidarité, insertion égalité des chances ». Pourtant, le RMI et le CI-RMA participent éminemment à la politique nationale de lutte contre les exclusions, dont les actions sont regroupées dans le programme « prévention de l'exclusion et insertion sociale des personnes vulnérables » de la mission. C'est pourquoi votre commission souhaite dresser un bilan de la décentralisation de ces revenus .

a) Les effets positifs des politiques en faveur du retour à l'emploi

Pour la première fois depuis sa création, le nombre de bénéficiaires du RMI a diminué : au 30 juin 2006, on comptait 1 269 000 allocataires. Un an plus tard, ils sont 1 195 000, soit une diminution de 5,9 %. Cette évolution s'explique en grande partie par l'amélioration de la situation du marché du travail et l'activation des dispositifs d'aide au retour à l'emploi :

- la réduction du chômage a eu pour conséquence directe de diminuer le nombre d'ouvertures de droit au RMI. On observe cette tendance dès le deuxième trimestre 2007, avec environ 15 000 entrées de moins par rapport au premier trimestre ;

- en outre, les effets du nouveau dispositif d'intéressement, réformé par la loi du 23 mars 2006 et applicable depuis le 1 er octobre 2006 sont désormais mesurables. Au 30 juin 2007, 103 000 allocataires bénéficiaient de ce nouveau dispositif, dont 55 000 avec un cumul intégral du RMI et du revenu d'activité. Au total, si l'on ajoute les personnes qui perçoivent une prime d'intéressement dans le cadre de l'ancien système, environ 134 000 personnes ont perçu une incitation financière à la reprise d'activité, soit environ 11 % des titulaires du RMI ;

- à la même date, près de 79 000 personnes ayant un droit ouvert au RMI avaient signé un contrat aidé (66 000 CA et 13 000 CI-RMA). Un an plus tôt, 33 000 CA et 8 000 CI-RMA avaient été signés : les effectifs ont donc presque doublé.

A ces grandes tendances, s'ajoutent les effets positifs des initiatives locales mises en oeuvre par les départements. La décentralisation du RMI les a en effet conduits à redéfinir leurs politiques d'insertion et à s'impliquer davantage dans la démarche d'insertion des bénéficiaires du RMI.

Une enquête de la Drees 13 ( * ) , menée en partenariat avec l'assemblée des départements de France (ADF), révèle que :

- plus de neuf départements sur dix ont élaboré un programme départemental d'insertion (PDI). Ce programme recense les besoins de la population et l'offre locale d'insertion et planifie les actions que le département entend mener dans ce domaine. Il est souvent élaboré en collaboration avec l'ANPE, l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa), la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP), les associations et les Caf ;

- trois quarts des départements déclarent également avoir renforcé le contrôle des démarches d'insertion engagées par les bénéficiaires du RMI, ce qui a conduit un tiers d'entre eux à suspendre le versement du RMI en raison du non-respect du contrat d'insertion ou de l'absence de réponse aux convocations par le « référent » en charge de l'accompagnement ;

- six départements sur dix ont aménagé les contrats aidés pour les rendre plus attractifs : amélioration de l'accès à une formation, renforcement de l'accompagnement des bénéficiaires, octroi d'une aide supplémentaire à l'employeur, instauration d'une prime pour prolonger la durée du contrat, modulation de la durée du travail et de la forme juridique des contrats ;

- certains départements ont amélioré les structures d'accueil des allocataires du RMI en créant des plates-formes universelles d'information qui jouent le rôle de guichet unique ;

- enfin, pour favoriser la mobilité des bénéficiaires du RMI vers les bassins d'emplois, quelques conseils généraux ont mis en place des aides spécifiques et développé les liaisons départementales de transport public.

b) Une meilleure compensation des dépenses pour les départements

Conformément à la loi du 18 décembre 2003 précitée, le transfert de la gestion du RMI est compensé par l'attribution aux départements d'une part de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers (TIPP), correspondant au montant des dépenses constatées en 2003.

Dès 2004, cette compensation s'est révélée insuffisante pour couvrir les dépenses engagées par les départements. C'est pourquoi le Gouvernement s'était engagé à financer le coût exact de la dépense pour les départements, ce qui a donné lieu à un abondement exceptionnel de 457 millions d'euros voté en loi de finances rectificative pour 2005 et versé en janvier 2006.

Evolution de la charge financière du RMI et du RMA pour les départements

(en millions d'euros)

2004

2005

2006

2007 (1)

2008 (1)

Dépenses liées au RMI - RMA

5 399

5 821

6 106

6 300

5 960

Abondements TIPP

4 942

4 942

4 942

4 942

4 942

Abondements exceptionnels ou FMDI

457

500

500

500

0

Taux de couverture de la dépense

100 %

93,5 %

89,1 %

86,4 %

82,9 %

Solde à la charge des départements

0

- 379

- 664

-858

- 1 018

Solde cumulé

0

- 379

- 1 043

- 1 901

- 2 919

(1) prévisions Source : documents budgétaires et Assemblée des départements de France

Ainsi, les départements sont dépendants d'abondements exceptionnels qui interviennent en complément de la fraction de TIPP qui leur est versée chaque année en vertu de la loi.

L'article 37 de la loi de finances pour 2006 a créé pour deux ans un fonds de mobilisation départementale pour l'insertion (FMDI), doté de 100 millions d'euros en 2006 et de 80 millions d'euros pour 2007 afin de permettre aux départements de mener des projets novateurs en matière d'insertion des allocataires du RMI. En réalité, cette disposition n'a pas été suivie d'effet et le fonds n'a pas été mis en place en 2006.

L'article 14 de la loi de finances rectificative pour 2006 a prévu de prolonger l'existence du FMDI jusqu'en 2008 et de porter sa dotation pour la période 2006-2008, de 100 à 1 500 millions d'euros. Chaque année, 500 millions d'euros seront versés aux départements selon la répartition suivante :

- une part au titre de la compensation , destinée aux départements dont les dépenses de RMI seraient supérieures au droit à compensation qui leur est versé en vertu du transfert du RMI et du RMA ;

- une part au titre de la péréquation, répartie entre les départements, selon la même logique, mais pondérée par un indice synthétique de ressources et de charges, qui intègre le potentiel financier par habitant et la part des bénéficiaires du RMI dans la population ;

- enfin, une part au titre de l'insertion , répartie entre les départements à due proportion du nombre de contrats aidés signés et des primes forfaitaires accordées pour favoriser la reprise d'activité.

Ce dispositif a le mérite de garantir, de 2005 à 2007, un abondement de 500 millions d'euros en complément du versement du produit de la TIPP. De surcroît, il récompense les départements les plus dynamiques dans la mise en oeuvre de politiques actives en faveur de l'insertion. Enfin, il offre une aide supplémentaire aux départements les plus pauvres, particulièrement touchés par les difficultés d'insertion et de chômage, et dont les dépenses de RMI représentent une part importante de leur budget.

Répartition des moyens de financement du FMDI

2006

2007

2008

Part

Montant
(en millions d'euros)

Part

Montant
(en millions d'euros)

Part

Montant
(en millions d'euros)

Part « complément de compensation »

50 %

250

40 %

200

40 %

200

Part « péréquation »

30 %

150

30 %

150

30 %

150

Part « retour à l'emploi »

20 %

100

30 %

150

30 %

150

TOTAL

100 %

500

100 %

500

100 %

500

Toutefois, les comptes administratifs des départements étant généralement adoptés au mois de juin de l'année n+1, il existe un décalage inévitable entre l'engagement des dépenses par les départements et le versement de la compensation correspondante. Il en résulte des difficultés de trésorerie pour les budgets de certains conseils généraux . Ainsi, l'abondement exceptionnel de 457 millions d'euros, accordé au titre de l'année 2004, a été seulement versé au début de l'année 2006. De la même façon, la première tranche de 500 millions d'euros du FMDI couvrant les dépenses de 2005 a été versée au début de l'année 2007. La seconde tranche, afférente aux dépenses de RMI de 2006, a été inscrite dans la loi de finances initiale pour 2007 et sera donc répartie entre les départements d'ici la fin de l'année.

Pour cette raison, l'article 46 de la loi de finances pour 2006 prévoit que la compensation prélevée sur les recettes de la TIPP soit versée mensuellement, à hauteur d'un douzième du montant du droit à compensation de chaque département. Ainsi, les sommes versées ne dépendent plus des fluctuations de recettes de la taxe qui varient en fonction de l'évolution de la consommation de carburants sur le territoire national. Ce même article a créé un compte de concours financier, intitulé « avances aux collectivités territoriales », qui retrace les versements mensuels effectués pour chaque département.

Votre commission ne peut que se féliciter de l'amélioration des modalités de compensation des dépenses liées à la gestion du RMI, qui offrent de nouvelles garanties aux départements, au moins jusqu'en 2008. Après cette date, elle s'interroge sur l'avenir qui sera réservé au FMDI. Sans abondement complémentaire de l'Etat, le taux de couverture des dépenses de RMI sera nettement inférieur à celui constaté les années précédentes. Toutefois, elle reconnaît qu'il est prématuré d'envisager le prolongement du FMDI, dès lors que le Président de la République a annoncé une réforme d'ensemble des minima sociaux en 2008.

Votre commission estime toutefois nécessaire que la répartition des missions et des charges financières entre l'Etat et les départements soit rapidement précisée et clarifiée.

3. Vers un revenu de solidarité active

a) Les espoirs suscités par le revenu de solidarité active expérimental

Les articles 18 à 23 de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat ont prévu la mise en place expérimentale pour trois ans d'un revenu de solidarité active (RSA).

Ce dispositif a pour objectif d'assurer l'augmentation des ressources d'une personne bénéficiaire d'un minimum social qui prend ou reprend un travail, exerce ou accroît son activité, en garantissant, à chaque foyer, un revenu minimal qui tient compte de ses revenus d'activité et de ses charges de famille.

Outre le retour à l'emploi des personnes bénéficiant de la solidarité nationale, le RSA vise à réduire la pauvreté en offrant à toute personne un revenu supérieur au seuil de pauvreté estimé à environ 830 euros.

Dans un premier temps, cette expérimentation sera ouverte aux seuls bénéficiaires du RMI et de l'API résidant dans la vingtaine de départements volontaires dont la candidature aura été retenue : 50 000 allocataires du RMI et 5 000 bénéficiaires de l'API pourraient être éligibles à ce nouveau dispositif.

Seize conseils généraux ont déjà été habilités à conduire cette expérimentation et l'ont mise en oeuvre depuis le 1 er novembre. Dix autres départements devraient être prochainement sélectionnés parmi les vingt-trois candidatures enregistrées au 31 octobre. En réponse à cette mobilisation inattendue, le Gouvernement a proposé d'accroître le nombre de départements éligibles, en abondant en conséquence les crédits initialement prévus.

Pour financer cette expérimentation, 25 millions d'euros sont prévus pour 2008 dans le cadre du programme « lutte contre la pauvreté : expérimentations ». Ils devraient permettre de couvrir la moitié du surcoût direct versée aux départements au titre des bénéficiaires du RMI, soit 15 à 17 millions, 3,5 à 4 millions pour le versement du RSA aux bénéficiaires de l'API dont l'Etat a la charge et 3 à 5 millions pour l'accompagnement, l'ingénierie et l'évaluation. Le cas échéant, le montant de la compensation prévue par la convention de financement signée par l'Etat avec chaque département pourra être ajusté en fin d'exercice.

Si l'évaluation du dispositif est concluante, il est prévu de le généraliser à l'ensemble du territoire national et de l'étendre à d'autres bénéficiaires de minima sociaux (ASS, AAH) et aux travailleurs pauvres. Son coût pourrait s'élever à plus de 3 milliards d'euros par an.

b) Des précautions à prendre avant toute généralisation

Si votre commission observe avec intérêt la mise en oeuvre expérimentale du RSA, elle est réservée sur une généralisation trop hâtive du dispositif. Elle considère que l'Etat doit laisser aux départements le temps de l'expérimentation, dont la durée est fixée par la loi à trois ans. Ce n'est en effet qu'au terme de cette période que l'évaluation du dispositif expérimenté pourra donner des résultats concluants.

La création du RSA est une opportunité exceptionnelle pour remettre à plat le système des minima sociaux, trop complexe et peu lisible pour ses bénéficiaires. L'expérimentation du dispositif sur trois années doit permettre d'affiner ses modalités de mise en oeuvre, d'en cerner les enjeux en termes de retour à l'activité et de veiller à ne pas créer de nouvelles iniquités entre travailleurs pauvres et titulaires de minima sociaux.

A cet égard, votre commission a eu l'occasion de souligner à plusieurs reprises l'importance de la prise en compte des droits connexes dans cette réflexion d'ensemble. Or, dans le cadre de l'expérimentation actuelle, les départements n'ont aucune obligation de les intégrer au calcul du RSA.

Enfin, votre commission s'interroge sur l'opportunité d'étendre le RSA aux titulaires de l'AAH. Il s'agit en effet de ne pas bouleverser l'équilibre actuel qui permet aux personnes en incapacité de travailler de disposer d'un revenu majoré par les deux nouvelles compensations créées par la loi du 11 février 2005.

* 11 Rapport d'audit et de modernisation API décembre 2006.

* 12 Loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité.

* 13 Drees, « Les politiques d'insertion des conseils généraux en direction des bénéficiaires du RMI » - Etudes et résultats - n° 582 - juillet 2007.

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