D. CRÉER LES CONDITIONS D'UNE COHABITATION APAISÉE DES DEUX FORCES
1. La parité globale de traitement entre gendarmes et policiers : des incompréhensions majeures
La reconnaissance d'un classement indiciaire spécifique pour les gendarmes (article 5) ne suffit pas par elle-même à assurer le maintien d'une parité globale de traitement entre policiers et gendarmes. Mais elle en offre le cadre nécessaire.
Tout en approuvant ces dispositions indispensables au rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur, il conviendra de veiller à ce que cette grille spécifique ne soit pas non plus complètement déconnectée des grilles indiciaires du reste de la communauté militaire.
La parité ne signifie pas une identité de traitement et doit s'apprécier de manière globale et sur l'ensemble d'une carrière. Ce fut le sens des travaux du groupe de travail conjoint au ministère de la défense et au ministère de l'intérieur chargé de procéder à un état des lieux exhaustif afin d'identifier les différences existantes entre les personnels des deux forces et de faire des propositions afin de réduire les écarts, dans le respect de la dualité des statuts.
Son rapport conclut que la parité globale existe déjà entre les deux forces, sous réserve de quelques aménagements. Les conclusions de ce rapport ont été ensuite soumises à l'examen de deux personnalités indépendantes, M. Eric Gissler, inspecteur général des finances, et M. Pierre Séguin, contrôleur général des armées. Dans leur avis de mai 2008, les conclusions du rapport ont été validées pour l'essentiel.
Pourtant, l'audition des syndicats de la police nationale par votre rapporteur a montré que cette analyse n'était pas du tout partagée, une certaine animosité étant même perceptible. En sens inverse, même si elles s'expriment de manière plus feutrée et selon des canaux différents - les gendarmes ne peuvent pas être membres d'un syndicat -, des critiques s'élèvent également du côté de la gendarmerie.
L'objet du présent avis n'est pas de trancher ce débat avant tout budgétaire. Mais il semble à votre rapporteur que seul un dialogue constant et de bonne foi permettra de lever des malentendus et d'examiner la parité de manière globale sur l'ensemble d'une carrière.
En outre, la parité ne peut pas se résumer à un exercice comptable. Le choix de devenir policier, gendarme ou militaire des armées est un choix de vie compte tenu de la nature des missions et des conditions dans lesquelles elles sont accomplies.
A cet égard, votre rapporteur soutient l'idée avancée par Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, de créer des passerelles entre les deux forces, permettant aux gendarmes ou aux policiers qui le souhaitent, de changer de statut.
2. L'organisation de la concertation au sein de la gendarmerie : une adaptation nécessaire au nouvel équilibre institutionnel
La gendarmerie comme les autres forces armées relève des instances de concertation propres aux militaires placées sous l'autorité du Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM).
Chaque force armée dispose de sa propre instance de concertation - le Conseil de la fonction militaire de la gendarmerie (CFMG) pour la gendarmerie- qui rend un avis sur un ordre du jour commun, lequel avis est ensuite transmis au CSFM présidé par le ministre de la défense.
Dans ce cadre, il n'y a pas de place pour étudier les questions intéressant strictement les missions de sécurité intérieure de la gendarmerie.
Le rattachement de la gendarmerie au ministre de l'intérieur contraint à réfléchir à de nouvelles modalités de participation de ce ministère aux instances de concertation de la gendarmerie. Rappelons que le ministre de l'intérieur aura désormais sous son autorité 45 % des militaires de carrière. A défaut, le risque est que les insuffisances du système de concertation au sein de la gendarmerie rendent extrêmement difficiles la cohabitation au sein du même ministère de deux systèmes de concertation très différents : le système syndical pour la police nationale et les instances de concertation pour la gendarmerie.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, a annoncé que la solution retenue consisterait à permettre au ministre de l'intérieur de participer au CFMG. Cette solution relève du domaine réglementaire.
Une autre solution, mais qui exigerait de modifier la partie législative du code de la défense, serait de créer une instance de concertation nouvelle placée auprès du ministre de l'intérieur. Mais votre rapporteur craint que cette solution ne contribue en réalité à détacher la gendarmerie de la communauté militaire et à attiser les revendications en faveur de la création de syndicats.
Votre commission se rallie à la proposition du Gouvernement, mais attire l'attention sur l'urgence à rénover rapidement le CFMG.
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Sous le bénéfice de ces observations et des amendements qu'elle vous soumet, votre commission a donné un avis favorable au projet de loi portant dispositions relatives à la gendarmerie.