III. PROJECTION, MOBILITÉ, SOUTIEN

Cette capacité -ou système de forces- regroupe les équipements destinés à la projection des forces, par voie aérienne ou maritime, sur des théâtres éloignés de plusieurs milliers de kilomètres ; la mobilité de ces forces à l'intérieur du théâtre à tout moment de l'opération et enfin le soutien dans la durée des opérations. L'ensemble de cette action représente 6,4 % des autorisations d'engagement et 7,4 % des crédits de paiement du programme 146 -équipement des forces.

Les leçons tirées des crises et engagements récents, notamment en Afghanistan et au Liban, ont confirmé le besoin de disposer d'une capacité autonome de projection initiale permettant de mettre rapidement en place les premiers éléments.

C'est pourquoi le Livre Blanc indique comme une des priorités la résorption du déficit capacitaire en transport aérien stratégique (avions de transport Airbus A 400M et ravitailleurs en vol MRTT) en aéromobilité (hélicoptères de manoeuvre) ainsi que l'adaptation de la capacité amphibie.

La reprise capacitaire en matière de projection n'aura lieu qu'à la fin de la prochaine programmation (2014/2015) avec la mise en service d'un nombre significatif d'A 400M, la livraison du premier MRTT, des hélicoptères NH 90 et des porteurs polyvalents terrestres (PPT).

A. LA PROJECTION VERS UN THÉÂTRE D'OPÉRATION

1. L'état des capacités

Dans le domaine de la projection aérienne, l e contrat opérationnel des armées françaises prévoit d'assurer la projection d'une force de réaction immédiate aéroterrestre de 1 500 hommes (avec matériel) à 5 000 km de la métropole en moins de 72 heures .

Pour remplir ce contrat, la capacité de projection aérienne repose, pour le transport à longue distance , sur 5 Airbus (3 A310 et 2 A340) et pour le transport tactique , sur un parc de 51 C160 Transall, de 14 C130 Hercules et de 19 Casa CN235.

Dans ces conditions, le contrat opérationnel n'est satisfait qu'à 41 %. Avec le retrait progressif des C160 Transall depuis 2006, le déficit capacitaire s'accentuera jusqu'à la mise en service de l'A400M, dont les premières livraisons sont attendues pour 2010. Des mesures palliatives ont été prises depuis 2006, avec la signature d'un contrat d'affrètement d'avions très gros porteurs Antonov 124 6 ( * ) pour un volume de 550 h de vol par an et plus en cas de besoin. Néanmoins, cette solution ne saurait être que transitoire car seuls des moyens en propre offrent un niveau de réactivité, de confidentialité et de sécurité d'exécution adéquats au transport de forces armées nationales.

Au sein de l'Union européenne, le Royaume-Uni se distingue nettement des autres pays par sa composante d'avions gros porteurs à long rayon d'action (6 C-17). Les flottes d'avions de transport tactique (C130 et C160) françaises et allemandes sont de même niveau. Aux États-Unis, l'ensemble des composantes de défense (USAF, Army, Navy, National Guard, Marines) possède en propre des moyens de transport et de ravitaillement en vol. La seule armée de l'air américaine dispose de plus de mille avions de transport et cinq cent ravitailleurs en vol.

Il est à noter que, dans le cadre de la relance de l'Europe de la défense, la constitution d'une flotte européenne de transport aérien fait partie des projets les plus avancés. Douze pays -l'Allemagne, la Belgique, l'Espagne, la Grèce, l'Italie, le Luxembourg, le Portugal, la Roumanie, les Pays-Bas, la République tchèque, la Slovaquie et la France- ont lancé ce projet qui devrait être géré par l'Agence européenne de défense (AED). Selon le ministre de la défense, M. Hervé Morin, il est possible qu'à terme, seize voire vingt pays de l'Union les rejoignent.

Il s'agirait de mettre en commun des avions comme l'A 400M qui en sera la composante essentielle ou le Hercules C 130 afin de les prêter aux pays qui n'ont pas les moyens d'en acquérir ou qui veulent renforcer leur flotte en cas d'urgence. Les synergies pourront prendre diverses formes : prêt d'appareils, achat, fourniture ou échange d'heures de vol, mise en commun de facilités de soutien (entraînement, entretien). Elles garantiront des économies d'échelle et une rationalisation des ressources.

Pour ce qui est de la projection maritime , le contrat opérationnel prévoit la projection de 5 000 à 26 000 hommes et la mise en oeuvre d'une force amphibie de réaction immédiate (groupement interarmes embarqué de 1 400 hommes avec des composantes terrestre et aéromobile), ainsi que le soutien d'un groupe amphibie et/ou d'un groupe de transport maritime.

Pour remplir ce contrat, la marine dispose aujourd'hui de deux transports de chalands de débarquement (TCD) «Foudre» et «Siroco», admis au service actif en 1990 et 1998, et de deux bâtiments de projection et de commandement (BPC), «Mistral » et «Tonnerre » mis en service en 2006 et 2007, qui possèdent des capacités accrues dans les domaines de l'aéromobilité, du commandement et du soutien santé.

Bien que non encore admis au service actif, le BPC «Mistral» avait participé pendant plus d'un mois à l'opération «Baliste» au Liban en juillet et août 2006, démontrant à cette occasion une grande polyvalence : évacuation de ressortissants en grand nombre (4 653 ressortissants évacués dont 1 378 en un seul voyage), transport de fret, conduite d'opérations amphibies, embarquement de troupes, accueil d'un soutien santé, accueil d'un état-major embarqué.

En revanche, la batellerie associée, constituée de chalands de transport de matériel (CTM), s'est avérée trop lente et trop limitée par l'état de la mer, nécessitant de rapprocher de la côte les BPC et les TCD en les exposant, de facto, à une menace ennemie venant de la terre.

La batellerie actuelle sera remplacée à partir de 2013 par des engins plus rapides et mieux adaptés aux BPC et TCD (projet «engin de débarquement amphibie» - EDA).

Par ailleurs, à l'horizon 2020, les deux TCD type «Foudre» seront remplacés par deux BPC de nouvelle génération.

L'objectif de 20 % de la capacité de transport stratégique par voie maritime fixé aux bâtiments amphibies est atteint. Pour les 80 % restants, le recours aux affrètements demeure indispensable. L'affrètement permanent de 3 navires permet de satisfaire une part significative des besoins nationaux. Un contrat de type partenariat public-privé (PPP) est en cours d'élaboration pour une capacité de 5 navires disponibles fin 2013.

La capacité de transport stratégique maritime britannique est nettement supérieure à celle de la France, en raison notamment d'une composante de six navires rouliers. La mise en service des deux nouveaux BPC confère toutefois à la France une capacité amphibie proche de celle du Royaume-Uni alors que l'Allemagne est nettement en retrait dans ce domaine.

2. Les programmes en cours : l'avion de transport futur A 400M

L'avion de transport futur (ATF) sera l'Airbus A 400M. Il s'agit d'un avion de transport quadrimoteur à aile haute. Il remplacera les avions de transport tactique C160 Transall et C130 Hercules. Tout en conservant les capacités tactiques du Transall, et notamment la possibilité d'utiliser des terrains sommaires, l'A 400M disposera d'un plus grand rayon d'action avec des charges utiles plus élevées. Il pourra projeter la plupart des matériels en service, à l'exception des chars lourds. Il pourra également ravitailler en vol des avions de combat, d'autres A 400 M et des hélicoptères. Les capacités de l'ATF devraient lui permettre de transporter 25 tonnes sur 3 700 km ou 17 tonnes sur 5 500 km. Il aura une charge maximale offerte de 32 tonnes. Il pourra également transporter 116 passagers à une vitesse de croisière normale de mach 0,68.

Réalisé en coopération à 6 pays (Allemagne, France, Espagne, Royaume-Uni, Turquie et Belgique) et géré par l'OCCAr (organisme conjoint de coopération en matière d'armement), le programme est entré en phase de réalisation en 2003, avec la signature du contrat d'acquisition. L'Afrique du sud et la Malaisie se sont également portées acquéreurs (respectivement 8 et 4 avions). Au total, 192 commandes ont été enregistrées, dont 50 appareils pour la France.

Des difficultés sont apparues dans le développement, notamment sur le moteur et l'avionique. Le moteur est réalisé par un consortium nommé EPI et regroupant Rolls-Royce, Snecma, MTU (Allemagne), ITP (Espagne). EADS a réalisé un audit interne sur le calendrier du programme. Le premier vol est désormais reporté sans délai, aucun calendrier n'étant arrêté à la date de rédaction du présent rapport.

Les premiers avions sont en cours de fabrication. La livraison du premier des 50 appareils commandés par la France en 2003, prévue fin octobre 2009 au contrat, est annoncée par EADS comme reportée à fin avril 2010 avec le risque d'un glissement supplémentaire compris entre un an et trois ans. La livraison du dernier avion devait intervenir en 2019-2020.

Le coût de référence de ce programme est de 6,2 milliards d'euros. Le coût actuel, aux conditions financières 2008 est de 7,3 milliards d'euros. Au titre de la loi de finances pour 2009, les crédits de paiement s'élèvent à 407,2 millions d'euros et les autorisations d'engagement à 674,3 millions d'euros.

Par ailleurs, les Etats et l'OCCAr ont échoué pour l'instant dans la mise en place d'un soutien commun global de l'avion. La France prépare avec les Britanniques un accord bilatéral pour la contractualisation du soutien. Les travaux se poursuivent au sein de l'OCCAr pour conserver une communauté maximale dans la définition de l'avion après sa mise en service, ce qui constituerait un progrès par rapport au Transall.

S'agissant de la réalisation du programme deux questions se posent :

• La nécessité de trouver une solution financière acceptable par tous les Etats parties au programme et l'industriel.

• La nécessité de trouver des palliatifs pour combler le trou capacitaire de la force projection française, le calendrier du retrait des Transall, qui a commencé en 2006 ne pouvant se poursuivre raisonnablement au-delà de 2014-2015.

Il est à noter qu'un contrat de rénovation de nos 14 C130 Hercules est intervenu en 2008 pour la rénovation de l'avionique de ces avions. Cette rénovation permettra de poursuivre l'exploitation de ces appareils jusqu'à l'horizon 2020-2025.

Les autres opérations relatives à la projection des forces concernent essentiellement :

• la mise à disposition, sous forme de location de longue durée avec option d'achat, de deux appareils de type A 340-200 à grande capacité et à long rayon d'action (TLRA) ; le contrat comprend des tranches fermes de 5 et 4,5 ans, puis des tranches conditionnelles jusqu'à 9 ans ; le projet de loi de finances pour 2009 prévoit 25,8 millions d'euros de crédits de paiements pour ce programme ; le contrat TLRA a été notifié. Il se compose d'une tranche ferme de 5 ans et de tranches conditionnelles de 2 ans assorties d'une option d'achat ;

• le renouvellement de la flotte d'avions à usage gouvernemental (AUG) actuellement composée de deux A 319, de deux Falcon 900 et de quatre Falcon 50 ; le projet de loi de finances prévoit 21,4 millions d'euros d'autorisations d'engagements et 94,8 millions de crédits de paiement pour ce programme ; le contrat AUG-LC a été notifié le 18 juillet 2008. Il se compose d'une tranche ferme couvrant l'acquisition de deux Falcon 7X (8 à 19 passagers) et de deux tranches conditionnelles de deux Falcon 2000 (jusqu'à 10 passagers) chacune.

* 6 Contrat SALIS négocié par une agence de l'OTAN au profit de 17 pays de l'OTAN ou de l'Union européenne.

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