EXAMEN DES ARTICLES

Article 42 septies (nouveau) - Reconduction du dispositif des SOFICA

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Deux amendements identiques présentés respectivement par MM. Michel Herbillon et Patrice Martin-Lalande ont été adoptés par l'Assemblée nationale, avec l'avis favorable du Gouvernement, en vue de reconduire l'avantage fiscal lié à l'investissement dans des SOFICA (sociétés de financement de l'industrie cinématographique et de l'audiovisuel), qui arrive à échéance le 31 décembre 2008.

Ce dispositif permet de collecter des fonds privés en vue de financer la production cinématographique et audiovisuelle. Ces sociétés sont créées soit à l'initiative de professionnels du secteur, soit à celle d'opérateurs du secteur bancaire et financier.

Une enveloppe maximale de collecte leur est allouée en fin d'année et elles sont agréées chaque année en fonction du respect de critères d'éligibilité, de la qualité du bilan des investissements passés et des engagements pris pour la prochaine collecte de fonds (part dans la production indépendante, niveau d'adossement, part des investissements indépendants pour lesquels le producteur délégué n'est pas lié à un groupe, types de recettes et conditions financières pratiquées par la SOFICA, financement de 1 ers et 2 es films...).

L'encadré ci-après présente le dispositif de façon synthétique.

UN RAPPEL DU DISPOSITIF DES SOFICA

La loi de finances rectificative du 30 décembre 2006 a changé la nature de l'incitation fiscale : la déduction plafonnée du revenu imposable a été abandonnée au profit d'une réduction d'impôt, également plafonnée , du revenu net global au taux de 40% du montant souscrit à condition de conserver leurs parts 5 ans pour les SOFICA dites « non garanties » et 8 ans pour les SOFICA dites « garanties » : les SOFICA « garanties » assurent au souscripteur un pourcentage minimal (85% actuellement) de récupération du montant investi in fine.

Cette réduction est majorée de 20% (soit un taux de 48 %) lorsque le souscripteur investit dans une SOFICA qui s'engage à réaliser au moins 10% de ses investissements sous forme de souscription en capital dans les sociétés de production cinématographiques ou audiovisuelles. Cette modalité d'intervention des SOFICA se traduit généralement par la constitution d'une société commune avec un producteur destinée à financer le développement de projets, c'est-à-dire les dépenses d'écriture, de films cinématographiques ou de programmes audiovisuels. La loi incite donc les SOFICA à s'orienter fortement vers les financements en amont de leurs projets et l'accompagnement en fonds propres de sociétés de production indépendantes.

Les SOFICA représentent un apport de financement important pour les films concernés (entre 7 et 8 % du budget de ces films et entre 15 et 20 % de la trésorerie disponible pour produire ces films). La SOFICA versant son apport avant le début du tournage et ne donnant lieu à remboursement que sur les recettes futures, elle est un partenaire précieux d'une part, car elle permet le bouclage du plan de financement du film et, d'autre part, parce que cet apport de trésorerie permet aux producteurs indépendants de diminuer leurs frais financiers.

Relevons qu'avec 10 à 14 SOFICA par an, les producteurs sont assurés d'une pluralité des guichets, ce qui augmente leurs sources potentielles de financement. En outre, en donnant la possibilité au producteur de racheter à terme l'investissement réalisé par la SOFICA sur le film (par le biais d'un droit de préemption), la réglementation favorise la patrimonialisation des droits au profit du producteur, ce que ne prévoient pas les relations avec les coproducteurs classiques. En cas d'échec commercial du film ayant bénéficié de l'investissement d'une SOFICA, la dette du producteur à l'égard de celle-ci n'est pas exigible puisqu'elle reste assise sur les recettes futures.

Comme l'a précisé notre collègue Serge Lagauche dans le rapport pour avis qu'il a présenté, au nom de votre commission, sur la création culturelle et sur le cinéma dans le cadre du projet de loi de finances pour 2009, le montant total des investissements des SOFICA dans la production cinématographique et audiovisuelle, en 2007, s'élevait à 59,11 millions d'euros , dont 72,5 % en faveur d'oeuvres cinématographiques (40,59 millions d'euros, contre 32,78 millions en 2006), 4,5 % pour des oeuvres audiovisuelles, les 23 % restants étant investis dans les fonds propres de sociétés de production, participant ainsi au financement du développement en amont des projets de films, aux côtés des producteurs indépendants. Les dispositions de la loi de finances rectificative pour 2006 ont d'ailleurs renforcé cette tendance.

Les SOFICA sont intervenues sur 88 films de cinéma agréés en 2007 (10 films de plus qu'en 2006), dont 25 premiers films (pour 12,7 % du montant total investi).

En 2007, les SOFICA ont financé de nouveau très majoritairement des films réalisés en langue française (84 films sur 88) et 37,5 % des films sur lesquelles elles sont intervenues ne sont pas coproduits par une chaîne en clair.

En 2009 , l'enveloppe de la collecte que les SOFICA seront autorisées à placer en vue d'investissements dans le cinéma et l'audiovisuel s'élèvera, comme en 2008, à 63,07 millions d'euros.

L'objectif sera de consolider l'efficacité d'un dispositif d'aide fiscale majoritairement orientée vers la production indépendante . Rappelons, à cet égard, que le minimum réglementaire d'investissement pour chaque SOFICA dans la production indépendante est de 35 % mais que de nombreuses SOFICA s'engagent bien au-delà. Ainsi, en 2007, en moyenne 60,3 % des fonds placés l'ont été sur des investissements indépendants.

Le Centre national de la cinématographie a souhaité, dès 2008, se fixer deux objectifs fondamentaux :

- d'une part, une moindre dispersion des moyens alloués aux SOFICA (répartis entre 12 sociétés au lieu de 14 l'an dernier) ;

- et, d'autre part, un soutien accru à la production indépendante et, par conséquent, une réduction corrélative du poids des investissements adossés à des groupes.

II - La position de votre commission

Votre commission est très favorable à la reconduction pour 3 ans du dispositif régissant les SOFICA.

La réforme de 2006 a porté ses fruits ; elle permet à la fois d'ouvrir le dispositif à une population plus large de souscripteurs et de soutenir plus largement la production indépendante. Ce dispositif, sélectif puisque fondé sur des critères précis, est complémentaire de celui du crédit d'impôt, dont l'objectif est de relocaliser les tournages en France.

Enfin, Le dispositif des SOFICA présente l'avantage d'être encadré, notamment dans son montant, contrairement à d'autres « niches fiscales ». L'enveloppe globale est en effet déterminée de telle façon que la dépense fiscale n'excède pas 30 millions d'euros. Ce dispositif fiscal a donc un coût stable et relativement modeste par rapport à l'ampleur de ses retombées positives sur la production indépendante.

Par conséquent, votre commission vous propose de donner un avis favorable à l'adoption de cet article, sous réserve d'un amendement de précision.

Article 44 - Modifications de la déduction fiscale en faveur du mécénat d'entreprises

I. Le texte du projet de loi

A. Les dispositions en vigueur

En application de l'article 238 bis AB du code général des impôts (CGI), les entreprises qui achètent des oeuvres originales d'artistes vivants peuvent déduire le montant du prix d'acquisition de ces oeuvres de leur résultat imposable de l'exercice et des quatre années suivantes, par fractions égales. Cette déduction est limitée à cinq pour mille du chiffre d'affaires , et minorée, le cas échéant, du total des versements effectués par l'entreprise sur le fondement des dispositions de l'article 238 bis du CGI (versements réalisés au profit de fondations reconnues d'utilité publique, de musées, d'oeuvres ou d'organismes d'intérêt général).

Ce dispositif a été introduit par la loi du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat, et modifié par celle du 1 er août 2003 1 ( * ) .

Le bénéfice de cet avantage est subordonné au respect des deux conditions suivantes :

- d'une part, l'entreprise doit inscrire une somme égale à la déduction opérée à un compte de réserve spéciale , au passif de son bilan ; le bien acquis est inscrit à un compte d'actif immobilisé ;

- d'autre part, elle a l'obligation d' exposer l'oeuvre « dans un lieu accessible au public et aux salariés, à l'exception de leurs bureaux » , pour la période correspondant à l'exercice d'acquisition et aux quatre années suivantes.

L'acquisition d' instruments de musique peut également ouvrir droit à déduction, dans les mêmes conditions, dès lors que l'entreprise « s'engage à prêter ces instruments à titre gratuit aux artistes-interprètes qui en font la demande. »

La dépense fiscale afférente à ce dispositif est évaluée à trois millions d'euros par an 2 ( * ) .

B. Les modifications proposées

- Le présent article a pour premier objectif d'étendre le bénéfice de ce dispositif de mécénat à l'ensemble des entreprises, quel que soit leur statut juridique .

Cette disposition traduit dans les faits l'une des propositions du rapport remis en mars 2008 à Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, par M. Martin Béthenod 3 ( * ) . Cette mission de réflexion a servi de base à un « plan de renouveau du marché de l'art français », dont les grands axes ont été présentés en Conseil des ministres le 2 avril 2008.

Le présent article propose, en ce sens, de supprimer l'obligation d'inscrire les sommes déduites à un compte de réserve spéciale, qui limite aux seules sociétés le champ d'application de ces dispositions.

En effet, comme le relève le rapport précité, « en pratique, cette exigence a pour effet d'exclure du mécanisme de déduction (...) les entreprises individuelles et les titulaires de bénéfices non commerciaux qui, compte tenu de leurs obligations juridiques et comptables, ne peuvent pas satisfaire à la condition posée par la loi fiscale. (...) La restriction maintenue par le législateur a ainsi pour conséquence d'exclure du mécanisme les professions libérales qui sont parmi les principaux clients des galeries, des antiquaires ou des sociétés de ventes volontaires. »

- En parallèle, le projet de loi double le plafond de déduction - en le portant de cinq pour mille à dix pour mille - pour les entreprises réalisant un chiffre d'affaires inférieur à cinq millions d'euros (2°), afin de mieux prendre en compte la situation des petites entreprises.

Cette mesure répond également à l'une des préconisations du « rapport Béthenod » : la mission recommandait de « prévoir une échelle de seuils qui seraient fonction décroissante du chiffre d'affaires des entreprises concernées, pour mieux adapter les modalités d'application du régime selon leur taille. » Elle relevait, en effet, que le principe d'un taux uniforme, sans considération pour le niveau atteint par le chiffre d'affaires de l'entreprise, « demeure insuffisamment porteur en ce qui concerne les petites entreprises » . Or, selon une enquête réalisée en 2005 par l'Admical 4 ( * ) , 52 % des opérations de mécénat sont engagées par des petites et moyennes entreprises (PME).

- Enfin, le présent article prévoit (3°) une mesure technique visant à garantir le principe de neutralité fiscale des opérations de restructuration (par fusion, scission ou apport partiel d'actif), en précisant que les sommes admises en déduction lors de l'acquisition des oeuvres ne donnent pas lieu à réintégration dans le résultat imposable.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

- A l'initiative de son Rapporteur général, et contre l'avis du Gouvernement, l'Assemblée nationale a modifié le dispositif proposé, remettant en cause le bien-fondé et surtout l'opportunité de l'extension du bénéfice du mécénat aux entreprises individuelles et professions libérales.

Les députés ont ainsi supprimé cette disposition, relevant, d'abord, les abus auxquels elle pourrait aboutir (notamment en ouvrant la voie à une extension de fait du dispositif à certains particuliers) et s'interrogeant, en outre, sur la capacité, pour les entreprises individuelles ou les professions libérales, de satisfaire à l'obligation d'exposition effective de l'oeuvre au public. Comme le relève M. Gilles Carrez dans son rapport, si l'oeuvre est exposée dans le cabinet d'un médecin ou d'un avocat, « il faudrait déployer une créativité rhétorique assez exceptionnelle pour tenter de justifier un début d'intérêt général dans les cas où serait concerné, en tout et pour tout, un salarié à temps très partiel » ; en effet, la doctrine précise qu'un lieu accessible aux seuls clients de l'entreprise, comme une salle d'attente par exemple, ne peut être considéré comme ouvert au public.

- Ils ont supprimé, de même, le relèvement de la limite de déduction en fonction du chiffre d'affaires réalisé par l'entreprise, jugé « inutile ».

- Ils ont maintenu, en revanche, la mesure technique prévue au 3°, en cas d'opération de restructuration.

- En outre, l'Assemblée nationale a renforcé les conditions à remplir par les entreprises en vue de bénéficier de l'avantage fiscal, en encadrant de façon plus stricte l'obligation d'exposition de l'oeuvre acquise.

Rappelons que la loi de finances rectificative pour 2005 5 ( * ) a prévu, à l'initiative de notre collègue Yann Gaillard, d'assouplir cette obligation pour les entreprises, en prévoyant que l'oeuvre acquise par le biais du dispositif de mécénat pouvait, pour satisfaire à l'obligation d'exposition, être affichée non seulement dans un lieu accessible au public, mais également dans un lieu accessible aux salariés, à l'exception, cependant, de leurs bureaux.

En présentant son amendement, adopté avec l'avis favorable de la commission des finances et du Gouvernement, Yann Gaillard relevait alors que l'obligation d'exposer l'oeuvre dans des endroits ouverts au public, introduite par la loi du 1 er août 2003 précitée, « complique la vie des entreprises, qui, en général, n'ont pas vocation à se transformer en galeries d'art » 6 ( * ) ; aussi a-t-il souhaité que ces oeuvres puissent également faire « l'objet d'une jouissance collective dans des lieux de passage comme les cantines, les couloirs » , les halls d'accueil ou salles de réunion, mais non pas d'une « délectation solitaire » des salariés ou des dirigeants, dans leurs bureaux.

L'Assemblée nationale est revenue sur cet assouplissement introduit il y a trois ans (2°), en vue de redonner toute sa portée à l'obligation d'exposition des oeuvres, dans l'intérêt des artistes et du public.

III. La position de votre commission

- Votre commission rappelle que la disposition prévue par cet article s'inscrit dans le cadre de la réflexion engagée par le Gouvernement sur la relance du marché de l'art, qui a conduit la ministre en charge de la culture à confier à M. Martin Béthenod, en septembre 2007, une mission sur ce thème. Il ne s'agit pas de venir « au secours » d'un marché en difficulté, mais de maintenir le rang de la France et l'attractivité de la place de Paris dans un contexte de concurrence accrue. Le rapport précité résume clairement ces enjeux : « le marché français est, ces dernières années, en expansion en valeur absolue, avec une progression des ventes (...) en hausse de 13 % en 2006 et de 36 % entre 2002 et 2006 » ; « il régresse, en revanche, en valeur relative, perd du terrain sur le marché mondial, qui, pour sa part, a connu une croissance de 36 % en 2006 et voit sa place de numéro trois disputée par la Chine. » Ce constat révèle plusieurs handicaps : pesanteurs administratives, pression fiscale, méfiance réciproque entre les acteurs...

Or, le marché de l'art constitue un facteur de croissance économique : il représente, en 2007, 49 300 emplois et 8 620 entreprises. Il contribue également au rayonnement culturel international de la France et participe au soutien à la création : 38 000 artistes sont inscrits à la Maison des artistes 7 ( * ) .

Le plan de renouveau pour le marché de l'art, dont le lancement a été annoncé au printemps 2008, s'articule autour de deux principaux axes :

- le premier consiste à faire en sorte que la France compte davantage de « petits » collectionneurs, particuliers ou entreprises, alors qu'elle accuse sur ce point un certain retard par rapport à d'autres pays comme la Grande-Bretagne ou les Pays-Bas ; c'est dans ce cadre que s'inscrit le dispositif proposé par l'article 44 ; par ailleurs, pour les particuliers, le plan prévoit la mise en place d'un prêt sans intérêt pour inciter les classes moyennes à acquérir une oeuvre d'artiste vivant, sur le modèle anglais du « Own art » ;

- le second consiste à améliorer la compétitivité du marché de l'art français et de ses acteurs, notamment par un allégement et une modernisation de la réglementation nationale applicable aux maisons de ventes.

Nos collègues Philippe Marini et Yann Gaillard ont également avancé un certain nombre de mesures en ce sens, dans le cadre d'une proposition de loi déposée en février 2008 8 ( * ) .

- Cependant, votre commission s'interroge , de la même façon que l'a fait l'Assemblée nationale, sur l'opportunité d'étendre l'avantage fiscal dont bénéficient les entreprises pour l'acquisition d'oeuvres d'art , dans le contexte budgétaire et économique actuel, mais aussi au regard de son impact réel en termes de soutien à la création contemporaine et à la diffusion des oeuvres. Dans le même sens, elle relève que le projet d'instauration d'un prêt sans intérêt pour les acquéreurs d'oeuvres d'art pose question, au moment même où l'Etat accorde sa garantie, via l'organisme de gestion OSEO 9 ( * ) , à des prêts aux étudiants dont le taux sera celui du marché.

En outre, et comme l'a relevé le Rapporteur général de l'Assemblée nationale, les conditions d'encadrement et de contrôle, pour des entreprises individuelles ou des professions libérales, de l'obligation d'exposition de l'oeuvre au public ou de prêt de l'instrument de musique à un artiste-interprète, suscitent des interrogations. Or, cela confère une dimension d'intérêt général à ce dispositif. A cet égard, il serait important d'inciter les entreprises « mécènes » à prêter à des musées les biens ainsi acquis, dans l'intérêt de la diffusion de ces oeuvres originales auprès du public le plus large.

C'est pourquoi votre commission souhaite que les dispositions avancées par le Gouvernement pour « dynamiser » le marché de l'art fassent l'objet d'un examen ultérieur et plus approfondi par le Parlement. Il convient d'accompagner les évolutions de ce secteur, compte tenu de son importance pour notre économie culturelle, mais aussi d'offrir de solides garanties en termes d'efficacité de la dépense publique.

Elle proposera donc un amendement tendant à supprimer cet article . Cela tend à confirmer, d'une part, la suppression, par l'Assemblée nationale, de l'extension du régime de déduction fiscale, et à ne pas revenir, d'autre part, sur les conditions d'exposition des oeuvres auxquelles sont soumises les entreprises mécènes, remises en cause par les députés.

Article 44 bis (nouveau) - Indexation du montant de la redevance audiovisuelle sur l'indice des prix à la consommation

Le présent article, issu d'un amendement présenté par M. Patrice Martin-Lalande à l'Assemblée nationale, tend à indexer le montant de la redevance audiovisuelle sur l'inflation et prévoit des mesures de coordination liées à la mise en place de l'entreprise unique France Télévisions par le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.

I - Le droit existant

A. La longue histoire de la redevance

Les articles 109 à 115 de la loi du 31 mai 1933 portant fixation du budget général de l'exercice 1933 ont établi pour la première fois une redevance pour droit d'usage assise sur les postes radio « en vue d'en consacrer le produit aux dépenses de la radiodiffusion ». Dès l'origine, l'idée est donc clairement de faire participer les usagers des médias radiophoniques à leur financement, par l'intermédiaire d'une redevance.

Après l'apparition de la télévision, la loi n° 48-1992 du 31 décembre 1948 a créé la « redevance pour droit d'usage des postes récepteurs de télévision » 10 ( * ) . Depuis la loi n° 74-696 du 7 août 1974 (articles 19 et 20), la perception de la taxe et la répartition de son produit entre les sociétés nationales de programmes sont soumises à autorisation parlementaire, ce qui leur garantit davantage d'indépendance.

Plus récemment, la loi n° 2004-1484 de finances pour 2005 du 30 décembre 2004 a réformé le régime de la redevance audiovisuelle afin, notamment, d'adosser son recouvrement à celui de la taxe d'habitation. Une augmentation importante de son produit en était attendue. Si le coût de la collecte a baissé, et la lutte contre la fraude ainsi que le service rendu à l'usager ont été améliorés, cette réforme n'a cependant pas totalement porté ses fruits en termes d'augmentation du produit de la redevance 11 ( * ) .

La réforme a en effet réduit l'assiette de l'imposition, en exemptant les foyers disposant d'une résidence secondaire du paiement d'une redevance additionnelle, et en dégrevant de redevance environ un million de foyers modestes qui y étaient jusque là assujettis, mais ne payaient pas la taxe d'habitation.

B. Des fondements théoriques très solides

Les justifications théoriques du financement du service public audiovisuel par une redevance plutôt que par des dotations budgétaires annuelles sont multiples. Ce mode de financement :

- garantit l'indépendance éditoriale de son bénéficiaire ;

- offre au diffuseur une autonomie renforcée sur les plans administratif et technique 12 ( * ) , notamment parce que le produit de la redevance ne subit pas de régulation budgétaire ;

- et enfin, est mieux protégé par le Parlement, qui a davantage de pouvoir sur le taux et l'assiette d'une redevance que sur le montant d'une dotation.

Ces spécificités de la redevance entraînent des exigences importantes : la très forte visibilité de cet impôt et le lien direct que le redevable établit entre le montant de ce dernier et le service qu'il finance impose, en effet, une rigueur toute particulière aux chaînes bénéficiaires de la redevance dans l'exercice de leur mission de service public. A cet égard, vos rapporteurs considèrent qu'il serait utile d'assurer que le point de vue des téléspectateurs soit davantage pris en compte, afin de renforcer fortement la légitimité de la redevance. Ils feront des propositions en ce sens dans le cadre du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.

Par ailleurs, il serait souhaitable que les mesures prises par le législateur concernant l'assiette et les bénéficiaires de la redevance n'affaiblissent pas sa légitimité.

C. Les faiblesses de la redevance

1. Les minorations de l'assiette de la redevance affaiblissent la logique de la redevance

a) L'assiette de la redevance

L'article 1605 du code général des impôts dispose que la redevance est due par toutes les personnes physiques imposées à la taxe d'habitation au titre d'un local meublé affecté à l'habitation si le contribuable détient un appareil de télévision ou un dispositif assimilé au 1er janvier de l'année pour l'usage privatif du foyer (1° du II de l'article 1605 du CGI).

Les précisions suivantes peuvent être apportées :

- selon les informations mises en ligne par la direction des médias, la notion « d'appareil de télévision ou assimilé » a toujours signifié « tout dispositif permettant la réception de la télévision. N'importe quel dispositif technique de réception de la télévision est donc assujetti (CE, 25 juin 1975, Société " Le Grand Hôtel ", n° 91.050, Rec. p. 388) par exemple l'assemblage d'un moniteur vidéo et d'un "tuner" ». Vos rapporteurs estiment à cet égard que la doctrine fiscale, qui considère que la détention d'un ordinateur, même muni d'un dispositif lui permettant de recevoir la télévision, n'est pas soumise à la redevance, est contraire à l'esprit de la loi ;

- l'assujettissement à la redevance est en outre indépendant de l'usage effectif qui est fait du téléviseur. La redevance audiovisuelle n'est pas la contrepartie exacte d'un service rendu et le contribuable qui ne regarde pas les chaînes publiques ne peut prétendre s'exonérer du paiement de la taxe ;

- la condition de détention d'un téléviseur est considérée comme remplie dès lors que le contribuable n'a pas indiqué dans sa déclaration de revenus ne pas détenir de téléviseur dans sa résidence principale ou secondaire ;

- une seule redevance audiovisuelle est due, quel que soit le nombre de postes détenus dans l'ensemble des locaux meublés affectés à l'habitation pour lesquels le redevable est assujetti à la taxe d'habitation ;

- enfin des dégrèvements pour motifs sociaux sont prévus afin que le paiement de la redevance n'aggrave pas la situation de nos concitoyens les plus en difficulté. Ces dégrèvements sont pris en charge par l'État afin que les décisions sociales prises par le législateur n'aient pas d'impact sur les organismes de l'audiovisuel public.

b) La question de la prise en charge des dégrèvements de redevance pour motifs sociaux

L'article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, introduit par l'article 15 de la loi n° 2000-719 du 1 er août 2000, pose le principe de la prise en charge intégrale par l'État des exonérations de redevance audiovisuelle décidées pour des motifs sociaux.

Le montant des dégrèvements de redevance pris en charge par le budget général de l'État vient créditer le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel ». A l'occasion de la création du compte (par l'article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006), un plafond annuel a cependant été fixé afin de limiter le montant des dégrèvements de redevance pris en charge par le budget général (à 440 millions d'euros en loi de finances initiale (LFI) pour 2005, 440 millions d'euros en LFI 2006, 509 millions d'euros en LFI 2007, 493 en LFI 2008 et 488 millions inscrits en projet de loi de finances pour 2009. En pratique, les sommes allouées en remboursements de dégrèvements ont souvent été inférieures à celles des dégrèvements effectivement intervenus. Les montants des dégrèvements de redevance ont ainsi dépassé les plafonds des dégrèvements inscrits en loi de finances de 10 millions d'euros, 29 millions d'euros et 65 millions d'euros en 2004, 2005 et 2006 13 ( * ) . Les réponses au questionnaire envoyé au Gouvernement dans le cadre du projet de loi de finances pour 2009 font état d'une différence de 112,7 millions d'euros entre le montant des dégrèvements budgétés en loi de finances initiale pour 2007 (445,5 millions d'euros) et celui réellement dégrevé sur rôle (558,2 millions d'euros) cette année là.

L'absence de prise en charge intégrale par l'État des dégrèvements pour motifs sociaux a pour effet de partager le coût d'une politique sociale décidée par le législateur entre l'État et les organismes de l'audiovisuel public, en contradiction avec le principe posé par l'article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précité, et entraîne donc un manque à gagner pour les organismes de l'audiovisuel public.

La direction du budget observe à ce propos que « la progression attendue des ressources publiques des organismes de l'audiovisuel public, en 2007 (+2,6 % par rapport à 2006, soit +68,4 millions d'euros), et leurs ressources propres (+5,4 % par rapport à 2006), ne justifie pas une compensation intégrale des dégrèvements ». Ainsi le plafond de remboursement des dégrèvements joue-t-il un rôle de variable d'ajustement de l'ensemble des ressources publiques affectées à l'audiovisuel public aux besoins identifiés dans le contrat d'objectifs et de moyens. Ce qui détermine le financement de l'audiovisuel public, ce n'est donc plus le produit de la redevance, mais bien les contrats d'objectifs et de moyens (COM).

En contrepartie du plafonnement de la prise en charge par l'État des dégrèvements de redevance, l'article 55 de la loi de finances pour 2005 a cependant institué un mécanisme qui garantit la ressource publique des organismes du service public de l'audiovisuel : si les encaissements de redevance sont inférieurs au montant inscrit en loi de finances initiale, cette garantie-plancher (issue d'un amendement de M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial de la mission « Médias » à l'Assemblée nationale) prévoit que le budget général compense à due concurrence ce manque à gagner par une majoration du plafond des dégrèvements pris en charge par l'État. Là encore, les dégrèvements jouent un rôle de variable d'ajustement, mais cette fois-ci en faveur de l'audiovisuel public, qui se voit garantir un minimum de redevance, même si celle-ci est moins dynamique que prévu. Ce mécanisme, présenté en 2005 comme provisoire et destiné à protéger les ressources des aléas de la transition de l'ancien vers le nouveau régime, a été reconduit en 2006, 2007 et 2008 et mis en oeuvre en 2005, 2006 et 2007, années au cours desquelles l'application de la garantie a provoqué des réévaluations du plafond.

Ce système complexe, s'il peut apparaître comme un compromis équilibré dans un contexte budgétaire contraint manque toutefois de lisibilité et nuit à la logique d'affectation de la redevance au financement de l'audiovisuel public.

Vos rapporteurs s'interrogent donc sur l'intérêt du maintien d'un plafond de prise en charge des dégrèvements pour motifs sociaux , d'autant que les crédits budgétaires prévus pour France Télévisions à partir de 2009 au titre de la compensation de la suppression de la publicité, devraient permettre d'ajuster à un niveau pertinent la dotation de France Télévisions, voire de l'ensemble des organismes de l'audiovisuel public.

Au-delà de sa conformité avec les dispositions de la loi du 1 er août 2000 précitée, une telle décision permettrait de renforcer la légitimité de l'effort demandé aux Français du fait de l'indexation de la redevance. En effet, nos concitoyens auraient la certitude que la totalité de la redevance est bien versée au compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel ».

Le projet de loi de finances pour 2009 étant déjà adopté, vos rapporteurs estiment que cette suppression du plafonnement des dégrèvements pourrait être proposée dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances pour 2010, si le Gouvernement continuait à l'utiliser comme une variable d'ajustement.

2. Le problème du niveau de la redevance

Le montant de la redevance est de 116 euros en France métropolitaine et 74 euros dans les départements d'outre-mer. S'il est gelé depuis 2001, c'est parce qu'aucune indexation n'est prévue et que l'impopularité de la redevance rend difficile son augmentation par le législateur.

Ainsi, alors que jusqu'en 2003, le montant de la redevance était fixé par voie réglementaire et régulièrement revalorisé (passant de 107 à 112,5 euros de 1997 à 1998, puis à 113,42 euros en 1999, à 114,49 euros en 2000 et 2001), le taux de la redevance est resté inchangé depuis que l'article 37 de la loi de finances initiale pour 2004 a fixé les montants applicables à 116 euros en métropole et 74,31 euros pour les départements d'outre-mer.

Les propositions d'amendements de la commission des affaires culturelles du Sénat visant à augmenter le niveau de la redevance ont été systématiquement repoussées par la Haute-Assemblée, après avis défavorable des gouvernements successifs.

ÉVOLUTION DU MONTANT DE LA REDEVANCE

Année

Redevance audiovisuelle

Évolution (en  %)

Taux d'inflation

1994

96,2

+ 4

2

1995

102,14

+ 6,2

1,7

1996

106,71

+ 4,5

2,1

1997

112,05

+ 0

1,3

1998

113,42

+ 5

1,3

1999

114,49

+ 1,2

1,2

2000

114,49

+ 0,9

0,9

2001

114,49

0

1,2

2002

116,50

+ 1,8

1,5

2003

116

-0,1

1,5

2004

116

0

1,5

2005

116

0

1,8

2006

116

0

1,8

2007

116

0

1,8

2008

116

0

1,6

L'évolution de la redevance s'est donc faite par à-coups et n'est absolument pas conforme à l'évolution des prix depuis une dizaine d'années, comme le montre clairement le graphique suivant.

Source : commission des affaires culturelles

Cette absence d'évolution de la redevance a creusé l'écart, qui était déjà important, entre le montant de la redevance française et celui de nombreux pays européens , notamment l'Allemagne et la Grande-Bretagne.

Vos rapporteurs soulignent que l'application de l'indexation de la redevance sur l'inflation dès 2001 aurait porté son montant à 131 euros en 2008, et son produit à 3 263 millions d'euros, soit une différence de 373 millions euros par rapport aux recettes inscrites en loi de finances initiale pour 2008.

3. Les difficultés liées à l'élargissement de ses bénéficiaires

Les recettes issues de la redevance financent le groupe France Télévisions, ARTE-France, Radio France, la société en charge de l'audiovisuel extérieur, l'Institut national de l'audiovisuel et, à partir de 2009, le groupement d'intérêt public France Télé numérique.

En effet, l'article 23 du projet de loi de finances pour 2009 a prévu d'étendre le champ des bénéficiaires de la redevance au groupement d'intérêt public (GIP) France Télé numérique dont l'objet est de faciliter le passage à la télévision numérique.

Cette inscription est contestable sur les plans théorique et budgétaire :

- d'une part, sur le plan théorique, il n'est pas conforme à son objet que la redevance audiovisuelle soit affectée à un groupement qui comprend des personnes privées (TF1, Canal+ et M6 en détiennent 30 %) alors même qu'en contrepartie de leur participation au GIP, ces chaînes ont obtenu la prorogation de leur autorisation de diffusion ;

- d'autre part, le montant budgétaire concerné, qui ne correspond qu'à une dotation de 15 millions d'euros en 2009, pourrait être porté, selon les propos tenus par la ministre de la culture lors de la conférence de presse du 26 septembre 2008, à 72 millions d'euros en 2010 et à 131 millions d'euros en 2011.

Par ailleurs, l'absorption de Radio France Internationale (RFI) par la société de l'audiovisuel extérieur remet en partie en question la pertinence du financement de la radio par la redevance. S'il était légitime que cette radio, accessible à tous, soit financée par le contribuable audiovisuel, il peut paraître étrange qu'une holding qui comprend deux chaînes qui ne sont pas accessibles gratuitement aux contributeurs de la redevance (France 24 et TV5), disposent de recettes issues de cette dernière.

4. Un recouvrement qui présente encore des inconvénients

La réforme de la redevance en 2005 a consisté à l'asseoir sur la taxe d'habitation. Si son recouvrement a été amélioré, les contestations sur sa légitimité n'ont en revanche pas cessé.

Vos rapporteurs sont convaincus que la présentation de l'avis d'imposition commun à la taxe d'habitation et à la redevance est une source de confusion majeure . En effet, comme le démontre l'exemple ci-dessous, tout laisse à penser que le montant de la redevance est plus élevé qu'il ne l'est en réalité.

II - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

A. L'indexation de la redevance

Le I du présent article (alinéas 1 et 2) inscrit dans le III de l'article 1605 du code général des impôts le principe de l'indexation automatique et annuelle de la redevance sur l'indice des prix à la consommation hors tabac, tel qu'estimé par le rapport économique, social et financier annexé à chaque loi de finances.

Outre que le montant de la redevance évoluerait comme l'inflation, il serait arrondi à l'euro le proche, la fraction d'euro égale à 0,50 euro étant comptée pour 1.

Il est à noter que l'amendement initial de M. Patrice Martin-Lalande prévoyait que le montant était arrondi à l'euro supérieur, ce qui permettait une évolution plus dynamique de la redevance. M. Jean-François Copé a regretté, à cet égard, lors de la discussion sur l'article 19 du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de télévision, qu'ait été adopté un sous-amendement du Gouvernement revenant sur cette disposition.

Selon l'Institut national de la statistique et des études économiques, qui le détermine chaque année, l'indice des prix à la consommation (IPC) est « l'instrument de mesure, entre deux périodes données, de la variation du niveau général des prix sur le territoire français ». Il fournit un support d'indexation pour de nombreux contrats privés et dispositifs publics (comme le salaire minimum interprofessionnel de croissance) et constitue donc une référence légitime pour la redevance.

L'inflation pour 2009 étant estimée à hauteur de 2 % par le rapport économique, social et financier annexé à la loi de finances pour 2009, le montant de la redevance devrait passer de 116 à 118 euros (118,36 euros arrondis à la fraction d'euro la plus proche).

Selon les informations fournies par le Gouvernement à vos rapporteurs, l'indexation de la redevance (et l'élévation consécutive de son montant à 118 euros) entraînera, pour 2009, une augmentation de 47 millions d'euros de son produit .

B. Les mesures de coordination

Le II (alinéa 3) du présent article simplifie et actualise le III de l'article 53 de la loi du 30 septembre 1986 qui prévoit que le Parlement approuve la répartition des ressources publiques affectées au compte d'emploi de la redevance entre les sociétés Radio France, France Télévisions, Radio France Internationale, la société Arte-France et l'Institut national de l'audiovisuel :

- d'une part la référence aux « organismes affectataires » de la redevance est substituée à la mention des différentes sociétés de l'audiovisuel public, afin de prendre en compte la mise en place de l'entreprise unique France Télévisions prévue par le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision ;

- d'autre part, la référence au « compte de concours financiers » remplace celle du « compte d'emploi de la redevance » dans la mesure où l'article 24 de la loi organique n° 2001-692 du 1 août 2001 relative aux lois de finances prévoit que ce sont dorénavant les comptes de concours financiers qui retracent les prêts et avances consentis par l'État à des opérateurs extérieurs.

Le III (alinéas 4 et 5) du présent article tend à tirer les conséquences de la mise en place de l'entreprise unique France Télévisions et de la création de la société de l'audiovisuel extérieur de la France (AEF) prévues aux articles 1 et 2 du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, et à supprimer des dispositions du deuxième alinéa du IV de l'article 53 de la loi du 30 septembre 1986 devenues inutiles.

Cependant, cette nouvelle version du IV de l'article 53 du 30 septembre 1986 qui prohibe le versement par France Télévisions et l'AEF de recettes issues de la redevance à leurs filiales qui ne sont pas chargées de service public, pourrait légitimement être modifiée afin de prévoir que les dotations budgétaires de l'État ne pourront pas non plus être affectées aux dites filiales. Vos rapporteurs estiment que cette question devra être débattue lors de la discussion sur le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service de télévision.

III - La position de votre commission : renforcer la redevance et sa légitimité

A. Une indexation légitime mais insuffisante

Vos rapporteurs estiment que la redevance audiovisuelle prend tout son sens avec la décision de suppression de la publicité sur France Télévisions. En effet, cette décision :

- en renforçant la distinction entre les chaînes publiques et privées, est de nature à conférer une légitimité plus forte à la redevance audiovisuelle ;

- et permettra de clarifier le mode de financement des chaînes publiques.

Il reste que cette décision de suppression de la publicité sur France Télévisions entraîne un besoin de financement annuel supplémentaire pour France Télévisions (estimé à 650 millions d'euros à partir de 2012), qui justifie pleinement l'indexation de la redevance, laquelle constitue le financement naturel, pérenne et légitime de l'audiovisuel public.

En outre, la transformation du groupe en média global devrait accroître le besoin de financement de France Télévisions. Rappelons à cet égard que la commission pour la nouvelle télévision publique avait estimé les besoins nouveaux annuels de France Télévisions à 450 millions d'euros au titre de la compensation de la publicité et 200 millions d'euros complémentaires au titre de la nouvelle ambition du service public .

Vos rapporteurs y sont donc pleinement favorables.

Pour autant, ils estiment que ce maintien de la ressource en euros constants ne suffira pas, à court et moyen terme, à financer complètement France Télévisions et qu'elle ne permet pas non plus en elle-même de renforcer la légitimité de la redevance. C'est la raison pour laquelle votre commission a adopté deux amendements tendant respectivement à majorer le montant de la redevance de 116 à 118 euros et à prévoir que le montant de la redevance est arrondi, après indexation, à l'euro supérieur. Cette disposition, si elle était adoptée par la Haute-Assemblée, permettrait de porter la redevance à 120 euros en 2009 (après application de l'indexation), soit 10 euros par mois.

B. Rendre la redevance plus juste

1. L'extension de la redevance aux résidences secondaires ?

C'est l'article 41 de la loi de finances pour 2005 qui a mis en place une exonération de redevance pour les résidences secondaires, paradoxalement au moment où on l'adossait à la taxe d'habitation.

Cet adossement à la taxe d'habitation avait été proposé par M. Patrice Martin-Lalande dans un rapport de 2003 14 ( * ) , afin d'améliorer le rendement de la redevance. Mais ce rapport préconisait également la mise en place d'une redevance pour les résidences secondaires, « avec un montant attractif (par exemple de la moitié du taux prévu pour les résidences principales), valable quel que soit le nombre de résidences secondaires équipées d'un téléviseur, à titre permanent ou non ».

Vos rapporteurs estiment que cette mesure serait intéressante et conforme à l'esprit de la réforme tendant à adosser la redevance à la taxe d'habitation. Elle a au demeurant été proposée par la commission sur la nouvelle télévision publique. Toutefois, ils ont souhaité reporter ce débat à la discussion sur le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service de télévision qui aura lieu au Sénat au cours du mois de janvier 2009.

Selon le rapport rendu par la commission Copé, en partant de l'hypothèse que 2 millions de résidences secondaires détiendraient un téléviseur (sur les 3,2 millions de résidences secondaires recensées par l'INSEE), cette mesure aurait un rendement maximal de 232 millions d'euros annuels et de 116 millions d'euros avec un montant de redevance divisé par deux .

2. L'extension de la redevance aux ordinateurs les plus récents ?

Une autre mesure proposée par la commission Copé consisterait à étendre la redevance aux moyens modernes de réception de la télévision, à savoir, notamment, les ordinateurs. Il faut noter que l'article 1605 du code général des impôts semble indiquer que les dispositifs permettant de recevoir la télévision sont bien assujettis à la redevance, mais qu'une instruction fiscale a eu l'interprétation inverse.

Il n'y a en pratique aucune raison plaidant pour que les Français qui n'ont pas de téléviseur, mais qui regardent la télévision sur leurs ordinateurs, ne paient pas la redevance.

Selon le rapport de la commission pour la nouvelle télévision publique, cette mesure aurait un rendement annuel de 20 millions d'euros .

Là encore, vos rapporteurs pensent que la réflexion aura davantage sa place lors des débats sur le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service de télévision au cours duquel seront débattues les questions du financement de France Télévisions et de la mise en place d'une politique de média global.

C. Revenir à la logique de la redevance

La redevance a été mise en place afin de financer les chaînes de télévision et de radio publiques. Il apparaît en conséquence que la redevance aujourd'hui affectée à l'Institut national de l'audiovisuel et à Radio France internationale devrait plus logiquement être mobilisée au profit de France Télévisions.

Il a semblé à vos rapporteurs, que l'idée très pertinente de revoir le champ des bénéficiaires de la redevance devrait, elle aussi, être développée dans le cadre de la discussion sur le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de télévision.

C'est la raison pour laquelle ils n'ont fait aucune proposition en ce sens dans l'amendement sur le présent article qu'ils ont présenté à la commission. Ils rappellent toutefois que 140 millions d'euros annuels supplémentaires issus de la redevance pourraient ainsi être affectés à France Télévisions.

D. Travailler sur la pédagogie de la redevance

La légitimité et le montant de la redevance audiovisuelle sont régulièrement contestés dans l'opinion publique. Pourtant, indexée et revalorisée de deux euros comme le propose vos rapporteurs, la redevance ne représenterait que 10 euros par mois .

A comparer aux 135 euros mensuels consacrés aux télécommunications en moyenne dans les ménages français de 4 personnes et plus (Estimations ARCEP), cette somme paraît très faible.

C'est la raison pour laquelle vos rapporteurs préconisent de travailler sur la pédagogie de la redevance en :

- incitant à sa mensualisation ;

- présentant la redevance sur une page différente de celle utilisée pour la taxe d'habitation afin qu'aucune confusion ne soit possible ;

- et en imposant à France Télévisions et Radio France de diffuser des spots indiquant l'usage fait de la redevance.

La commission propose de donner un avis favorable à l'adoption de cet article ainsi modifié.

*

**

Sous le bénéfice des observations qui précèdent et des amendements qu'elle propose, la commission a donné un avis favorable à l'adoption du projet de loi de finances rectificative pour 2008.

* 1 Loi n° 2003-709 du 1 er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations.

* 2 Selon les informations mentionnées par M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale, dans le rapport n° 1297 sur le projet de loi de finances rectificative pour 2008.

* 3 « Propositions en faveur du développement du marché de l'art en France », rapport remis à Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, par MM. Martin Bethenod, Guy Cogeval, Laurent Vallée, Mmes Catherine Chadelat et Nathalie Moureau.

* 4 Association pour le Développement du Mécénat Industriel et Commercial.

* 5 Article 70 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005.

* 6 Compte-rendu des débats en séance publique, le 20 décembre 2005, Sénat.

* 7 La Maison des artistes est l'organisme agréé par l'Etat pour la gestion de la branche des arts graphiques et plastiques du régime obligatoire de sécurité sociale des artistes auteurs ; elle assure également une mission associative, visant à favoriser et à animer les actions et réalisations sociales en faveur des artistes des arts graphiques et plastiques.

* 8 Proposition de loi portant diverses mesures tendant à favoriser le développement du marché de l'art en France, présentée par MM. Philippe Marini et Yann Gaillard, n° 209 (2007-2008), Sénat.

* 9 Voir les dispositions de l'article 52 du présent projet de loi.

* 10 Si la redevance finance Radio France, on peut noter qu'elle ne s'applique plus aux postes de radio depuis le 1 er janvier 1987.

* 11 Voir, à cet égard, l'avis n° 79 (2006-2007) de M. Louis de BROISSIA, fait au nom de la commission des affaires culturelles sur le projet de loi de finances pour 2007, ou le rapport d'information n° 671 de M. Patrice Martin-Lalande du 31 janvier 2008 relatif à la communication de la Cour des comptes sur le bilan de la réforme de la redevance audiovisuelle.

* 12 Notons toutefois que certaines autorités administratives indépendantes disposent d'une très large autonomie sans bénéficier de garanties liées à l'affectation d'une taxe.

* 13 Communication de la cour des comptes relative au bilan de la réforme de la redevance audiovisuelle à la commission des finances de l'Assemblée nationale en octobre 2007.

* 14 Rapport d'information de M. Patrice Martin-Lalande, « Réformer la redevance, pour assurer le financement de l'audiovisuel public » (Doc. AN n° 1019, XIIè législature, 9 juillet 2003).

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