C. LES AUTRES MESURES

1. Les cotisations et contributions de sécurité sociale dues en cas de travail dissimulé (article 17 bis)

Le présent article corrige au sein de l'article L. 242-1-1 de la sécurité sociale les références à la nouvelle partie législative du code du travail entrée en vigueur au 1 er mai 2008 suivant l'article 2 de la loi n° 2008-67 du 21 janvier 2008 dans son article 2. En effet, ont été abrogées, à compter du 1 er mars 2008, les dispositions de la partie législative du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 73-4 du 2 janvier 1973.

Ainsi, le présent article substitut à la mention de l'article L. 324-10 du code du travail, les références aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 du même code relatifs à la définition du travail dissimulé par dissimulation d'activité ou par dissimulation d'emploi salarié.

2. Le régime social des parts à rendement subordonné (« carried interest ») (article 17 ter)

L'usage dans la profession du capital-risque est que les membres d'équipe de gestion de fonds soient associés aux risques et perçoivent un intéressement en fonction des résultats Les parts de « carried interest » ou parts à rendement subordonné pourraient s'apparenter à des bonus de rémunération des équipes de gestion des fonds communs de placement à risque (FCPR) et des sociétés de capital risque . En effet, dans le système des « carried interest», les salariés retirent, à mise égale, des plus values supérieures à celles réalisées par les investisseurs extérieurs.

L'assujettissement aux prélèvements sociaux des revenus liés aux « carried interest » fait l'objet de cet article introduit par l'Assemblée nationale , à l'initiative de notre collègue député Yves Bur, rapporteur général des recettes et de l'équilibre pour la commission des affaires sociales

a) Le régime fiscal de ces bonus a été encadré par la loi de finances pour 2009
(1) Un régime fiscal attractif...

L'instruction fiscale du 28 mars 2002 a assimilé les revenus liés aux « carried interest » à des plus-values à long terme soumises au taux forfaitaire d'impôt de 16 %, auquel s'ajoutent les prélèvements correspondant à la CSG et au supplément exceptionnel de cotisation sociale à hauteur de 11 %. Ce régime correspond à une pratique des affaires qui prévaut à Londres et dans nombre d'autres places financières.

Ce régime attractif se justifie par trois éléments : tout d'abord, il s'agit de faire en sorte que leurs intérêts soient conformes à ceux des investisseurs institutionnels ; ensuite de rémunérer la prise de risque de l'équipe de gestion ; enfin, de répondre à un standard international afin de ne pas encourager les délocalisations d'équipe par manque d'attractivité.

(2) ... dont le bénéfice est dorénavant encadré par la loi
(a) Les conditions d'application du régime fiscal des plus-values

L'article 15 de la loi de finances pour 2009, voté à l'initiative de votre commission des finances et codifié à l'article 163 quinquies C du code général des impôts encadre le régime fiscal des parts ou actions de « carried interest » 67 ( * ) que perçoivent les gestionnaires de fonds de capital-investissement. Il subordonne ainsi le bénéfice de la taxation au régime des plus-values au respect de trois conditions principales :

- une souscription des parts ou actions à la valeur réelle ;

- l'absence de distribution des gains associés à ces parts ou actions pendant cinq ans après la date de constitution du fonds commun de placement à risque (FCPR) ou de l'émission des actions de carried par la société de capital-risque (SCR) ;

- et un apport par les gestionnaires d'au moins 1 % du montant total des souscriptions reçues par le fonds , ou à titre dérogatoire un taux inférieur fixé par le décret n° 2009-1248 du 16 octobre 2009 fixant le taux minimal d'investissement dans certaines structures de capital-risque applicable à titre dérogatoire.

(b) La soumission à l'impôt sur le revenu suivant les règles applicables aux traitements et salaires en cas de non respect

Lorsque les conditions ci-dessus décrites ne sont pas réunies, les « carried interest » sont considérés comme des salaires et soumis au régime de droit commun : l'employeur doit acquitter les cotisations sociales et les bénéficiaires voient leur rémunération soumise à l'impôt progressif sur le revenu.

Ce principe est précisé à l'article 80 quindecies du code général des impôts : « Les distributions et les gains nets afférents à des parts de fonds communs de placement à risques, des actions de sociétés de capital-risque ou des droits représentatifs d'un placement financier dans une entité mentionnée au dernier alinéa du 8 du II de l'article 150-0 A , donnant lieu à des droits différents sur l'actif net ou les produits du fonds, de la société ou de l'entité et attribués en fonction de la qualité de la personne, sont imposables à l'impôt sur le revenu suivant les règles applicables aux traitements et salaires lorsque les conditions prévues au même 8 ou aux deuxième à neuvième alinéas du 1 du II de l'article 163 quinquies C ne sont pas respectées . »

(3) L'article 17 bis du PLFSS

L'article 17 bis du PLFSS pour 2010, adopté à l'initiative de notre collègue député Yves Bur au nom de la commission des affaires sociales, a pour objectif de transposer à la sphère sociale les règles qui prévalent dans la sphère fiscale depuis 2009 : ainsi les plus-values acquises au titre des « carried interest » seront assujettis aux prélèvements sociaux dans les mêmes conditions que les produits de placement pour autant qu'ils bénéficient du régime fiscal des produits de placement ou du patrimoine.

Si elles ne sont pas traitées fiscalement comme des produits de placement, en raison du non -respect des conditions fixées par le législateur en 2009 et précisées dans l'article 163 quinquies C du code général des impôts ( cf. supra ), les plus-values issues de la cession des « carried interest » basculent dans la catégorie « traitements et salaires » justifiant ainsi l'assujettissement à l'impôt sur le revenu 68 ( * ) , et donc l'assujettissement aux cotisations et contributions sociales sur les salaires.

Sur un plan technique , le I de l'article 17 bis du PLFSS propose d'insérer un article L. 242-1-4 dans le code de la sécurité sociale afin de préciser deux choses :

- d'une part, rentrent dans l'assiette des cotisations et contributions sociales décrite à l'article L. 242-1-4 du code général des impôts « les distributions et gains nets mentionnés à l'article 80 quinquies du code général des impôts qui sont imposables à l'impôt sur le revenu suivant les règles applicables aux traitements et salaires . » Il convient de noter que cette rédaction ne fait aucune référence à l'article 163 quinquies du CGI qui précise les conditions qui ouvrent droit au bénéfice du régime fiscal des plus-values.

- d'autre part, il est précisé que toutes les sociétés concernées par les « carried interest » transmettent avant le 31 janvier à l'organisme chargé du recouvrement des cotisations de sécurité sociale le montant des gains nets et des distributions qui sont imposables à l'impôt sur le revenu.

Le III de cet article précise les conditions d'entrée en vigueur de l'article en indiquant que les dispositions s'appliquent aux fonds communs de placement à risques (FCPR) créés à partir du 1 er janvier 2010 et pour les sociétés de capital risque aux actions et droits émis à compter de la même date.

Le II procède à une rectification d'erreur matérielle.

b) La position de votre rapporteur pour avis

Votre rapporteur pour avis se félicite de ce que la rédaction proposée respecte l'équilibre adopté lors de la loi de finances pour 2009, et qu'aucune déconnexion entre l'assiette fiscale et l'assiette sociale ne soit proposée. Toutefois, afin de garantir pleinement le respect de l'article 15 de la loi de finances, il propose de préciser dans le premier alinéa de l'article L. 242-1-4 que les distributions et gains nets issus des « carried interest » ne sont soumis à l'impôt sur le revenu que lorsqu'ils ne respectent pas les conditions de l'article 163 quinquies C du code général des impôts.

S'agissant de « l'entrée en vigueur des dispositions », il s'étonne toutefois de la date puisque l'article ne fait que préciser ce qui a été voté l'année dernière par le législateur. Or le nouveau régime fiscal, dont découle le régime social, des « carried interest » est entré en vigueur le 30 juin 2009. Votre rapporteur pour avis demandera des précisions en séance sur ce point afin de savoir quel régime est appliqué entre le 30 juin 2009 et le 1er janvier 2010.

3. Le champ de l'exonération de cotisation vieillesse pour les centres communaux et intercommunaux d'action sociale (article 18)

Le présent article propose de modifier le dernier alinéa du III de l'article L. 241-10 du code de la sécurité sociale relatif aux exonérations totales de cotisation d'assurance vieillesse sur les rémunérations des aides à domicile ayant la qualité d'un agent titulaire d'un centre communal ou intercommunal d'action sociale.

Cette disposition introduite par l'article 5 de la loi de financement pour 1999 impacte les recettes de la CNRACL , seule destinataire des cotisations afférentes au risque vieillesse. Depuis la mis en oeuvre du dispositif en 1999, le montant des cotisations vieillesse exonérées s'élève à plus de 190 millions d'euros , le coût annuel de cette exonération ayant été multiplié par trois entre 1999 et 2008.

Le présent article fait suite à la décision de la Cour de Cassation du 11 octobre 2007 qui a étendu le bénéfice de cette exonération à tous les agents titulaires des CCAS qui, quel que soit leur cadre d'emploi, ont pour activité principale l'aide à domicile. Cette décision donne une interprétation extensive de l'exonération, qui semble aller au-delà de la volonté initiale du législateur, lequel ne visait que les agents dont l'aide à domicile est statutairement leur fonction.

Les débats au Sénat à l'occasion du projet de loi de financement pour 1999 soulignent cet aspect, Mme Martine Aubry, alors ministre de l'emploi et de la solidarité expliquant que : « (...) cette exonération de charges sociales ne concernera que les agents titulaires à temps complet de la fonction publique territoriale qui exercent comme aides-ménagères auprès des personnes âgées ou handicapées. Leur nombre n'est donc sans doute pas considérable, puisque l'essentiel de ces professionnels exercent à temps partiel, mais il nous a semblé qu'il aurait été préférable de se donner le temps d'apprécier exactement les conséquences de la disposition concernée pour la CNRACL et d'étudier les modalités possibles de son application aux agents titulaires qui n'exercent cette activité que pendant une partie de leur temps. » 69 ( * )

Les mots employés par la ministre reprennent quasiment la formulation du décret n°92-849 du 28 août 1992, portant statut particulier du cadre d'emplois des agents sociaux territoriaux. L'article 2 qui décrit les fonctions des agents sociaux territoriaux est en effet ainsi rédigé :

« Les agents sociaux territoriaux peuvent occuper un emploi soit d'aide ménagère ou d'auxiliaire de vie, soit de travailleur familial. En qualité d'aide ménagère ou d'auxiliaire de vie, ils sont chargés d'assurer des tâches et activités de la vie quotidienne auprès de familles, de personnes âgées ou de personnes handicapées, leur permettant ainsi de se maintenir dans leur milieu de vie habituel. »

Les propos de la ministre, qui sont servi de base au vote du Parlement, semblent incontestablement réserver cette exonération aux agents sociaux territoriaux.

Le présent article propose donc de préciser au sein de l'article L. 242-10 que l'exonération totale de cotisation vieillesse pour les CCAS et CIAS ne concernent que les personnes relevant du cadre d'emplois des agents sociaux.

Votre rapporteur pour avis est favorable à cette modification qui non seulement permettra un retour aux intentions du législateur, mais aussi de limiter la jurisprudence de la Cour de Cassation qui pourrait, si elle était étendue à l'ensemble des agents titulaires des centres d'action sociale, entraîner une baisse sensible des recettes de la CNACRL, dont, il convient de le rappeler, que le conseil d'administration n'avait pu à l'époque se prononcer sur la mise en place de cette exonération non compensée par l'Etat.

4. La non-compensation par le budget de l'Etat d'une mesure d'exonération de cotisations sociales (article 19)

Le présent article propose d'écarter l'application du principe de compensation, énoncé à l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, pour un dispositif ayant pour conséquence de diminuer les recettes de la sécurité sociale. En effet, en vertu du IV de l'article L O. 111-3 du code de la sécurité sociale, « seules les lois de financement de la sécurité sociale peuvent créer ou modifier des mesures de réduction ou d'exonérations de cotisations de sécurité sociale non compensées aux régimes obligatoires de base ».

Pour la quatrième année consécutive, la loi de financement de la sécurité sociale, seule habilitée à autoriser des non-compensations, est ainsi amenée à écarter le principe énoncé à l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale.

La mesure dont le présent article propose la non-compensation a été introduite par l'article 3 de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer . Les employeurs relevant d'un département ou région d'outre-mer ou d'une des collectivités d'outre-mer concernées (Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin ou Saint-Barthélémy), dans lequel a été conclu un accord régional ou territorial interprofessionnel selon les modalités prévues à l'article L. 2232-2 du code du travail, peuvent, sous certaines réserves, verser à leurs salariés un bonus exceptionnel d'un montant maximal de 1.500 euros par salarié et par an.

Ce bonus exceptionnel, sous réserve de certaines conditions, est exclu de l'assiette de toutes les cotisations ou contributions d'origine légale ou conventionnelle rendues obligatoires par la loi, y compris de cotisations d'accidents du travail, puisqu'il s'agit d'une exemption d'assiette et d'une exonération, mais à l'exception de la CSG, de la CRDS et du forfait social . La durée maximale de l'exclusion d'assiette est de trois années calendaires à compter de la date d'effet à laquelle l'accord régional ou territorial interprofessionnel permet le versement d'un bonus ou, à défaut, de la date de conclusion de l'accord. Le montant du bonus exceptionnel ne peut excéder 1 500 euros par salarié et par année civile : il s'agit d'un montant brut, c'est-à-dire avant précompte de la CSG et de la CRDS au titre des revenus d'activité.

Le bonus exceptionnel est donc uniquement assujetti, à la CSG au titre des revenus d'activité, après application de la réduction forfaitaire de 3 % au titre des frais professionnels, à la CRDS mais aussi au forfait social . En effet, l'article L. 137-15 du code de la sécurité sociale assujettit au forfait social toute forme de revenus exclus de l'assiette des cotisations de sécurité sociale et assujettis à la CSG. Or le « bonus exceptionnel » présente précisément cette double particularité d'assujettissement à CSG et d'exclusion d'assiette de cotisations.

L'exposé des motifs du présent article justifie la non-compensation par le caractère exceptionnel de la mesure, destinée à répondre aux difficultés socio-économiques spécifiques rencontrées par les territoires ultramarins au début de l'année. Selon l'annexe 5 au présent projet de loi, le coût de cette mesure pour la sécurité sociale s'élèverait à 63 millions d'euros en 2009 et à 95 millions d'euros en 2010.

Si votre rapporteur pour avis reconnait le caractère exceptionnel du contexte qui a conduit au vote d'une telle mesure, il souhaiterait, qu'au regard de la situation qu'il vient de décrire s'agissant des déficits de la sécurité sociale, un moratoire soit mis en place quant à l'adoption de mesures d'exonération d'assiette de cotisations sociales non compensées qui représentent une perte nette pour les régimes de sécurité sociale.

* 67 Rappelons qu'il s'agit d'une catégorie de titres attribués discrétionnairement aux membres de l'équipe de gestion d'un fond afin de leur réserver un pourcentage (généralement 20 % de la performance supérieure à 8 % dans le domaine du private equity ) des plus-values et produits réalisés par le fonds.

* 68 Art. 80 quindecies du CGI.

* 69 Extrait des débats, séance du 2 novembre 1998.

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