C. LE MAINTIEN DES CAPACITÉS TECHNOLOGIQUES ET L'EFFORT DE RECHERCHE DE DEFENSE

L'action « maintien des capacités technologiques et industrielles » regroupe essentiellement les crédits consacrés aux études technologiques. Pour 2010, les dotations prévues s'élèvent à 1 015,9 millions d'euros en autorisations d'engagement (- 3,1 %) et 995,5 millions d'euros en crédits de paiement (- 0,4 %) .

Outre 55 millions d'euros de dépenses de personnel correspondant aux 1 898 emplois équivalents temps plein rattachés à l'action, cette dotation couvre essentiellement :

- des crédits d'études amont en diminution par rapport à 2009, avec 672,1 millions d'autorisations d'engagement (- 5 %) et 651,7 millions de crédits de paiement(- 1,3 %) ;

- ainsi que des subventions de fonctionnement, d'investissement ou d'études à l'ONERA, à l'Institut de Saint-Louis et aux écoles d'ingénieurs de la DGA 3 ( * ) (285 millions d'euros).

L'action « maintien des capacités technologiques » recouvre une grande partie de l'effort de recherche de défense, auquel contribuent cependant des dotations figurant sur d'autres actions ou programmes budgétaires, notamment les études prospectives et stratégiques et les études opérationnelles et technico-opérationnelles, déjà mentionnées, la part de recherche incluse dans les transferts à la direction des applications militaires du CEA et la contribution au Budget civil de recherche et développement (BCRD) au titre de la recherche duale.

1. L'évolution de l'effort de recherche et technologie : une diminution, hors domaine nucléaire

L'analyse des documents budgétaires ne permet pas d'appréhender clairement l'évolution de l'effort de recherche et de technologie, ni d'apprécier les dotations au regard des objectifs fixés par la loi de programmation militaire.

En ce qui concerne les agrégats habituellement retenus, notamment l'agrégat « recherche et technologie », harmonisé avec celui utilisé par l'Agence européenne de défense et nos partenaires européens, il ne coïncide pas avec la nomenclature budgétaire.

La loi de programmation militaire se réfère quant à elle aux « études de défense, hors dissuasion », ensemble également difficile à reconstituer d'après les documents budgétaires. Il est regrettable que ne figure pas, dans le projet annuel de performances, le montant de ces dotations afin d'en apprécier la conformité aux objectifs fixés par la loi de programmation militaire.

Votre rapporteur s'en tiendra aux éléments qui lui ont été communiqués par le ministère de la défense et qui retracent les agrégats « recherche et technologie » et « études de défense », dissuasion incluse.

Évolution des nouveaux agrégats « recherche et technologie »
et « études de défense »

(Crédits de paiement votés en LFI, en millions d'euros)

2007

2008

2009*

2010**

Études amont

paiements

637,1

656,8

644,6

676,06

660,1

653,2

Recherche et

Technologie

paiements

795,2

813,4

805,4

833,9

821,0

814,7

Etudes de défense

paiements

1 451,4

1 462,8

1 476,7

1 495,4

1 571,3

1 636,6

* hors crédits du plan de relance

** y compris les fonds de concours

Le socle de l'effort de recherche, constitué par les études amont , qui financent les programmes de recherche contractualisés avec l'industrie, se situera en 2010 dans la moyenne du niveau constaté ces dernières années, de l'ordre de 650 millions d'euros .

Plus précisément, les dotations relatives aux études amont enregistrent une diminution par rapport à la loi de finances initiale pour 2009 , de 5 % pour les autorisations d'engagement qui s'élèvent à 672 millions d'euros, et de 1,3 % pour les crédits de paiement, qui se montent à 651 millions d'euros. La réduction est particulièrement nette pour les études amont « espace » , pour lesquelles les autorisations d'engagement passent de 59 à 24,2 millions d'euros.

Les dotations d'études amont plafonnent donc en dessous des 700 millions d'euros et aucune progression n'est véritablement attendue au cours de la loi de programmation. Ce niveau reste donc nettement en deçà de l'objectif de 1 milliard d'euros par an qui était jugé nécessaire ces dernières années pour maintenir et renforcer nos capacités technologiques.

Au cours de l'année 2009, la recherche amont a néanmoins bénéficié de 110 millions d'euros supplémentaires au titre du plan de relance , qui sont venus s'ajouter à la dotation inscrite en loi de finances initiale. Cet effort très significatif relativise la diminution prévue pour 2010, mais il faut rappeler que les crédits du plan de relance constituent une avance qui devra être remboursée à compter de 2011. On ignore aujourd'hui si ce remboursement viendra en diminution de l'enveloppe « recherche », ou s'il sera réparti sur d'autres postes de dépenses.

L' agrégat « recherche et technologie » , qui englobe, outre les études amont, les subventions d'études et d'investissement à l'ONERA et la subvention à l'Institut franco-allemand de Saint Louis, suit la même évolution.

S'agissant des « études de défense hors dissuasion » , telles que s'y réfère la loi de programmation militaire 4 ( * ) , les crédits prévus pour 2010 s'élèvent, d'après les reconstitutions effectuées par votre rapporteur, à près de 860 millions d'euros, ce qui est légèrement inférieur à la moyenne annuelle prévue par la loi, qui est de 900 millions d'euros 2008 (5,4 milliards d'euros 2008 sur la période 2009-2014).

En revanche, si l'on retient l'agrégat « études de défense » , plus large puisqu'outre les études amont et les études technico-opérationnelles nucléaires, il couvre également les crédits de recherche et technologie du CEA ainsi que les crédits de recherche duale (BCRD), les dotations progressent de 4,2 % .

Le montant des dotations inscrites au programme « recherche duale (civile et militaire) », placé sous la responsabilité du délégué général pour l'armement, au sein de la mission « enseignement supérieur et recherche », restant fixé à 200 millions d'euros, la progression des dotations relatives aux études de défense est largement imputable aux crédits de recherche dans le domaine nucléaire .

L'effort particulier réalisé dans le domaine nucléaire est justifié par le nécessaire maintien des compétences, mais en l'absence de progression significative de l'enveloppe globale, il risque de s'effectuer au détriment des autres domaines.

S'agissant du programme recherche duale , son montant est reconduit d'année en année à 200 millions d'euros, dont 165 millions d'euros destinés au Centre national d'études spatiales et 35 millions d'euros au CEA. Un lien plus étroit a été établi, ces dernières années, entre la subvention au CNES et les besoins de la défense en matière spatiale, à travers une équipe mixte associant la DGA et l'état-major des armées.

Le Livre blanc a préconisé une évolution de ce programme , afin qu'il soit « plus clairement orienté vers la recherche de base dans le domaine de la défense et de la sécurité ». Il a également indiqué que « sa mise en oeuvre devra évoluer d'une logique de subvention vers une logique de financement de projets identifiés ».

Votre rapporteur souhaite que ces orientations se concrétisent et, de manière plus générale, que les actions en faveur de la recherche duale s'accentuent.

A ce titre, la DGA devra poursuivre le renforcement de son partenariat avec l'Agence nationale de la recherche, à travers le co-financement de projets intéressant la défense, et certaines grandes universités, comme son implication dans les pôles de compétitivité.

Il faut noter le lancement de l' initiative « Rapid » d'appui aux PME pour l'innovation duale . Une dotation de 10 millions d'euros a été mise en place en 2009 et le délégué général pour l'armement a indiqué à la commission le 3 novembre dernier que compte tenu du succès du dispositif, ce montant pourrait augmenter en 2010.

2. Les priorités de la politique de recherche et technologie

La loi de programmation militaire de la politique de recherche et technologie a précisé les principales priorités par grandes fonctions stratégiques :

- maintien de la crédibilité de la dissuasion avec démarrage des études du futur moyen océanique de dissuasion et adaptation des vecteurs balistiques et aérobies à l'évolution de la menace ;

- maîtrise des technologies pour la connaissance et l'anticipation : renseignement spatial, surveillance, exploitation du renseignement, charges utiles pour le renseignement spatial et tactique, opérations en réseaux, lutte informatique, technologies militaires de surveillance de l'espace et de radio logicielle ;

- poursuite de l'effort technologique pour la protection : surveillance des espaces nationaux, interception de cibles furtives, défense NRBC, soutien santé et protection des systèmes informatiques ;

- maintien de l'effort pour l'intervention : protection des forces, adaptation des systèmes d'armes aux menaces asymétriques, maintien de la capacité à frapper dans la profondeur, aviation de combat, technologies des missiles complexes et des munitions de précision ;

- prévention : maîtrise de l'énergie, impact des systèmes sur l'environnement.

Le tableau ci-dessous récapitule la part des différents domaines dans les études-amont au cours de ces dernières années.

Programmation des études-amont par systèmes de forces *

Systèmes de forces

2007

2008

2009

Dissuasion

19 %

22 %

22 %

Commandement et maîtrise de l'information

32 %

30 %

21 %

Projection mobilité soutien

6 %

5 %

5 %

Engagement et combat

60 %

58 %

53 %

Protection et sauvegarde

24 %

23 %

18 %

Etudes technologiques de base

7 %

7 %

7 %

* Un plan d'engagement d'études-amont pouvant concerner plusieurs systèmes de forces, le total est supérieur à 100 %.

En ce qui concerne les études amont , les principaux programmes bénéficiaires, en volumes d'engagement, seront en 2010 plusieurs projets relatifs aux technologies intéressant la dissuasion (démonstrateur de partie haute pour missile balistique, préparation de la rénovation à mi-vie et de l'évolution du missile ASMP/A), l' aviation de combat (démonstrateur de drone de combat Neuron, en coopération avec la Suède, l'Italie, l'Espagne, la Grèce et la Suisse ; démonstrateurs sur le moteur et la discrétion du Rafale), le projet de radio logicielle Essor , initié par la France au sein de l'Agence européenne de défense avec l'Italie, l'Espagne, la Suède, la Finlande et la Pologne, ainsi qu'un démonstrateur de capteur de renseignement électromagnétique .

On peut également signaler qu'après le lancement en février 2009 du démonstrateur spatial Spirale, destiné à préparer une future capacité spatiale en matière d'alerte sur les tirs de missiles balistiques, doit être lancé fin 2010 le démonstrateur spatial Elisa , visant quant à lui à préparer la future capacité d'écoute spatiale, dans le domaine de la détection d'émetteurs radar.

Il est également prévu de lancer en 2010 la réalisation d'un démonstrateur de radar de surveillance très longue portée (TLP) , qui pourrait fournir en 2015 une première capacité opérationnelle limitée d'alerte avancée pour les missiles à moyenne portée et portée intermédiaire. Toujours dans le domaine de la défense antimissile, les travaux de réalisation d'un démonstrateur de radar M3R (radar mobile, modulaire, multifonctions) doivent s'achever en 2010, ce démonstrateur visant à préparer la réalisation d'un radar de veille et de désignation pour une future capacité de défense antimissile contre les missiles balistiques « rustiques » de portée inférieure ou égale à 600 km.

On constate, à travers ces principaux programmes, que la politique de recherche et technologie vise à la fois à entretenir les compétences indispensables au renouvellement futur de nos équipements, notamment en matière aéronautique et spatiale ou de dissuasion, et à en développer dans des domaines nouveaux, comme la défense antimissile. Aux yeux de votre rapporteur, cette volonté de couvrir la quasi-totalité du spectre technologique risque de trouver ses limites dans le plafonnement actuel des financements accordés à la recherche et à la technologie .

3. Quelle accentuation de la coopération européenne en matière de recherche ?

Le renforcement de la coopération européenne en matière de recherche et de technologie est l'un des objectifs majeurs poursuivis par la France, notamment au travers de l'Agence européenne de défense. Il s'agit de regrouper les ressources limitées des pays européens et d'ouvrir la voie à des programmes européens sur les équipements futurs.

Selon l'indicateur associé au projet annuel de performances, les coopérations européennes sont restées très en deçà des objectifs en matière d'études prospectives et stratégiques ou d'études technico-opérationnelles. En revanche, la coopération européenne s'est accentuée dans le domaine des études amont , qui recouvre la majeure partie des actions de recherche et technologie. Le taux de 20 % pour la part de coopération dans les études amont et subventions aux organismes de recherche devrait être atteint en 2009 et progresser régulièrement les années suivantes.

Taux de coopération européenne en matière de prospective,

de recherche et de technologie

(en  % du montant des études)

2007

Réalisation

2008

Réalisation

2009

Prévision

PAP 2009

2009

Prévision

actualisée

2010

Prévision

2011

Objectif

Etudes prospectives et stratégiques

-

-

10

5

6

7

Etudes technico-opérationnelles

13,3

10,1

18

10

10

10

Recherche et technologie (études-amont)

17

19,3

20

20

21

22

D'après les indications fournies à votre rapporteur, un tiers des coopérations menées en matière de recherche et technologie le sont dans un cadre bilatéral, principalement avec le Royaume-Uni, qui représente la moitié des arrangements bilatéraux, et l'Allemagne. Les deux-tiers des coopérations sont menées en multilatéral , soit dans le cadre de l'Agence européenne de défense, soit dans le cadre d'arrangements ad hoc (comme par exemple pour le démonstrateur Neuron).

D'après les éléments statistiques récemment publiés par l'Agence européenne de défense 5 ( * ) , la part des coopérations européennes sur les dépenses de recherche et technologie des Etats membres s'est notablement accrue ces dernières années , passant de 9,6 % en 2006 à 13,1 % en 2007 et 16,5 % en 2008, pour un objectif souhaitable de 20 %. Toutefois, cette progression porte sur des montants modestes : les dépenses globales de recherche et technologie des Etats membres ont régressé, passant de 2,66 milliards d'euros en 2006 à 2,48 millions d'euros en 2008, et si la part relative des projets en coopération a augmenté, elle ne représente que 409 millions d'euros en 2008 (contre 254 millions d'euros en 2006).

Il y a un an, lors de la présidence française de l'Union européenne, le Conseil européen avait fixé un objectif de consacrer 2 % des dépenses de défense à la recherche et à la technologie . D'après l'Agence européenne de défense, ce pourcentage est loin d'être atteint et, ce qui est plus inquiétant encore, il est également en diminution , étant passé de 1,32 % en 2006 à 1,24 % en 2008. Il est qui plus est extrêmement concentré sur un petit nombre de pays, en premier lieu le Royaume-Uni et la France.

Ces indications montrent que la coopération, dans le cadre de l'Agence européenne de défense notamment, devrait constituer un levier pour amener un certain nombre de partenaires, dont la politique de recherche de défense est aujourd'hui limitée, à accentuer leur effort en contribuant à des projets communs.

L'Agence accueille deux catégories de projets de recherche et technologie :

- la catégorie A recouvre les programmes directement proposés par l'Agence à l'ensemble des Etats-membres. Ceux-ci sont réputés participer au projet, sauf décision contraire explicite ;

- la catégorie B recouvre des projets dont l'Agence n'assume pas directement la gestion et qui sont proposés, sur la base du volontariat, par plusieurs Etats-membres. L'Agence permet la publicité du projet mais l'entrée de nouveaux participants doit recueillir l'aval des Etats initiateurs.

Deux projets relèvent aujourd'hui de la catégorie A :

- le projet consacré à la protection des forces , approuvé par 20 Etats fin 2007 et qui a donné lieu à la notification de 18 contrats pour un montant de 55 millions d'euros ;

- le projet consacré aux concepts innovants et technologies émergentes approuvé fin 2008 par 10 pays pour un montant de 16,5 millions d'euros.

Un retour d'expérience est attendu avant d'initier d'autres démarches de ce type, le développement des activités de recherche de l'Agence s'étant plutôt réalisé à partir des projets de catégorie B, désormais nombreux, la France participant à une trentaine d'entre eux. Ces projets de catégorie B représentent un volume de 350 millions d'euros, les plus importants étant le programme de radio logicielle Essor, le programme de radar monté sur drone Simclairs et le programme relatif à l'insertion des drones dans le trafic aérien Midcas.

L'accentuation du rôle de l'Agence européenne de défense en matière de soutien à la recherche de défense européenne reste handicapée par les limitations posées à ses ambitions, ainsi qu'à son budget de fonctionnement et à son budget opérationnel, du fait de la position britannique. Toutefois, l'implication d'un pays comme la Pologne dans nombre de programmes de recherche placés sous l'égide de l'Agence démontre l'utilité de celle-ci et la nécessité de continuer à soutenir son action.

* 3 ONERA (120 millions d'euros) ; Institut Saint-Louis (17,7 millions d'euros) ; Ecole polytechnique (74,5 millions d'euros) ; Institut supérieur de l'aéronautique et de l'espace - ISAé (37,9 millions d'euros) ; Ecole nationale supérieure de techniques avancées - ENSTA (18 millions d'euros) ; Ecole supérieure des ingénieurs des études et techniques d'armement - ENSIETA (14,8 millions d'euros).

* 4 Crédits regroupant les études-amont contractualisées avec l'industrie hors études amont nucléaires, les études prospectives et stratégiques, les études opérationnelles et technico-opérationnelles hors dissuasion, ainsi que les subventions aux écoles de la DGA, à l'ONERA et à l'Institut de Saint-Louis.

* 5 «Defence Data 2008 »

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