IV. LES MARGES DE MANoeUVRE BUDGÉTAIRES ESCOMPTÉES

La déflation des effectifs devrait à terme permettre une diminution des dépenses de personnel du programme 178. Ces dépenses évoluent cependant en fonction de nombreux paramètres qui ne sont pas uniquement liés aux formats des armées.

A. LES GAINS ISSUS DE LA DÉFLATION DES EFFECTIFS

Comme en 2009, les dépenses de personnels du programme 178 pour 2010 se sont stabilisées à 15,4 milliards d'euros. La masse salariale est également stable à 9,8 milliards d'euros contre 9,9 milliards en 2009.

Mais cette stabilité masque, d'un côté, les gains issus de la déflation des effectifs et, de l'autre, les dépenses nouvelles liées aux mesures d'accompagnement .

Les gains s'élèvent à 163 millions d'euros auxquels il faut ajouter un solde du GVT négatif de l'ordre de 88 millions d'euros. Ce GVT négatif table sur des départs de personnels et non sur une diminution des recrutements qui conduirait, à l'inverse, à un GVT fortement positif.

Les dépenses nouvelles liées aux mesures d'accompagnement comprennent des mesures catégorielles de l'ordre de 93,2 millions d'euros, les mesures indiciaires qui avoisinent les 46 millions et l'accompagnement social des restructurations de l'ordre de 25 millions.

Selon les méthodes de calcul utilisées, le gain budgétaire net de la déflation se situe entre 50 et 100 millions d'euros en 2010 par rapport à 2009. Conformément aux prévisions, 65 % des gains sont utilisés pour les mesures catégorielles.

P178 en M€

PLF 2008

PLF 2009

PLF 2010

Déflation

- 45,46

- 126,1

- 162,76

Catégoriel

65,23

73,02

93,23

PAR

néant

69,56

21,97

Réservistes

néant

néant

2,16

Dans l'immédiat, les suppressions d'effectifs ne dégagent pas des marges de manoeuvre substantielles, d'autant plus qu'un certain nombre d'évolutions sont susceptibles de modifier le déroulement de la loi de programmation et partant de l'exécution du budget pour 2010.

Il s'agit de dépenses souvent sous-évaluées comme celles liées au désamiantage, à l'augmentation du bordereau des ouvriers d'Etat, des mesures relatives aux partenaires liés par un PACS, ainsi que l'ensemble des dépenses non prévues qui ne manqueront pas d'apparaître au fur et à mesure des restructurations.

Il s'agit également des dépenses liées à nos engagements hors du territoire national.

B. DES DÉPENSES A SURVEILLER : LE COÛT DES EFFECTIFS HORS TERRITOIRE NATIONAL

Les unités qui servent hors du territoire national recouvrent deux situations différentes : les forces prépositionnées dans des pays étrangers amis et les forces agissant dans le cadre d'une opération extérieure proprement dite, que cette opération soit placée sous commandement national ou international (ONU, OTAN, UE).

La France se caractérise par l'étendue de son dispositif puisqu'elle est présente sur quasiment tous les continents, comme l'illustre la carte suivante qui retrace la présence de l'armée de terre en dehors de la métropole.

Forces terrestres en posture opérationnelle hors métropole

Si la présence de nos forces hors du territoire national a naturellement été intégrée dans la loi de programmation et dans le projet de loi de finances, trois évolutions, qui auront des conséquences en matière d'effectifs et de crédits, seront à surveiller :

- la moindre déflation des effectifs dans les territoires d'outre-mer. Compte tenu de la situation, il est vraisemblable que la diminution des effectifs soit moins importante que prévue ;

- le renforcement de notre présence à Abou Dhabi ;

- le retour de la France au sein du commandement intégré de l'Otan.

1. Les forces prépositionnées : la montée en puissance de la base d'Abu Dhabi

La France dispose de forces prépositionnées dans quatre pays. Elle stationne traditionnellement des unités dans trois anciennes colonies d'Afrique avec lesquelles elle est liée par des accords de défense : le Sénégal, Djibouti et le Gabon.

Les forces présentes depuis parfois fort longtemps en Côte d'Ivoire ou au Tchad ne figurent pas dans le dispositif des forces prépositionnées, s'agissant d'opérations extérieures en cours. Une fois celles-ci terminées, nos forces auront vocation à rentrer dans leur totalité en France. De la même manière, l'Allemagne n'apparaît plus dans la liste des pays qui accueillent des forces prépositionnées. En revanche, une nouvelle implantation a été inaugurée en mai 2009 à Abou Dhabi, aux Émirats Arabes Unis.

Si l'on raisonne à périmètre constant, les effectifs des forces prépositionnées évoluent peu. La légère augmentation enregistrée (+ 101) correspond à la montée en puissance de la base d'Abou Dhabi, partiellement compensée par la diminution des effectifs stationnés au Sénégal.

Comme a pu le constater votre commission lors de la mission effectuée, du 15 au 22 juin 2009, auprès des forces françaises stationnées à Djibouti, sur la nouvelle implantation militaire française à Abou Dhabi aux Emirats arabes unis et sur l'opération de l'Union européenne « Atalanta » de lutte contre la piraterie dans le Golfe d'Aden, la base d'Abou Dhabi constituera, pour la France, un investissement important pour les années à venir.

Cette nouvelle base est répartie sur trois sites différents :

- une base navale et de soutien logistique, qui dispose d'un quai permettant d'accueillir n'importe quel bâtiment de la marine nationale, à l'exception du porte-avions Charles-de-Gaulle ;

- un détachement permanent de l'armée de l'Air sur la base émirienne d'Al Dhafra, qui compte actuellement trois Mirages 2000-5 ;

- un camp d'entraînement au combat urbain et en zone désertique situé dans le vaste camp militaire émirien « Zayed Military City ».

En effet, si les infrastructures, de très grande qualité, ont été entièrement construites et financées par les autorités émiriennes qui les mettent gratuitement à la disposition de la France, le coût de la construction étant estimé à 50 millions d'euros, le dispositif compte actuellement une centaine de militaires, dont quarante permanents, mais devrait monter progressivement en puissance pour atteindre 500 hommes.

Le budget de la base militaire française est de l'ordre de 20 millions d'euros, le soutien aux familles en représentant près de la moitié, compte tenu du prix très élevé des loyers.

Cette implantation militaire française aux Emirats arabes unis répond à trois missions essentielles : entretenir une présence militaire française interarmées « dissuasive », constituer un point d'appui prioritaire dans le Golfe persique et faciliter les activités d'entraînement, d'aguerrissement et de coopération. Elle peut, en outre, constituer une « vitrine technologique » pour faciliter nos exportations d'armement dans la région. Elle aura un coût dont on peut se demander s'il a été intégralement intégré dans les hypothèses d'évolution du budget pour les années à venir.

Ce coût doit, il est vrai, être considéré au regard de l'ensemble de notre dispositif qui devrait connaître en 2010 des changements importants en Afrique.

La présence militaire française en Afrique, traditionnellement articulée autour de quatre bases prépositionnées (Sénégal, Côte d'Ivoire, Gabon, Djibouti), fait en effet l'objet d'une importante réorientation. En 2008, profitant de la présence des effectifs de l'opération Licorne, les 484 soldats du 43 ème BIMa (Bataillon d'Infanterie de Marine), qui étaient présents de manière permanente en Côte d'Ivoire, ont été rapatriés. Ce pays n'accueille donc plus de forces prépositionnées.

Conformément aux préconisations du Livre blanc, il pourrait être décidé de fermer l'une des trois implantations de forces prépositionnées en Afrique (Dakar, Libreville ou Djibouti) et de réduire sensiblement les effectifs des deux autres.

L'objectif serait de conserver une plate-forme par façade maritime et une capacité de prévention en zone sahélienne. Par ailleurs, cette évolution devrait prendre en compte les nouvelles priorités telles que définies au Cap, notamment quant au soutien à l'architecture africaine de paix et de sécurité. Un groupe de travail interministériel a été constitué sous la présidence du secrétariat général de la Défense nationale. Il devrait présenter des propositions qui seront étudiées au plus haut niveau, en conseil de défense.

2. Les forces servant en opérations extérieures : des dépenses partiellement budgétisées

Le surcoût des opérations extérieures pour 2009 est actuellement estimé à 873 millions d'euros. Cette augmentation modérée de 43 millions d'euros par rapport à 2008 (+ 5 %) résulte essentiellement du lancement de l'opération Atalanta de lutte contre la piraterie au large des côtes somaliennes déclenchée par l'Union européenne, ainsi que du surcoût lié au théâtre afghan.

Conformément aux demandes réitérées de votre commission, qui souhaite une plus grande sincérité dans la détermination du montant de ces crédits, le financement des opérations extérieures en loi de finances initiale sera encore augmenté en 2010, puisque la provision s'établira à 570 millions d'euros, soit 60 millions d'euros de plus qu'en 2009, dont 30 millions d'euros seront prélevés sur la réserve de budgétisation. Rapporté au montant du coût des OPEX en 2009, c'est plus de 65 % de la dépense qui seraient financés dès le budget initial.

Sans évolution majeure du niveau d'engagement opérationnel et compte tenu du plein effet, à cette échéance, des mesures d'économies prises en 2009 en Côte d'Ivoire, au Kosovo et au Tchad, le coût des opérations extérieures pourrait diminuer en 2010 et le pourcentage de « couverture » budgétaire augmenter.

Il convient toutefois de garder à l'esprit les risques de dérapages liés à l'opération en Afghanistan . En 2009, le montant total du coût des opérations en Afghanistan est estimé à 330 millions d'euros (+ 40 %), ce qui représente 39 % du coût de l'ensemble des opérations menées par les forces françaises.

Compte tenu de la hausse des effectifs présents (3 247 militaires en moyenne), le coût en frais de personnel est désormais évalué à 120 millions d'euros. Les frais de fonctionnement s'élèvent à 55 millions d'euros, le transport stratégique à 45 millions d'euros, le maintien en condition opérationnelle des matériels à 52 millions d'euros.

Comme a pu le constater la mission de votre commission effectuée en Afghanistan en septembre dernier, ce coût élevé résulte non seulement de l'éloignement du théâtre afghan, atteignable depuis la France par voie aérienne seulement, mais également lié à des équipements personnels spécifiques et plus coûteux (gilets pare-balles de dernière génération, bottes de montagne spécifiques...) et au maintien en condition opérationnelle des matériels malmenés sur les pistes de montagne, beaucoup plus onéreux qu'ailleurs.

En 2010 comme en 2009, conformément à la loi de programmation militaire, le financement résiduel des OPEX ne reposera pas sur les crédits d'équipement de la Défense mais sur la réserve de précaution interministérielle.

3. Le retour de la France au sein du commandement intégré de l'Otan : un coût non anticipé

Le retour de la France au sein du commandement intégré de l'Otan, nécessitera l'envoi à l'étranger de plusieurs centaines d'officiers et de sous-officiers chargés de représenter la France au sein des instances de l'organisation.

Avant même sa pleine réintégration, la France était déjà présente dans les structures de l'Otan avec un effectif de 161 militaires soutenus par 81 agents. La décision d'une pleine réintégration de notre pays dans les structures de l'alliance devrait porter notre présence à environ 1 200 personnes dans les différents états-majors et organismes de l'Otan, dont 1 100 dans la seule structure de commandement. La montée en puissance des effectifs s'étalera jusqu'à l'été 2012. Les militaires français seront alors présents sur les 25 sites répartis dans 13 pays.

Votre rapporteur se félicite, à cet égard, de la nomination du général Stéphane Abrial à l'un des deux commandements suprême de l'OTAN.

La pleine participation à l'ensemble des budgets (fonctionnement et investissement) est évaluée en année pleine à 30 millions d'euros par an. Le coût de l'augmentation du nombre d'agents servant à l'étranger dans les structures de l'OTAN et les soutiens associés est évalué à 69 millions d'euros.

Selon l'état-major des armées, l'ensemble de ces surcoûts est estimé, sur la période 2010-2015, à environ 650 millions d'euros. Au total, en 2009, le coût de la réintégration par la France du commandement intégré de l'OTAN s'élèvera à 30 millions d'euros. En 2010, il atteindra 60 millions d'euros supplémentaires. Puis, en année pleine, ce surcoût dépassera largement 100 millions d'euros annuels.

Or le coût budgétaire de cette réintégration n'a, d'après les auditions effectuées par votre rapporteur, pas été prévu par la loi de programmation militaire.

Ces évolutions de nos effectifs hors métropole devront donc être prises en compte dans la gestion du budget 2010. Ces points n'ont pas du tout ou pas totalement été pris en compte dans la LPM. Ils auront un coût budgétaire qui, sans abondements complémentaires, pourrait conduire à accroître la sous-réalisation des effectifs.

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