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Avis n° 103 (2009-2010) de M. Alain MILON , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 19 novembre 2009

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N° 103

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 novembre 2009

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur le projet de loi de finances pour 2010 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME IV

SANTÉ

Par M. Alain MILON,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : Mme Muguette Dini , présidente ; Mme Isabelle Debré, M. Gilbert Barbier, Mme Annie David, M. Gérard Dériot, Mmes Annie Jarraud-Vergnolle, Raymonde Le Texier, Catherine Procaccia, M. Jean-Marie Vanlerenberghe , vice-présidents ; MM. Nicolas About, François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Gisèle Printz, Patricia Schillinger , secrétaires ; M. Alain Vasselle, rapporteur général ; Mmes Jacqueline Alquier, Brigitte Bout, Claire-Lise Campion, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mme Jacqueline Chevé, M. Yves Daudigny, Mme Christiane Demontès, M. Jean Desessard, Mme Sylvie Desmarescaux, M. Guy Fischer, Mme Samia Ghali, MM. Bruno Gilles, Jacques Gillot, Adrien Giraud, Mme Colette Giudicelli, MM. Jean-Pierre Godefroy, Alain Gournac, Mmes Sylvie Goy-Chavent, Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, M. Claude Jeannerot, Mme Christiane Kammermann, MM. Marc Laménie, Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Jacky Le Menn, Jean-François Mayet, Alain Milon, Mmes Isabelle Pasquet, Anne-Marie Payet, M. Louis Pinton, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente-Baudrin, MM. René Teulade, François Vendasi, René Vestri, André Villiers.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) : 1946, 1967 à 1974 et T.A. 360

Sénat : 100 et 101 (annexe n° 27 ) (2009-2010)

Les crédits de la mission « Santé » pour 2010

en euros

Mission et programmes

Demande de crédits
de paiement pour 2010

Variation par rapport aux crédits ouverts en 2009

204

Prévention et sécurité sanitaire

491 322 830

+ 1,1 %

11

Pilotage de la politique de santé publique

96 912 136

- 1,9 %

12

Accès à la santé et éducation à la santé

49 060 000

+ 5 %

13

Prévention des risques infectieux et des risques liés aux soins

103 099 660

+ 14, 5 %

14

Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades

115 660 000

- 1,9 %

15

Prévention des risques liés à l'environnement, au travail et à l'alimentation

36 441 034

+ 6,8 %

16

Réponse aux alertes et gestion
des urgences, des situations exceptionnelles et des crises sanitaires

66 000 000

- 13 %

17

Qualité, sécurité et gestion des produits de santé et du corps humain

24 150 000

+ 7,2 %

171

Offre de soins et qualité du système de soins

124 580 160

-0,2 %

01

Niveau et qualité de l'offre de soins

111 390 160

+ 22,5 %

02

Modernisation du système de soins

13 190 000

- 61 %

183

Protection maladie

585 000 000

+ 8,4 %

01

Accès à la protection maladie complémentaire

0

0 %

02

Aide médicale de l'Etat

535 000 000

+ 9,2 %

03

Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante

50 000 000

0 %

Total mission Santé

1 200 902 990

+ 4,4 %

Evolution constatée et programmée des crédits de paiement de la mission santé

(en millions d'euros)

Mission/
Programme

2008

2009

2010

2011

Santé

1 088

1 150,6

1 200,9

1 188,2

Prévention et sécurité sanitaire (libellé modifié)

462,8

485,9

491,3

468,7

Offre de soins et qualité du système de soins

112,3

124,8

124,6

165,1

Protection maladie

513

540

585

540

Les crédits pour 2008 ou 2009 sont les crédits ouverts, les crédits pour 2010 sont les crédits demandés
et les crédits pour 2011 sont ceux prévus par le programme annuel de performance annexé au PLF 2009.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Comme chaque année, examiner les crédits de la mission « Santé » au sortir de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale incite à la modestie. Bien qu'ils augmentent cette année de 4,4 %, ces crédits ne s'élèvent en effet qu'à un peu plus de 1,2 milliard d'euros auxquels s'ajoutent plus de 4,9 milliards d'exonérations fiscales. L'essentiel de ces exonérations est imputable à trois dispositifs :

- l'exonération de droit d'enregistrement et de timbre en faveur de certains contrats d'assurance maladie complémentaire (pour environ 2,1 milliards) ;

- le taux préférentiel de TVA applicable aux médicaments remboursables ou soumis à autorisation temporaire d'utilisation et aux produits sanguins (1,1 milliard) ;

- la déduction du revenu imposable de certaines cotisations aux assurances complémentaires des indépendants (800 millions).

Ces quelque 6 milliards de budget et de dépenses fiscales restent toutefois peu de chose comparés aux 180 milliards d'objectifs de dépense de la branche maladie, maternité et décès des régimes de sécurité sociale.

Les interactions avec l'assurance maladie sont néanmoins particulièrement fortes, comme le montre l'analyse des trois programmes de taille inégale qui composent la mission « Santé ».

Le moins doté est le programme 171 « Offre de soins et qualité du système de soins » , relatif à l'hôpital, dont les crédits pour 2010 s'élèvent à 125 millions d'euros, sans rapport avec les 75 milliards dédiés par l'assurance maladie à l'hôpital. De fait, les crédits de ce programme servent essentiellement au financement des stages extra-hospitaliers dans le cadre des formations médicales des futurs médecins.

Le programme le plus important, le programme 183 « Protection maladie » est, lui aussi, étroitement lié aux dépenses d'assurance maladie. Il a essentiellement pour mission de prendre en charge la couverture maladie de ceux qui ne peuvent prétendre à une affiliation à la sécurité sociale, c'est-à-dire essentiellement les immigrés clandestins. De fait ce sont les dépenses de cette aide médicale d'Etat qui connaissent la plus forte progression cette année, soit 45 millions, ce qui établit les crédits du programme à 585 millions et explique la quasi-intégralité de l'augmentation de 4,4 % des crédits totaux de la mission « Santé » pour 2010.

Cette augmentation de la charge de l'AME mérite qu'on s'y attarde. Bien qu'elle paraisse importante (plus de 8,3 % des crédits du programme 183 et 3,75 % du montant total de la mission), elle traduit en fait un simple effort de sincérité budgétaire. Votre commission et la commission des finances ont en effet dénoncé, depuis de nombreuses années, l'insuffisance continue de la dotation prévue par le budget de l'Etat. Malgré les efforts accomplis, l'Etat a constitué depuis 2007 une dette de près de 230 millions d'euros auprès de l'assurance maladie à ce titre. L'augmentation de 45 millions des crédits vise donc essentiellement à prévenir la formation de nouvelles dettes, sans que l'on puisse être sûr qu'elle suffira.

Il conviendra, dans le cadre des prochains travaux budgétaires, d'analyser la dynamique de ce poste de dépenses. Le programme annuel de performance note une tendance à la hausse de 1 % des dépenses, ce qui est nettement inférieur à l'évolution générale des dépenses de santé que le conseil de la Cnam estime à 3,7 % par an. Il envisage par ailleurs 5 millions d'économies grâce à l'extension de différentes mesures de contrôle déjà appliquées aux assurés sociaux. Or, il est douteux que la propension des immigrés clandestins à consommer des soins soit moindre que celle de la population générale. Il en découle que, soit la programmation budgétaire s'avérera encore insuffisante, soit, plus probablement, que les besoins en santé de cette population ne seront pas intégralement couverts, essentiellement par renonciation aux soins. Ceci pose un problème réel de santé publique dont le coût ne peut cependant être négligé.

Le dernier programme de la mission est le seul à être centré sur la santé publique. Il s'agit du programme 204 « Prévention et sécurité sanitaire » qui connaît une progression modeste (1,1 %), l'augmentation de 13 millions de son action « Prévention des risques infectieux et des risques liés aux soins » venant plus que compenser la baisse de la plupart des autres postes. Cette augmentation est la conséquence de la recentralisation des compétences en matière de dépistage des cancers, de vaccinations, de lutte contre la tuberculose et la lèpre, ainsi que contre le Sida et les infections sexuellement transmissibles à la suite du choix d'y renoncer fait par plusieurs départements.

Au delà de la stricte analyse budgétaire, trois thèmes méritent ici d'être plus particulièrement étudiés : l'évolution du système des agences sanitaires, la mise en place du plan cancer II et la nécessité de faire face aux besoins en termes de santé mentale.

I. L'ÉVOLUTION DU SYSTÈME DES AGENCES SANITAIRES

Il existe sept agences sanitaires placées, à l'exception de la Haute Autorité de santé 1 ( * ) , sous la tutelle du ministre de la santé. Elles exercent deux types de fonction. Certaines, dont l'agence française de sécurité sanitaire et des produits de santé (Afssaps), l'agence de la biomédecine (ABM) et l'institut national du cancer (INCa), ont des pouvoirs de police sanitaire. Les autres sont des agences d'expertise qui ont une compétence d'évaluation, de veille ou d'alerte, voire d'animation de réseaux de professionnels, mais n'ont pas de pouvoir de décision : institut de veille sanitaire (InVS), agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa), agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (Afsset), HAS, institut national de prévention et d'éducation pour la santé (Inpes).

La création de ces agences sanitaires a été engagée dès les années 1988-1989, avec les premières agences de recherche sur le Sida et de lutte contre l'épidémie. Cette forme de régulation s'est ensuite imposée lorsqu'on a institué les premières agences de sécurité sanitaire en 1993. Dans leur forme actuelle, les agences découlent d'une série de textes législatifs adoptés entre 1998 et 2004 : ainsi, l'InVS a été créé en 1998, l'Afssa en 1999, l'Afsset en 2001, l'Inpes en 2002, l'ABM, l'INCa et la HAS en 2004.

Au moment où les échéances prévues par les lois de bioéthique et de santé publique vont amener le législateur à s'interroger à nouveau sur la cohérence du système d'agences, il est utile de s'assurer qu'elles s'insèrent dans la nouvelle organisation territoriale de la santé issue de la loi HPST 2 ( * ) . Il faut également se pencher à nouveau sur le travail de mise en cohérence de la compétence des agences, et plus particulièrement sur la fusion prévue entre l'Afssa et l'Afsset.

A. L'ARTICULATION ENTRE LES AGENCES ET LES AGENCES RÉGIONALES DE SANTÉ

En prévoyant une organisation régionale de la santé, la loi HPST impose une reconfiguration de l'ensemble du système sanitaire ainsi qu'une réflexion nouvelle sur la place des agences. Celles-ci doivent en effet conserver leur rôle dans la définition de la politique nationale de santé et permettre aux réseaux territoriaux dont elles disposent de fonctionner avec les nouvelles agences régionales de santé (ARS).

1. Conserver la place des agences dans la définition de la politique nationale de santé

L'importance de la politique nationale de santé, définie à l'article L. 1411-1 du code de la santé publique, a été consacrée par la loi HPST, qui précise que les ARS déclinent au niveau régional les actions définies au niveau national. Cette articulation doit s'effectuer au travers du conseil national de pilotage des agences régionales de santé, qui donnera aux ARS leurs directives pour la mise en oeuvre de la politique de santé sur le territoire et veillera à la cohérence de leur action. Il évaluera cette action ainsi que les directeurs généraux des agences. La traduction territoriale de l'action des agences sanitaires passe donc par un droit de regard sur le pilotage exercé par ce comité. Le programme annuel de performance prévoit donc logiquement que « les agences sanitaires, l'InVS et l'Inpes, ainsi que la HAS, ont vocation à être associés au conseil national de pilotage des ARS » , les modalités de cette association restant encore à définir.

La participation des agences à la définition de l'action des ARS est d'autant plus importante qu'elles élaborent, pour la plupart d'entre elles, des outils de prévention, que ce soit au travers de campagnes comme l'Inpes, de l'étude des risques comme l'Afssa et l'Afsset, ou de la définition de normes, comme l'INCa en ce qui concerne le cancer. Or, le renforcement de la politique de prévention doit constituer, dès 2010, un des objectifs contenus dans la « feuille de route » des ARS. Le premier des trois « enjeux opérationnels » identifiés par le ministère pour la mise en place des ARS est lui aussi directement lié aux agences sanitaires, puisqu'il demande aux préfigurateurs de mettre les agences régionales « en mesure de faire face aux situations d'alerte et de crise sanitaires » , ce qui implique une coopération étroite avec l'InVS et ses réseaux locaux de collecte d'information.

La loi HPST a également prévu plusieurs mécanismes tendant à renforcer la qualité des soins dispensés et à permettre le développement des initiatives locales en matière d'évolution des pratiques de soins et d'éducation thérapeutique. La HAS est logiquement placée au coeur des décisions de gestion des équipements, sur lesquelles elle se prononce par voie d'avis et d'appréciation des initiatives ; elle doit en contrôler la qualité et permettre leur généralisation. L'articulation entre les ARS et la HAS doit donc également être précisée pour s'exercer de la manière la plus fluide possible et éviter que l'investissement des professionnels de santé de terrain ne se trouve érodé par des blocages administratifs.

La mise en place des liens nationaux entre ARS et agences sanitaires doit s'accompagner d'une mise en cohérence des réseaux locaux des agences.

2. La difficile mise en cohérence des réseaux territoriaux avec les agences régionales de santé

Certaines agences sanitaires ont développé, au fil du temps, des réseaux territoriaux propres qu'il est aujourd'hui nécessaire de mettre en cohérence avec les ARS. Il convient en effet d'éviter que ce panorama éclaté n'aboutisse à une dispersion des moyens des agences.

Deux institutions disposent d'un réseau territorial développé : l'Inpes et l'InVS. L'Inpes siège au conseil d'administration des vingt-six groupements régionaux de santé publique et se trouve en position d'animation des actions de prévention locales. L'InVS dispose de dix-sept cellules interrégionales pour l'épidémiologie.

Les autres institutions disposent de relais territoriaux plus ou moins développés : l'agence de la biomédecine (ABM) compte quatre services de régulation et d'appui, qui constituent le niveau déconcentré de l'agence. Elle organise son action en matière de greffes autour d'un pôle national et de sept zones interrégionales de prélèvement et de répartition des greffons.

Bien qu'il ne rentre pas dans le cadre des agences sanitaires, l'établissement français du sang (EFS) rencontre la même difficulté : il s'appuie sur quatorze établissements régionaux de transfusion sanguine en métropole et trois outre-mer. La réorganisation des schémas régionaux de la transfusion sanguine en 2011 donnera donc nécessairement lieu à des négociations avec les ARS sur la compétence, voire le développement, des établissements.

Enfin, les agences d'expertise comme l'Afssa et l'Afsset n'ont pas, par nature, de relais territoriaux, puisqu'elles ont au contraire pour vocation de réunir dans des groupes de travail communs l'ensemble des experts disponibles en France, et éventuellement aux niveaux européen et international.

La création des ARS impose aux agences sanitaires de faire un choix concernant leur positionnement territorial. Plusieurs possibilités s'offrent à elles : développer un réseau qui corresponde à l'implantation et aux attentes des agences régionales, se concentrer sur leur action nationale ou développer un réseau indépendant dont l'action viendra compléter celle des ARS.

La question du développement d'un réseau d'appui aux ARS se pose principalement pour l'InVS, qui se trouve sollicité par les préfigurateurs pour développer des centres qui ne soient plus interrégionaux mais régionaux, ce qui s'avère budgétairement impossible à court terme. L'InVS se propose donc de développer des antennes régionales des centres existants pour répondre aux besoins des ARS. Une dotation budgétaire spécifique devra néanmoins être envisagée pour le développement de véritables capacités régionales de surveillance épidémiologique.

L'Inpes, qui dispose déjà d'un réseau régional complet, voudrait se voir associé aux ARS de manière plus étroite et disposer d'une place au conseil d'administration de chacune des agences régionales. Cette demande, bien que légitime, risque de rendre encore plus complexe la gestion des agences.

A l'inverse, l'ABM semble être décidée à se recentrer le plus possible sur ses compétences nationales et à s'appuyer sur les ARS en fonction des besoins. Cette décision conforte le choix qu'elle a fait dès 2007 de réduire le nombre de ses services de régulation et d'appui. Une telle approche permet en effet d'éviter une inflation sans objet des échelons régionaux des différents organismes, qui serait susceptible de remettre en cause la volonté d'unification des moyens et de rationalisation des décisions et des actions qui a présidé à la mise en place des ARS.

La HAS a cependant fait le choix de s'appuyer sur un réseau préexistant et indépendant des ARS pour assurer la qualité des soins. Il s'agit de la fédération des organismes régionaux pour l'amélioration des pratiques en établissement de santé (Forap) créés en 2007 à partir d'initiatives régionales. Ce choix correspond tant à l'indépendance de la HAS qu'à la mission qui lui a été confiée par la loi HPST d'accompagner l'émergence des meilleures pratiques à partir du terrain. Il conviendra néanmoins de veiller à la complémentarité de cette action avec celle des ARS.

Il est naturel que la mise en place des ARS entraîne un certain nombre d'ajustements et de tâtonnements de la part des agences sanitaires. La variété des solutions retenues, qui correspond à la variété des agences elles-mêmes, ne doit cependant aboutir ni à une augmentation disproportionnée des coûts liés à la mise en place de nouvelles structures, ni à la perte d'efficacité des agences ou à une concurrence avec les ARS. Votre rapporteur souhaite donc que le Sénat demeure particulièrement vigilant sur cette question au cours des prochaines années.

B. LA FUSION AFSSA-AFSSET

L'article 115 de la loi HPST a habilité le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures permettant la création d'un nouvel établissement public à partir de la fusion de l'Afssa et de l'Afsset. Votre rapporteur, qui était aussi celui de ce texte, avait alors souligné à la fois son désaccord avec le recours aux ordonnances et sa satisfaction quant au rapprochement entre ces deux agences 3 ( * ) . Il est regrettable que les engagements pris alors par la ministre de la santé d'associer le Parlement au processus d'élaboration des ordonnances n'aient pas été suivis d'effet. La rationalisation du système d'agences, que le Parlement a appelé plusieurs fois de ses voeux, met en jeu des principes trop importants pour se dérouler sans qu'il y soit étroitement associé. L'habilitation prenant fin le 21 janvier 2010, il est nécessaire de préciser les enjeux de cette fusion, qui présente des avantages importants mais impose des choix qui, au-delà des deux organismes directement en cause, sont porteurs d'effets sur la crédibilité de l'ensemble du système d'agences sanitaires.

1. Des avantages importants

La fusion de l'Afssa et de l'Afsset répond au besoin d'assurer la cohérence et l'efficacité des agences sanitaires au niveau européen.

Créée par la loi du 1 er juillet 1998, complétée par la loi du 5 janvier 2006 et organisée par un décret du 26 mars 1999, l'Afssa a pour mission de contribuer à la protection et à l'amélioration de la santé publique, ainsi que de la santé et du bien-être des animaux, de la santé des végétaux et de la qualité sanitaire de l'environnement.

L'Afsset, instituée par la loi du 9 mai 2001, est placée sous la tutelle des ministres chargés de la santé, de l'écologie et du travail avec pour mission de contribuer à assurer la sécurité sanitaire dans le milieu du travail et de l'environnement.

On constate donc d'emblée que les deux domaines de compétences se recoupent sur la question de l'environnement. Deux questions plus précisément voient l'action des deux agences s'entrecroiser : l'eau et les questions phytosanitaires. L'Afssa est ainsi compétente pour les eaux consommables et l'Afsset pour les eaux de baignade, tandis que les deux agences utilisent la même base de données pour l'étude des produits phytosanitaires et des médicaments vétérinaires. L'interpénétration des compétences fait que de nombreux travaux sont déjà conduits en commun, sur les pesticides par exemple. A l'inverse, ne pas unifier les travaux conduirait à étudier un même problème de manière partielle et sous plusieurs angles différents. De plus, l'Afssa et l'Afsset font souvent appel aux mêmes chercheurs sur des questions analogues, ce qui pose un problème de gestion matérielle des compétences disponibles.

Ces éléments sont importants pour comprendre l'utilité d'un rapprochement, mais ils ne sont pas déterminants. En effet, le rapprochement de l'Afsset a été envisagé, avec des gains de cohérence analogues, tant avec l'InVS qu'avec l'institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) tant le domaine de l'expertise en matière de santé environnementale est vaste et imbriqué. On peut penser que seule une agence unique de l'expertise scientifique, dont la création a été préconisée par de nombreux sénateurs lors des débats sur le Grenelle de l'environnement, permettrait d'éviter tout chevauchement de compétences, mais elle présenterait le risque de noyer les domaines de recherche dans une masse difficile à hiérarchiser et d'interdire à nouveau de faire avancer de manière pérenne les connaissances sur des domaines précis comme la santé au travail.

Les considérations budgétaires ne sont pas non plus déterminantes pour le rapprochement de l'Afssa et de l'Afsset. Il n'y a guère d'économies d'échelle à attendre de la fusion de deux entités de taille aussi inégale que l'Afssa, qui emploie mille deux cents salariés, et l'Afsset qui en compte cent cinquante. La fusion sera même plutôt productrice de coûts, car il faudra trouver un siège commun au nouvel établissement public.

C'est une question plus fondamentale qui sous-tend le rapprochement entre l'Afssa et l'Afsset : quelle doit être la taille critique des agences sanitaires chargées de l'expertise scientifique ? Dans son dernier rapport budgétaire, votre rapporteur a déjà eu l'occasion de souligner l'importance de l'insertion des agences françaises dans le mécanisme des agences européennes. La capacité à être reconnu comme une référence parmi les agences nationales, et la capacité humaine et technique à répondre aux appels d'offres, déterminent la place de l'expertise scientifique et donc des normes sanitaires françaises en Europe. De ce point de vue, tout rapprochement cohérent, et celui entre l'Afssa et l'Afsset en est un, renforce le système d'agence français. L'existence d'une volonté politique en ce domaine emporte la décision et offre la garantie que la fusion sera menée à son terme opérationnel.

Il convient cependant de veiller à ce que les choix faits à l'occasion de cette fusion n'entachent pas la crédibilité du système d'agences sanitaires.

2. Les enjeux du débat parlementaire

L'Afssa et l'Afsset, bien qu'étant des agences d'expertise intervenant dans le même domaine, correspondent à deux modèles très différents. L'Afssa, appuyée sur ses laboratoires qui regroupent quelque huit cents chercheurs, est d'abord tournée vers ses compétences internes qui doivent fournir l'expertise et s'imposer comme référence. L'Afsset, à l'inverse, tire sa légitimité de son ouverture tant vers les acteurs de la société civile, qui sont représentés au sein de son conseil d'administration, que vers des experts extérieurs à l'agence. Pour cent cinquante salariés, l'Afsset emploie quatre cents experts correspondants.

La première difficulté est celle de la gouvernance. Avec quatre ministères de tutelle (agriculture, environnement, santé et travail), la nouvelle entité risque fort, si elle doit également intégrer des représentants des organisations non gouvernementales et des partenaires sociaux, d'avoir un conseil d'administration pléthorique et peu efficace. A supposer même qu'il soit possible de regrouper les tutelles pour qu'elles s'expriment de manière concertée, il ne pourra en être de même pour les acteurs de la société civile, sauf à imaginer encore un système de collèges avec une pondération complexe des voix.

La deuxième difficulté est celle de la perte de la spécificité et donc de l'intérêt de la mission confiée à l'Afsset en matière de santé au travail. L'Afsset, qui fonctionne uniquement au travers d'appels d'offres, est à l'heure actuelle l'unique financeur de travaux indépendants en ce domaine. Le risque est celui d'un regroupement de la santé au travail avec d'autres thématiques sanitaires, sous la forme d'un pôle de compétences au sein de l'établissement issu de la fusion. Dès lors, les crédits alloués à la recherche en matière de santé au travail sont susceptibles d'être captés par l'important besoin de financement des laboratoires de l'Afssa, qui s'occupent principalement de sécurité alimentaire ou environnementale.

Mais le risque principal réside dans la confusion entre les compétences d'expertise et celles de gestion. La crédibilité de la future entité, comme de toutes les agences, repose sur l'indépendance de l'expertise fournie, ce qui suppose qu'il n'y ait aucune interférence avec la gestion d'un domaine sanitaire. Or, l'Afssa compte non seulement des laboratoires, mais aussi une agence en charge de la régulation du médicament vétérinaire. Les exigences déontologiques supposent a minima que les compétences issues de l'Afsset et sa pratique d'appels d'offres en matière de recherche soient conservées et clairement distinguées tant de l'agence du médicament vétérinaire que des laboratoires de l'Afssa, dont les responsables sont d'ailleurs nommés directement par le ministère de l'agriculture.

La solution la plus simple, la plus cohérente et celle qui est susceptible d'offrir les meilleures garanties d'indépendance pour la future entité serait de confier à l'Afssaps les compétences en matière de médicament vétérinaire, et de passer à un système unique d'appel d'offres pour l'entité fusionnée, ce qui suppose de réintégrer les laboratoires de l'Afssa au sein de l'institut national de la recherche agronomique (Inra). Cette solution permettra de bien distinguer expertise et gestion, deux notions auxquelles le législateur se trouvera à nouveau confronté lorsqu'il devra envisager l'évolution des agences dans le cadre de la future loi de bioéthique.

II. LA MISE EN oeUVRE DU PLAN CANCER II

Le plan cancer II, qui couvre la période 2009-2013, a été présenté le 2 novembre dernier à Marseille par le Président de la République. Son discours prolonge l'engagement du Président Jacques Chirac contre cette maladie, engagement qui s'est traduit d'abord par la signature de la « Charte de Paris contre le cancer » le 4 février 2000, puis par l'annonce du premier plan cancer, le 24 mars 2003, pour une durée de cinq ans.

Cette continuité dans l'impulsion politique au plus haut niveau se comprend aisément. Comme le souligne le Président de la République : « La lutte contre le cancer, c'est un enjeu majeur pour la France. Chaque année, on estime à 350 000 le nombre de nouveaux cas de cancer en France. Les cancers sont devenus depuis 2004 la première cause de mortalité. Chacun d'entre nous est touché, soit directement dans sa famille, soit dans son cercle d'amis. On ne peut pas rester indifférent. C'est une cause nationale et c'est une cause sur laquelle le chef de l'Etat doit s'engager. Ce n'est pas un choix à mes yeux, c'est un devoir » . Pour faire face aux enjeux de santé publique liés au cancer, le plan est doté de 2 milliards d'euros, dont près de 750 millions de mesures nouvelles sur l'ensemble de sa durée.

Dépenses nouvelles du plan cancer II

en euros

Recherche

95 287 000

Observation

12 241 000

Prévention - Dépistage

177 359 000

Soins

402 772 000

Vivre pendant et après un cancer

45 000 000

TOTAL

732 659 000

Source : INCa

Le plan cancer II se propose d'achever la mise en place d'une véritable politique de prévention et, en surmontant les blocages qui caractérisent le système de santé français, de servir de modèle pour la lutte contre d'autres pathologies.

A. VERS UNE VÉRITABLE POLITIQUE DE PRÉVENTION

Après une année de transition, le plan cancer II se fonde sur les recommandations du rapport du professeur Jean-Pierre Grünfeld « Recommandations pour le Plan Cancer 2009-2013 - Pour un nouvel élan », remis au Président de la République le 27 février 2009. Il s'attache à l'amélioration quantitative, mais surtout qualitative, du contenu du plan cancer I.

1. L'articulation entre les plans cancer I et II

Le nouveau plan se décompose en cinq axes (recherche, observation, prévention-dépistage, soins, vivre pendant et après le cancer) déclinés en trente mesures et cent dix-huit actions. Tout en visant à consolider et à compléter les acquis du plan cancer I, trois objectifs fondamentaux lui sont assignés : l'excellence des soins, la réduction des inégalités en matière de santé et d'accès au traitement, l'amélioration de la qualité de vie après le cancer.

Ainsi le plan cancer II ne reprend pas exactement les objectifs du plan précédent mais les complète. Une évaluation continue des moyens mis en oeuvre est donc impossible, même si les objectifs finaux restent les mêmes. Néanmoins, malgré la priorité budgétaire accordée aux soins, l'impulsion donnée par l'INCa s'effectuant principalement au travers de la recherche, on peut retenir comme indicateur les objectifs assignés à ce domaine : « réduire la mortalité liée à ces maladies, faire reculer leur fréquence et améliorer la survie et la qualité de vie des patients par des traitements plus efficaces et moins toxiques. Enfin, favoriser l'équité pour tous les citoyens face à la prévention, à l'accès au diagnostic précoce et à un traitement innovant et efficace » 4 ( * ) .

Si la qualité des objectifs retenus n'est pas contestable, il est regrettable qu'ici encore n'aient pas été définis des indicateurs d'impact social, et donc non purement quantitatifs, et en même temps pérennes, c'est-à-dire permettant une évaluation continue des politiques menées. Cette situation aboutit au paradoxe selon lequel aucun plan n'aura fait l'objet d'aussi nombreux rapports que le plan cancer I 5 ( * ) sans que cet effort de mobilisation des instances de contrôle, de conseil et d'expertise ne puisse se traduire dans la durée autrement que par la perspective pour chacune des institutions de mener à nouveau une évaluation à l'issue du plan cancer II. Il serait au contraire souhaitable que l'évaluation puisse avoir lieu au fil de la mise en oeuvre des plans, de manière à assurer une continuité et à réorienter éventuellement l'action au plus tôt. L'absence d'indicateurs reconnus aboutit donc à une perte d'efficacité dans la mobilisation des moyens d'évaluation publics et au risque d'une absence de consensus sur les résultats.

2. Cibler des populations fragiles

L'un des apports majeurs des plans cancer a été de renforcer les moyens alloués au dépistage et au traitement des cancers chez des populations fragiles ou particulièrement touchées. Des résultats importants ont ainsi été obtenus en matière de dépistage du cancer du sein puisque l'InVS a pu établir que près de 50 % des femmes constituant la population cible avaient participé au dépistage en 2006, soit cinq points de mieux qu'en 2005 6 ( * ) . Si l'objectif d'atteindre 80 % de dépistage, qui était assigné au premier plan, s'est avéré irréaliste, une véritable dynamique est amorcée, appuyée par des actions de communication destinées aux femmes, comme « octobre rose », qui pourraient permettre d'atteindre l'objectif de 100 % de dépistage assignés au deuxième plan.

Le plan cancer II consacre également plusieurs actions aux enfants atteints du cancer. Une intervention spécifique se justifie car les résultats les plus importants ont été acquis pour les personnes adultes, voire déjà âgées. La médiane d'âge des personnes atteintes du cancer est en effet de soixante-sept ans, âge auquel le traitement offre une perspective de quinze années de vie supplémentaires. Or, chaque année, 1 700 enfants de moins de quinze ans sont atteints d'un cancer. Pour eux, les perspectives moyennes offertes par les soins ne sont guère satisfaisantes. Il faut donc développer une prise en charge adaptée, qui intègre le développement d'un projet de vie.

Apporter aux enfants atteints d'un cancer les soins nécessaires suppose également un effort de recherche considérable, car les pathologies en cause ne peuvent être réellement prises en charge que par des traitements innovants. En outre, les enfants nécessitent une prise en charge personnalisée, particulière à leur cas. Les consultations existantes seront donc renforcées et des consultations pluridisciplinaires mises en place afin de mieux assurer le passage de la médecine pédiatrique à la médecine pour adultes. Un projet élaboré par le professeur Marcel Rufo, l'Espace méditerranéen de l'adolescent, offre ainsi la perspective de mettre en place en milieu hospitalier des lits consacrés à la prise en charge physique, psychique et culturelle des adolescents après les soins liés au cancer, mais également ouverts à d'autres adolescents en convalescence.

Plus largement, le plan cancer II vise à changer l'image sociale du cancer dans une optique liée à la guérison et à la vie par la suite. Un dispositif d'information qui vise à favoriser « un nouveau regard sur les cancers » a été mis en place le 18 novembre dernier. Il est la première étape de ce processus qui veut déstigmatiser les personnes atteintes ou ayant été atteintes par ces pathologies. A terme, ce changement d'attitude doit permettre des évolutions sociales profondes comme, au-delà des dispositifs existants, la fin des discriminations dans l'accès à l'assurance ou au crédit.

B. SURMONTER LES BLOCAGES

Le plan cancer vise à prévenir et à soigner un type de pathologie de manière égale sur l'ensemble du territoire. Ses résultats sont donc particulièrement sensibles aux blocages institutionnels et pratiques qui minent le système de santé français. Les surmonter suppose d'assurer la cohérence du plan cancer avec les autres mesures de santé publique. La capacité de l'INCa à assurer cette cohérence et à permettre la réalisation des objectifs qui lui sont assignés pose ensuite la question d'une possible généralisation du modèle à la lutte contre d'autres pathologies.

1. Assurer la cohérence du plan cancer avec l'ensemble de la politique de santé publique

Les plans cancer proposent une approche de la maladie destinée à couvrir l'ensemble de ses aspects, somatiques et psychiques mais également ses causes et ses conséquences sociales.

L'INCa veille donc à la cohérence avec les autres plans nationaux qui couvrent de nombreux domaines, notamment le plan national « nutrition santé » et le plan national « santé environnement ». Dans les deux cas, il s'agit d'exercer une action sur les déterminants des cancers et de s'assurer que cette problématique ne sera pas approchée de manière fragmentée.

La prise en charge fait également l'objet d'une attention particulière. L'articulation entre soins à l'hôpital et médecine de ville s'est trouvée renforcée par la mise en place des ARS et la consécration du rôle du médecin traitant au travers de la loi HPST. Les dispositions de cette même loi doivent permettre la mise en place d'actions de formation des professionnels de santé en activité, ainsi que l'orientation des étudiants vers les spécialités médicales nécessaires à la prise en charge des cancers au travers de la régionalisation des postes ouverts à l'internat.

L'oeuvre de rationalisation des différents plans de santé publique, de leur durée et surtout de leur cohérence dans le temps, engagée par la ministre de la santé, doit donc se poursuivre, si possible au travers de l'élaboration d'un tableau de bord public et transparent qui permettrait une vision d'ensemble et un suivi.

2. L'INCa, un modèle généralisable ?

La création de l'INCa a été la mesure phare du premier plan cancer. Cet organisme a de fait permis de mobiliser et de centraliser les moyens nécessaires aux progrès de la lutte contre le cancer au travers d'une politique de recherche ambitieuse et d'une attention soutenue portée à la qualité des soins.

La politique de recherche de l'INCa est particulièrement intéressante. Les appels d'offres sont passés pour des durées de trois à cinq ans. Trente projets de recherche sont actuellement en cours dont cinq pour une durée de quatre ans et quatre pour une durée de cinq ans. La possibilité de financer des recherches sur des durées plus longues que trois ans permet une meilleure adaptation aux contraintes des chercheurs, et donc la perspective d'amener les études à leur terme, c'est-à-dire à la publication. Le rapport scientifique 2008-2009 de l'INCa précise ainsi que sur la période 2000-2004, soit avant même sa création 7 ( * ) , quatre-vingt-deux publications ont été associées aux cent soixante-seize projets financés sur fonds publics. Même si l'écart entre les deux chiffres s'explique partiellement par le fait que plusieurs des recherches financées au cours de la période n'étaient pas encore achevées à la fin de celle-ci, l'efficacité des financements publics ne paraît, pour cette période, pas évidente.

A l'inverse, et même si l'on ne dispose pas du nombre exact de publications liées aux recherches financées depuis 2004, les financements alloués par l'INCa ont eu un incontestable effet d'entraînement sur la recherche comme le montre l'évolution du nombre de publications françaises en cancérologie entre 1999 et 2008 8 ( * ) .

Source : INCa, rapport scientifique 2008-2009

L'efficacité de la politique de l'INCa découle de deux caractéristiques structurantes. D'une part, un réseau de recherche composé de sept canceropôles (groupements régionaux ou interrégionaux de recherche biologique et clinique) qui ont pour mission d'organiser la recherche au niveau régional et de faciliter l'application des résultats, au travers de partenariats avec l'industrie. D'autre part, une pratique d'audit financier régulière conduite depuis mi-2008, inspirée de celle mise en place par le CNRS un an plus tôt. Ces audits, qui devraient être généralisés à tous les projets financés, qu'ils soient conduits par des opérateurs publics ou privés, à l'issue de leur troisième année, permettront de mesurer l'intérêt de continuer les travaux et donc garantiront l'utilisation optimale des fonds publics.

Mais l'INCa, et c'est là une de ses qualités, n'est pas uniquement un organisme de recherche. C'est une instance dédiée à l'innovation pour permettre la découverte des meilleures pratiques et leur généralisation. Il a ainsi été chargé de déterminer la capacité des établissements à conduire des soins en cancérologie en fixant les seuils d'activité minimale et en délivrant les accréditations. Ce travail a été mené en partenariat avec l'IRSN et la HAS. L'augmentation des connaissances s'accompagne donc d'une amélioration de la qualité et de la sécurité des soins.

La combinaison entre impulsion de la recherche et garantie de la qualité des soins a fait de l'INCa un modèle pour ceux qui souhaitent mobiliser l'action de l'Etat sur un type de pathologie ou plus largement pour développer, par exemple, la prise en charge de la santé mentale des Français. Les liens tissés avec les autres agences permettent de penser que la création d'une structure dédiée n'ajoute pas à la complexité du système existant. Tel n'a pourtant pas été le choix fait dans le cadre de l'élaboration des nouveaux plans de santé publique, sans doute pour ne pas démanteler davantage les administrations centrales. Ainsi, dans le cadre du plan Alzheimer 2008-2012, le pilotage a été confié à une équipe interministérielle restreinte.

III. PRENDRE EN COMPTE LES BESOINS EN MATIÈRE DE SANTÉ MENTALE

La loi HPST a permis la réorganisation du système de soins, mais elle n'avait vocation à devenir ni une loi de santé publique, ni une loi de santé mentale. La dernière loi de santé publique est récente : votée en 2004, elle a de surcroît fixé à 2010 sa révision. En revanche, la santé mentale repose sur une législation ancienne et aucune échéance n'est fixée, à ce jour, pour la discussion par le Parlement d'un nouveau texte. Cette situation est regrettable, ainsi que votre rapporteur a déjà eu l'occasion de le déclarer 9 ( * ) . L'abandon, voire l'ostracisme, dont souffrent soignants et malades en psychiatrie persiste, et ce alors même que les connaissances et les pratiques thérapeutiques progressent de manière visible. Le rapport remis à la secrétaire d'Etat en charge de la prospective 10 ( * ) souligne aussi la part essentielle de la santé mentale en termes de qualité de vie. Comment faire l'économie d'un tel sujet, qui demeure pourtant essentiellement abordé en droit français sous l'angle pénal ?

A. LES LIMITES D'UNE APPROCHE CENTRÉE SUR LA PÉNALISATION

Le discours prononcé par Président de la République le 2 décembre 2008, à Antony, sur l'hospitalisation en milieu psychiatrique a suscité l'inquiétude, voire l'hostilité, de certains professionnels du secteur psychiatrique et d'associations de malades, qui ont dénoncé ce qui leur est apparu comme une focalisation sur les cas relativement peu nombreux des malades dangereux.

Il convient notamment de préciser que les criminels sexuels ne souffrent généralement pas de troubles psychiatriques diagnosticables et ne relèvent donc pas obligatoirement d'une prise en charge de type psychiatrique. La psychopathie dont ils sont atteints est un trouble grave de la personnalité, caractérisé par un déficit d'empathie, et donc une absence de sensibilité aux conséquences de leurs actes, qui favorise l'impulsivité. L'aliénation mentale qui, elle, relève de la psychiatrie, n'est nullement associée à un déficit du lien aux autres, mais se caractérise par la perte plus ou moins prononcée du sentiment de la réalité.

Or, du point de vue thérapeutique, on peut considérer qu'il n'existe que des formes très imparfaites de traitement de la psychopathie : les traitements chimiques s'avèrent faibles dans leurs effets et susceptibles de contournement de la part du malade ; les traitements de type chirurgicaux ou électroconvulsifs posent, sans pour autant garantir de meilleurs résultats, des problèmes éthiques insurmontables.

Il en découle que certains malades, qui relèvent d'un traitement psychiatrique, doivent pouvoir bénéficier de celui qui sera adapté à leur éventuelle dangerosité, tout en étant le moins éloigné possible des soins prodigués au reste des malades. A l'inverse, pour les psychopathes avérés, la prise en charge ne peut s'effectuer qu'en milieu carcéral, quelles que soient les difficultés que cet environnement ajoute à la conduite d'une thérapeutique. Cette distinction doit être gardée à l'esprit quand on appréhende l'adéquation des structures de soins aux besoins de la santé mentale des Français au travers du prisme des malades dangereux.

C'est dans ce contexte que la mise en place des unités d'hospitalisation spécialement aménagées paraît porteuse d'ambiguïtés et qu'une place trop importante semble accordée aux soins sans consentement.

1. L'ambiguïté liée à la création des unités d'hospitalisation spécialement aménagées

Il convient tout d'abord de replacer les unités d'hospitalisation spécialement aménagées (UHSA) dans le contexte plus large du dispositif de prise en charge psychiatrique dont la mission, telle que définie par le code de la santé publique 11 ( * ) , est la lutte contre les maladies mentales dans ses dimensions de prévention, diagnostic, soins, réadaptation et réinsertion sociale. Cette prise en charge s'effectue depuis 1960 dans le cadre du secteur psychiatrique qui établit une continuité des soins entre l'hôpital et l'ambulatoire. L'article R. 3221-1 du code de la santé publique précise qu'il existe trois types de secteurs psychiatriques :

- le premier est constitué des secteurs de psychiatrie générale, répondant aux besoins de santé mentale d'une population âgée de plus de seize ans et comportant des unités pour malades difficiles (UMD) actuellement au nombre de cinq 12 ( * ) ;

- le deuxième se compose des secteurs de psychiatrie infanto-juvénile répondant aux besoins de santé mentale des enfants et adolescents de moins de seize ans ;

- le troisième, enfin, regroupe les secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire, répondant aux besoins de santé mentale de la population incarcérée. Les soins sont assurés par l'un des vingt-six services médico-psychologiques régionaux (SMPR) ou, si l'établissement pénitentiaire ne comporte pas de SMPR, par un psychiatre affecté au sein de l'unité de consultations et de soins ambulatoires (UCSA) que comporte chaque établissement depuis la loi du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale 13 ( * ) . C'est ce troisième type de secteur qu'il est prévu de compléter par la création des UHSA.

Celle-ci a été prévue par la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 14 ( * ) . Les UHSA sont destinées à prendre en charge l'ensemble des hospitalisations pour troubles mentaux des personnes détenues, avec ou sans consentement. Elles se présentent matériellement sous la forme d'un bâtiment dédié au sein de l'enceinte hospitalière, répondant à des normes de sécurité intérieure renforcées et dans une enceinte surveillée par l'administration pénitentiaire. Il s'agit, par le biais de ces structures hospitalières répondant aux exigences de l'administration pénitentiaire en matière de sécurité, de remédier aux difficultés majeures rencontrées aujourd'hui lors des hospitalisations des personnes détenues.

En effet, contrairement aux personnes détenues hospitalisées pour des soins somatiques, aucun dispositif de garde par la police ou les équipes pénitentiaires n'est prévu. Dans ces conditions, seules sont rendues possibles des hospitalisations sous la forme sans consentement même lorsque le patient relève d'une hospitalisation libre. Il en résulte des conditions de traitement trop souvent inadaptées en UMD ou en chambre d'isolement pour des raisons de sécurité et non de soins. Cette situation aboutit paradoxalement à ce que des malades demandent à retourner en prison, où les conditions de prise en charge s'avèrent moins dures.

Les UHSA permettront une hospitalisation dans des conditions adéquates, limitant le placement en UMD ou en chambre d'isolement aux malades effectivement dangereux. L'étendue des soins psychiatriques proposés aux détenus serait ainsi complète et conforme à celle offerte à la population générale, conformément aux dispositions de la loi du 18 janvier 1994. Les soins ponctuels seraient ainsi assurés par les UCSA, les soins ambulatoires, qui représentent 80 % des prises en charge en population générale, par les SMPR et les hospitalisations par les UHSA. La direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins estime que la durée moyenne d'hospitalisation en UHSA ne devrait pas excéder celle en population générale, soit trente jours.

Le programme de construction des UHSA comporte la création de dix-sept unités pour une capacité totale de 705 lits. Seule une première tranche de travaux a toutefois été autorisée, ce qui permettra néanmoins la création des neuf unités les plus importantes avec une capacité de 440 lits entre 2010 et 2014 15 ( * ) . La première UHSA devrait ouvrir à Lyon en février 2010, suivie par les établissements de Nancy et Toulouse début 2011.

Votre rapporteur ne peut que se féliciter de l'engagement des ministères en charge de la santé et de la justice pour la santé mentale des détenus. Il s'inquiète cependant des remontées du terrain qui font état de divergences accrues entre l'administration pénitentiaire et les équipes soignantes sur le fonctionnement des UHSA 16 ( * ) . Une mise au point paraît nécessaire. Il semble par ailleurs que certaines pathologies particulièrement lourdes demanderont des durées d'hospitalisation longues. Il est important de savoir si elles seront réellement accomplies au sein des UHSA ou si ces cas resteront à la charge des SMPR pour être traités de manière « ambulatoire ». Il ne serait alors pas remédié à l'engorgement de ces structures. Plus largement, l'incarcération des personnes atteintes de troubles mentaux pose de nombreuses questions sur lesquelles se penche actuellement un groupe de travail sénatorial commun aux commissions des lois et des affaires sociales.

2. Une place trop importante accordée aux soins sans consentement

La prise en compte des malades atteints de troubles mentaux dangereux est nécessaire à la protection de la société. Elle ne doit pas, néanmoins, focaliser l'attention des pouvoirs publics. En effet, seules 13 % des hospitalisations sont effectuées sans consentement. Les personnes atteintes de troubles mentaux ont statistiquement plus de chances d'être victimes de violence que d'en être auteur.

Le mandat confié par le Président de la République aux ministres en charge de la santé et de la justice de réformer les conditions d'obligation de soins sans consentement répond à un problème réel. Il est ainsi paradoxal que le seul endroit où l'obligation de soins ne puisse être mise en oeuvre soit la prison.

Il faut cependant éviter que le problème de la santé mentale ne soit abordé par le législateur que sous l'angle de la contrainte et de la dangerosité, et non sous l'angle de la prise en charge sanitaire. Le message adressé aux malades, à leurs familles et aux soignants paraît tout à la fois limité et stigmatisant. On peut même penser que les mesures concernant les malades dangereux, que ne rejettent a priori ni les médecins, ni les associations de malades, seraient bien plus facilement acceptées si elles étaient accompagnées de mesures donnant les moyens d'une réelle prise en charge de l'ensemble des malades.

B. LA NÉCESSITÉ D'UNE LOI DE SANTÉ MENTALE

Comme l'a montré le rapport de l'Opeps 17 ( * ) , la prévalence des troubles psychiatriques en France impose une action résolue des pouvoirs publics. Si 1,2 million de personnes bénéficient d'un suivi psychiatrique, ce chiffre n'est qu'un faible indicateur des besoins en santé mentale. On estime que 635 000 personnes souffrent de schizophrénie, 750 000 de troubles bipolaires, 5 millions de dépression. 6 % de la population aurait connu un épisode de troubles anxieux. Des pathologies comme la démence qui touche 860 000 personnes, risquent aussi de s'accroître en raison du vieillissement de la population : elle pourrait ainsi toucher 2,1 millions de personnes en 2040. Face à cette situation, la reconnaissance de la psychiatrie comme une discipline médicale à part entière, dotée de capacités de recherche et de moyens pour assurer la prise en charge et le suivi des malades, demeure trop lente. La priorité doit être de faire émerger un consensus afin d'aboutir à un projet de réforme.

1. Une reconnaissance trop lente de la psychiatrie comme discipline médicale à part entière

Les spécificités de la psychiatrie liées à l'absence de traitement curatif ont pu ralentir son évolution par rapport aux autres disciplines médicales. Les découvertes, tant en matière de médicaments que de connaissance des processus cérébraux et génétiques de la maladie, placent néanmoins aujourd'hui la psychiatrie parmi les disciplines de pointe. Elle n'est pas suffisamment reconnue comme telle. Comme l'indique l'étude comparative menée par la fondation FondaMental 18 ( * ) , la prévalence des troubles psychiatriques en France est vingt fois supérieure à celle des cancers et la recherche en ce domaine est vingt fois moins financée.

La difficulté à mettre en place une tarification à l'activité en ce domaine maintient également la perception selon laquelle la psychiatrie serait une discipline coupée du reste de la médecine. Il faut donc saluer l'engagement pris par le ministère de la santé de faire aboutir cette question d'ici à 2014.

Assurer des modalités de financement de la recherche et des soins psychiatriques qui soient les mêmes que pour les autres branches de la médecine est une nécessité, tant pour parvenir à répondre aux besoins que pour changer la perception négative, encore trop répandue, qu'elle est une discipline à part.

2. Faire émerger un consensus

Contrairement à une idée généralement répandue, la HAS a déjà, dans le cadre du plan santé mentale 2005-2008, élaboré ou programmé des recommandations de bonnes pratiques professionnelles sur de nombreuses pathologies en santé mentale : troubles dépressifs, schizophrénie, troubles des conduites alimentaires, troubles obsessionnels compulsifs, psychopathie, expertise psychiatrique pénale, auteurs d'infractions sexuelles, prescriptions de benzodiazépines chez les personnes âgées, notamment. Un groupe de travail réunissant des médecins psychiatres travaille au sein de la HAS au prolongement de ces travaux, ainsi qu'à la certification des unités en psychiatrie. Un consensus entre praticiens est donc possible. Il faut parvenir non seulement à l'étendre, mais aussi à intégrer l'ensemble des acteurs de la santé mentale dans une réflexion sur l'évolution de l'organisation des soins. Les états généraux de la santé mentale, préconisés par l'Opeps, seraient un moyen de dégager des solutions communes.

Une action sur la perception sociale de la maladie doit également être conduite par les pouvoirs publics. Après une campagne intéressante sur le trouble dépressif, l'Inpes a interrompu l'élaboration de campagnes sur la santé mentale pour des raisons scientifiquement fondées. Il est effectivement à craindre que certaines campagnes ne renforcent la stigmatisation au lieu de l'atténuer et que des sujets comme le suicide n'aient un effet d'entraînement. On peut toutefois noter que des actions à destination du grand public, comme la série de reportages diffusés au Royaume-Uni 19 ( * ) sur le trouble bipolaire, ont eu des effets bénéfique en termes de prise de conscience et d'augmentation des connaissances dans l'opinion publique. Des campagnes sont donc utiles en ce domaine et la perspective ouverte par l'Inpes de campagnes à destination des professionnels pour favoriser la détection précoce de la maladie constitue un premier pas nécessaire.

Mobiliser l'ensemble des pouvoirs publics et les acteurs de la santé mentale eux-mêmes impliquera nécessairement une loi de santé mentale. Votre commission souhaite qu'elle puisse être discutée rapidement par le Parlement.

*

* *

Réunie le mercredi 25 novembre 2009, la commission des affaires sociales a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Santé » pour 2010.

EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS

Article 59 - (article 23 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 - de finances rectificative pour 2005) - Prorogation d'un an de la taxe assurant le financement du centre national de gestion des essais des produits de santé

Objet : Cet article propose de proroger, en 2009, la taxe additionnelle destinée à financer le centre national de gestion des essais de produits de santé.

I - Le dispositif proposé

C'est à l'initiative de l'Assemblée nationale qu'une taxe additionnelle à la taxe sur les médicaments et les produits bénéficiaires d'une autorisation de mise sur le marché 20 ( * ) a été créée par la loi de finances rectificative pour 2005, pour financer la création d'un centre national de gestion des essais des produits de santé (CeNGEPS). Ce centre a été créé en mars 2007 sous la forme d'un groupement d'intérêt public d'une durée de quatre ans, associant des partenaires publics et privés : hôpitaux, Inserm et le collectif Leem (les entreprises du médicament) représentant l'industrie pharmaceutique. Il a pour objet de faciliter la coordination et la gestion des essais cliniques à promotion industrielle réalisés dans les établissements publics de santé ou dans le cadre des réseaux de soins.

Trois missions sont assignées au CeNGEPS :

- soutenir la professionnalisation et l'amélioration de la qualité des essais cliniques à promotion industrielle en s'appuyant sur les délégations interrégionales à la recherche clinique (Dirc) et les réseaux d'investigation clinique ;

- améliorer la gestion des aspects logistiques et administratifs des essais cliniques à promotion industrielle ;

- maintenir l'attractivité du territoire français pour la réalisation des essais cliniques à promotion industrielle.

Il procède à la répartition entre les Dirc des fonds qui lui sont alloués, sur la base d'appel à projets concernant notamment des actions de formation.

Cet article propose de proroger d'un an la taxe additionnelle qui finance le CeNGEPS, afin de lui permettre de conduire des actions pendant tout la durée de son existence. En effet, la perception de la taxe additionnelle au titre de l'année 2009 devrait permettre de lui assurer un financement supplémentaire de près de 10 millions d'euros.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

II - La position de votre commission

Votre commission estime qu'une plus grande transparence dans l'action du CeNGEPS est nécessaire pour permettre d'apprécier réellement son action. Elle souscrit toutefois à l'objectif d'amélioration de la qualité de la recherche clinique en France.

En conséquence, elle est favorable à cet article et vous propose de l'adopter sans modification .

Article 59 bis - (art. L. 863-1 du code de la sécurité sociale) - Doublement du montant de l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé pour les jeunes de seize à vingt-quatre ans.

Objet : Cet article, inséré par l'Assemblée nationale, propose de doubler le montant de l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé (ACS) pour les jeunes âgés de seize à vingt-quatre ans.

I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

L'article L. 863-1 du code de la santé publique, issu de l'article 56 de la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie 21 ( * ) , a prévu un crédit d'impôt au titre des contrats d'assurance complémentaire de santé individuels en faveur des personnes à revenus modestes dont les ressources sont supérieures de 15 % au plafond de la couverture maladie complémentaire. Le montant de cette aide varie en fonction de l'âge, la tranche la moins élevée correspondant aux jeunes de seize à vingt-cinq ans, soit 100 euros depuis le 1 er janvier 2006, date de la dernière revalorisation.

Le paragraphe I de l'article 59 bis propose de doubler le montant de l'aide pour les jeunes de seize à vingt-cinq ans, ce qui revient à l'aligner sur le montant de l'aide accordé aux personnes âgées de vingt-cinq à quarante-neuf ans.

Le paragraphe II de cet article précise que cette mesure s'applique aux droits accordés à partir du 1 er janvier 2010.

II - La position de votre commission

Votre commission se félicite de cette mesure qui rejoint les préconisations de la mission sénatoriale commune d'information sur la politique en faveur des jeunes 22 ( * ) .

Elle est favorable à cet article et vous propose donc de l'adopter sans modification.

Article additionnel après l'article 59 bis - (art. L. 5131-7-4 (nouveau) du code de la santé publique) - Extension de l'assiette d'une des taxes affectées à l'Afssaps aux produits cosmétiques

Objet : Cet article additionnel propose d'étendre aux produits cosmétiques la taxe sur les dispositifs médicaux au profit de l'Afssaps.

Depuis 2007, et en application des directives communautaires, l'Afssaps encadre l'évaluation de la qualité et de la sécurité d'emploi des produits cosmétiques. Pour ces missions, elle dispose d'experts internes et externes, d'équipes d'inspecteurs, de laboratoires d'analyse, et peut prendre des mesures de police sanitaire en cas de risque pour la santé publique. Par ailleurs, l'agence organise un système de vigilance afin de surveiller les effets indésirables résultant de l'utilisation de produits cosmétiques. Or, elle ne reçoit à ce titre aucun revenu alors que les médicaments et dispositifs sont imposés à son profit. Cet article vise donc à remédier à ce qui apparaît comme une iniquité.

Toutefois, afin de ne pas pénaliser les petites entreprises qui constituent 80 % du secteur de l'industrie cosmétique française, une exception est prévue pour celles qui ont réalisé un chiffre d'affaires inférieur à 736 000 euros au cours de l'année civile.

Il est important que le produit de la taxe puisse servir à augmenter le plafond des emplois de l'Afssaps qui a atteint les limites des gains d'efficacité qu'elle est en mesure de faire et qui risque de se trouver empêchée de mener à bien les missions qui lui sont confiées.

Votre commission vous demande d'adopter cet article additionnel dans la rédaction qu'elle vous soumet.

Article 59 ter - Création d'une contribution exceptionnelle des complémentaires santé aux dépenses liées à la grippe A/H1N1

Objet : Cet article, inséré par l'Assemblée nationale, propose d'affecter à l'établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Eprus) une contribution exceptionnelle des complémentaires santé.

I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

Cet article, adopté à l'initiative du Gouvernement, est le miroir d'un amendement déposé également par le Gouvernement sur l'article 10 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010.

Il prévoit d'affecter à l'Eprus une contribution exceptionnelle des assurances maladies complémentaires au financement de la lutte contre la pandémie grippale dont l'assiette et les modalités de recouvrement seront identiques à celles de la cotisation versée au fonds CMU.

Cette contribution devrait s'élever à 150 millions d'euros.

II - La position de votre commission

Votre commission n'a pas changé d'avis depuis l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, à l'occasion duquel le rapporteur général Alain Vasselle avait déclaré qu'il n'existe aucune raison que la contribution des complémentaires vienne réduire la contribution de l'Etat à l'Eprus.

En effet, l'assurance maladie est un tout : elle se compose de l'assurance maladie obligatoire et de l'assurance maladie complémentaire. Si on fait contribuer les complémentaires à la grippe A, ce doit être au titre de la participation de l'assurance maladie dans son ensemble et il n'y a aucune raison que cette contribution vienne réduire la part de l'Etat dans le financement de l'Eprus.

En conséquence, votre commission demande la suppression de cet article .

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Réunie le mercredi 25 novembre 2009 , sous la présidence de Muguette Dini, présidente, la commission examiné le rapport pour avis d' Alain Milon sur le projet de loi de finances pour 2010 (mission « Santé » et articles 59, 59 bis et 59 ter rattachés).

A titre liminaire, Alain Milon, rapporteur pour avis, a souligné la modestie du montant des crédits de la mission « Santé » pour 2010 - 1,2 milliard d'euros, auxquels s'ajoutent quelque 4,8 milliards de dépenses fiscales - au regard de celui de l'objectif de dépenses de la branche maladie, maternité et décès, fixé à près de 180 milliards d'euros par le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Trois programmes composent la mission :

- le programme 171 « Offre de soins et qualité du système de soins », relatif à l'hôpital, est celui dont les crédits sont les moins importants : 125 millions d'euros, à rapprocher des 75 milliards de dépenses d'assurance maladie dans le secteur de l'hôpital l'an prochain. Les crédits de ce programme financent, pour l'essentiel, les stages extrahospitaliers dans le cadre de la formation des futurs médecins ;

- le programme 183 « Protection maladie » est, en revanche, le mieux doté, avec 585 millions d'euros. Il recouvre principalement les dépenses de l'aide médicale d'Etat (AME) dont bénéficient les personnes qui ne peuvent être affiliées à l'assurance maladie, c'est-à-dire essentiellement les immigrés clandestins. Les dépenses de l'AME connaissent la plus forte progression qui explique, pour une bonne part, l'augmentation de 4,4 % des crédits totaux de la mission « Santé » pour 2010.

Cette hausse répond en fait à un effort de sincérité budgétaire : la commission des affaires sociales, comme celle des finances, ont en effet dénoncé, depuis de nombreuses années, l'insuffisance permanente de la dotation de l'AME prévue par le budget de l'Etat dont a résulté, depuis 2007, une dette de près de 230 millions d'euros auprès de l'assurance maladie. L'augmentation des crédits de 45 millions prévue en 2010 vise donc à prévenir la formation de nouvelles dettes, sans qu'il soit certain qu'elle suffise car elle est fondée sur une dynamique assez faible des dépenses attendues d'AME, avec le risque que les bénéficiaires de cette aide aient un comportement de renonciation aux soins ;

- enfin, le programme 204 « Prévention et sécurité sanitaire », qui est le seul à être centré sur la santé publique, connaît une progression modeste de l'ordre de 1 %, l'augmentation de 13 millions de l'action « Prévention des risques infectieux et des risques liés aux soins » venant plus que compenser la baisse de la plupart des autres postes. Cette augmentation est la conséquence de la recentralisation des compétences en matière de dépistage des cancers, de vaccination, de lutte contre la tuberculose, la lèpre, le Sida et les infections sexuellement transmissibles, auxquelles plusieurs départements ont choisi de renoncer.

A l'issue de cette présentation budgétaire, Alain Milon, rapporteur pour avis, a souhaité approfondir trois points : la rationalisation du système des agences sanitaires, la mise en oeuvre du plan cancer II et la nécessité de préparer une loi de santé mentale.

Le système des agences sanitaires appartient, depuis l'année dernière, au périmètre de la mission « Santé ». Ce système englobe des organismes de nature diverse : la Haute Autorité de santé (HAS) est une autorité publique indépendante, l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) dispose d'un pouvoir de décision dans le domaine du médicament, l'agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) et l'agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (Afsset) sont des agences d'expertise.

La première difficulté à laquelle ces agences risquent d'être confrontées est leur positionnement par rapport aux ARS, les agences régionales de santé récemment créées par la loi HPST. En effet, de nombreuses agences sanitaires disposent à la fois d'une compétence nationale et de réseaux territoriaux, et il convient de s'assurer qu'elles parviendront à travailler avec les ARS.

Un second sujet concerne la fusion de l'Afssa et l'Afsset, prévue par l'article 115 de la loi HPST sur amendement du Gouvernement proposant, de façon d'ailleurs regrettable, d'y procéder par ordonnance. L'intérêt de cette fusion est évident du point de vue de la rationalisation des structures : l'Afssa et l'Afsset traitent de sujets très proches et, surtout, la future organisation aura la taille critique suffisante pour compter au niveau européen, et donc espérer peser sur la détermination des normes sanitaires communautaires.

Pour autant, le rapprochement des deux agences ne doit pas se faire à n'importe quel prix. L'Afsset est une structure légère, de cent cinquante agents ; elle est tournée vers la société et les ressources scientifiques externes, et elle s'attache à faire émerger des points de consensus entre experts. L'Afssa est une entité beaucoup plus importante : mille deux cents agents, dont huit cents scientifiques, travaillent dans ses laboratoires. Elle est donc par nature plus tournée vers son expertise interne.

Il existe donc un double risque : d'une part, celui de voir les moyens consacrés par l'Afsset à sa mission propre sur la santé au travail absorbés par les besoins de financement des laboratoires qui se consacrent principalement aux questions de qualité des produits agricoles ; d'autre part, et surtout sachant que l'Afssa comporte, en son sein, une agence du médicament vétérinaire, celui de mélanger compétences de gestion et compétences d'expertise, ce qui présenterait un risque en matière d'éthique et même de crédibilité. Il faudrait donc que la future entité fusionnée se consacre à l'expertise, puis rattacher à l'Afssaps l'agence du médicament vétérinaire et intégrer les laboratoires de l'Afssa à l'institut national de la recherche agronomique (Inra) : le mandat d'expertise de la future agence serait ainsi clair et incontestable.

A propos du plan cancer II, présenté à Marseille le 2 novembre dernier par le Président de la République, Alain Milon, rapporteur pour avis, a soutenu l'effort qu'il engage en faveur de la prise en charge spécifique des jeunes atteints d'un cancer : 1 700 enfants de moins de quinze ans sont diagnostiqués chaque année.

Le dépistage progresse aussi : plus de 50 % des femmes participent au dépistage annuel du cancer du sein, ce qui signifie aussi que l'objectif de parvenir à un taux de 100 % en 2013 n'est qu'à moitié atteint.

Se pose, alors, la question de l'évaluation car on se contente trop souvent d'attendre l'échéance d'un plan pour y procéder avant d'élaborer un nouveau plan qui ne sera à son tour évalué qu'à son terme. Il peut en résulter un manque de continuité dans l'action publique et il serait préférable de disposer d'indicateurs qualitatifs pérennes qui permettent d'avoir une vision sur la durée. Cette démarche pourrait utilement constituer un chantier de l'action gouvernementale, au moment où l'on parle de mettre en place des indicateurs de qualité de vie.

En ce qui concerne l'institut national du cancer (INCa), créé en 2004, il faut reconnaître que cet organisme a fait ses preuves en permettant une articulation dynamique entre recherche et qualité des soins. Peut-être aurait-il fallu procéder de manière analogue pour le plan Alzheimer, dont le pilotage a été confié à un comité interministériel pour ne pas ajouter à la complexité du système sanitaire.

Enfin, abordant la question de la santé mentale, Alain Milon, rapporteur pour avis, a rappelé que l'office parlementaire d'évaluation des politiques de santé (Opeps) a consacré son dernier rapport, l'an dernier, à un état des lieux de la psychiatrie en France, lequel a conclu à la nécessité d'un véritable engagement de l'Etat dans ce domaine. Lors de l'examen de la loi HPST, le Sénat avait également conclu à la nécessité d'élaborer une loi de santé mentale. On peut donc regretter que la ministre de la santé paraisse réticente sur cette question : on en reste à une « politique des petits pas » et à une focalisation excessive sur la question des malades dangereux, les seules lois où il est question de santé mentale relevant du garde des sceaux et non du ministre de la santé. Le programme de mise en place des unités hospitalières spécialement aménagées, destinées à fournir des soins aux prisonniers atteints de troubles mentaux, pose également de nombreuses questions.

Il est, à son avis, nécessaire d'aborder la question de la santé mentale de manière large. La prise en charge des troubles mentaux dans notre pays est encore trop faible et impose de réfléchir à l'adaptation des structures existantes aux besoins.

Pour conclure, Alain Milon, rapporteur pour avis, a présenté les trois articles rattachés à la mission « Santé ». Les deux premiers ne posent pas de difficultés :

- l'article 59 propose de proroger d'un an la taxe assurant le financement du centre national de gestion des essais des produits de santé ;

- l'article 59 bis prévoit le doublement de l'aide au paiement d'une assurance complémentaire de santé pour les jeunes âgés de seize à vingt-quatre ans.

En revanche, l'article 59 ter, qui prévoit une contribution exceptionnelle des assurances complémentaires de santé à l'établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Eprus), contredit la position du Parlement sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale en matière de prise en charge de la pandémie grippale et devrait donc être supprimé par voie d'amendement.

Enfin, un amendement sera proposé à la commission tendant à compléter les ressources de l'Afssaps grâce à l'instauration d'une taxe sur les produits cosmétiques, soumis depuis 2007 à son contrôle.

Paul Blanc s'est inquiété des conséquences des délais de mise en place des ARS et d'élaboration des nouveaux schémas d'organisation médico-sociale sur la réalisation des projets de création ou d'extension d'établissements qui seront soumis aux comités régionaux d'organisation sociale et médico-sociale (Crosm) jusqu'au mois de juin 2010. Il a annoncé qu'il déposerait, pour résoudre ce problème, un amendement au projet de loi de finances, reprenant un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale dont le Gouvernement avait estimé qu'il n'entrait pas dans le cadre de ce texte.

Il s'est ensuite interrogé sur le financement des antennes régionales de la HAS et sur le statut de l'INCa, constitué en groupement d'intérêt public pérenne, formule qui pourrait être plus largement utilisée.

Enfin, il a également souhaité l'élaboration d'une loi de santé mentale, d'une part, pour résoudre le problème que pose la présence en prison de personnes qui ont de graves problèmes psychiatriques, d'autre part, pour prévoir les structures de suivi qui permettraient à beaucoup de personnes à handicap psychique de s'insérer dans la vie active lorsqu'elles sont en mesure de travailler.

Marc Laménie a demandé des précisions sur les crédits de l'aide médicale d'Etat et, s'associant aux propos du rapporteur pour avis et de Paul Blanc, a insisté sur la nécessité de tracer plus clairement la frontière entre les questions qui relèvent du ministère de la justice et celles qui relèvent de la psychiatrie.

Raymonde Le Texier a salué le travail de fond et d'analyse critique du rapporteur pour avis, qui propose une « feuille de route » susceptible d'orienter les réflexions de la commission. Quelles sont les actions qui lui paraissent prioritaires ?

Alain Vasselle a dit partager le souci de mieux coordonner l'action des différentes agences et les interrogations que lui inspire l'articulation de leur action avec celle des ARS.

A propos de l'AME, il s'est également inquiété du risque de « renonciation aux soins » des bénéficiaires de cette aide.

En ce qui concerne les évaluations, il serait souhaitable que, dans le cadre de l'application de la réforme constitutionnelle, les parlementaires puissent mener de véritables travaux de contrôle et d'évaluation dont ils rendraient compte en séance publique, plutôt que de participer à des séances diverses de questions qui ne permettent pas une réflexion de fond.

Il a soutenu l'amendement annoncé pour assurer la cohérence entre le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale sur la question de la contribution des organismes d'assurance maladie complémentaire au financement de la lutte contre la pandémie grippale.

Enfin, revenant sur l'article 59 bis qui prévoit un doublement, au bénéfice des jeunes, de l'aide à l'accès à une assurance complémentaire santé, il a estimé que ce doublement devrait également bénéficier aux personnes handicapées, dont le reste à vivre est lourdement affecté par le paiement d'une complémentaire.

Muguette Dini, présidente, a suggéré à Alain Vasselle de faire part, en Conférence des Présidents, de ses vues sur le développement des travaux de contrôle et d'évaluation parlementaire, ce dont il est convenu.

Marie-Thérèse Hermange s'est à son tour interrogée sur l'accès aux soins des personnes relevant de l'AME : on constate en effet sur le terrain, par exemple dans les hôpitaux de l'est parisien, que tous ceux qui demandent des soins sont accueillis, quelle que soit leur situation. Existe-t-il des indicateurs qui font état d'un éventuel phénomène de renonciation aux soins ?

Elle a par ailleurs observé que les instances sanitaires semblent effectivement avoir tendance à développer au niveau régional des réseaux qui sont générateurs de dépenses, l'agence de biomédecine faisant figure d'exception en la matière.

Enfin, à propos de l'article 59 relatif au financement du centre national de gestion des essais des produits de santé, elle a demandé, faisant état d'informations récentes sur des travaux de recherche qui semblent se situer hors du cadre législatif posé par les lois de bioéthique, des précisions sur les essais qui sont menés dans le domaine des produits issus du corps humain.

Annie Jarraud-Vergnolle a déclaré partager le regret que l'on se focalise, en matière de santé mentale, sur le problème des malades dangereux, ce qui conduit à considérer que ce problème relève du ministère de la justice et non pas du ministère de la santé. Elle s'est interrogée, à ce sujet, sur la différence existant entre des centres comme celui de Cadillac, qui accueille des malades mentaux ayant commis des actes délictueux, et les UHSA.

Elle s'est enfin associée aux propos d'Alain Vasselle sur l'aide aux complémentaires santé, soulignant que le même problème se pose pour l'accès à l'assurance complémentaire des titulaires de l'allocation vieillesse.

Sylvie Desmarescaux s'est inquiétée des conditions de la collaboration entre les hospitaliers et l'administration pénitentiaire pour la mise en place des UHSA.

Elle a par ailleurs souhaité connaître l'évolution des crédits consacrés à l'offre de soins et sur les conséquences, pour les consommateurs, de la taxe sur le chiffre d'affaires de l'industrie cosmétique que le rapporteur pour avis propose d'instituer par voie d'amendement.

Après s'être associé aux propos d'Alain Vasselle sur le développement des pouvoirs de contrôle du Sénat, Alain Gournac a évoqué le problème de santé très grave que pose le développement de la consommation d'alcools forts par les jeunes, qui affecte aussi les zones rurales. Il a également souhaité que soit trouvée une solution à la présence en prison de malades mentaux qui ne devraient pas y être et n'y reçoivent pas les soins nécessaires.

Gisèle Printz a estimé nécessaire que le plan cancer II engage des campagnes d'information sur la prévention en direction des jeunes dans les établissements scolaires, soulignant en particulier l'intérêt d'informer les jeunes filles sur la vaccination contre les infections à papillomavirus.

Anne-Marie Payet a rappelé que la ministre de la santé avait annoncé, au printemps 2008, un plan santé pour l'Outre-mer. Or, les crédits correspondants, qui ne figurent pas dans la mission « Outre-mer », ne semblent pas être inscrits non plus dans la mission « Santé ». D'après les éléments dont elle dispose, le financement de ce plan serait prévu mais pour un montant non encore déterminé.

André Villiers s'est enquis des incidences budgétaires de la fusion de l'Afssa et de l'Afsset et de l'évolution des moyens de ces agences, difficilement retraçable dans les documents budgétaires.

Isabelle Debré a demandé des précisions sur la politique de prévention du Sida, qu'il paraît nécessaire de réactiver, beaucoup de jeunes semblant ne plus prendre les précautions nécessaires pour se prémunir contre une maladie qui est loin d'être éradiquée.

En réponse, Alain Milon, rapporteur pour avis, a apporté les précisions suivantes :

- l'INCa est en effet organisé sous la forme d'un groupement d'intérêt public (Gip) pérenne, statut qui est aussi celui des services départementaux d'incendie et de secours (Sdis) ;

- le fonctionnement des associations régionales qui constituent le réseau territorial de la HAS, dont les membres sont des médecins, est financé par elle, les caisses primaires d'assurance maladie participant également à leur action ;

- la dernière loi de santé mentale remonte à 1960. On assiste aujourd'hui à une stigmatisation des maladies psychiatriques à tous les niveaux de la population. Il est donc grand temps de se doter d'une législation moderne, réclamée par les psychiatres, dont la nécessité est bien perçue par les politiques et a été soulignée par de nombreux rapports, celui de l'Opeps comme le rapport Couty ou d'autres encore. Il paraît cependant difficile de parvenir à un accord sur son contenu entre les différents « courants » de la psychiatrie. On peut donc s'interroger sur les délais d'élaboration d'un projet de loi et une initiative parlementaire pourrait être envisagée ;

- les crédits de l'AME pour 2010 s'élèveront à 535 millions d'euros ;

- il ne serait pas illégitime d'opérer un certain rééquilibrage entre les crédits dédiés à la recherche sur le cancer et ceux octroyés à la recherche sur la santé mentale : il y a vingt fois plus de personnes concernées par les maladies mentales que par le cancer, et vingt fois moins de recherche dans le domaine de la santé mentale. Or, celle-ci est nécessaire notamment dans le domaine génétique, car certains travaux montrent que les maladies psychologiques ne sont pas dues uniquement à des causes « impalpables » mais peuvent tenir aussi à des réalités physiologiques ou chimiques ;

- le problème de la coordination entre les ARS et les autres instances sanitaires a déjà été soulevé lors des débats sur le projet de loi HPST et débattu au sein de la commission. Du reste, les questions que la commission avait alors pointées sont bien celles qui se posent et il est difficile de regrouper, dans un comité de coordination, des instances dont les représentants peuvent avoir des visions différentes ;

- le problème de l'accès aux soins dans le cadre de l'AME n'est pas le fait des personnes qui dispensent les soins mais relève plutôt du comportement des populations qui ont vocation à en bénéficier. On peut le déceler à travers le taux d'augmentation des dépenses de l'AME, 1 % par an, qui est nettement inférieur au taux d'évolution global des dépenses de santé, qui est de 3,7 %. On peut donc penser que tous ceux qui pourraient bénéficier de l'AME n'y ont pas recours, ou le moins possible, car il n'y a aucun raison que leurs besoins soient inférieurs à ceux de l'ensemble de la population ;

- il serait très positif que le Parlement développe une politique d'évaluation, et notamment de l'évaluation de l'application des lois. On peut penser en particulier à la loi HPST qui exigera quelque 190 textes d'application : il semble que l'élaboration, en particulier, des décrets sur la gouvernance de l'hôpital soit assez difficile ;

- aucun essai clinique n'implique, conformément à la loi, de cellules souches embryonnaires ;

- le problème de la stigmatisation des maladies mentales est réel : or, contrairement à ce que l'on croit, la proportion d'actes criminels commis par la population des personnes atteintes de schizophrénie est bien moindre que celle constatée dans l'ensemble de la population ;

- la première UHSA, celle de Lyon, semble se mettre en place dans un climat de bonne coopération entre les partenaires : l'hôpital assure les soins, l'administration pénitentiaire assure la sécurité. Dans ces conditions, les UHSA sont une bonne solution, encore que coûteuse pour l'assurance maladie. Mais il semble qu'ailleurs, la coopération entre les hôpitaux et l'administration pénitentiaire ne se déroule pas aussi bien et que l'administration de la justice ait tendance à vouloir prendre la direction des opérations.

Muguette Dini, présidente, a fait observer, à cet égard, que la structure pavillonnaire de l'hôpital accueillant l'UHSA de Lyon a sans doute favorisé sa mise en place dans de bonnes conditions.

Alain Milon, rapporteur pour avis, a ajouté que :

- l'établissement de Cadillac est un établissement pénitentiaire accueillant des détenus qui ont besoin de soins psychiatriques. Les UHSA ont une vocation différente : ce sont des structures hospitalières qui accueillent les détenus pour des traitements en période de crise, mais ceux-ci réintègrent ensuite l'établissement pénitentiaire ;

- les crédits consacrés à la modernisation du système de soins sont en baisse de 61 % en raison du transfert de la dotation attribuée aux anciennes agences régionales de l'hospitalisation aux ARS ;

- l'incidence de la taxe proposée sur les prix des produits cosmétiques devrait être modérée ; par ailleurs, cette taxe ne concernerait pas les petites entreprises ;

- les problèmes d'alcoolisme, et d'addiction en général, relèvent plutôt du ressort de l'action « Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie », incluse dans la mission « Direction de l'action du Gouvernement » et sur laquelle Gilbert Barbier a présenté la semaine dernière un rapport pour avis. Mais certaines des mesures adoptées dans le cadre de la loi HPST pour lutter contre l'alcoolisme des jeunes - interdiction de vente aux mineurs, suppression des open-bars - pourront être efficaces si elles sont bien appliquées ;

- il faut effectivement informer les jeunes sur la prévention du cancer, sans se limiter d'ailleurs à la vaccination contre le cancer du col de l'utérus, même si cette vaccination est utile dès lors qu'elle réduirait les risques d'environ 70 % ;

- il conviendra effectivement d'interroger le Gouvernement, lors du débat budgétaire, sur le financement du plan santé pour l'Outre-mer ;

- la fusion de l'Afssa et de l'Afsset se fera probablement à coûts budgétaires croissants, mais il faut insister pour que les laboratoires soient plutôt rattachés à l'Inra pour clarifier les compétences et le rôle d'expertise des agences. Le financement des deux agences provient de plusieurs ministères - parmi lesquels ceux chargés de l'agriculture, du travail ou de l'environnement, ce qui ne facilite par la lisibilité de l'évolution de ce financement ;

- il faut effectivement poursuivre l'effort de prévention du Sida, qui semble d'ailleurs commencer à produire ses effets si l'on en juge par la baisse assez nette, au niveau mondial (7 % à 8 % par an), du nombre des nouveaux malades dans les deux dernières années. A cet égard, il ne faut pas seulement agir au niveau national, mais aussi au niveau local : les actions que peuvent développer les communes à l'occasion, par exemple, de la journée du Sida, ou auprès de la population scolaire, peuvent aussi être très efficaces.

A l'issue de ce débat, la commission, suivant la proposition de son rapporteur pour avis, a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Santé » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2010 .

Elle a ensuite :

- donné un avis favorable à l'adoption des articles 59 et 59 bis rattachés ;

- adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 59 bis prévoyant l'instauration, au profit de l'Afssaps, d'une taxe annuelle de 0,25 % assise sur le chiffre d'affaires des producteurs ou importateurs de produits cosmétiques dont les ventes excèdent un montant hors taxes de 763 000 euros ;

- adopté un amendement de suppression de l'article 59 ter rattaché .

* 1 La Haute Autorité de santé est une « autorité publique indépendante », assimilable à une autorité administrative indépendante.

* 2 Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.

* 3 Compte rendu des débats de la séance du 5 juin 2009.

* 4 INCa, présentation du plan cancer 2009-2013.

* 5 Cour des comptes, rapport public thématique 2008, La mise en oeuvre du plan cancer ; Haut Conseil de la santé publique, évaluation du Plan cancer, rapport final, janvier 2009 ; Igas : évaluation des mesures du Plan cancer 2003-2007 relatives au dépistage et à l'organisation des soins, juin 2009 ; Centre d'analyses stratégiques, La lutte contre le cancer : surmonter les cloisonnements, septembre 2009.

* 6 InVS, Programme de dépistage du cancer du sein en France : résultats 2006, septembre 2009.

* 7 La création de l'INCa résulte de l'article 33 de la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique.

* 8 Cf. institut national du cancer, rapport scientifique 2008-2009, p. 105.

* 9 La psychiatrie en France : de la stigmatisation à la médecine de pointe, rapport d'Alain Milon, au nom de l'office parlementaire d'évaluation des politiques de santé, n° 328, 2009.

* 10 La santé mentale, l'affaire de tous - Pour une approche cohérente de la qualité de la vie, Centre d'analyses stratégiques, novembre 2009.

* 11 Article L. 3221-1.

* 12 UMD de Cadillac, Montfavet, Plouguernevel et Sarreguemines et centre hospitalier spécialisé Paul Giraud à Villejuif, auxquels s'ajoutent trois projets à Albi, Chalons-sur-Marne et Lyon.

* 13 Loi n° 94-43.

* 14 Loi n° 2002-1138.

* 15 Lille : 60 lits ; Nancy : 40 lits ; Lyon : 60 lits ; Marseille : 60 lits ; Toulouse : 40 lits ; Bordeaux : 40 lits ; rennes : 40 lits ; Paris : 60 lits ; Orléans : 40 lits.

* 16 Interview du docteur Pierre Lamothe, chef du SMPR et en charge de la première UHSA, construite au centre hospitalier le Vinatier, à paraître dans « Hôpital partenaire », décembre 2009.

* 17 Rapport précité, pp. 44-45.

* 18 Présentée lors du colloque organisé sur ce thème au Sénat le 4 juin 2009.

* 19 Stephen Fry : the life of a manic-depressive, BBC, septembre 2006.

* 20 Cette taxe est prévue à l'article L. 5121-17 du code de la santé publique.

* 21 Loi n° 2004-810.

* 22 France, ton atout « jeunes » : un avenir à tout jeune, rapport d'information Sénat n° 436, de Christian Demuynck (2008-2009).

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