Avis n° 104 (2009-2010) de M. Philippe NACHBAR , fait au nom de la commission de la culture, déposé le 19 novembre 2009

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N° 104

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 novembre 2009

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur le projet de loi de finances pour 2010 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME III

CULTURE

Fascicule 1 : Patrimoines - Transmission des savoirs

Par M. Philippe NACHBAR,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jacques Legendre , président ; MM. Ambroise Dupont, Michel Thiollière, Serge Lagauche, David Assouline, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Ivan Renar, Mme Colette Mélot, M. Jean-Pierre Plancade , vice-présidents ; M. Pierre Martin, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Christian Demuynck, Yannick Bodin, Mme Béatrice Descamps , secrétaires ; MM. Jean-Paul Amoudry, Claude Bérit-Débat, Mme Maryvonne Blondin, M. Pierre Bordier, Mmes Bernadette Bourzai, Marie-Thérèse Bruguière, M. Jean-Claude Carle, Mme Françoise Cartron, MM. Jean-Pierre Chauveau, Gérard Collomb, Yves Dauge, Claude Domeizel, Alain Dufaut, Mme Catherine Dumas, MM. Jean-Léonce Dupont, Louis Duvernois, Jean-Claude Etienne, Mme Françoise Férat, MM. Jean-Luc Fichet, Bernard Fournier, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. Jean-François Humbert, Soibahadine Ibrahim Ramadani, Mlle Sophie Joissains, M. Philippe Labeyrie, Mmes Françoise Laborde, Françoise Laurent-Perrigot, M. Jean-Pierre Leleux, Mme Claudine Lepage, MM. Alain Le Vern, Jean-Jacques Lozach, Mme Lucienne Malovry, MM. Jean Louis Masson, Philippe Nachbar, Mme Monique Papon, MM. Daniel Percheron, Jean-Jacques Pignard, Jack Ralite, Philippe Richert, René-Pierre Signé, Jean-François Voguet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) : 1946, 1967 à 1974 et T.A. 360

Sénat : 100 et 101 (annexe n° 7 ) (2009-2010)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La mission « Culture » regroupe trois programmes dont l'examen, par votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication, est partagé entre deux rapporteurs pour avis.

Le présent rapport aborde ainsi deux de ces grands domaines de l'action culturelle :

- le programme 175 « Patrimoines » , qui réunit les moyens consacrés par l'État en faveur de la conservation et de la mise en valeur de notre patrimoine culturel, sous ses différentes formes : monuments historiques, musées, archéologie, archives, patrimoine écrit, linguistique ou cinématographique... ; ce programme représente près de 43 % des dotations de la mission ;

- le programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » , qui regroupe à la fois les fonctions de « soutien » de l'ensemble de la mission et les moyens consacrés par le ministère de la culture et de la communication en faveur des enseignements artistiques - en formation initiale et supérieure -, de l'éducation culturelle en milieu scolaire et de l'accès du plus grand nombre de nos concitoyens à une offre culturelle de qualité ; ce programme réunit plus de 29 % des crédits de la mission.

Le programme 131 « Création » a par ailleurs été confié à notre collègue Serge Lagauche.

Ces trois programmes représentent, dans le projet de loi de finances pour 2010, un montant global de 2 878,28 millions d'euros en autorisations d'engagement et 2 917,76 millions d'euros en crédits de paiement . Ces dotations représentent une augmentation significative par rapport à 2009.

Cette hausse s'accompagne d'un dépassement des plafonds fixés dans le cadre de la programmation des finances publiques : il est de 153,3 millions d'euros en autorisations d'engagement (soit + 5,6 %) et de 120,1 millions en crédits de paiement (soit + 4,3 %) .

Votre rapporteur pour avis s'est montré attentif, comme chaque année, à l'évolution des dotations en faveur de la sauvegarde de notre patrimoine architectural. Les engagements du Président de la République en faveur du patrimoine monumental se sont traduits par un effort budgétaire considérable et destiné à être durable.

Votre rapporteur pour avis fera le point sur un certain nombre d'enjeux sous-jacents dans le projet de budget :

- l'entretien du patrimoine monumental et l'élargissement, dans l'article 52, des possibilités de dévolution qu'il convient d'encadrer et de replacer dans une politique patrimoniale d'ensemble ;

- la modernisation de la gestion de nos musées ;

- la numérisation du patrimoine écrit et documentaire ;

- la politique de l'archéologie préventive ;

- la question essentielle de l'éducation artistique et de la démocratisation de l'accès à la culture.

I. LE PROGRAMME « PATRIMOINES »

Le programme 175 « Patrimoines » regroupe les moyens financiers visant à préserver et valoriser le patrimoine, à l'enrichir et à familiariser le grand public à sa richesse et à sa diversité : son champ comprend les monuments historiques, l'archéologie, les musées, les archives, l'architecture, les patrimoines cinématographique et linguistique.

Au titre de ce programme, les enjeux prioritaires pour l'année 2010 s'articulent autour de trois chantiers :


• la mise en place de la nouvelle direction générale des patrimoines s'inscrivant dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP). Cette direction générale, qui sera mise en place dès le 1 er janvier 2010, regroupera la direction de l'architecture et du patrimoine (DAPA), celle des musées de France (DMF) et celle des archives de France (DAF). Le schéma figurant en annexe montre l'évolution de l'organisation du ministère ;


• la poursuite des autres projets engagés dans le cadre de la RGPP, avec notamment la réforme de la maîtrise d'ouvrage au sein du ministère et la fusion des DRAC (directions régionales des affaires culturelles) et des SDAP (services départementaux de l'architecture et du patrimoine) ;


• la poursuite des opérations du plan de relance, dont la grande majorité concerne le programme Patrimoines et le lancement des nouvelles opérations rendues possibles par l'augmentation de 100 millions d'euros des crédits consacrés à la restauration et l'entretien des monuments historiques.

A. L'ÉVOLUTION GÉNÉRALE DES CRÉDITS POUR 2010 : LA PRIORITÉ DONNÉE AU PATRIMOINE

Les crédits du programme s'établissent, dans le projet de budget pour 2010, à 1 192,58 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) - soit une progression de 16 % hors dépenses de personnel par rapport à 2009 - et 1 249,46 millions d'euros en crédits de paiement (CP) qui représentent une hausse de près de 13 % par rapport à l'année dernière. Ces montants représentent respectivement 41 % et 43 % des interventions de la mission « Culture ». La part du programme dans la mission progresse donc par rapport au projet de loi de finances de 2009 dans lequel ces pourcentages étaient respectivement de 37 et 41, en en faisant le principal bénéficiaire des moyens supplémentaires de la mission.

Le tableau ci-après retrace, par action, l'évolution générale des dotations du programme entre 2009 et 2010.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME « PATRIMOINES » (hors fonds de concours - en millions d'euros)

Numéro et intitulé de l'action

LFI 2009

PLF 2010

Evol. (en %)

AE

CP

AE

CP

AE

CP

01 - Patrimoine monumental et archéologique

286,2

326,94

365,08

419,43

+27,6

+28,3

02 - Architecture

24,49

24,94

24,7

25,15

+0,9

+0,8

03 - Patrimoine des musées de France

432,95

437,37

441,56

441,26

+2

+0,9

04 - Patrimoine archivistique et célébrations nationales

53,38

79,73

65,74

100,92

+23,2

+26,6

05 - Patrimoine écrit et documentaire

207,39

208,77

250,24

216,55

+20,7

+3,7

06 - Patrimoine cinématographique

20,87

22,47

20,87

21,76

0

-3,2

07 - Patrimoine linguistique

4,19

4,19

4,35

4,35

+3,8

+3,8

08 - Acquisition et enrichissement des collections publiques

20

20

20,04

20,04

+0,2

+0,2

Total Programme

1 049,47

1 124,42

1 192,58

1 249,46

+13,6

+11,1

dont dépenses de personnel

155,57

155,57

155,84

155,84

+0,2

+0,2

Total (hors personnel)

893,9

968,85

1 036,74

1 093,62

+16

+12,9

Source : commission de la culture à partir du Projet annuel de performances - Mission « Culture » - Projet de loi de finances pour 2010

En outre, l'évolution par rapport aux dotations programmées pour 2010 traduit une forte croissance des crédits de paiement (en progression de 8,3 %) et plus encore des autorisations d'engagement (+ 10 %).

ÉCARTS A LA PROGRAMATION PLURIANNUELLE DES CRÉDITS DE LA MISSION CULTURE ET DU PROGRAMME « PATRIMOINES » (en millions d'euros)

PLF 2009

2010

Écart constaté
(en %)

Plafonds Mission Culture

AE

2 724,99

2878,28

+5,6

CP

2 797,67

2917,76

+ 4,3

Programme « Patrimoines »

AE

1 083,96

1192,58

+ 10,0

CP

1 153,77

1249,46

+ 8,3

Source : commission de la culture à partir du Projet annuel de performances - Mission « Culture » - Projet de loi de finances pour 2010.

Des fonds de concours complètent les crédits du programme « Patrimoines », à hauteur de 9,46 millions d'euros en autorisations d'engagement (dont l'essentiel - 8,63 millions d'euros - bénéficie au patrimoine monumental et archéologique) et 48,78 millions d'euros en crédits de paiement (dont 24,16 millions d'euros pour le patrimoine monumental et archéologique et 24,09 millions d'euros pour les musées).

Ce programme est composé de huit actions dont le poids financier est inégal. Votre rapporteur a décidé de cibler son analyse sur les trois plus importantes d'entre elles, tant symboliquement que budgétairement, à savoir l'action 1 « Patrimoine monumental et archéologique » (33,6 % des CP du programme), l'action 3 « Patrimoine des musées de France » (35,3 % des CP) et l'action 5 « patrimoine écrit et documentaire » (17,3 % des CP).

B. LE PATRIMOINE MONUMENTAL

1. Crédits 2010 : la traduction de l'engagement du Président de la République en faveur des monuments historiques

a) Un engagement fort et très attendu en faveur des monuments historiques

Lors de ses voeux au monde de la culture, le 13 janvier 2009 à Nîmes, le Président de la République a annoncé que les 100 millions d'euros du volet culture du plan de relance seraient consolidés en 2010 au bénéfice des seuls monuments historiques. L'action 1 « patrimoine monumental et archéologique » bénéficie, comme l'indique le tableau retraçant l'évolution des crédits du programme, de 365 millions d'euros en AE (+ 27,6 % par rapport à 2009) et de plus de 419 millions d'euros en CP (+ 28,3 %) y compris les dépenses de personnel (s'élevant à 24,77 millions d'euros). Le seuil des 400 millions a donc bien été atteint et même dépassé . Cette hausse devant s'inscrire dans la durée, comme l'a annoncé le Président de la République, lors de son discours précité, à travers un effort de « 4 milliards d'euros sur dix ans pour le financement du patrimoine » .

Votre rapporteur avait souligné, dans son rapport de 2009, la nécessité d'un investissement continu dans le temps, relayant les conclusions de la mission d'information chargée d'étudier l'entretien et la sauvegarde du patrimoine architectural 1 ( * ) , présidée par notre collègue Philippe Richert. Cette mission avait d'ailleurs évalué, comme le ministère de la culture et de la communication 2 ( * ) l'année suivante, entre 350 et 400 millions d'euros la fourchette annuelle de crédits nécessaires à l'entretien et la restauration des monuments historiques.

b) Une politique en faveur des monuments historiques à la hauteur de cet effort budgétaire

Au sein des crédits, les opérations d'entretien bénéficient d'une augmentation de 25,64 millions d'euros, soit une hausse de plus de 80 % par rapport aux crédits inscrits en loi de finances initiale de 2009. Dans les services déconcentrés, les crédits de restauration augmentent de 17,83 millions d'euros en CP pour les monuments historiques appartenant à l'État, et de 21,27 millions d'euros pour les autres. Cela représente une hausse totale de 24 % en CP pour la restauration en administration déconcentrée .

Sont également soutenus les projets des opérateurs : 20 millions d'euros en AE et 25 millions d'euros en CP sont prévus pour l'établissement public de Versailles et 1,8 million d'euros pour l'établissement public de Fontainebleau nouvellement créé.

Les crédits prévus en 2010 devraient permettre de rattraper certains retards que le plan de relance a déjà permis de prendre en compte. En 2008, 350 chantiers avaient été reportés à 2009, la situation étant particulièrement critique en Bourgogne, Ile-de-France, Languedoc-Roussillon, Pays-de-la-Loire, Midi-Pyrénées et Rhône-Alpes. Le plan de relance a permis de lancer ou d'accélérer 230 chantiers consacrés aux monuments historiques sur l'ensemble du territoire. Des opérations reportées faute de crédits suffisants ont pu démarrer. Il s'agit par exemple de la restauration :

- des Halles du Boulingrin à Reims (2,8 millions d'euros),

- du transept de la cathédrale de Tours (3,1 millions d'euros),

- des façades du hangar Y à Meudon (1,5 million d'euros),

- de l'abbatiale de Beaulieu-sur-Dordogne (0,8 million d'euros).

Outre la contribution au financement du schéma directeur d'investissement 3 ( * ) de Versailles pour la fin de la phase 1, ces crédits permettront également le financement des grands projets que sont la création du musée des civilisations d'Europe et de la Méditerranée (MUCEM) 4 ( * ) dans le Fort Saint-Jean, monument classé devant être restauré (ce volet « monument historique » du projet est financé à hauteur de 7,72 millions d'euros en CP ), et la mise en sécurité et le réaménagement du Quadrilatère Richelieu, site historique de la Bibliothèque nationale de France (BnF), dont le total des AE s'élève à 44,40 millions d'euros (dont 40,40 s'inscrivant dans le cadre de l'action 5 « patrimoine écrit et documentaire »).

LA RÉPARTITION DES CRÉDITS DES MONUMENTS HISTORIQUES POUR 2010 ( hors plan de relance )

(En millions d'euros)

AE

CP

Monuments historiques (MH) « hors grands projets »

290,61

341,69

Crédits d'entretien

56,17

56,17

dont MH État

34,46

34,46

dont MH non État

21,71

21,71

Crédits de restauration

227,20

278,27

dont MH État
(y compris subvention investissement CMN)

119,09

127,80

dont MH non État

108,11

150,47

Dotation versée aux opérateurs

7,26

7,26

« Grands projets »

71,18

39,72

Versailles

20

25

Quadrilatère Richelieu

44,40

7

Fort Saint-Jean

6,78

7,72

Total Monuments historiques

361,79

381,41

Source : Projet annuel de performances - Mission « Culture » - Projet de loi de finances pour 2010.

Votre rapporteur insiste sur la nécessité de maintenir ces efforts budgétaires dans la durée et sera très attentif aux crédits présentés dans les prochaines années. Il rappelle également l'importance de la valorisation du patrimoine qui est un atout majeur pour l'attractivité des territoires, la cohésion nationale et le développement touristique et économique. Cette vision dynamique du patrimoine, qu'il avait soulignée avec notre collègue Philippe Richert, dans le rapport d'information sur le financement de la politique du patrimoine précité, a d'ailleurs été relayée par une étude nationale sur les retombées économiques et sociales du patrimoine, éditée en mars 2009 par le ministère de la culture et de la communication. Cette étude, qui mesure le « retour sur investissement » des crédits publics consacrés à la restauration et à la mise en valeur du patrimoine, met en évidence des chiffres intéressants dans le cadre de l'analyse des crédits :


• 33 000 emplois sont directement liés aux sites et monuments en France métropolitaine ;


• 280 000 emplois indirects sont liés au patrimoine, dans les entreprises de restauration du patrimoine protégé, dans le domaine du tourisme, dans la recherche, dans les métiers d'art ou l'architecture ;


• 1 emploi direct dans le patrimoine génère 15 emplois induits ; au total, près de 500 000 emplois seraient, de près ou de loin, liés au patrimoine ;


• le chiffre d'affaires des entreprises et des artisans pour les travaux de restauration du patrimoine protégé est évalué à 5 milliards d'euros. Si l'on y ajoute les retombées économiques liées au tourisme patrimonial et à la valorisation du patrimoine, le total dépasserait 21 milliards d'euros.

2. L'article 52 rattaché à la mission : le risque d'une remise en cause de la politique monumentale

a) Un article proposant une réforme fondamentale pour le patrimoine monumental, et dont le rattachement au PLF peut laisser perplexe.

Le présent dispositif, qui traduit une décision prise dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, réforme l'article 97 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales (cf encadré ci-après), lequel permettait aux collectivités territoriales, sous certaines conditions, de se porter candidates au transfert d'éléments du patrimoine classé ou inscrit de l'État ou du Centre des monuments nationaux. Cette disposition prévoyait que :

1) Les monuments classés transférables sur demande aux collectivités étaient, parmi les monuments de l'État et du Centre des monuments nationaux (CMN), ceux qui figuraient sur une liste fixée par décret en Conseil d'État . Le décret n° 2005-936 du 20 juillet 2005 relatif aux conditions de transfert de la propriété de monuments historiques aux collectivités territoriales a ainsi établi une liste de 176 monuments historiques transférables (dont 43 du CMN). La commission Rémond avait défini les critères justifiant du caractère national d'un monument et souligné le caractère inaliénable de certains biens. Ces critères, précisés dans le rapport remis au ministre de la culture et de la communication le 17 novembre 2003 étaient :


l'appartenance à la mémoire de la Nation. Les lieux de mémoire de France, commémoratifs de grandes dates de l'Histoire de France devaient ainsi relever de l'État, à l'instar des champs de bataille, des cimetières militaires, des palais nationaux, etc. ;


la notoriété internationale et le rayonnement faisant d'un monument un élément du patrimoine européen ou universel (grands sites archéologiques, vestiges de l'abbaye de Cluny, obélisque de la Concorde...) ;


l'engagement, par l'État, d'importants moyens financiers ou l'acquisition récente des monuments, ou encore le fait que ces monuments nécessitent une gestion de très long terme, en raison soit de la nature même d'un site (sites archéologiques à exploiter ultérieurement) soit, par application d'un principe de précaution, d'une conservation particulièrement délicate (grottes ornées).

2) La demande des collectivités territoriales devait être formulée au plus tard 12 mois après la publication de ce décret ;

3) Les transferts étaient effectués à titre gratuit et ne donnaient lieu au paiement d'aucune indemnité, droit, taxe, salaire ou honoraires ;

4) Les collectivités destinataires du transfert avaient pour mission d'assurer la conservation du monument et, lorsqu'il était ouvert au public, d'en présenter les collections , d'en développer la fréquentation et d'en favoriser la connaissance ;

5) Les transferts de propriété valaient transfert de service et s'accompagnaient des transferts de personnels exerçant leurs fonctions dans ces immeubles, dans les conditions de droit commun 5 ( * ) prévues par la loi.

ARTICLE 97 DE LA LOI N° 2004-809 DU 13 AOÛT 2004 RELATIVE AUX LIBERTÉS ET RESPONSABILITÉS LOCALES

I. - L'État ou le Centre des monuments nationaux transfère aux collectivités territoriales qui en font la demande ou à leurs groupements, sous réserve du respect des clauses des dons et legs, la propriété des immeubles classés ou inscrits au titre du titre II du livre VI du code du patrimoine figurant sur une liste établie par décret en Conseil d'État, ainsi que la propriété des objets mobiliers qu'ils renferment appartenant à l'État ou au Centre des monuments nationaux. Cette liste peut également prévoir le transfert d'objets mobiliers classés ou inscrits appartenant à l'État. Ces transferts sont effectués à titre gratuit et ne donnent lieu au paiement d'aucune indemnité, droit, taxe, salaire ou honoraires.

La demande des collectivités territoriales ou de leurs groupements doit être adressée au représentant de l'État dans la région dans les douze mois à compter de la publication du décret mentionné à l'alinéa précédent. A l'appui de leur demande, les collectivités territoriales ou leurs groupements communiquent un projet précisant les conditions dans lesquelles elles assureront la conservation et la mise en valeur de l'immeuble. Le représentant de l'État notifie la demande aux autres collectivités territoriales intéressées dans le ressort desquelles se trouve l'immeuble. Au cas où, pour un même immeuble, d'autres demandes seraient présentées dans un délai de trois mois suivant la plus tardive des notifications, le représentant de l'État organise une concertation entre les candidats en vue d'aboutir à la présentation d'une demande unique. A l'issue de cette concertation, il désigne la collectivité ou le groupement de collectivités bénéficiaire du transfert en fonction des projets présentés en vue de remplir les missions précisées au II.

II. - Les collectivités territoriales ou leurs groupements propriétaires d'immeubles classés ou inscrits au titre du titre II du livre VI du code du patrimoine ont pour mission d'assurer la conservation du monument et, lorsqu'il est ouvert au public, d'en présenter les collections, d'en développer la fréquentation et d'en favoriser la connaissance.

III. - Une convention conclue entre l'État ou le Centre des monuments nationaux et la collectivité ou le groupement de collectivités bénéficiaire procède au transfert de propriété de l'immeuble et des objets mobiliers dont elle dresse la liste. Elle transfère également les droits et obligations attachés aux biens en cause et ceux résultant des contrats en cours. Elle fixe notamment l'utilisation prévue du monument transféré ainsi que les conditions d'ouverture éventuelle au public et de présentation des objets qu'il renferme. Elle établit, pour une durée qui ne peut excéder cinq ans, un programme de travaux susceptibles d'être subventionnés par l'État.

A compter du transfert de propriété, qui vaut transfert de service, les personnels exerçant leurs fonctions dans ces immeubles et dont la convention fixe la liste sont transférés dans les conditions prévues au chapitre II du titre V de la présente loi.

Source : Légifrance

L'encadrement proposé par la loi du 13 août 2004 a donc permis de lancer un mouvement de décentralisation s'inscrivant dans une définition stratégique du patrimoine monumental de l'État. Cette stratégie était le fruit d'une longue réflexion, d'une approche transversale de la légitimité de l'État à intervenir, et surtout garantissait une stabilité juridique pour les différents acteurs en imposant un délai pour les demandes de transfert.

L'encadré suivant propose un état des lieux figurant dans les réponses au questionnaire budgétaire du ministère de la culture et de la communication :

L'application de l'article 97 avait donné lieu, au 23 juillet 2006, à 73 candidatures adressées aux préfets de région, concernant 70 monuments et sites 6 ( * ) tels que les châteaux du Haut-Koenigsbourg et de Chaumont-sur-Loire, les abbayes de Jumièges et de Silvacane, les vestiges du temple de Mercure au sommet du Puy-de-Dôme, le dolmen de la Pierre-Levée à Poitiers ou la chapelle Saint-Jean-du-Liget à Sennevières.

5 candidatures n'ayant pas abouti ou ayant fait l'objet d'un autre type de procédure 7 ( * ) , ce sont au total 65 monuments et sites dont le transfert a été engagé en application de la procédure de l'article 97 (cf tableau récapitulatif ci-après). 56 conventions sont, à ce jour, signées et 9 sont en voie de l'être.

Sur les 65 monuments, 43 transferts sont effectués au bénéfice des communes, 16 au bénéfice des départements et 6 au bénéfice des régions. Ces transferts concernent 26 sites archéologiques, protohistoriques ou mégalithiques, 4 monuments antiques, 10 châteaux, châteaux forts ou éléments de fortifications, 18 monuments du patrimoine religieux (chapelle, basilique, abbaye ou parties d'abbaye), 3 monuments du patrimoine civil (maison, hôtels), 3 parcelles de terrain (adjacentes à des édifices religieux) et 1 collection mobilière. 11 de ces monuments sont gérés par le Centre des Monuments Nationaux :

Château de Haut-Koenigsbourg, dolmen de Peyrelevade, château de Châteauneuf, site des Fontaines Salées, château de Chaumont, Maison du Maréchal Foch à Tarbes, site de la Graufesenque, chapelle des Carmélites à Toulouse, abbaye de Jumièges, abbaye de Silvacane, château du Roi René à Tarascon.

Les conventions signées, en application de l'article 97, entre l'État et les collectivités territoriales précisent les conditions du soutien de l'État aux travaux de restauration menés sur les édifices transférés pendant les cinq années suivant le transfert. 25 conventions ont été assorties d'un programme de travaux spécifiques de restauration, financés à hauteur de 50 % par l'État pour un total de 51,4 millions d'euros sur 5 ans.

TABLEAU RÉCAPITULATIF DES 65 MONUMENTS ET SITES DONT LE TRANSFERT A ÉTÉ ENGAGÉ EN APPLICATION DE L'ARTICLE 97 DE LA LOI DU 13 AOÛT 2004

I - Liste des 56 transferts effectués (conventions signées)

Communes (36)

Monuments et sites

Date du transfert

Paris

Hôtel Renan-Scheffer, musée vie romantique

01/01/2007

Provins

Partie de l'église Saint-Ayoul

01/01/2007

Châlons-en-Champagne

Eléments du cloître de Notre-Dame-en-Vaux

01/06/2007

Rampieux

Dolmen de Peyrelevade

01/06/2007

Villars

Abbaye de Boschaud

01/06/2007

Cerzat

Gisement préhistorique

28/06/2007

Lavaudieu

Abbaye Saint-André

28/06/2007

Argenteuil

Allée couverte des Déserts

29/06/2007

Saint-Floret

Château de Saint-Floret

24/07/2007

Vendeuvre-du-Poitou

Site antique des Tours Mirandes

30/07/2007

Toulouse

Chapelle des Carmélites

01/08/2007

Escolives-Sainte-Camille

Villa gallo-romaine et nécropole mérovingienne

06/08/2007

Carennac

Deux salles dans l'aile sud du prieuré

24/08/2007

L'Ile-Bouchard

Ruines de l'église priorale de Saint-Léonard

27/08/2007

La Vallée

Ensemble mégalithique de la Pierre-Levée

27/08/2007

Poitiers

Dolmen de la Pierre-Levée

27/08/2007

Sennevières

Chapelle Saint-Jean-du-Liget

27/08/2007

Riez

Hôtel de Mazan

01/09/2007

Vertault

Oppidum de Vertillum

14/09/2007

Biran

Tour gallo-romaine (pile funéraire)

22/10/2007

Watten

Tour

07/11/2007

Saint-Maixent-l'Ecole

Parcelle de terrain

20/11/2007

Arles

Chapelle Saint-Jean-de-Moustier

10/12/2007

Brueil-en-Vexin

Allée mégalithique de la Cave-aux-Fées

12/12/2007

Cordes-sur-Ciel

Maison Gaugiran

21/12/2007

Foissy-les-Vézelay, Saint- Père

Site des Fontaines-Salées

01/01/2008

La Roque-d'Anthéron

Abbaye de Silvacane

01/01/2008

Millau

Site de la Graufesenque

01/01/2008

Kaysersberg

Ruines du Château de Schlossberg

01/01/2008

Tarascon

Château du Roi René

01/01/2008

Sainte-Savine

Tumulus

08/01/2008

Crozon

Alignements de Ty-Ar-C'Huré à Montougard

01/02/2008

Tarbes

Maison natale du Maréchal Foch

01/03/2008

Nice

Fort du Mont-Alban

13/03/2008

Nîmes

Castellum divisorium

10/02/2009

Cruas

Terrain adjacent à l'Eglise de Cruas

01/01/2010

Départements (13)

Monuments et sites

Date du transfert

Seine-Maritime

Abbaye de Jumièges

01/01/2007

Bas-Rhin

Château de Koenigsbourg

01/01/2007

Dordogne

Château de Campagne

01/06/2007

Aisne

Porte de Laon

07/09/2007

Oise

Sanctuaire gallo-romain de Champlieu

12/09/2007

Oise

Grand théâtre gallo-romain

12/09/2007

Puy-de-Dôme

Temple de Mercure au sommet du Puy-de-Dôme

29/11/2007

Haute-Savoie

Ruines de l'abbatiale

05/12/2007

Pas-de-Calais

Ruines de l'ancienne abbatiale de Mont Saint-Eloi

01/01/2008

Calvados

Chapelle du prieuré Saint-Gabriel

01/01/2008

Côtes-d'Armor

Camp de Péran

01/02/2008

Côtes-d'Armor

Château de la Hunaudaye

01/09/2008

Nord

Site antique de Bavay

24/10/2008

Loire

Partie de l'abbaye de Charlieu

01/01/2009

Ardèche

Théâtre gallo-romain

01/01/2010

Régions (5)

Centre

Château de Chaumont

01/02/2007

Bourgogne

Château de Châteauneuf

01/01/2008

Auvergne

Collections du domaine de Randan

05/09/2008

Languedoc-Roussillon

Ville et port de Saint-Sauveur

14/11/2008

Languedoc-Roussillon

Cité des Gabales

19/12/2008

II - Liste des 9 transferts en cours

Collectivités

Monuments et sites

Date du transfert

Marseille

Musée des docks romains

-

Arles

Cryptoportiques

-

Fréjus

Butte Saint-Antoine

-

Fréjus

Plate-forme romaine

-

Hyères

Cité gréco-romaine d'Olbia

-

Vaison-la-Romaine

Site archéologique (à l'exclusion du château)

-

Saint-Pantaléon

Site de la Ferraille

-

Aime

Basilique de Saint-Martin

-

Languedoc-Roussillon

Oppidum des Castels

-

LES PRINCIPAUX PROGRAMMES QUINQUENNAUX DE TRAVAUX

Château du Haut-Koenigsbourg 6,78 millions d'euros (dont part de l'État : 3,24 millions d'euros), Château de Chaumont 3,205 millions d'euros (dont part de l'État : 1,602 million d'euros). Abbaye de Jumièges 2,642 millions d'euros (dont part de l'État : 1,366 million d'euros). Château de Campagne 4,2 millions d'euros (dont part de l'État : 2,1 millions d'euros). Château de Châteauneuf 1,2 million d'euros (dont part de l'État : 0,6 million d'euros). Tour de Watten 0,9 million d'euros (dont part de l'État 0,45 million d'euros). Fort du Mont Alban à Nice 2,5 millions d'euros (dont part de l'État 1,25 million d'euros). Abbaye de Silvacane à La Roque-d'Anthéron (1,031 million d'euros dont part de l'État : 0,515 million d'euros). Château du Roi René à Tarascon 1,2 million d'euros (dont part de l'État 0,6 million d'euros).

Choeur de l'église Saint-Ayoul de Provins : le financement des travaux de restauration sur ce monument transféré à la ville de Provins sera apporté dans le cadre de la convention-cadre signée entre le ministère de la culture et la ville pour la restauration de son patrimoine, qui a été inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO. Cette convention prévoit, sur une durée de dix ans, un apport financier de l'État de 8 millions d'euros pour la restauration des divers monuments de la ville.

Site de la Graufesenque à Millau : ce site bénéficiera des financements qui ont été inscrits au contrat de projet État-Région 2007-2013 pour l'aménagement de quatre pôles archéologiques majeurs de Midi-Pyrénées (part de l'État sur la durée du contrat pour les quatre sites : 3 millions d'euros).

Source : réponses au questionnaire budgétaire.

L'article 52 vise aujourd'hui à relancer le mouvement de décentralisation à travers un appel généralisé au volontariat des collectivités territoriales . Certes, l'État se réserve la possibilité d'accepter ou non des candidatures, au terme d'un délai d'expertise « au vu de l'importance qui s'attache au maintien du bien concerné dans le patrimoine de l'État, de l'intérêt des finances publiques, des conséquences statutaires du transfert pour les personnels concernés ou de l'insuffisance du projet » présenté par la collectivité ou le groupement de collectivités. Mais ces conditions paraissent imprécises et il semble à votre rapporteur qu'un sujet aussi important aurait mérité un véritable bilan de la première vague de transfert . C'est d'ailleurs dans cet état d'esprit que notre collègue Philippe Richert avait déposé une proposition de loi 8 ( * ) en 2008, mais, jugée irrecevable au titre de l'article 40, celle-ci n'avait pas pu donner lieu au débat de fond souhaité sur le sujet.

Votre rapporteur souhaite rappeler brièvement les difficultés que pourrait entraîner l'adoption de cette disposition.

b) Des enjeux historiques et économiques qui ne semblent pas avoir été pris en compte


La première difficulté est économique.

Tout d'abord parce que l'on peut penser que les collectivités seront davantage enclines à demander le transfert des quelques monuments bénéficiaires, lesquels permettent justement de financer les autres monuments, en majorité déficitaires. Ce système de péréquation nationale est fondamental, notamment pour le Centre des monuments nationaux (CMN) qui gère près d'une centaine de monuments dont seulement six bénéficiaires permettant d'ouvrir à la visite au total 96 monuments. Chaque monument bénéficiaire du CMN finance ainsi 15 monuments du réseau . Qu'adviendra-t-il de l'équilibre de ce système si le transfert des monuments bénéficiaires a lieu ? Même s'il est prévu que l'État compense au CMN les pertes de recettes liées à la décentralisation, il peut être utile de prendre le temps de réfléchir à l'opportunité de substituer un système de financement reposant in fine sur le contribuable à un système autofinancé à 82 % grâce aux recettes issues du tourisme. En effet, d'après le budget prévisionnel de 2009 de l'établissement public figurant dans le rapport annuel de performance, 63 millions sur 76 sont des ressources propres.

Ensuite, en raison de la disparition du délai de 12 mois pour formuler la demande de transfert, l'article 52 crée une instabilité préjudiciable aux monuments historiques . En effet, s'il existe un doute sur une éventuelle demande de transfert pouvant intervenir à tout moment, on peut imaginer que l'État (ou le CMN) pourra hésiter à investir massivement dans la restauration d'un monument historique. Il est particulièrement délicat de prévoir un programme pluriannuel d'investissement à périmètre inconstant . Et la question est d'autant plus cruciale que se met précisément en place la réforme de la maîtrise d'ouvrage.


Il existe également un risque de dépeçage du patrimoine monumental.

En effet, l'article 52 élargit les possibilités de transfert prévues par la loi de 2004 en précisant que le transfert peut concerner « tout ou partie des immeubles » (alinéa 5) ou « porter sur des objets » (aliéna 8). Ainsi une collectivité pourrait-elle demander le transfert d'une partie d'un bâtiment, ou certains objets appartenant à un monument, sans que des critères précis n'encadrent cette possibilité.


• Enfin, compte tenu des amendements adoptés par l'Assemblée nationale en première lecture, certaines dispositions paraissent inapplicables .

En effet, c'est le cas de la notion de « réutilisation éventuelle » dont on ne sait pas vraiment ce qu'elle recouvre, ce qui peut laisser le législateur circonspect. C'est également vrai pour la disposition prévoyant un rapport des collectivités dix ans après le transfert : elle peut entraîner des conséquences juridiquement contestables puisqu'elle permet la résiliation de la convention (et donc de revenir sur le transfert de propriété), alors même que d'autres cessions peuvent intervenir entre temps.

AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN PREMIÈRE LECTURE

Deux amendements ont prévu l'avis du ministre de la culture et de la communication :

- le premier (alinéa 3), mentionnant que le transfert peut se faire « après avis du ministre de la culture et de la communication » ;

- le second (alinéa 13), précisant que la désignation de la collectivité ou du groupement de collectivités intervient « après avis du ministre chargé des monuments historiques et du ministre chargé du domaine ».

Deux amendements ont prévu la transmission de rapports :

- le premier (aliéna 17), réalisé au bout de dix ans par la ou les collectivités ayant bénéficié d'un transfert, et transmis au ministre chargé des monuments historiques. Cet amendement prévoit la possibilité d'une résiliation de la convention de transfert par ledit ministre, « à défaut de transmission de ce document, ou si le bilan de la mise en oeuvre s'avère insuffisant et non conforme aux clauses prévues dans la convention » ;

- le second (article 52 bis nouveau), transmis tous les deux ans par le gouvernement aux commissions compétentes du Parlement, et « établissant un bilan et une évaluation de l'application de l'article 97 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés locales, et notamment un suivi des conventions de transfert signées en application de ces dispositions ». Ce rapport « retrace également, région par région, l'évolution des moyens alloués par l'État en faveur de l'entretien et de la restauration des monuments classés ou inscrits au titre des monuments historiques dont il n'est pas propriétaire, ainsi que des engagements en cours et des opérations réalisées et programmées ».

Un amendement (alinéa 14) introduit la notion de « réutilisation éventuelle dans des conditions respectueuses de son histoire et de son intérêt artistique et architectural » au titre des obligations incombant à la collectivité.

Aussi votre rapporteur propose-t-il plusieurs amendements visant à encadrer davantage la possibilité de dévolution du patrimoine monumental de l'État aux collectivités territoriales volontaires .

Par ailleurs, votre commission a décidé de créer un groupe de travail chargé de mener une réflexion sur le rôle et l'avenir du centre des monuments nationaux.

3. La réforme de la maîtrise d'ouvrage

a) Les décrets du 22 juin 2009 : le résultat d'un long processus de réforme

L'article L. 621-29-2 du code du patrimoine précise que « le maître d'ouvrage des travaux sur l'immeuble classé ou inscrit est le propriétaire ou l'affectataire domanial si les conditions de la remise en dotation le prévoient. »

Dès lors les services de l'État n'assurent plus, sauf exception autorisée par le ministre, la maîtrise d'ouvrage sur les monuments historiques ne lui appartenant pas. Cette règle élaborée dès 2003 par une directive nationale d'orientation, est devenue effective par la modification du code du patrimoine par l'ordonnance du 8 septembre 2005, et a amené les directions régionales des affaires culturelles à rendre la maîtrise d'ouvrage des travaux aux propriétaires, que ce soit des collectivités territoriales ou des propriétaires privés. Ce processus est pratiquement achevé, hormis pour quelques opérations où cette restitution amènerait les propriétaires à interrompre définitivement les travaux et à résilier les marchés aux entreprises.

Les nouvelles dispositions du code du patrimoine prévoient cependant que les services chargés des monuments historiques sont susceptibles, dans certaines conditions, d'assurer une assistance à maîtrise d'ouvrage (décret n° 2009-748 du 22 juin 2009). Votre rapporteur sera particulièrement attentif à la bonne application de ces dispositions , au regard notamment des moyens tant humains que financiers qui seront effectivement consacrés par l'État à la mise en oeuvre de cette assistance à maîtrise d'ouvrage.

b) La répartition de la maîtrise d'ouvrage : une multiplicité d'acteurs

En ce qui concerne les monuments appartenant à l'État ou remis à titre de dotation à ses établissements publics , la maîtrise d'ouvrage est répartie entre :

(1) Les directions régionales des affaires culturelles/conservation régionale des monuments historiques (DRAC/CRMH),

Les DRAC/CRMH assurent la maîtrise d'ouvrage des travaux de restauration sur les monuments de l'État en région (notamment sur les 86 cathédrales, des sites archéologiques, et temporairement des monuments nationaux). Les programmations de travaux sur les monuments de l'État (hors monuments nationaux) sont décidées par les préfets de région au vu de propositions des DRAC et en fonction du budget qui leur est alloué au titre du budget opérationnel de programme (BOP) 175 action 1. En 2008 environ 1 300 opérations ont ainsi été « déplacées» dans les services déconcentrés pour un budget d'environ 65 millions d'euros (chiffre rapport annuel de performance 2008 - crédits de paiement).

A titre transitoire et dans la mesure où le Centre des monuments nationaux (CMN) n'est pas encore en mesure d'assumer la maîtrise d'ouvrage sur les monuments qui lui ont été remis en dotation en 2007 et 2008, les DRAC assurent ce rôle à son profit. Cette situation devrait disparaître lorsque le processus de recrutement des 54 personnes nécessaires au fonctionnement de la direction de la maîtrise d'ouvrage au CMN ainsi que des antennes locales aura été mené à son terme, début 2010. Votre rapporteur sera particulièrement attentif à la situation du CMN et au versement attendu de 20 millions d'euros (soit 80 % des CP prévus) du compte d'affectation spéciale, géré par le ministère des finances et alimenté par le produit des cessions immobilières de l'État.

(2) Le service national des travaux (SNT),

Le service national des travaux (SNT) est chargé d'assurer la maîtrise d'ouvrage des travaux d'une part, de conservation du clos et couvert et des structures, de rénovation et d'aménagement, et d'autre part de maintenance des équipements techniques des monuments historiques affectés au ministère de la culture et de la communication quelle que soit la direction utilisatrice. Il assure également une mission de surveillance et de conseil.

Ces monuments sont très majoritairement situés en Île-de-France (il s'agit par exemple des monuments dans lesquels sont implantés les musées nationaux autres que ceux des établissements publics du Louvre et de Versailles, tels que le château de Saint-Germain-en-Laye, le château de Fontainebleau antérieurement à la création de l'établissement public et les châteaux de Compiègne et de Blérancourt, le domaine de Meudon, le quartier Richelieu ex-BnF, le domaine national de Saint-Germain-en-Laye, etc.). Ils figurent sur une liste fixée par un arrêté du 3 mai 2002.

Le SNT s'est vu doter d'un statut par décret n° 90-13 du 3 janvier 1990 proche de celui adopté lors de la création ultérieurement des services à compétence nationale. Actuellement et à titre transitoire, il assure la maîtrise d'ouvrage de travaux sur certains monuments nationaux parisiens (Panthéon, hôtel de Sully, domaine national de Saint-Cloud, château de Champs-sur-Marne, Sainte-Chapelle à Paris, château de Vincennes, château de Maisons-Laffitte, etc.).

Il est en charge des travaux de conservation des résidences présidentielles ainsi que de l'organisation et de la gestion des cérémonies nationales (telle celle du 14 juillet).

Il propose lors de comités de pilotage la programmation de travaux, et l'évolution en cours d'année de cette dernière, en fonction de l'état sanitaire des monuments, des besoins des utilisateurs, et des enveloppes budgétaires disponibles.

Le SNT gère environ 250 opérations par an et mandate environ 40 millions d'euros annuellement. Ses effectifs sont de 53 agents. Il est implanté dans les grandes écuries du château de Versailles.

(3) L'établissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels (EMOC),

L'établissement de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels est un établissement public à caractère administratif. Il est chargé dans le cadre de conventions de mandat de la maîtrise d'ouvrage de projets de constructions neuves, d'aménagements, de réhabilitations, de restaurations d'immeubles appartenant à l'État et à ses établissements publics, ou, à titre onéreux, aux collectivités territoriales (ex. : schéma directeur d'investissement en cours d'exécution au château de Versailles, restauration du Grand Palais).

En 2008, 4 projets ont été achevés, notamment le département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (DRASSM), service national délocalisé à Marseille. 18 projets sont en cours, notamment la restructuration du Quadrilatère Richelieu. 4 projets sont en cours d'études et 14 missions d'assistance ont également lieu. Le montant total des crédits mandatés s'élève à 101 millions d'euros.

(4) Les établissements publics lorsque leur statut le prévoit et qu'ils ont les moyens de l'assurer.

Cette catégorie concerne les établissements publics du Louvre, de Versailles, et le Centre des monuments nationaux évoqué précédemment.

c) Vers une simplification s'inscrivant dans la RGPP

Dans le cadre de la réforme générale des politiques publiques (RGPP), deux rapports sur la maîtrise d'ouvrage des travaux au ministère de la culture et de la communication, respectivement de 2008 et 2009, ont préconisé un rapprochement du SNT et de l'EMOC, ces deux opérateurs exerçant des activités de même nature, mais dans des champs d'intervention distincts et des cadres juridiques différents.

Cette préconisation a été reprise par le ministre de la culture et de la communication en juillet 2009. Pour des raisons de facilité de fonctionnement mais également d'équité entre les agents, la solution d'une fusion des deux structures par modification des actuels statuts de l'EMOC dans le cadre d'un établissement public à caractère administratif est retenue. M. Christophe Vallet, inspecteur général des affaires culturelles, a été nommé préfigurateur afin que la fusion et la mise en place du nouvel établissement interviennent début 2010.

C. LA POLITIQUE DES MUSÉES

Les priorités de l'action 3 « Patrimoine des musées de France » s'articulent autour de trois pôles :


• la politique en matière de collections, pour une meilleure connaissance des collections publiques, et l'amélioration constante de leurs conditions de conservation et de leur état sanitaire ;


• la politique d'ouverture à un public plus large et de développement des territoires à travers une offre culturelle plus équilibrée et mieux répartie ;


• la réorganisation des musées nationaux et de la Réunion des musées nationaux afin de renforcer la capacité de pilotage de la future direction générale des patrimoines et de responsabiliser les services à compétence nationale (SCN).

Les dotations au titre de cette action sont de 441,56 millions d'euros en AE et 441,26 millions d'euros en CP, dont 21 % en dépenses de personnel , qui représentent 2 067 ETPT.

Des décisions prises lors du Conseil de modernisation des politiques publiques du 4 avril 2008 ont entraîné des transferts de crédits, soit au sein de l'action 3 pour compenser les pertes de recettes occasionnées pour la RMN, soit vers le programme 131 « Création ». Il s'agit :


• de la création, en 2010, de l'établissement public de Sèvres, regroupant le musée et la Manufacture nationale de Sèvres ;


• de la création, par le décret du 11 mars 2009, de l'établissement public du château de Fontainebleau.

1. La poursuite de la rénovation des musées nationaux

Les efforts budgétaires dans le domaine de la rénovation permettront, en 2010, les actions suivantes :


• La poursuite de la rénovation du musée Adrien Dubouché à Limoges, avec un financement de 2 millions d'euros en crédits de paiement, ce qui illustre la place accordée aux « arts du feu », marquée également par la création au 1 er janvier 2010 d'un établissement public unique réunissant la Manufacture et le musée de la Céramique de Sèvres. Cette dynamique est également à relier à l'attention que porte le ministère aux métiers d'art de cette branche.


• La poursuite des travaux du musée franco-américain de Blérancourt (1,5 million d'euros de CP), de celui des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (MUCEM) précité, qui fait partie des projets d'investissement prioritaires de l'année 2010 avec un total, hors crédits de relance, de 23,7 millions d'euros en autorisations d'engagement et 11,7 millions d'euros en crédits de paiement. En outre, deux réalisations architecturales majeures sont prévues : celle du musée par Rudy Ricciotti et celle du centre de conservation de Corinne Vezzoni. La construction du bâtiment neuf « Ricciotti » bénéficie d'un partenariat important de la part des collectivités territoriales dont la participation s'élèvera à plus de 58 millions d'euros. Une association de préfiguration vient d'être créée, préalable au choix d'une structure de gestion définitive. Sa direction a été confiée à Bruno Suzzarelli, inspecteur général des affaires culturelles. Par cette action de grande ampleur, le ministère de la culture et de la communication souhaite manifester son soutien à la création d'un grand musée national en région et son engagement aux côtés de Marseille pour réussir le défi que constitue le titre de Capitale européenne de la Culture en 2013. Votre commission se rendra prochainement sur place pour découvrir ce projet.

2. L'engagement de l'État auprès des collectivités territoriales en faveur des musées en région

En 2010, le montant des crédits déconcentrés , délégués auprès des DRAC, sera de 11,3 millions d'euros en autorisations d'engagement et 24,3 millions d'euros en crédits de paiement . Cette dotation est destinée au fonctionnement (7,6 millions d'euros, en reconduction) et à l'investissement (3,7 millions d'euros en AE et 16,7 millions d'euros en CP, soit une progression de 6,4 % par rapport à 2009).

Les travaux de plusieurs opérations qui bénéficient d'un soutien significatif de l'État devraient démarrer en 2010 : le musée de la Grande Guerre à Meaux, le musée Soulages à Rodez, le musée des beaux-arts de Chambéry, le musée des beaux-arts de Valence, ou encore le musée de Montauban. Les travaux se poursuivent pour plusieurs opérations qui se terminent en 2010, dont le musée Jean Cocteau à Menton, le musée Archéa à Louvres, le musée de Dijon, le musée des beaux-arts de Limoges, ou d'autres dont la fin des travaux est prévue en 2011 comme le musée Unterlinden à Colmar, ou les réserves partagées départementales du Finistère à Quimper.

L'État apporte également son soutien à des études pour des opérations dont les travaux sont prévus à partir de 2011, comme le musée de Suresnes, ou les réserves des musées de Bar-le-Duc, de Nancy, ou celles du musée Arlaten à Arles.

Les différentes campagnes de travaux dans les musées nationaux, le projet du MUCEM à Marseille et le soutien de l'État vers des opérations emblématiques en région, permettent ainsi une répartition de l'investissement sur l'ensemble du territoire national , soit par des actions de rénovation, soit par des créations. Ces actions rejoignent l'oeuvre importante des collectivités territoriales, souvent menée en partenariat étroit avec celle de l'État, à l'instar des projets du Louvre-Lens et du Centre Pompidou-Metz, dont l'ouverture est prévue en mai 2010.

3. La gratuité des musées

Après une expérimentation lancée le 1 er janvier 2008 pour une période de six mois, le Président de la République a annoncé, le 13 janvier 2009, la généralisation de cette mesure qui assure l'accès gratuit aux musées et aux monuments nationaux pour les jeunes de l'Union européenne âgés de moins de 26 ans.

Entrée en vigueur le samedi 4 avril 2009 , cette mesure nouvelle de gratuité doit être compensée selon un principe de stricte neutralité budgétaire. Le 31 juillet 2009, le ministre de la culture et de la communication a étendu cette mesure à tous les jeunes résidant dans l'Union européenne, quelle que soit leur nationalité.

a) Bilan de la journée du 4 avril 2009 : un début encourageant

Ce premier jour a été l'occasion d'une communication dans tous les établissements concernés, certains ayant conçu des activités spécifiques (concerts, théâtre et manifestations diverses). Cette journée s'est traduite par un « vif succès », puisque plus de 15 000 jeunes de 18 à 25 ans se sont rendus dans les musées et les monuments nationaux.

Ainsi, 1 651 jeunes sont allés au musée du Louvre, 1 406 au musée du quai Branly, 153 au musée Picasso, 317 au musée des Arts décoratifs, 915 au musée national d'art moderne, 152 au musée des monuments Français-cité de l'architecture, 778 à Versailles, 192 au musée Rodin... Alors que 253 d'entre eux visitaient l'Abbaye du Mont Saint-Michel, 470 le Panthéon, 231 la Sainte-Chapelle, et 347 l'Arc de triomphe l'après-midi et en nocturne.

b) Premiers enseignements qualitatifs : un accompagnement matériel non négligeable de la mesure

D'un point de vue général, la mise en oeuvre de la mesure de gratuité s'est faite sans difficulté majeure dans tous les établissements. Il faut néanmoins souligner les efforts particuliers fournis par certains musées, pour lesquels l'application de la gratuité a nécessité une adaptation plus importante. Ainsi, le Muséum national d'histoire naturelle a complètement refondu sa grille tarifaire, appliquant enfin, sept ans après la loi « musées de France », la gratuité pour les moins de 18 ans. D'autres musées et certains monuments, comme Chambord ou le musée des arts et métiers, ont procédé à un changement complet de leur signalétique tarifaire et d'accueil.

Les institutions ont mis en place différents systèmes pour permettre une distribution efficace des contremarques : ajouts de distributeurs automatiques (Quai Branly), modification des logiciels de billetterie avec création de nouvelles catégories tarifaires. Il faut noter que le musée d'Orsay a fait le choix d'une délivrance systématique de contremarques à l'ensemble de ses visiteurs gratuits à l'exception des porteurs de cartes, remplaçant ainsi le décompte estimatif des entrées gratuites par un comptage au réel de celles-ci, ce qui a entraîné un progrès notable dans la connaissance des publics prioritaires de ce musée.

c) Premières évaluations quantitatives : un « mouvement » qui devra être confirmé

Là où des comparaisons fiables peuvent être effectuées, l'impact des mesures de gratuité pour les jeunes et les enseignants est relativement significatif pour les mois d'avril, mai et juin 2009, cependant bien inférieur à l'impact de la gratuité totale expérimentée l'an passé, sur une période équivalente. On estime à environ 15 % en moyenne l'augmentation des jeunes sur l'ensemble des établissements concernés.

EXEMPLES D'IMPACT DE LA MESURE DE GRATUITÉ

- Sur un échantillon de 50 monuments non concernés par l'expérimentation l'an passé, le CMN relève une progression de 120 % des moins de 26 ans et de 105 % des enseignants ;

- aux Arts décoratifs, la fréquentation des 18-25 ans est en hausse de 40 %, celle des enseignants de 12 % ;

- au musée de Cluny, les 18-25 ans, qui représentaient environ 3 % de la fréquentation, en constituent pour le mois d'avril près de 9 % mais en baisse au mois de mai ;

- au Quai Branly enfin, le nombre de visiteurs jeunes et enseignants s'est respectivement accru de 17 % et 6,4 % ;

- dans d'autres établissements, l'impact des mesures est pour l'heure peu perceptible.

(Source : réponses au questionnaire budgétaire)

Le montant compensatoire des pertes de recettes des droits d'entrée est estimé à une fourchette entre 20 et 30 millions d'euros pour l'ensemble des nouvelles mesures favorisant les enseignants et les jeunes. Il sera versé sur justificatifs fournis par tous les établissements concernés devant comptabiliser ces entrées gratuites par des contremarques.

D. LES ENJEUX DU PATRIMOINE ÉCRIT ET DOCUMENTAIRE

Votre rapporteur tenait à évoquer l'action n° 5 car elle correspond à un enjeu fondamental pour la culture et est au coeur des préoccupations de votre commission de la culture.

1. Les priorités de l'action

En matière de patrimoine écrit, le ministère de la culture et de la communication a pour mission de veiller à la conservation, au signalement et à la mise en valeur des collections patrimoniales des bibliothèques françaises, plus particulièrement à travers l'action de la Bibliothèque nationale de France (BnF), et par une action de conseil, de soutien et de contrôle des bibliothèques territoriales détenant des fonds patrimoniaux, en particulier les bibliothèques municipales classées.

L'action n° 5 « Patrimoine écrit et documentaire » bénéficie de 250,24 millions d'euros en autorisations d'engagement (soit 21 % du programme) et de 216,55 millions d'euros en crédits de paiement (soit 17,34 % des crédits de paiement du programme) . Cette action ne comporte plus de crédits au titre des dépenses de personnel, depuis le transfert de ses emplois à la Bibliothèque nationale de France au 1 er janvier 2007, les agents de la direction du livre et de la lecture ayant été rattachés à l'action 3 du programme Création « Soutien à la création, à la production et à la diffusion du livre et de la lecture ».

Plus de 96% des crédits de paiement de cette action sont des subventions pour charges de service public allouées à la Bibliothèque nationale de France qui est l'opérateur principal du programme 175.

a) Le soutien aux bibliothèques et institutions nationales et aux programmes nationaux

L'action patrimoniale de la BnF s'exerce d'abord sur les collections dont elle a la garde : plus de 12 millions de documents imprimés, 1 million de documents audiovisuels, plusieurs centaines de milliers de manuscrits, 13 millions d'estampes et de photographies, 600 000 cartes et plans, près de 1 million de partitions musicales, 600 000 monnaies, médailles et antiques.

Elle comprend plusieurs volets complémentaires :

- une politique nationale d'acquisition et de conservation , en particulier dans le cadre du dépôt légal (code du patrimoine et décret du 31 décembre 1993 modifié en juin 2006) - qui permet de collecter chaque année plus de 60 000 nouvelles monographies et 62 000 titres de périodiques dans les collections de l'État - mais aussi à travers des programmes spécifiques de conservation préventive, de restauration, de reproduction, de sauvegarde et de numérisation ou encore de sûreté portant sur tout ou partie des collections. Comme suite à la loi du 1 er août 2006 sur le droit d'auteur et les droits voisins dans la société de l'information, les années 2010, 2011 et 2012 verront la poursuite de la mise en place d'un circuit complet de traitement des documents numériques avec la réalisation du système de préservation et d'archivage SPAR et la création d'un dépôt légal du Web, en concertation avec l'Institut national de l'audiovisuel ; une politique de signalement à travers le développement de bases documentaires nationales (catalogue général des imprimés de la BnF, catalogue des manuscrits « Archives et manuscrits ») offrant aujourd'hui près de 9 millions de notices bibliographiques en ligne et constituant pour certaines un réservoir bibliographique à destination des autres bibliothèques françaises ;

- une politique de diffusion avec le développement de la bibliothèque numérique Gallica et le lancement de nouveaux programmes de numérisation (livres rares, documents spécialisés, presse), notamment dans le cadre de marchés de numérisation soutenus par le Centre national du Livre ;

- une politique de communication au public dans le respect des impératifs de la conservation : environ 1,2 million de documents sont communiqués chaque année dans les différentes salles de lecture de l'établissement ;

- une politique de mise en valeur intégrant l'organisation de grandes expositions nationales, y compris virtuelles.

L'action de la BnF passe aussi par une politique de coopération développée depuis plusieurs années en direction des autres bibliothèques françaises, municipales mais également universitaires ou spécialisées. Cette politique de réseau se décline à travers un éventail élargi d'actions de coopération en matière de :

- conservation partagée (exercice conjoint du dépôt légal imprimeur) ;

- signalement (poursuite de la modernisation du Catalogue collectif de France en 2010 et 2011 avec l'intégration de nouvelles bases : portail des manuscrits, portail de la Presse, base RISM-France pour les fonds musicaux, etc.) ;

- numérisation et mise en valeur des fonds avec le développement de portails thématiques de documents numérisés (sciences juridiques, histoire de l'art, histoire coloniale, histoire du monde ouvrier, etc.) ;

- développement de la fonction d'expertise et offre de formation auprès des bibliothèques françaises dans différents domaines : numérisation, conservation et plans d'urgence, catalogage de documents spécialisés, etc.

b) La préservation, la conservation et la promotion du patrimoine écrit en région

L'action patrimoniale du ministère de la culture et de la communication en direction des bibliothèques territoriales s'effectue d'abord dans le cadre du décret du 9 novembre 1988 relatif au contrôle technique de l'État sur les bibliothèques des communes, repris dans le code général des collectivités territoriales. Ce contrôle porte sur « les conditions de constitution, de gestion, de traitement, de conservation et de communication des collections » (article 9).

Plus particulièrement, le ministère de la culture et de la communication :

- veille à promouvoir l'usage des meilleures pratiques en matière de conservation et de nouvelles technologies en rédigeant et en diffusant des notes techniques à l'intention des bibliothèques territoriales ;

- soutient les opérations de restauration des documents patrimoniaux les plus précieux ;

- favorise le signalement des collections des bibliothèques françaises en vue de leur mise à disposition auprès du public par le développement de grandes entreprises catalographiques : achèvement et informatisation des catalogues régionaux des incunables (projet 2010-2012), création d'un Portail national des manuscrits (projet 2009-2012, en partenariat avec le ministère de l'enseignement supérieur, l'Institut de recherche et d'histoire des textes et la Bibliothèque nationale de France).

Il favorise également l'élaboration de normes internationales ou nationales de description diffusées dans toutes les bibliothèques : sur le plan français dans le cadre de l'AFNOR (Association française de normalisation), sur le plan international dans celui de l'ISO (International Organization for standarization). Est ainsi étudiée en 2010-2011 l'homologation ISO du format XML Epub, propre aux livres numériques, développé aux USA et adopté par de nombreux éditeurs européens.

Depuis 2004, ces différentes actions sont pour la plupart regroupées dans un cadre commun, le Plan d'action pour le patrimoine écrit (PAPE) qui a établi en 2007 le constat d'un patrimoine écrit en région d'une richesse exceptionnelle, mais globalement moins bien signalé et moins bien conservé que le patrimoine présent dans les grandes institutions nationales.

Après la mise en place d'un dispositif de financement des projets patrimoniaux des collectivités territoriales (appel à projets Patrimoine écrit, 2007) et la réalisation d'une première version d'un Observatoire du patrimoine écrit en région, les années 2009-2012 verront le développement de cet observatoire : mise à jour, outils de cartographie, liens avec le Catalogue collectif de France, développement d'outils interactifs Web 2.0 permettant aux établissements de saisir directement leurs données.

Enfin, l'action patrimoniale de l'État s'exerce par la mise à disposition d'une centaine de conservateurs de la fonction publique d'État auprès des 54 bibliothèques municipales classées. La redéfinition du rôle de ces personnels d'État en 2007-2008 a remis le patrimoine au centre de leurs missions ; la période 2010-2011 verra la stabilisation du nouveau dispositif avec la signature de conventions précisant les conditions d'emploi de ces personnels.

2. Faire le choix de la numérisation au service de la culture, et non l'inverse : un enjeu fondamental

La question de la numérisation des fonds des bibliothèques mobilise depuis quelques mois la commission de la culture du Sénat qui, à l'issue de l'audition des principaux protagonistes du dossier (actuel et ancien président de la BnF, directeur du projet Livre de Google France, directeur de la bibliothèque municipale de Lyon) a organisé un débat sur le sujet le 21 octobre 2009.

La numérisation du patrimoine littéraire, permettant un accès universel aux contenus culturels, est un projet enthousiasmant dont le principe ne peut qu'emporter l'adhésion . Le projet de création d'une bibliothèque numérique européenne, Europeana, reposait sur une mise en commun des oeuvres libres de droits de toutes les bibliothèques et invitait les musées à numériser leurs archives pour qu'elles y soient intégrées. Mais les déceptions du résultat actuel, tant sur la quantité d'ouvrages accessibles que sur la technique rendant fastidieuse la lecture des oeuvres numérisées, a relancé le débat sur l'importance de l'accompagnement technique de la numérisation, la difficulté majeure étant celle du coût. Aussi l'offre « clé en main » proposée par Google, qui envisage aujourd'hui de numériser 30 millions d'ouvrages sur la base des accords passés avec 29 bibliothèques, met-elle en évidence les enjeux du débat : d'un côté la démocratisation de l'accès à la culture, et de l'autre la crainte d'une confiscation du patrimoine littéraire par une entreprise privée.

LA NUMÉRISATION EN CHIFFRES

Le Centre national du livre consacre 11,5 millions d'euros par an à la numérisation des livres :

- 10 millions pour la BnF;

- 1,5 million pour les projets portés par les éditeurs ou les diffuseurs.

Le ministre de la culture et de la communication a demandé à la commission du Grand Emprunt que 753 millions d'euros soient consacrés à la numérisation des contenus culturels, dont 130 millions d'euros à la seule BnF pour son plan de numérisation étendu sur cinq ans, afin d'enrichir l'offre de Gallica, sa bibliothèque numérique.

Votre rapporteur souhaite reprendre ici les propos de M. Jacques Legendre, président de la commission, qui a ainsi résumé l'enjeu qu'il est souhaitable de rappeler à l'occasion du projet de loi de finances pour 2010 : « les décisions en matière de numérisation des livres, archives et imprimés, doivent relever d'une décision politique transparente et clairement pesée. Le coût de ces opérations doit certes être pris en compte, mais il ne doit pas seul guider notre stratégie ».

Lors de la question orale avec débat de notre collègue Jack Ralite, qui s'est tenue le lundi 16 novembre 2009, le président a notamment rappelé que la réflexion devrait aborder trois thèmes :


• la protection du droit d'auteur, et notamment la question des oeuvres orphelines ;


• la coordination des politiques publiques, tant au niveau européen que national, qui pourrait par exemple prévoir l'élaboration d'une charte commune des bibliothèques ;


• la garantie de la diversité culturelle à travers des ressources techniques propres à faciliter la création, la recherche et l'utilisation de l'information.

La question de l'intérêt général et de l'indépendance nationale, fondamentale en matière de culture, sera en outre abordée dans le cadre de la mission que le ministre de la culture et de la communication a confiée à M. Marc Tessier. Votre rapporteur sera particulièrement attentif à la définition des conditions de partenariats public-privé qui pourrait être proposée et aux orientations de la présidence suédoise de l'Union européenne qui a inscrit un débat sur la numérisation du patrimoine lors du conseil des ministres de la culture de l'Union , le 27 novembre prochain.

La commission de la culture a placé cette question au coeur de ses réflexions et poursuivra ses auditions en 2010.

E. LES AUTRES PRIORITÉS DU PROGRAMME

1. L'archéologie préventive

L'Iinstitut national de recherches archéologiques préventives (INRAP), établissement public créé par la loi du 17 janvier 2001, a pour mission d'exécuter sur le territoire national les opérations d'archéologie préventive prescrites par les services de l'État.

Depuis le 1 er août 2003, il partage cette mission avec les autres opérateurs agréés de l'archéologie préventive que sont les services archéologiques des collectivités territoriales (pour les diagnostics et les fouilles) et les structures de droit privé (pour les fouilles uniquement).

L'INRAP assure également l'exploitation scientifique de ses activités et la diffusion de leurs résultats , notamment dans le cadre de conventions de coopération conclues avec les établissements publics de recherche ou d'enseignement supérieur. Il concourt enfin à l'enseignement, à la diffusion culturelle et à la valorisation de l'archéologie.

L'INRAP est rattaché à l'action 1 « patrimoine monumental et archéologique » du programme 175 et participe également à l'action 1 « recherche en faveur des patrimoines » du programme interministériel 186 « recherche culturelle et culture scientifique ».

a) Un budget qui tient compte de la politique de modernisation mise en oeuvre

Le budget de l'INRAP pour 2009 s'élevait à 144,4 millions d'euros, avec, comme l'indique le tableau ci-après, des ressources propres issues principalement de l'activité des fouilles (à hauteur de 93,8 millions d'euros), des ressources fiscales issues de la redevance d'archéologie préventive (40,5 millions d'euros) et une subvention pour charge de service public versée par le ministère de la culture et de la communication (9 millions d'euros). Dans le cadre du plan de relance, une dotation exceptionnelle de 10 millions d'euros a été versée pour accompagner les besoins de l'établissement en matière de diagnostics consécutifs à la mise en oeuvre des chantiers du plan de relance.

BUDGET PRÉVISIONNEL 2009 DE L'OPÉRATEUR
(milliers d'euros)

Dépenses

Exécution 2008

Budget prévisionnel 2009

Recettes

Exécution 2008

Budget prévisionnel 2009

Personnel

77 546

81 750

Ressources de l'État

55 551

50 196

Fonctionnement

65 627

59 419

- subventions de l'État

11 749

9 696

Intervention

0

0

- ressources fiscales

43 802

40 500

Autres subventions

Ressources propres et autres

82 267

94 200

Total des dépenses

143 173

141 169

Total des recettes

137 818

144 396

Résultat : bénéfice

3 227

Résultat : perte

5 355

Total : équilibre du compte de résultat

143 173

144 396

Total : équilibre du CR

143 173

144 396

Source : projet annuel de performances 2010

La subvention de fonctionnement inscrite pour 9 millions d'euros en 2009 est supprimée en 2010, pour tenir compte des orientations du Conseil de modernisation des politiques publiques du 11 juin 2008 et de l'augmentation attendue du rendement de la redevance d'archéologie préventive (RAP), dont le taux a été modifié par la loi n° 2009-179 du 17 février 2009 dans le cadre du plan de relance (il a été porté à 0,4 % à compter de la date de promulgation de la loi et à 0,5 % à compter du 1 er janvier 2010). Cette décision s'inscrit également dans une politique de modernisation financière et comptable de l'INRAP dont les nouveaux systèmes d'information et la mise en place de nouvelles procédures de comptabilité devraient permettre un meilleur pilotage de l'activité et une optimisation de l'allocation des moyens de l'établissement, dès le premier trimestre de l'année 2010.

Enfin, la modernisation concerne aussi les modes de recrutement puisque le ministère de la culture et de la communication et le ministère de la fonction publique ont élaboré le dispositif du contrat d'activité qui permet à l'INRAP de recruter sur des missions temporaires conduites dans le cadre d'opérations de fouilles et financées sur ressources propres par une opération de fouille, les personnels nécessaires, sans que ceux-ci pèsent sur le plafond d'emploi. Le décret instituant cette nouvelle forme est en cours de négociation.

b) Malgré une situation financière qui demeure extrêmement fragile

Malgré les perspectives d'amélioration évoquées ci-dessus, votre rapporteur souhaite souligner la situation encore extrêmement fragile de l'INRAP .

D'après les données financières fournies par l'établissement public , le rendement de la RAP n'a jamais permis d'équilibrer le coût des activités qu'elle avait pour objet de financer . Le déficit cumulé s'élève ainsi à près de 12 millions d'euros. Les recettes attendues de la redevance sont évaluées, selon l'INRAP, à 54,4 millions d'euros en 2010 tandis que les besoins de financement sont estimés à 64,7 millions. Cette insuffisance prévisionnelle de 10,3 millions d'euros est à rapprocher de celle du FNAP (Fonds national d'archéologie préventive), estimée au même montant.

En outre, l'INRAP est confronté à des difficultés de remboursement d'une avance de trésorerie, consentie en 2002 par l'État pour un montant de 23 millions d'euros. Aujourd'hui le reste à rembourser s'élève à 17,7 millions d'euros (15,5 millions d'euros au titre de la dette résiduelle, et 2,16 millions d'intérêts).

Votre rapporteur espère que l'hypothèse d'une mission conduite par l'inspection générale des finances , évoquée par le ministère de la culture et de la communication, sera confirmée dès 2010 pour faire le bilan de la situation financière de l'INRAP et du FNAP et proposer éventuellement un nouveau dispositif débouchant sur un système de financement plus durable.

En effet, cette situation financière est très préjudiciable à la mise en oeuvre de la politique d'archéologie préventive qui souffre aujourd'hui

Votre commission organisera prochainement une table ronde pou faire le point sur ce dossier.

2. Les archives : la poursuite de la construction du centre de Pierrefitte-sur-Seine

Les crédits inscrits à l'action 4 « patrimoine archivistique et célébrations nationales » s'établissent à 65,74 millions d'euros en autorisations d'engagement, et 100,92 millions d'euros en crédits de paiement qui représentent 8 % des crédits du programme. Ces crédits sont en hausse de 21,19 millions d'euros, soit 27 % par rapport à 2009 . Dans ce cadre, la poursuite de la construction du nouveau centre des archives nationales continue de constituer une priorité puisque 53 millions d'euros en crédits de paiement sont prévus au titre des dépenses d'investissement.

Le service à compétence nationale « Archives nationales » est implanté sur trois sites : Paris, Fontainebleau et Pierrefitte-sur-Seine, en Seine-Saint-Denis, dont la livraison du bâtiment est prévue à la fin de l'année 2011 alors que la première pierre a été posée par le Premier ministre le 11 septembre 2009. L'ouverture est programmée pour l'année 2013 après le déménagement des archives qui devrait s'étaler sur 14 mois.

Le projet de Pierrefitte-sur-Seine se décompose en deux ensembles :


• la construction, par convention avec mandat avec l'EMOC, du futur site des archives nationales dont le coût global est estimé à 194,23 millions d'euros ;


• trois chantiers connexes, préparatoires à l'installation du site. Ils bénéficient de 6,1 millions d'euros en autorisations d'engagement et 9,80 millions en crédits de paiement, et concernent :

. la conception et la réalisation du système d'information archivistique ;

. la dématérialisation des instruments de recherche ;

. le chantier des fonds et du déménagement.

II. LE PROGRAMME « TRANSMISSION DES SAVOIRS ET DÉMOCRATISATION DE LA CULTURE »

A. L'ÉVOLUTION GÉNÉRALE DES MOYENS FINANCIERS

Le programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » réunit, outre les fonctions de soutien de l'ensemble de la mission « Culture » permettant une coordination transversale de l'action du ministère, différentes actions visant à contribuer à l'accessibilité et à la diffusion de la culture :


• Enseignement supérieur culturel ;


• Éducation et enseignements artistiques et culturels ;


• Politiques de développement des publics ;


• Action internationale en faveur de la culture et des industries culturelles françaises, et de l'accueil des cultures étrangères en France.

Les crédits inscrits à ce programme pour 2010 s'établissent à 862,41 millions d'euros en autorisations d'engagement et 843,15 millions d'euros en crédits de paiement , soit une hausse des autorisations d'engagement de 2 % conjuguée avec une baisse des crédits de paiement de 1,1 %. L'écart se creuse davantage si l'on observe l'évolution hors dépenses de personnel qui représentent une part très importante des crédits mais en baisse de près de 3 % depuis 2009 : la hausse des autorisations d'engagement est de 6,2 % et la diminution des crédits de paiement de 0,5 %.

L'évolution des crédits par action, retracée dans le tableau suivant, met en évidence une baisse significative des crédits de l'action 4 « Actions en faveur de l'avis à la culture ». On peut cependant dresser un constat globalement positif au regard des projets financés au titre des autres actions favorisant directement l'accès à la culture (enseignement supérieur, soutien à l'éducation artistique et culturelle).

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME 224 « TRANSMISSION » (hors fonds de concours - en millions d'euros)

Numéro et intitulé de l'action

LFI 2009

PLF 2010

Evol. (en %)

AE

CP

AE

CP

AE

CP

01 - Soutien aux établissements d'enseignement supérieur et insertion professionnelle

326,53

326,49

352,16

332,10

+7,8

+1,7

02 - Soutien à l'éducation artistique et culturelle

32,86

32,86

32,67

34,21

-0,6

+4,1

03 - Soutien aux établissements d'enseignement spécialisé

29,46

29,46

29,46

29,46

0

0

04 - Actions en faveur de l'accès à la culture

55,93

59,78

49,62

49,41

-11,3

-17,3

06 - Action culturelle internationale

19,09

19,09

19,64

19,64

+2,9

+2,9

07 - Fonctions de soutien au ministère

381,95

385,00

378,86

378,32

-0,8

-1,7

Total Programme

845,82

852,68

862,41

843,14

+2

-1,1

Dont dépenses de personnel

390,14

390,14

378,65

378,65

-2,9

-2,9

Total (hors personnel)

455,68

462,54

483,76

464,49

+6,2

-0,5

Source : Projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 20010, mission « Culture ».

B. LES ÉTABLISSEMENTS D'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

1. Un budget en légère hausse et une part toujours prépondérante des moyens dédiés aux écoles d'architecture

L'action n° 1 « soutien aux établissements d'enseignement supérieur et insertion professionnelle », dont les crédits représentent 40 % du programme, s'élèvent à 352,16 millions d'euros en autorisations d'engagement (soit une hausse de 7,8 %) et 332,10 millions en crédits de paiement (en augmentation de 1,7 %).

Cette action finance 125 établissements ou formations d'enseignement supérieur placés sous la tutelle ou le contrôle du ministère de la communication et de la culture, formant, d'après les chiffres de 2007-2008, 34 319 étudiants. Plus de 40 diplômes sont ainsi délivrés.

5 grands secteurs sont concernés :


• L'architecture


• Les arts plastiques


• Le patrimoine et les musées


• Le spectacle vivant


• Le cinéma et l'audiovisuel

Les étudiants sont répartis de la façon suivante :

RÉPARTITION DES ÉTABLISSEMENTS ET DES ÉLÈVES PAR DOMAINE (année scolaire 2007-2008)

Domaines

Nombre d'écoles

Nombre d'élèves

Arts plastiques et arts appliqués

58

10 400

Architecture

21

18 200

Spectacle vivant

39

3 800

Cinéma et audiovisuel

2

212

Patrimoine

2

1 707

Total

122

34 319

Source : projet annuel de performances 2010

Les subventions versées aux établissements supérieurs s'élèvent à 139,29 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement. Comme l'indique le tableau suivant, 30 % de ces moyens sont alloués aux 20 écoles nationales supérieures d'architecture.

TOTAL

Fonction-nement

Investis-sement

AE

CP

AE=CP

AE=CP

OPÉRATEURS PRINCIPAUX

117 856 334

117 856 334

111 297 270

6 559 064

Ecoles d'architecture

41 693 846

41 693 846

39 693 846

2 000 000

Ecole nationale des Beaux arts

7 044 515

7 044 515

6 644 515

400 000

Ecole nationale supérieure des arts décoratifs

11 145 563

11 145 563

10 565 563

580 000

Ecole nationale supérieure de création industrielle

3 847 309

3 847 309

3 570 309

277 000

Ecoles nationales supérieures d'art en région

9 967 374

9 967 374

7 435 310

2 532 064

Conservatoire national d'art dramatique

3 536 660

3 536 660

3 436 660

100 000

Conservatoire national de musique et de danse de Paris

24 756 035

24 756 035

24 556 035

200 000

Conservatoire national de musique et de danse de Lyon

12 651 895

12 651 895

12 251 895

400 000

Centre national des arts du cirque

3 213 137

3 213 137

3 143 137

70 000

AUTRES OPÉRATEURS

21 434 539

21 434 539

20 184 539

1 250 000

Académie de France à Rome

5 265 345

5 265 345

4 815 345

450 000

ENSMIS

7 755 040

7 755 040

7 305 040

450 000

Ecole du Louvre

2 085 000

2 085 000

1 835 000

250 000

Institut national du patrimoine

6 329 154

6 329 154

6 229 154

100 000

TOTAL OPÉRATEURS

139 290 873

139 290 873

131 481 809

7 809 064

Source : projet annuel de performances 2010

En outre, les effectifs rattachés à cette action s'élèvent à 2 026 ETPT, soit près de 30 % des effectifs du programme 224, au sein desquels 1 034 ETPT (soit 63 %) sont prévus pour la filière technique et d'enseignement. Plus des trois quarts des effectifs recouvrent les personnels affectés dans les écoles d'architecture.

2. Les priorités pour 2010

a) L'intégration dans l'espace européen de l'enseignement supérieur

L'inscription dans le schéma européen d'enseignement supérieur fondé sur les diplômes licence-master-doctorat (LMD), la « semestrialisation » et le système de transfert de crédits (ECTS) sont en cours et modifient profondément la structure des enseignements. On peut notamment citer :


Le mouvement d'alignement sur le cursus licence-master-doctorat qui se poursuit. Après les écoles d'architecture, le diplôme de restaurateur du patrimoine de l'Institut national du Patrimoine et celui de l'École du Louvre ont été reconnus au grade de master. Cette reconnaissance est en cours pour le diplôme national supérieur d'expression plastique (DNSEP) et pour les diplômes des conservatoires nationaux supérieurs (en musique) dont le cursus en doctorat est également à l'ordre du jour. Au niveau licence, après la création des diplômes nationaux de comédien, musicien, danseur et artiste de cirque en 2007, des cursus ont été développés pour que les étudiants puissent obtenir à la fois l'un de ces diplômes et une licence.


L'intégration au niveau du doctorat, qui doit orienter les efforts en direction de la recherche . Selon l'expression du ministère de la culture et de la communication, l'enseignement supérieur « Culture » comporte une forte dimension professionnelle tout en développant des savoirs théoriques et des démarches de recherche dans différents secteurs. Le plan 2008-2012 pour l'enseignement supérieur et la recherche en architecture met en évidence la nécessaire définition d'objectifs ambitieux pour la recherche dans le domaine de l'architecture qui devient une « composante majeure du développement durable ». Selon les informations transmises par le ministère de la culture et de la communication, les écoles nationales supérieures ne disposent pas aujourd'hui de moyens suffisants pour développer la recherche dans ce domaine : des allocations de recherche et de thèse, et des postes devraient être créés parallèlement à la modernisation du statut des écoles nationales supérieures d'architecture et de celui des enseignants. S'il paraît encore trop tôt pour tirer des conclusions sur les moyens alloués, dans la mesure où la réflexion de fond sur l'architecture menée ces dernières années pourrait déboucher prochainement sur une réforme, votre rapporteur sera particulièrement attentif aux crédits alloués au développement de la recherche dans le projet de loi de finances pour 2011 .

b) L'affirmation de la dimension professionnelle de ces formations

Le développement de la validation des acquis de l'expérience (VAE) et des mécanismes de reprise d'études au titre de la validation des acquis antérieurs en termes d'expérience et de formation, ainsi que les actions de formation continue témoignent de la reconnaissance par les étudiants de leurs apports en matière de professionnalisation.

Le ministère développe par ailleurs plusieurs instances de coordination avec les organisations professionnelles sur le thème de la formation dans son articulation avec l'emploi.

Dans le secteur du spectacle vivant, au sein d'un accord cadre visant à renforcer le lien emploi-formation, la Direction de la musique de la danse du théâtre et des spectacles (DMDTS), en relation avec le ministère chargé de l'emploi et la commission paritaire nationale emploi-formation du spectacle vivant, a contribué à la mise en place d'un plan d'actions de développement de l'emploi et des compétences (ADEC) autour de trois objectifs : optimiser les pratiques et les politiques d'emploi, adapter et développer les compétences des salariés et concourir à la construction des parcours professionnels, prévenir les risques corporels et préserver la santé des professionnels. Cet accord a été signé le 10 mars 2009 par l'État et par la branche du spectacle vivant.

Dans le secteur des arts plastiques, le ministère a institué en 2009 un Conseil des arts plastiques, pour l'enseignement, la recherche et l'emploi, qui intègre une commission professionnelle consultative.

Au titre de la formation professionnelle, votre rapporteur souhaite souligner le travail considérable réalisé par notre collègue Mme Catherine Dumas, qui a remis au Premier ministre, le 19 octobre 2009, son rapport « Les métiers d'art, d'excellence et du luxe et les savoir-faire traditionnels : l'avenir entre nos mains ». Une campagne de communication et de valorisation sur les métiers d'art pourrait être lancée et déboucher notamment sur des mesures nouvelles visant à favoriser la formation aux 217 métiers d'art recensés.

C. L'ÉDUCATION ARTISTIQUE ET CULTURELLE : UN ENJEU PRIORITAIRE

Dans le cadre du budget pour 2010, on observe une stabilité des crédits alloués à l'action 2 « soutien à l'éducation artistique et culturelle » par rapport à 2009, puisqu'elle bénéficie de 32,67 millions d'euros en autorisations d'engagement et 34,21 millions d'euros en crédits de paiement .

L'action du ministère de la culture et de la communication vise à favoriser l'ouverture de structures culturelles aux publics d'enfants et de jeunes, et à soutenir des partenariats avec les écoles, établissements scolaires et autres structures.

En outre, le plan d'action de l'éducation artistique et culturelle , défini lors de la réunion interministérielle de juillet 2007, se poursuit à travers la mise en oeuvre de la circulaire de janvier 2008 et de l'arrêté d'organisation de l'histoire des arts, qui fixent les principes de la coopération entre le ministère de la culture et de la communication et le ministère de l'éducation nationale.

LES ÉTAPES DE L'INTRODUCTION DE L'HISTOIRE DES ARTS

- L'histoire des arts a été créée, au lycée, à la rentrée de 1993 sous la forme d'un enseignement à titre expérimental, puis en tant qu'enseignement de spécialité (obligatoire et optionnel) à la rentrée de 1996. Près de 7 000 élèves ont bénéficié de cette option en 2008-2009. Elle ne concernait jusqu'à présent que les sections littéraires des lycées d'enseignement général.

- Sa généralisation à tous les échelons du système scolaire et pour tous les élèves par arrêté ministériel du 11 juillet 2008 , dans le premier degré à compter de la rentrée de septembre 2008, et dans les collèges depuis septembre 2009, est une évolution capitale dans la mesure ou tous les enseignants et tous les élèves sont désormais concernés. Les récents propos du Président de la République sur les lycées ont confirmé cette mise en place pour, cette fois, tous les lycéens.

- Ce dispositif concernera tous les élèves (filière générale, technologique et professionnelle). Il sera assumé par tous les enseignants et donnera lieu à une évaluation au brevet des collèges (optionnel en 2009/ 2010 et obligatoire en 2011). En ce qui concerne les lycées , comme l'a déclaré le Président de la République , un enseignement transversal d'histoire des arts sera créé , grâce à la réécriture des programmes des disciplines fondamentales (histoire, français, sciences...). Cet enseignement fera l'objet, selon des modalités à définir, d'une évaluation au baccalauréat.

Le ministère de la culture et de la communication accompagne cette réforme à travers deux actions :


la production et la diffusion de ressources numériques documentaires

La création du site annuaire (www.histoiredesarts.culture.fr), hébergé par culture.fr, sur l'enseignement de l'histoire des arts contribue à cet objectif de diffusion et d'accès à la culture. Cet annuaire sera accessible à tout internaute, mais il est prioritairement conçu pour la communauté éducative.

Le site aiguillera directement vers les ressources disponibles sur les sites des établissements publics sous tutelle du ministère et des services à compétence nationale (SCN) pertinentes au regard du programme d'enseignement d'histoire des arts. Le développement de l'opération est prévu pour les deux années à venir.


• la participation à l'offre de formation initiale et continue des enseignants à l'enseignement de l'histoire des arts

La relance des pôles de ressources pour l'éducation artistique et culturelle répond à cet objectif. Ils rassembleront, sous l'égide du recteur et du directeur régional des affaires culturelles, une ou plusieurs institutions culturelles, les centres régionaux de documentation pédagogique (CRDP), et les universités auxquelles sont désormais rattachés les IUFM. Ces pôles viseront à mettre en commun les compétences des uns et des autres en matière culturelle et artistique, documentaire ou en matière d'ingénierie de formation, au bénéfice des acteurs de l'éducation artistique et culturelle. L'enseignement de l'histoire des arts constituera en 2010 la priorité sur laquelle ils devront se mobiliser.

Votre rapporteur formule le voeu que cette réforme, fondamentale pour l'accès à la culture, puisse se poursuivre dans les meilleures conditions. Il propose que la commission de la culture puisse faire un premier bilan de l'introduction de l'histoire des arts dans l'enseignement, en 2010 ou 2011, afin d'en évaluer l'impact et les efforts consacrés à la formation des enseignants.

LA PLACE DE L'ENSEIGNEMENT DE L'HISTOIRE DES ARTS AU SEIN DE L'ÉDUCATION ARTISTIQUE ET CULTURELLE

L'éducation artistique et culturelle s'organise autour de trois approches complémentaires :

- le rapport direct aux oeuvres (représentations de spectacles, concerts, visites d'expositions, lectures...) du patrimoine et de la création la plus contemporaine ;

- l'approche analytique et cognitive des oeuvres (enseignement de l'histoire des arts, mise en relation de la lecture des oeuvres avec les autres champs du savoir...), qui en constitue la dimension culturelle ;

- l'initiation à des pratiques artistiques effectives dans le cadre d'ateliers.

Ces trois approches, la fréquentation des oeuvres, l'approche culturelle et la pratique sont interdépendantes.

Le rapport direct aux oeuvres (voir un spectacle, entendre un concert ou une musique enregistrée, regarder un tableau, lire une oeuvre de littérature, etc.) et l'expérience esthétique qui en découle ne sont pas des attitudes passives mais doivent être pensées comme des attitudes actives, à la fois cognitives et sensibles. Il est important de développer chez l'enfant, le jeune (et l'adulte) cette posture active par des dispositifs adéquats, associant l'observation, l'approche culturelle des oeuvres et la pratique, notamment par le développement d'approches transdisciplinaires.

La connaissance des oeuvres du patrimoine artistique et culturel de l'humanité, la construction du jugement esthétique, la réceptivité aux formes nouvelles d'expression artistique se nourrissent de l'apprentissage des codes esthétiques, de la mise en relation des oeuvres et des styles qui ont fait l'histoire des arts et de la mise en relation de cette histoire avec les autres champs du savoir. Cependant, l'approche culturelle déconnectée d'une pratique artistique et ignorante de la fréquentation des oeuvres se priverait de la dimension poétique et sensible qu'apporte une éducation artistique et culturelle pluridimensionnelle.

L'initiation aux processus de production des oeuvres par l'engagement dans une pratique artistique est une source irremplaçable d'apprentissage des langages artistiques. Mais une pratique déconnectée d'un rapport aux oeuvres se limiterait à la mise en jeu de techniques d'expression, de même qu'un rapport aux oeuvres qui n'entrerait pas en dialogue avec une pratique personnelle passerait à côté d'une dimension essentielle de la création artistique.

Source : ministère de la culture et de la communication

D. LES ENSEIGNEMENTS ARTISTIQUES : LA DÉCENTRALISATION REMISE À L'ORDRE DU JOUR

1. La relance du débat sur la décentralisation des enseignements artistiques au Sénat

Aujourd'hui, 150 000 élèves sont accueillis dans quelque 500 établissements, dont 283 conservatoires à rayonnement communal ou intercommunal, 106 conservatoires à rayonnement départemental et 42 conservatoires à rayonnement régional. Ce réseau témoigne de l'ambition de l'État et des collectivités territoriales de favoriser l'accès du plus grand nombre à une pratique artistique, notamment musicale.

C'est pourquoi votre commission y attache une importance particulière.

En effet, rappelons qu'elle a adopté, il y a quinze mois, le rapport 9 ( * ) sur la décentralisation des enseignements artistiques, liée à la réforme prévue par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales . Cette réforme n'a pas opéré un nouveau transfert de compétences mais a clarifié le rôle de chaque niveau de collectivités publiques. Elle a confié aux communes et à leurs groupements l'organisation et le financement de l'enseignement initial et l'éducation artistique dispensée par les établissements spécialisés :


• les départements ont mission d'élaborer un schéma départemental de développement des enseignements artistiques destiné à en améliorer les conditions d'accès ;


• les régions organisent et financent le cycle d'enseignement professionnel initial (CEPI), désormais sanctionné par un diplôme national d'orientation professionnelle (DNOP) et intégré au plan régional de développement des formations professionnelles (PRDF) ;


• enfin, l'État conserve ses prérogatives, classement et contrôle pédagogique des établissements, définition des qualifications des enseignants et tutelle des établissements d'enseignement supérieur artistique.

La loi a prévu le transfert aux départements et régions des crédits que l'État apporte à ces établissements. L'objectif était de rééquilibrer une charge financière pesant à près de 80 % sur les communes.

Cette loi a suscité de très fortes attentes, mais sa mise en oeuvre est toujours en panne et le rapport du Sénat en a analysé les causes . Pour répondre à la demande des collectivités, l'État, dès le 10 juillet 2008, a mis en place un groupe de travail consacré aux enseignements artistiques au sein du Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel.

La situation de blocage n'évoluant pas, ou peu, notre collègue Mme Catherine Morin-Desailly a déposé en juillet 2009 une proposition de loi reprenant des recommandations de son rapport et prenant en compte à la fois ses récentes consultations et les travaux conduits par des associations d'élus.

2. Les pistes proposées

Un premier point de convergence consiste à reconnaître le rôle de l'échelon régional en matière d'aménagement du territoire et de planification :

- d'une part, par l'élaboration d'un schéma régional des formations artistiques à vocation professionnelle ;

- d'autre part, par la création d'une commission régionale des enseignements artistiques.

Il apparaît également nécessaire de préciser les modalités d'application de la loi, afin notamment que les communes n'aient pas à assumer seules le financement de l'enseignement professionnel initial, et d'étudier la question des transferts de crédits.

L'examen à venir des projets de loi de réforme des collectivités territoriales a conduit Mme Catherine Morin-Desailly à demander l'organisation d'un débat, le 29 octobre 2009 , plutôt que l'inscription de sa proposition de loi à l'ordre du jour du Sénat. A cette occasion, elle a demandé à M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, quelle était son analyse et sa stratégie pour sortir de cette situation dommageable pour tous : les professionnels, les élèves et leurs familles et les élus eux-mêmes.

3. La position du gouvernement

Le ministre a souligné que la politique en matière d'enseignement artistique devait reposer sur un partenariat solide et clarifié avec les collectivités territoriales.

S'agissant des principales causes du blocage, dont l'estimation erronée des coûts de la réforme, une question reste en suspens : les crédits de fonctionnement, d'environ 30 millions d'euros, soit 9 % du budget global des enseignements artistiques spécialisés que l'État verse aux communes pour les conservatoires. Alors que l'État n'est plus compétent dans ce domaine depuis plus de vingt cinq ans, il détient encore les crédits correspondants, qui ne sont pas directement mis à la disposition des collectivités territoriales compétentes.

La loi de 2004 prévoyait un transfert de ces crédits aux régions et aux départements, selon des clés de répartition fixées par les directions régionales des affaires culturelles (DRAC). Trois possibilités se présentent :

- élargir aux communes la liste des collectivités attributaires des crédits de l'État qui transitent par les DRAC, et ainsi mettre fin à une situation où la loi n'est pas appliquée car trop restrictive. Chaque DRAC attribuerait les crédits de l'État aux différentes collectivités en fonction de leur implication réelle ;

- transférer l'ensemble de ces crédits aux communes, qui créent et financent les conservatoires ;

- faire bénéficier les régions de ce transfert, dans l'esprit de loi de 2004. Dans ces deux derniers cas, les départements recevraient une contribution unique et forfaitaire correspondant à l'élaboration des schémas départementaux.

*

* *

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 18 novembre 2009, la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Philippe Nachbar sur les crédits des programmes « Patrimoines » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » de la mission « Culture » dans le projet de loi de finances pour 2010.

Un débat a suivi l'intervention du rapporteur pour avis.

Mme Françoise Cartron s'est interrogée sur les crédits destinés aux fonds régionaux d'art contemporains (FRAC),

Mme Maryvonne Blondin a souhaité avoir des précisions sur les crédits d'accès à la culture par l'enseignement,

M. Ivan Renar a demandé des précisions sur les crédits de fonctionnement et sur leur lien avec la gestion améliorée des musées évoquée par le rapporteur pour avis.

M. Claude Bérit-Débat a souligné le problème des moyens dont disposent les collectivités territoriales et s'est interrogé sur leur capacité à assumer des transferts de monuments au regard du contexte économique.

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis , a apporté les éléments de réponse suivants :

- le financement des FRAC relève du programme 131 « création » dont les crédits sont présentés par M. Serge Lagauche ;

- les crédits de l'enseignement artistique dépendent majoritairement de l'éducation nationale, la mission « Culture » ne prévoyant qu'un budget de soutien symbolique. La commission pourrait, dans le cadre de ses travaux de contrôle, faire le bilan de l'enseignement des arts à l'école et notamment du surcoût pour la formation des enseignants ;

- la gestion vertueuse des musées a permis de consacrer davantage de crédits aux acquisitions et à l'animation culturelle, et moins à l'entretien, ce qu'illustre l'évolution des dépenses de fonctionnement ;

- le transfert de propriété des monuments historiques est prévu à titre gracieux et sur la base du volontariat. Aucune obligation ne pèse donc sur les collectivités qui n'auraient pas les moyens d'assumer une telle acquisition.

M. Jacques Legendre, président , a rappelé qu'il avait été, avec Yves Dauge, membre de la commission Rémond, chargée de faire l'inventaire des monuments historiques appartenant à l'Etat, au ministère de la culture, en vue d'établir la liste des monuments transférables. Cela recouvrait un champ plus restreint que celui des immeubles concernés aujourd'hui. Il a indiqué que la question de la capacité de la collectivité à assumer un transfert était alors posée et que le délai d'une année, qui n'existe plus dans la réforme proposée, avait limité les cas de cession. L'ouverture offerte par l'article 52 est intéressante, mais peut être dangereuse et implique :

- qu'une réflexion soit menée sur le rôle et l'avenir du Centre des monuments nationaux (CMN). La commission va mettre en place un groupe de travail sur cette question ;

- que la collectivité souhaitant bénéficier d'un transfert soit en mesure de prouver qu'elle a les moyens de l'assumer et un véritable projet à proposer, le ministère de la culture, en charge des monuments historiques, étant meilleur garant d'une vision et d'une cohérence des décisions en matière de patrimoine que le représentant de l'Etat ;

- que l'on prenne conscience du risque de dépeçage du patrimoine de l'Etat dans ce dispositif où, après un transfert à titre gratuit, rien n'empêche une revente, par la collectivité, à titre onéreux de tout ou partie du monument.

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis , a ensuite proposé l'adoption de cinq amendements :

- le premier vise à supprimer la possibilité de céder une partie d'un monument ou un objet isolé à une collectivité.

Après son adoption, M. Jacques Legendre, président , a proposé, dans le même esprit que celui du rapporteur pour avis, un amendement complémentaire prévoyant que la collectivité ou le groupement de collectivités bénéficiaire doit, avant cession de tout ou partie de l'immeuble à un tiers, en informer l'Etat qui peut, le cas échéant, revoir les conditions figurant dans la convention. La commission a adopté cet amendement ;

- le deuxième amendement précise que le ministre en charge des monuments historiques, dont l'avis est requis au même titre que celui en charge du domaine, peut consulter la commission nationale des monuments historiques (CNMH). Cette précision formalise la consultation des experts de cette commission qui peuvent apporter un éclairage scientifique au même titre que la commission Rémond dans le dispositif de la loi de 2004.

M. Jacques Legendre, président , a réaffirmé qu'il lui semblait important, en matière de cession, que le ministre en charge des monuments historiques prenne la décision et non le préfet. Il s'est ainsi demandé s'il ne serait pas opportun de proposer que, après avis du ministre en charge du domaine, le ministre en charge des monuments historiques désigne la ou les collectivités, après s'être entouré de tous les avis jugés nécessaires, dont celui de la CNMH, qu'il n'est alors peut-être pas utile de mentionner dans la loi.

Après un large débat auquel ont participé MM. Claude Domeizel , Serge Lagauche et Mmes Catherine Dumas et Colette Mélot , M. Jacques Legendre, président, a suggéré de présenter un amendement conférant le pouvoir de désignation au ministre en charge des monuments historiques, afin de bien affirmer le souhait de la commission de le voir jouer son rôle dans le processus décisionnel. La commission a adopté cet amendement.

M. Philippe Nachbar , rapporteur pour avis , a ensuite présenté trois derniers amendements visant :

- à supprimer l'alinéa 14 qui introduit la notion de « réutilisation éventuelle » des immeubles, afin d'éviter cette notion floue et inutile car purement déclarative ;

- à supprimer l'alinéa 17 qui prévoit un rapport des collectivités concernées par un transfert au bout de dix ans et l'éventuelle résiliation de la convention, dans la mesure où cette disposition est dénuée d'intérêt et irréaliste ;

- à préciser, dans l'article 52 bis, que le rapport transmis au Parlement prévoit un bilan des conditions de mise en oeuvre des conventions.

Les trois amendements ont été adoptés par la commission.

La commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits des programmes « Patrimoines » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » de la mission « Culture » pour 2010.

AMENDEMENTS PRÉSENTÉS PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS AU NOM DE LA COMMISSION DE LA CULTURE, DE L'ÉDUCATION ET DE LA COMMUNICATION

A M E N D E M E N T S

présentés par

M. Philippe Nachbar

au nom de la commission de la culture, de l'éducation
et de la communication

Article 52

I - Supprimer l'alinéa 5.

II - Rédiger ainsi l'alinéa 8 :

e) La deuxième phrase du I est supprimée.

OBJET

Cet amendement vise à empêcher que la loi ne permette le dépeçage du patrimoine de l'État.

Le texte actuel de l'article 52 permet la cession :

- d'une partie seulement d'un immeuble (alinéa 5) ;

- d'un objet, indépendamment de l'immeuble qui le renferme (l'aliéna 8 se contente de modifier le texte initial de la loi de 2004 qui précisait, en faisant référence à la liste de la commission Rémond : « Cette liste peut également prévoir le transfert d'objets mobiliers classés ou inscrits appartenant à l'État »).

Article 52

I - Au début de la première phrase de l'alinéa 13, remplacer les mots :

« Après avis du ministre chargé des monuments historiques et du ministre chargé du domaine, le représentant de l'État »

par les mots :

« Après avis du ministre chargé du domaine, le ministre en charge des monuments historiques ... »

II - En conséquence, supprimer l'alinéa 3.

OBJET

Si le préfet de région peut recueillir les demandes de transfert et, pour partie, les instruire, il convient de réaffirmer que l'autorité décisionnaire est le ministre en charge des monuments historiques, car c'est lui qui -selon le décret relatif aux attributions du ministre de la culture et de la communication - « conduit la politique de sauvegarde, de protection et de mise en valeur du patrimoine culturel (...) et participe à ce titre à la définition et à la mise en oeuvre de la politique du gouvernement dans le domaine de la décentralisation ». Il est donc le garant de la cohérence des décisions relatives aux monuments historiques et doit, à ce titre, désigner la ou les collectivités bénéficiaires en fonction des projets proposés, ou décider de n'en désigner aucune, notamment au vu de l'importance qui s'attache au maintien du bien concerné dans le patrimoine de l'État.

L'alinéa 3 de l'article 52, introduit par l'Assemblée nationale, mentionne  « l'avis du ministre de la culture et de la communication ». Il doit être par conséquent supprimé.

Article 52

Supprimer l'alinéa 14.

OBJET

L'obligation, pour les collectivités, d'assurer la « réutilisation éventuelle (de l'immeuble) dans des conditions respectueuses de son histoire et de son intérêt artistique et architectural » paraît extrêmement floue et donc susceptible d'interprétations très variées.

Il convient de laisser à l'État et aux collectivités le soin de préciser ces éléments dans la convention.

Article 52

Après l'alinéa 15, insérer un nouvel alinéa ainsi rédigé :

« La collectivité ou le groupement de collectivités bénéficiaire doit, avant cession de tout ou partie de l'immeuble à un tiers, en informer l'État qui peut, le cas échéant, revoir les conditions de transfert figurant dans la convention »

OBJET

Il paraît nécessaire d'encadrer les conditions dans lesquelles une collectivité pourrait, après avoir bénéficié d'un transfert à titre gratuit et d'éventuelles subventions de travaux de l'État, céder l'immeuble. L'État peut préciser ces éléments en modifiant, le cas échéant, certaines dispositions de la convention (par exemple, une révision du programme pluriannuel de travaux).

Article 52

Supprimer l'alinéa 17.

OBJET

Cet alinéa, introduit à l'initiative de l'Assemblée nationale, souffre de plusieurs défauts :

- Il prévoit un rapport des collectivités au bout de 10 ans, ce qui est une échéance particulièrement longue privant ce rapport d'un certain intérêt au regard des enjeux et de l'obligation, prévue par ailleurs pour le gouvernement, de présenter un rapport tous les deux ans au Parlement ;

- Il précise qu'à « défaut de transmission de ce document, ou si le bilan de la mise en oeuvre s'avère insuffisant et non conforme aux clauses prévues dans la convention de transfert, le ministre chargé des monuments historiques peut demander la résiliation de cette convention. ». La résiliation de la convention dans ce cas paraît juridiquement contestable dans la mesure où elle remettrait en cause, implicitement, le transfert de propriété à la collectivité. Cette situation serait d'autant plus difficile qu'entre temps rien n'aurait empêché la collectivité de céder l'immeuble à une tierce personne.

Il paraît donc souhaitable de supprimer cette disposition difficilement applicable.

Article 52 bis

Compléter la première phrase par les mots :

« et des conditions de leur mise en oeuvre. »

OBJET

Pour informer de façon complète le Parlement sur la mise en oeuvre de la loi, le gouvernement doit prévoir, dans son rapport, de préciser les conditions de mise en oeuvre des conventions. Les parlementaires pourront alors apprécier le respect - ou non- des conventions par les parties.

ANNEXE - L'ORGANISATION ACTUELLE ET FUTURE DE L'ADMINISTRATION CENTRALE DU MINISTÈRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION

ORGANISATION ACTUELLE

ORGANISATION FUTURE

DGLFLF : délégation générale à la langue française et aux langues de France, DAG : direction de l'administration générale, DDAI : délégation au développement et à l'action internationale, DAPA : direction de l'architecture et du patrimoine, DAF : direction des archives de France, DMF : direction des musées de France, DMDTS : direction de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles, DAP : délégation aux arts plastiques, DLL : direction du livre et de la lecture ; DDM : direction du développement des médias ; CNC : centre national du cinéma et de l'image animée. Source : ministère de la culture et de la communication

* 1 « Monuments historiques : une urgence pour aujourd'hui, un atout pour demain », rapport d'information fait, au nom de la commission des affaires culturelles, Sénat, n° 38 (2006-2007).

* 2 « Rapport sur l'état du parc monumental français » transmis au Parlement en décembre 2007.

* 3 Lancé en 2003, ce projet, initialement prévu pour une période de 18 ans, se divise en trois phases. La première phase de restauration et d'aménagement du domaine national s'étale de 2003 à 2011 pour un coût total de 158,88 millions d'euros dont 119,4 pour l'État et 39,5 pour l'établissement.

* 4 Cette création doit se faire à partir de la délocalisation et de la transformation du musée des arts et traditions populaires (MNATP).

* 5 Les agents fonctionnaires bénéficiant du traditionnel droit d'option.

* 6 Deux monuments ayant fait l'objet de candidatures multiples.

* 7 La candidature de la commune de Salses-le-Château au transfert du fort de Salses a été rejetée par le préfet de la région Languedoc-Roussillon, en raison des faibles capacités de la commune et d'un projet de valorisation culturel insuffisant. Le transfert du bastion Nord de la citadelle de Bastia a d'autre part été effectué par un rectificatif à l'acte de vente de la citadelle à la commune. Le département des Alpes-Maritimes, bien qu'ayant été désigné par le préfet comme bénéficiaire du transfert de couvent des Franciscains à Saorge, a finalement renoncé à ce transfert, de même que la commune des Andelys, pour le transfert du donjon de Château-Gaillard.

* 8 Proposition de loi concernant les nouvelles possibilités de transfert d'affectation aux collectivités territoriales du patrimoine de l'État (n° 17, 2008-2009).

* 9 Voir le rapport n° 458 (2007-2008) présenté par Mme Catherine Morin-Desailly : « Décentralisation des enseignements artistiques : des préconisations pour orchestrer la sortie de crise ».

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