2. La numérisation des salles de cinéma : la nécessité d'un fonds de mutualisation

a) Les enjeux

Par ailleurs, votre rapporteur est particulièrement préoccupé par la question de la numérisation des salles de cinéma.

Elle recouvre plusieurs volets indissociables :

- culturel et d'aménagement du territoire, les deux étant liés. En, effet, il s'agit de favoriser la diversité culturelle et de veiller à ce que les exploitants gardent toute liberté en matière de programmation des films dans leurs salles ; il faut aussi aider les cinémas de petite et moyenne taille à acquérir les équipements numériques au même rythme que les grandes salles. A défaut, elles ne survivraient pas à la concurrence de ces dernières ;

- financier ;

- et social, car la révolution numérique implique une formation, et parfois une reconversion, des personnels concernés : les projectionnistes mais aussi les personnels des laboratoires ;

La diffusion des films sous forme de fichiers numériques en salle de cinéma nécessite des investissements importants de la part des exploitants de salles. Elle suppose l'acquisition d'un nouveau matériel beaucoup plus coûteux que le matériel traditionnel de projection de pellicules « 35 mm » et la réalisation, le plus souvent, de travaux architecturaux pour l'adaptation des cabines de projection.

Ces investissements sont estimés dans une fourchette moyenne de 80 000 euros à près de 100 000 euros par écran. Notre pays comptant plus de 5 400 écrans actifs, le montant total des investissements requis s'élève ainsi à plus de 450 millions d'euros.

Or, on sait que le passage au numérique profitera très inégalement aux différents « maillons » de la filière cinématographique.


• Les avantages tirés de la projection numérique pour les exploitants sont variables :

- peu de gain de qualité sauf pour certains films (notamment les films d'animation ou à effets spéciaux) et pour les films qui font l'objet d'une exploitation dans la durée (en raison de l'usure des copies « 35 mm ») ;

- mais une souplesse de programmation et un changement de films d'une séance à l'autre facilité ;

- un accès à l'offre de films en relief ;

- la possibilité de diversifier la programmation avec la diffusion d'oeuvres non disponibles en « 35 mm », telles que des documentaires, la retransmission d'événements culturels (opéras, concerts) ou sportifs ;

- et l'automatisation partielle des projections permettant des gains de productivité.


• A contrario, le passage à la diffusion numérique présente des avantages financiers très importants pour les distributeurs :

- forte réduction du coût de tirage des copies (entre 150 à 300 euros en numérique contre 600 à 2 000 euros en 35 mm) ;

- réduction des frais de transport et de stockage des copies.

Rappelons que cette forte dichotomie entre les charges supportées par les exploitants et les avantages financiers pour les distributeurs a eu rapidement pour conséquence la tenue de négociations entre ces deux secteurs pour qu'une partie de l'économie réalisée par les distributeurs soit reversée aux exploitants pour couvrir une partie du financement de l'équipement.

Aux Etats-Unis , est ainsi apparu, dans un premier temps, le principe des frais de copie virtuelle (VPF ou « Virtual Print Fee ») : pour chaque film distribué en numérique dans un établissement, le distributeur paye une somme forfaitaire représentant une partie de la différence entre le coût d'une copie « 35 mm » et celui d'une copie numérique. Ce principe d'une « contribution numérique » des distributeurs s'est par la suite imposé partout et il est aujourd'hui largement accepté par les distributeurs en France. La numérisation des exploitants les plus importants pourra ainsi être financée par le marché.

Il est cependant essentiel que les pouvoirs publics s'assurent que la totalité du parc de salles puisse passer au numérique, en maintenant leur liberté et diversité de programmation. Il ne faudrait pas que les modèles de financement soient susceptibles d'interférer avec la liberté de programmation des exploitants et la maîtrise du plan de sortie des distributeurs ou qu'ils excluent une partie des salles.

Le nombre de ces salles, considérées comme moins rentables, et pour lesquelles les solutions fournies par le marché paraissent insuffisants, peut être estimé à 3 000 environ sur un nombre total de 5 400 écrans . Or, elles assurent la diffusion des films auprès du plus large public (moyennes et petites villes, zones rurales) et constituent un élément stratégique de l'aménagement du territoire et de l'équipement culturel et social des communes. Elles constituent également une clef de la diversité de l'offre cinématographique en assurant, par ailleurs, la diffusion des autres films, « art et essai », plus pointus, hors des centres urbains.

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