N° 385

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 6 avril 2010

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des finances (1) sur la proposition de loi , ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , tendant à renforcer les moyens du Parlement en matière de contrôle de l' action du Gouvernement et d' évaluation des politiques publiques ,

Par M. Jean ARTHUIS,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis , président ; M. Yann Gaillard, Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Jacques Jégou, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Joël Bourdin, François Marc, Alain Lambert , vice-présidents ; MM. Philippe Adnot, Jean-Claude Frécon, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Sergent, François Trucy , secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; M. Jean-Paul Alduy, Mme Michèle André, MM. Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Mme Marie-France Beaufils, MM. Claude Belot, Pierre Bernard-Reymond, Auguste Cazalet, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Éric Doligé, André Ferrand, François Fortassin, Jean-Pierre Fourcade, Christian Gaudin, Adrien Gouteyron, Charles Guené, Claude Haut, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Yves Krattinger, Gérard Longuet, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Gérard Miquel, Albéric de Montgolfier, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Bernard Vera.

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) :

2081 , 2216 , 2220 et T.A. 400

Sénat :

235 et 386 (2009-2010)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

La proposition de loi tendant à renforcer les moyens du Parlement en matière de contrôle de l'action du Gouvernement et d'évaluation des politiques publiques , déposée le 18 novembre 2009, par son Président, sur le bureau de l'Assemblée nationale, apporte une réponse juridique à une difficulté née de la déclaration de non-conformité à la Constitution de certaines dispositions de la résolution du 27 mai 2009 modifiant le Règlement de l'Assemblée nationale, et, en particulier, de mesures concernant le comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques.

Parce qu'elle modifie les pouvoirs des rapporteurs des commissions et les modalités des convocations des personnes auditionnées et surtout parce qu'elle touche au pouvoir accordé aux organes du Parlement de demander l'assistance de la Cour des comptes pour l'évaluation des politiques publiques, et que son champ de compétence s'étend au-delà de cette structure spécifique créée par l'Assemblée nationale, la présente proposition de loi a aussi un impact institutionnel et politique important . Comme le souligne son exposé des motifs, elle participe bien « à la mise en oeuvre du premier alinéa de l'article 24 de la Constitution qui, dans sa rédaction issue de la révision du 23 juillet 2008, fait référence à l'évaluation parmi les missions du Parlement ».

Compte tenu des liens étroits qu'elle entretient avec la Cour des comptes et de son expérience très particulière de l'exercice du contrôle, votre commission des finances s'est saisie pour avis de ce texte.

Elle s'est, tout d'abord, efforcée de préserver la capacité de la Cour des comptes de répondre aux demandes que lui transmettent les deux Assemblées, en application des textes existants (loi organique sur les lois de finances et code des juridictions financières).

Elle a aussi souhaité adapter les moyens et l'organisation de la Cour des comptes à l'élargissement de ses missions au profit du Parlement, en suggérant l'adoption de certaines dispositions du projet de loi portant réforme des juridictions financières, déposé le 28 octobre 2009 sur le bureau de l'Assemblée nationale, mais jamais inscrit à l'ordre du jour.

I. UNE PROPOSITION DE LOI DONT L'OBJET EST DE CONFORTER LES MOYENS DU COMITÉ D'ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE DES POLITIQUES PUBLIQUES (CEC) DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

La proposition de loi déposée par notre collègue Bernard Accoyer, Président de l'Assemblée nationale, le 18 novembre 2009, et adoptée le 27 janvier 2010, vise un objectif précis : l'octroi de moyens spécifiques d'action au comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) de l'Assemblée nationale.

A. LE COMITÉ D'ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE DES POLITIQUES PUBLIQUES (CEC)

1. Une structure spécifique à l'Assemblée nationale

Le comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques a été créé par la réforme du Règlement de l'Assemblée nationale en date du 27 mai 2009 (résolution n° 292)

Ce comité est chargé, sur sa propre initiative ou à la demande d'une commission permanente, de réaliser des travaux d'évaluation portant sur des politiques publiques dont le champ dépasse le domaine de compétence d'une seule commission permanente.

Son organisation et ses compétences sont régies par les articles 146-2 à 146-7 dudit Règlement dont les dispositions principales sont détaillées dans le tableau suivant :

Règles applicables au CEC

Article 146-2

Composition

1) membres de droit :

- le Président de l'Assemblée nationale

- les présidents des commissions permanentes et celui de la commission des affaires européennes ;

- le rapporteur général de la commission des finances ;

- le député président ou premier vice-président de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques ;

- le président de la délégation parlementaire aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes ;

- les présidents des groupes.

2) quinze députés désignés par les groupes.

Article 146-3

Pouvoirs et compétences

De sa propre initiative ou à la demande d'une commission permanente, le comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques réalise des travaux d'évaluation portant sur des politiques publiques dont le champ dépasse le domaine de compétence d'une seule commission permanente.

Le comité arrête, chaque année, le programme de ses travaux. Ce programme fixe, notamment, le nombre prévisionnel d'évaluations à réaliser. Chaque groupe peut obtenir de droit, une fois par session ordinaire, qu'un rapport d'évaluation, entrant dans le champ de compétence du comité tel qu'il est défini à l'alinéa précédent, soit réalisé.

Chaque commission concernée par l'objet d'une étude d'évaluation désigne un ou plusieurs de ses membres pour participer à celle-ci. Le comité désigne parmi eux, ou parmi ses propres membres, deux rapporteurs, dont l'un appartient à un groupe d'opposition.

Pour conduire les évaluations, les rapporteurs peuvent également bénéficier du concours d'experts extérieurs à l'Assemblée.

La mission des rapporteurs a un caractère temporaire et prend fin à l'issue d'un délai de douze mois à compter de leur désignation.

Le rapport est présenté au comité par les rapporteurs.

Les recommandations du comité sont transmises au Gouvernement. Les réponses des ministres sont attendues dans les trois mois et discutées pendant la semaine prévue à l'article 48, alinéa 4, de la Constitution.

À l'issue d'un délai de six mois suivant la publication du rapport, les rapporteurs présentent au comité un rapport de suivi sur la mise en oeuvre de ses conclusions

Article 146-4

Les conclusions des rapports des missions d'information créées en application du chapitre V de la présente partie ou des rapports d'information prévus par l'article 146, alinéa 3, sont communiquées au comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques dès que la publication du rapport a été décidée. Elles peuvent lui être présentées par le ou les rapporteurs

Article 146-5

Avis sur les études d'impact

Le comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques peut être saisi pour donner son avis sur les documents qui rendent compte de l'étude d'impact joints à un projet de loi déposé par le Gouvernement. La demande doit émaner du président de la commission à laquelle le projet a été renvoyé au fond ou du Président de l'Assemblée. L'avis du comité est communiqué dans les plus brefs délais à la commission concernée et à la Conférence des présidents.

Article 146-6

Avis sur les amendements

Le comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques est saisi pour réaliser l'évaluation préalable d'un amendement d'un député ou d'un amendement de la commission saisie au fond qui a été demandée conformément à l'article 98-1.

Article146-7

Propositions d'ordre du jour

Le comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques peut faire des propositions à la Conférence des présidents concernant l'ordre du jour de la semaine prévue par l'article 48, alinéa 4, de la Constitution. Il peut, en particulier, proposer l'organisation, en séance publique, de débats sans vote ou de séances de questions portant sur les conclusions de ses rapports ou sur celles des rapports des missions d'information créées en application du chapitre V de la présente partie ou des rapports d'information prévus par l'article 146, alinéa 3

Comme le souligne le rapport de la commission des lois de l'Assemblée nationale sur la présente proposition de loi, la création du CEC a marqué l'aboutissement de la restructuration des instances parlementaires chargées du contrôle et de l'évaluation , qui a été actée par la loi n°2009-689 du 15 juin 2009 1 ( * ) .

Elle s'est accompagnée, en effet, de la suppression des instances suivantes :

- office parlementaire d'évaluation de la législation ;

- délégations parlementaires à l'aménagement et au développement durable du territoire ;

- délégation parlementaire dénommée Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé ;

- délégation parlementaire pour les problèmes démographiques ;

- délégations parlementaires pour la planification.

La mise en place du CEC et la définition de ses règles de fonctionnement ont également été inspirées par la volonté d'assurer des pouvoirs nouveaux à l'opposition.

Les droits de l'opposition sont ainsi garantis par la possibilité pour chaque groupe d'obtenir de droit, une fois par session ordinaire, qu'un rapport d'évaluation, entrant dans le champ de compétence du comité, soit réalisé et par le fait que sur chaque étude, deux rapporteurs sont nommés, dont l'un appartient à un groupe d'opposition.

2. La définition des pouvoirs spécifiques du CEC a été partiellement annulée par le Conseil constitutionnel.

Par sa décision du 25 juin 2009 (n°2009-581 DC) sur la résolution tendant à modifier le Règlement de l'Assemblée nationale, le Conseil constitutionnel a jugé contraires à la Constitution trois dispositions dont deux, à l'article 129, concernant directement le CEC.

La première en ce qu'elle prévoyait que la présentation des rapports du CEC , organisée en présence des responsables administratifs de la politique publique concernée, « donne lieu à un débat contradictoire ». Il a considéré que les missions du comité ne pouvaient porter que sur le contrôle de l'action du Gouvernement et l'évaluation des politiques publiques et qu'elles consistaient en un simple rôle d'information.

La seconde, qui disposait que le comité peut demander l'assistance de la Cour des comptes pour l'évaluation des politiques publiques, a été jugée contraire à la Constitution au motif que « si la Cour des comptes a vocation à assister ledit comité dans l'évaluation des politiques publiques, il n'appartient pas au règlement mais à la loi de déterminer les modalités selon lesquelles un organe du Parlement peut demander cette assistance ».

Il a également censuré l'article 121 de la résolution relatif aux modalités selon lesquelles les personnes entendues par une commission d'enquête sont admises à prendre connaissance du compte rendu de leur audition et à faire part de leurs observations. Le Conseil constitutionnel a, en effet, jugé que ces dispositions (qui, sur le fond, n'étaient pas modifiées par rapport à la rédaction antérieure du Règlement de l'Assemblée nationale) relevaient désormais du domaine de la loi 2 ( * ) .

Le Conseil constitutionnel a émis, par ailleurs, trois réserves d'interprétation sur le texte du nouveau règlement de l'Assemblée nationale relatif au CEC.

En premier lieu, il a rappelé qu'en application de l'article 57 de la LOLF et de l'article L.O. 111-9 du code de la sécurité sociale, qui réservent respectivement aux commissions chargées des finances et aux commissions saisies au fond des lois de financement de la sécurité sociale , le suivi, le contrôle de l'exécution des lois de finances et de financement ainsi que l'évaluation de toute question relative aux finances publiques et de la sécurité sociale, ces domaines étaient exclus du champ de compétence du CEC.

Il a aussi précisé que le principe de la séparation des pouvoirs interdit que les rapporteurs du CEC puissent bénéficier du concours d'experts placés sous la responsabilité du Gouvernement pour conduire les évaluations.

Il a enfin renvoyé à sa jurisprudence constante en soulignant que les recommandations du comité transmises au Gouvernement comme le rapport de suivi de leur mise en oeuvre ne sauraient, en aucun cas, adresser une injonction au Gouvernement .

* 1 Loi tendant à modifier l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et à compléter le code de justice administrative.

* 2 La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a constitutionnalisé les commissions d'enquête, dont l'organisation et le fonctionnement sont réglés par la loi et les conditions de création par le Règlement de chaque assemblée (article 51-2 nouveau).

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