EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 23 juin 2010, sous la présidence de M. Yann Gaillard, vice-président, la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Aymeri de Montesquiou sur le projet de loi n° 292 (2009-2010) adopté par l'Assemblée nationale, d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI 2).

M. Aymeri de Montesquiou , rapporteur pour avis . - La LOPPSI 2 s'inscrit dans la continuité de la LOPSI 1, mais s'en distingue en intégrant la sécurité civile dans son champ et en privilégiant des objectifs de performance, alors que la première loi avait mis l'accent sur les moyens, afin de remédier à la dégradation de la sécurité enregistrée à cette époque : le contexte financier et budgétaire actuel n'est certainement pas étranger à cette évolution.

La lutte contre la délinquance a eu des résultats positifs jusque l'an passé, où nous avons enregistré des résultats plus contrastés : cette inflexion paraît tenir à ce que les délinquants s'adaptent et qu'ils utilisent mieux, en particulier, les nouvelles technologies de l'information.

La discussion et le vote prochain de la LOPPSI 2 mettront fin à une sorte d'incongruité législative, consistant, en loi de finances, à adosser le budget de la mission « Sécurité » à un texte futur et donc non encore débattu par le Parlement...

M. Jean-Pierre Fourcade . - Ces pratiques deviennent coutumières...

M. Aymeri de Montesquiou , rapporteur pour avis . - Elles sont inacceptables pour le Parlement !

Une des particularités de la LOPPSI 2 réside dans le fait que cette programmation financière distingue les crédits de paiement uniquement par mission, et non par programme. Les crédits de la mission « Sécurité » devraient augmenter de 310 millions d'euros, soit de 2,7 %. Cette progression est modeste, puisque elle est inférieure à l'inflation prévue pour la période. Les crédits de la mission « Sécurité civile » (436 millions d'euros) augmenteraient de 55 millions d'euros, soit de 14,5 %, mais cette progression tient pour beaucoup au transfert opéré du ministère de la Défense à celui de l'Intérieur, en particulier pour l'achat d'hélicoptères.

Au total, les crédits consacrés à la sécurité intérieure passeraient de 11,8 milliards en 2009 à 12,2 milliards d'euros en 2013, en hausse de 3,1 %.

Cette hausse annoncée est-elle bien conforme aux intentions par ailleurs affichées du Gouvernement de stabiliser les crédits budgétaires l'an prochain ? Le Premier ministre vient d'annoncer, le 6 mai, un gel des dépenses de l'Etat en valeur de 2011 à 2013, précisant que « les dépenses de fonctionnement courant, hors charges d'intérêt de la dette et hors dépenses de pensions, diminueront de 10 % en trois ans, avec une baisse de 5 % dès 2011 ». Que deviendront les engagements de la LOPPSI 2 dans ces conditions ?

Au total, 69,8 % des crédits « ciblés » par la LOPPSI 2 sont consacrés aux dépenses de fonctionnement et d'investissement. Un effort significatif va à la modernisation technologique, qui pourrait compter sur 456 millions d'euros sur la période. Dans les années 1990, la police et la gendarmerie se sont équipées de systèmes de communication incompatibles ; nous devons réparer cette aberration. La gendarmerie consacrera 764 millions d'euros de crédits à quelques grands programmes de modernisation technologique.

L'insécurité demeure, dans l'esprit de nos concitoyens, un véritable défi pour l'Etat. Je vous propose d'adopter l'article premier de la LOPPSI 2 et le rapport annexé sur les objectifs et les moyens de la sécurité intérieure à l'horizon 2013 sans modification, mais non sans nous interroger sur la cohérence entre les objectifs affichés de croissance budgétaire et les annonces de gel pour les années à venir.

M. Yann Gaillard , vice-président . - Nous ne délibérons pas sur un budget, mais sur un projet de loi d'orientation et votre avis est si nuancé qu'on pourrait s'y tromper : êtes-vous bien favorable à l'adoption de ce texte ?

M. Aymeri de Montesquiou , rapporteur pour avis . - Oui, avis favorable, mais avec la réserve que j'ai dite.

M. Philippe Dallier . - Disposons-nous de chiffres consolidés qui intègrent les dépenses des collectivités locales pour la sécurité publique ? Ces dépenses sont de plus en plus importantes, en particulier pour la vidéosurveillance, en investissement, mais aussi en fonctionnement, pour la formation des personnels de maintenance : il faut en tenir compte.

M. Aymeri de Montesquiou , rapporteur pour avis . - Le document annexé à la LOPPSI 2 mentionne la participation des collectivités locales, mais sans communiquer de chiffres.

M. Jean-Pierre Fourcade . - La chambre régionale des comptes, en vérifiant les comptes de Boulogne-Billancourt, a posé des questions très détaillées sur la police municipale et je ne serais pas étonné de voir la Cour des comptes présenter bientôt un rapport sur la question...

M. Aymeri de Montesquiou , rapporteur pour avis . - Je serai aux aguets et vous informerai bien sûr de toute initiative dans ce sens.

M. Philippe Dallier . - Le Grand Paris existe au moins pour la sécurité, puisque le préfet de police de Paris a autorité, au-delà des limites de la capitale, sur les trois départements limitrophes : envisage-t-on d'évaluer les conséquences de cette organisation sur la répartition des moyens de sécurité publique ? Il faudrait regarder le sujet de près, parce que le regroupement doit certainement entraîner des gains d'efficacité.

M. Aymeri de Montesquiou , rapporteur pour avis . - D'un cloisonnement total entre les zones de gendarmerie et les zones de police, nous sommes passés, avec les groupes d'intervention régionale (GIR), à une coopération entre les forces de l'ordre : le changement est important. Le préfet de police de Paris ne dispose pas lui-même de l'évaluation de la nouvelle organisation, il y travaille et je ne manquerai pas de l'interroger sur ce point.

M. Jean-Pierre Fourcade . - Il faut renforcer la sécurité autour du Parc des Princes...

M. Yann Gaillard , vice-président . - Le choix de systèmes d'information non compatibles entre police et gendarmerie est consternant...

M. Aymeri de Montesquiou , rapporteur pour avis . - Les systèmes sont désormais compatibles, encore qu'imparfaitement, mais ils demeurent différents... L'époque n'est pas lointaine où police et gendarmerie se renvoyaient la balle. Leur coopération actuelle est un progrès réel.

M. Philippe Dallier . - Il faut examiner aussi la communication entre les forces de l'ordre relevant de l'Etat et les polices municipales. Dans le drame de Villiers-sur-Marne, la jeune femme de la police municipale a été tuée parce qu'elle n'avait aucune idée de la situation dans laquelle elle était entrée.

On attendait beaucoup des GIR, en particulier pour lutter contre l'économie souterraine. Mais le moins qu'on puisse dire, c'est que les moyens n'ont pas suivi : qu'en sera-t-il dans les prochaines années ?

M. Aymeri de Montesquiou , rapporteur pour avis . - Les forces de l'ordre utilisent trois réseaux distincts : Rubis pour la gendarmerie nationale, Acropol pour la police nationale et Antares pour la sécurité civile. Personne ne peut comprendre pourquoi ils ne disposent pas d'un réseau commun. Il faut aller plus loin dans le rapprochement.

Sur les polices municipales, l'opinion a changé : on les suspectait d'exercer illégitimement une parcelle de la souveraineté nationale, on s'accorde aujourd'hui sur leur utilité. Elles constituent un complément désormais indispensable.

Les GIR avaient pour premier objectif de faire travailler les services ensemble ; c'est aujourd'hui le cas et les investigations ont largement gagné à cette coopération. Cependant, la montée en puissance des GIR n'a pas eu lieu, on peut le regretter.

M. Yann Gaillard , vice-président . - Vous êtes mesuré et optimiste. La commission partage-t-elle l'avis de son rapporteur ?

La commission donne un avis favorable à l'adoption de l'article premier du projet de loi ainsi que du rapport annexé sur les objectifs et les moyens de la sécurité intérieure à l'horizon 2013, sous réserve des précisions que le Gouvernement devra apporter sur l'articulation et la compatibilité entre la programmation prévue par ce texte et la mise en oeuvre des engagements pris par la France dans le programme de stabilité 2010-2013 transmis au Conseil et à la Commission européenne.

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