B. DÈS 2015, UN BESOIN DE FINANCEMENT ÉQUIVALENT À LA MOITIÉ DE CELUI DE L'ENSEMBLE DES SYSTÈMES DE RETRAITES

1. Les dépenses de retraite, une composante dynamique des dépenses de l'Etat
a) Un équilibre apparent qui pèse directement sur le déficit de l'Etat

Avant l'entrée en vigueur de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) 22 ( * ) , les opérations budgétaires relatives aux pensions civiles et militaires de retraite étaient retracées de manière éclatée et peu lisible au sein du budget général de l'Etat. Cette présentation rendait difficiles les comparaisons et rapprochements avec les autres régimes de retraite, ainsi que la mise en évidence des évolutions tendancielles, et notamment des conditions de partage de l'effort contributif entre l'Etat et ses agents.

L'article 21 de la LOLF a ainsi prévu la création d' un compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » destiné à retracer les opérations relatives aux pensions et avantages accessoires.

Un compte d'affectation spéciale, au sens de l'article 21 de la LOLF, ayant vocation à retracer des opérations budgétaires financées au moyen de recettes particulières qui sont, par nature, en relation directe avec les dépenses concernées , le CAS « Pensions », retrace ainsi :

- en dépenses : les pensions des fonctionnaires civils et militaires, mais également les transferts démographiques entre régimes et les affiliations rétroactives ;

- en recettes : outre les cotisations salariales et celles de l'Etat employeur , celles des autres employeurs publics, le versement progressif des soultes de France Télécom et de la Poste - celles-ci ont été affectées à un établissement public qui les reverse par fractions au budget de l'Etat -, les validations de services et les rachats d'années d'étude ainsi que les compensations démographiques. Par ailleurs, depuis 2010, un versement de la CNRACL vient neutraliser les effets de la décentralisation de certains personnels ( cf. infra ).

L'ensemble des crédits retracés par le CAS « Pensions » en 2010 a ainsi représenté plus de 51 milliards d'euros en 2010 23 ( * ) , répartis en trois programmes :

- « Pensions civiles et militaires et allocations temporaires d'invalidité » (46,7 milliards d'euros en 2010) ;

- « Ouvriers des établissements industriels de l'Etat » (1,8 milliard d'euros en 2010) ;

- « Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions » (2,6 milliards d'euros en 2010).

Le premier programme « Pensions civiles et militaires et allocations temporaires d'invalidité », qui correspond au régime de retraite des fonctionnaires d'Etat, est lui-même subdivisé en trois actions : « Fonctionnaires civils relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite » (37,3 milliards d'euros en 2010), « Militaires relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite » (9,2 milliards d'euros en 2010) et « Allocations temporaires d'invalidité » (0,1 milliard d'euros en 2010).

Comme tous les comptes d'affectation spéciale, le CAS « Pensions » doit être géré à l'équilibre. Par construction, chaque année, l'équilibre du CAS est assuré par la contribution employeur à la charge de l'Etat , calculée de manière à ajuster les recettes aux besoins de financement.

Trois taux distincts de contribution de l'Etat-employeur sont ainsi retenus chaque année : un taux « civil », un taux « militaire » et un taux « allocations temporaires d'invalidité » 24 ( * ) . Chacun de ces taux est fixé pour équilibrer financièrement chaque action du programme « Pensions civiles et militaires et allocations temporaires d'invalidité », compte tenu des dépenses de l'action considérée et des autres recettes qui lui sont rattachées. En constante augmentation, ces taux de contribution pour 2010 ont été fixés à 62,14 % pour les personnels civils , 108,63 % pour les personnels militaires et 0,33 % au titre du financement des allocations temporaires d'invalidité.

Evolution du taux de cotisation employeur (historique et prévisionnel)

Année

Taux de cotisation

Taux de cotisation employeur implicite (1995-2005)

1995

48,6 %

1996

49,2 %

1997

48,7 %

1998

52,3 %

1999

52,7 %

2000

56,8 %

2001

59,4 %

2002

48,6 %

2003

49,2 %

2004

48,7 %

2005

52,3 %

Taux de cotisation employeur explicite (2006-2010)

Pensions de retraite - civils

Allocation temporaire d'invalidité - civils

Pensions militaires

2006

49,90 %

0,30 %

100,00 %

2007

50,74 %

0,31 %

101,05 %

2008

55,71 %

0,31 %

103,50 %

2009

60,14 %

0,32 %

108,39 %

2010

62,14 %

0,33 %

108,63 %

Prévisions de taux d'équilibre technique (hors compensations démographiques et autres transferts) - part employeur (la part salarié est supposée stable à 7,85 %)

2015

69,2 %

2020

71,2 %

2030

72,8 %

2040

72,6 %

2050

69,1 %

Source : rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique, annexe au projet de loi de finances pour 2010

b) Une augmentation de la dépense annuelle de près de 4,8 % depuis 1990

Or, les dépenses liées aux pensions civiles et militaires sont particulièrement dynamiques : elles ont presque triplé depuis 1990 , augmentant de 4,8 % par an en moyenne alors que les prix progressaient annuellement de 1,7 %, soit un écart de 3 points. En une année, entre 2008 et 2009, le montant total des pensions versées a augmenté de 1,6 milliard d'euros , passant de 32,966 milliards à 34,577 milliards d'euros 25 ( * ) .

Evolution du montant total des pensions civiles et militaires depuis 1990

Source : rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique, annexe au projet de loi de finances pour 2010

Comme l'a souligné Philippe Josse 26 ( * ) , cette situation résulte d'abord de « l'effet volume », c'est-à-dire de l'augmentation de 2 % par an du nombre de pensionnés, en raison de l'allongement de l'espérance de vie, de la pyramide des âges dans la fonction publique d'Etat et des changements de comportement induits par la réforme « Fillon ».

Les flux de pensionnés dans la fonction publique d'Etat

Le nombre annuel de départs à la retraite est passé de 40 000 en 1990 à près de 80 000 en 2008, en raison de la pyramide des âges.

Le « pic » de 2003 s'explique par les effets psychologiques de la réforme « Fillon » : de nombreux fonctionnaires ont liquidé leurs droits par anticipation, alors même que la réforme ne devait s'appliquer que très progressivement sans les affecter personnellement.

Une nouvelle baisse des départs à la retraite a été observée en 2009 . Cette diminution n'est pas due à des phénomènes démographiques, mais :

- aux effets psychologiques de la crise - des agents inquiets pour l'avenir professionnel de leur conjoint non fonctionnaire ont décidé de rester en activité plus longtemps ;

- à des hausses catégorielles de rémunération , comme celle de l'indemnité de sujétion spéciale de la police, intégrées dans l'assiette des droits à pension - certains fonctionnaires ont voulu attendre pour liquider leurs droits afin que ces hausses soient prises en compte ;

- à la montée en charge de la réforme « Fillon » .

Source : d'après les données de la direction du budget

A ce phénomène s'ajoute un « effet prix », soit l'évolution du coût moyen des pensions : celui-ci a augmenté de 2,8 % par an. Cette évolution s'explique :

- d'une part, par les règles d'indexation des pensions : avant 2003, elles étaient indexées sur l'évolution du point d'indice et sur sa progression moyenne dans chaque corps ; depuis 2003, elles sont indexées sur l'inflation, comme dans le secteur privé ;

- d'autre part, par l'effet du « glissement vieillesse technicité » (GVT) : les nouveaux retraités ont en moyenne des pensions supérieures à ceux qui sortent du système, autrement dit les retraités qui décèdent.

Si entre 1990 et le début des années 2000, l'« effet prix » a été déterminant, depuis environ huit ans, ce sont les phénomènes démographiques qui prédominent.

c) Un poids croissant dans le budget général de l'Etat

Il résulte du dynamisme des dépenses de pensions une croissance très nette de la part du budget de l'Etat consacrée à la charge des pensions civiles et militaires de retraite : entre 1990 et 2008, celle-ci a augmenté de près de 60 %, passant de 9,3 % du total des dépenses du budget général de l'Etat à 14,6 % en 2008.

Evolution du poids des dépenses de pensions dans le budget général de l'Etat

Source : rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique, annexe au projet de loi de finances pour 2010

Or ce dynamisme des dépenses liées aux pensions conduit, de fait, à un processus d'éviction de dépenses stratégiques et à l' aggravation de la dette publique .

Ainsi, alors qu'entre 2003 et 2008, 20 % de la progression des dépenses du budget de l'Etat étaient dus à l'accroissement du besoin de financement des pensions des fonctionnaires de l'Etat, en 2010, ce seront 23 % des moyens supplémentaires qui y seront employés. Les dépenses de pensions représentent ainsi, selon le rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique pour 2010, le deuxième facteur de dérive des dépenses de l'Etat .


* 22 Loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

* 23 Comme indiqué précédemment, ce chiffre ne recouvre pas uniquement les dépenses de pension ; sont également compris les transferts démographiques et les affiliations rétroactives.

* 24 La mise en place de taux de contribution employeur différenciés s'explique par les conditions spécifiques de liquidation des retraites servies aux personnels militaires qui conduisent à un coût sensiblement différent de celui des personnels civils.

* 25 Chiffrages transmis à votre commission des finances par la direction du budget à l'occasion de sa table ronde « Rendez-vous 2010 pour les retraites », le 2 juin 2010.

* 26 Audition de Philippe Josse, directeur du budget, à l'occasion de la table ronde « Rendez-vous 2010 pour les retraites », le 2 juin 2010, reproduite en annexe au présent rapport.

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