B. DES ADAPTATIONS ENCORE NÉCESSAIRES POUR AMÉLIORER LA COMPÉTITIVITÉ DES FILIÈRES

1. Un impératif de compétitivité incontournable

Dans l'économie mondialisée, à laquelle n'échappe plus le secteur agricole, la compétitivité n'est pas une option, c'est une nécessité .

C'est d'abord un impératif pour les industries agroalimentaires. Dans son rapport remis en octobre 2010, le délégué interministériel aux industries agroalimentaires et à l'agro-industrie, Philippe Rouault 10 ( * ) , remarque que les produits agricoles bruts représentent la moitié des consommations intermédiaires des industries agro-alimentaires (IAA), qui elles-mêmes représentent 76 % de la valeur ajoutée de ces industries. La production agricole pèse donc lourdement dans les coûts de production des IAA.

Si le rapport ne note pas de différence notable dans la compétitivité de la « ferme France » vis-à-vis de ses concurrents européens, il pointe cependant le secteur laitier où le prix payé au producteur est plus élevé que chez nos voisins et où le rendement des ateliers laitiers y est plus faible.

Les IAA constituent le principal débouché des productions agricoles. Soumises à une concurrence de plus en plus rude, elles ont tendance à diversifier leurs approvisionnements et se fournir davantage sur les marchés internationaux. L'agriculteur européen est dans l'obligation de fournir ses clients industriels à des conditions aussi avantageuses que l'agriculteur des grands pays exportateurs.

Votre commission pour avis souligne qu'il ne s'agit pas cependant d'adopter une vision trop restrictive de la compétitivité : il existe également une place pour une agriculture de qualité, à forte valeur ajoutée, capable de justifier les prix plus élevés des productions par une qualité supérieure, qui rencontre une demande . C'est le cas des productions sous signe de qualité, appellations d'origine contrôlée (AOC) ou indications géographiques protégées (IGP), ou encore du label Bio.

LES INDUSTRIES AGRO-ALIMENTAIRES (IAA) EN FRANCE

Les IAA ont réalisé en 2009 une valeur ajoutée de 25,7 Md€, soit 14,1 % de la valeur ajoutée de l'ensemble de l'industrie manufacturière et 1,5 % de la valeur ajoutée de l'ensemble de l'économie.

L'emploi dans les IAA s'élève à 550 000 salariés environ, soit 18,5 % des effectifs de l'industrie manufacturière. A l'inverse du reste de l'industrie, les IAA ont connu une grande stabilité de leurs effectifs sur longue période.

Avec des groupes comme Bongrain, Bigard-Socopa, Bonduelle, Danone, Lactalis, Pernod-Ricard, Tereos ou Terrena, les IAA sont présentes dans tous les secteurs : viande, boisson, lait et produits laitiers. Le tissu industriel est cependant dominé non par des grands groupes, mais par un réseau de PME, qui connaissent des difficultés dans la conquête de marchés extérieurs.

Les exportations agroalimentaires représentent 34 milliards d'euros en 2009. Si l'excédent de la balance commerciale s'est réduit depuis quelques années, il s'élève encore en 2009 à plus de 4 milliards d'euros.

2. Le plan de soutien exceptionnel à l'agriculture (PSEA) : une bouffée d'oxygène pour surmonter la crise

Annoncé fin 2009, le plan de soutien exceptionnel à l'agriculture (PSEA) a été mis en oeuvre sur l'année 2010 et a permis d'injecter des liquidités dans les exploitations agricoles, au moment où leur chiffre d'affaires a plongé.

a) Une enveloppe exceptionnelle de prêts bancaires

Le premier outil sur lequel s'est appuyé le PSEA est la mobilisation de prêts bancaires permettant aux trésoreries des exploitations de faire face à leurs échéances. Les prêts de reconstitution de fonds de roulement et prêts de consolidation bonifiés ont concerné plus de 230 000 exploitations agricoles, pour un encours total dépassant les 1,7 milliard d'euros.

La bonification des prêts bancaires a représenté une dépense totale pour l'État de près de 100 millions d'euros. Rappelons en effet qu'outre les 8 millions inscrits dans le projet de loi de finances initial pour 2010, le Gouvernement avait, en cours de discussion de ce budget, proposé l'abondement de 100 millions supplémentaires sur le fonds d'allègement des charges (FAC).

Outre la bonification des prêts bancaires, permettant de ramener le taux réel des emprunts à 1 % pour les jeunes agriculteurs et 1,5 % pour les autres, l'État a mobilisé, toujours sur le FAC, près de 50 millions d'euros pour alléger les annuités d'emprunt 2010 ou prendre en charge auprès de la Mutualité sociale agricole (MSA), des échéances de cotisations sociales patronales (dans la limite de 1 800 euros par équivalent temps plein).

Au total, le FAC a permis de mobiliser plus de 150 millions d'euros d'aides en 2010.

b) Des aides budgétaires et fiscales exceptionnelles

Les autres dispositifs du PSEA ont également apporté un soutien important aux exploitations à travers :

- Le renforcement du dispositif d'aide aux agriculteurs en difficulté (Agridiff) : en plus des 3 millions d'euros déjà inscrits dans le projet de loi de finances initial, la discussion du budget 2010 a permis d'inscrire une enveloppe de 100 millions supplémentaires ;

- Une prise en charge des impayés de taxe foncière sur les propriétés non bâties , pour un montant estimé à 50 millions d'euros mais en réalité impossible à chiffrer réellement.

3. Pour dépasser la crise agricole : la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, et les plans de développement des filières
a) Les principales mesures de la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche

Publiée le 27 juillet 2010, la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche (LMAP) a des conséquences budgétaires et fiscales limitées mais pas négligeables.

Son titre I er , qui met en place les outils d'une politique publique de l'alimentation (programme national pour l'alimentation, observatoire de l'alimentation, contrôles renforcés de l'application de règles nutritionnelles, meilleure information sur l'origine des produits), n'a pas d'impact budgétaire direct mais l'accent mis sur la politique alimentaire a renforcé l'action n° 8 du programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » qui passe de moins de 3 millions d'euros en 2010 (en AE et CP) à une dotation de 5,3 millions d'euros en AE et 3,7 millions d'euros en CP en 2011.

Son titre II promeut la contractualisation entre producteurs et leurs acheteurs, interdit les remises, rabais et ristournes en matière de fruits et légumes, renforce le rôle des interprofessions : toutes ces dispositions n'ont pas d'impact budgétaire. Deux dispositions de ce titre ont cependant un effet budgétaire pour 2011 et même au-delà :

- le fonctionnement de l'Observatoire des prix et des marges , désormais présidé par l'économiste Philippe Chalmin, nécessite de mobiliser 5 personnes en équivalent temps plein travaillé (ETPT), sur le budget de FranceAgriMer, soit 1 million d'euros, qui est financé par redéploiement dans le budget de FranceAgriMer ;

- le nouveau dispositif de gestion des risques en agriculture devrait conduire à réduire les besoins de financement au titre des calamités agricoles, l'assurance se substituant à la prise en charge des calamités sur fonds publics. L'impact budgétaire est estimé à 2,9 millions d'euros en 2011 et monterait à plus de 22 millions d'euros en 2013. En sens inverse, la réassurance publique aurait un coût élevé en cas de grande catastrophe. Il est très difficile d'obtenir sur ce point des chiffrages précis .

Le titre III de la LMAP contient pour sa part plusieurs dispositifs fiscaux, notamment de lissage des revenus. Ni le bleu budgétaire, ni les réponses aux questionnaires budgétaires ne permettent d'en mesurer l'impact, qui devrait rester faible sur moyenne période.

Le titre IV , consacré à l'installation, ne devrait pas avoir d'impact non plus sur moyenne période.

Le titre V , en revanche, a plus de conséquences sur le budget 2011. La nouvelle taxe sur la cession à titre onéreux de terrains nus rendus constructibles, affectée à l'Agence de services et de paiement (ASP), devrait avoir un produit de l'ordre de 40 millions d'euros pas an . Conformément au souhait de nombreux sénateurs exprimé durant les débats, ces recettes nouvelles devraient être affectées à l'installation, dans le cadre des plans de développement des filières (PDF). Les différents dispositifs concernant la forêt devraient en revanche générer une dépense fiscale supplémentaire de l'ordre de 15 millions d'euros.

Les titres VI, VII et VIII n'auront en principe aucun impact budgétaire ou fiscal.

La LMAP étant surtout une loi d'organisation économique des filières, votre commission pour avis fait valoir que , si ses objectifs sont atteints, elle devrait plutôt induire un moindre besoin en crédits de crise, jusqu'à présent mobilisés année après année pour faire face aux difficultés des filières .

b) Les plans de développement des filières (PDF)

Au-delà des mesures d'urgence destinées à soutenir les filières en difficulté, comme le versement par anticipation des aides de la PAC, reconduit en 2010, le Gouvernement a décidé la mise en place d'un plan de développement des filières (PDF) dans la filière bovine , la filière porcine et la filière laitière .

Les PDF s'étaleront sur les exercices 2011 à 2013 et sont dotés d'une enveloppe de 300 millions d'euros , dont 180 provenant de crédits budgétaires et 120 du produit de la taxe sur les cessions de terrains agricoles devenus constructibles.

Plusieurs lignes du budget 2011 sont mises à contribution pour soutenir les PDF : ainsi les crédits délégués à FranceAgriMer d'aide à la cessation d'activité laitière (ACAL) s'élèveront en 2011 à 45 millions d'euros en AE et 18,6 millions en CP. De même, au sein des crédits consacrés au plan de modernisation des bâtiments d'élevage (PMBE), 5 millions d'euros, sur les 29,4 millions prévus, seront fléchés en 2011 spécifiquement sur les élevages laitiers.


* 10 Analyse comparée de la compétitivité des industries agroalimentaires françaises par rapport à leurs concurrentes européennes, rapport de M. Philippe Rouault, délégué interministériel aux industries agroalimentaires et à l'agro-industrie, octobre 2010.

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