C. LES PERSPECTIVES D'ÉVOLUTION DU CADRE EUROPÉEN ET INTERNATIONAL

1. Les négociations commerciales internationales dans l'attente d'une relance lourde de dangers pour l'agriculture européenne
a) Le blocage provisoire du cycle de Doha

Engagé en 2001 à la conférence interministérielle de Doha, sous l'égide de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), le nouveau cycle de négociations commerciales multilatérales n'a pas encore pu aboutir.

Les désaccords, en particulier sur la libéralisation des échanges agricoles, ont conduit à l'échec du processus. Mais cet échec n'est pas forcément définitif.

Lors de leur réunion des 11 et 12 novembre dernier à Séoul, les dirigeants du G20 ont affirmé dans le communiqué final leur engagement fort pour une conclusion des négociations en 2011 . Dans sa communication sur la stratégie commerciale de l'Union européenne du 9 novembre, la Commission européenne a également affirmé sa volonté de conclure définitivement un accord général dans le cadre de l'OMC en 2011.

Un tel accord ne forcerait pas l'Europe à transformer radicalement la PAC, comme elle avait dû le faire depuis 1992, pour mettre les aides en conformité avec ses engagements internationaux. La PAC respecte d'ores et déjà les limites prévues par les boîtes orange et bleue.

Toutefois, certaines craintes subsistent, notamment en matière d'aide aux surfaces en herbe, qui sont indispensables pour maintenir les activités d'élevage.

Enfin, la conclusion des négociations est compliquée par la volonté de mettre en place des outils de régulation des fluctuations excessives des prix résultant de la spéculation, volonté portée notamment par la France, mais qui n'est pas partagée par toutes les parties prenantes.

b) Les négociations bilatérales et le Mercosur

A côté des négociations multilatérales, la libéralisation des échanges agricoles est organisée par les accords bilatéraux. En mai 2010, la Commission européenne a décidé de relancer les discussions avec le Mercosur 11 ( * ) .

Or, un accord avec le Mercosur impliquerait une ouverture plus grande à la concurrence venant de grands pays agricoles, qui ne respectent pas les mêmes normes sanitaires, environnementales, et de bien être animal, que les pays européens.

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes du Sénat s'était inquiété de cette réouverture des négociations auprès du Gouvernement lors de la séance du 21 mai 2010 12 ( * ) . Le COPA-COGECA 13 ( * ) , regroupant l'ensemble des organisations agricoles européennes, a estimé que pas moins de 28 millions d'emplois seraient menacés par un tel accord dans les zones rurales de l'Union européenne.

La position française est pour l'instant très réservée sur les possibilités de conclure un tel accord, mais les enjeux dépassent la simple question de l'agriculture , car le marché sud-américain est considéré comme une zone de croissance pour les entreprises européennes, et la condition mise à un accès plus facile à ce marché repose sur l'existence de contreparties agricoles.

2. La réforme à venir de la PAC
a) Une année 2010 marquée par la mise en oeuvre du bilan de santé et de mesures d'intervention exceptionnelles

L'année 2010 a été la première année pleine de l'application de l'accord sur le Bilan de santé de la PAC, conclue fin 2008. Cette réforme s'est traduite par une réorientation des soutiens vers les filières fragiles, et en particulier certains élevages, comme l'élevage ovin .

S'il est trop tôt pour faire un bilan du Bilan de santé, il faut constater qu'il a eu d'importants effets redistributifs .

L'année 2010 a également été marquée par une intervention forte de l'Union européenne pour soutenir les filières agricoles en crise, en particulier le secteur laitier.

Outre des achats à l'intervention qui ont permis de stabiliser les cours du lait en début d'année, une réflexion stratégique a été menée par le groupe de haut niveau sur le lait (GHN) qui a formulé en juillet 2010 ses propositions. Sans revenir sur la suppression des quotas à l'échéance 2015, le GHN a proposé de renforcer le pouvoir de marché des producteurs, de développer la contractualisation et d'accélérer la mise en oeuvre des mesures d'intervention, conçues comme des filets de sécurité, lorsque les crises interviennent. Les propositions du GHN devraient aboutir à une proposition de modification du règlement « OCM unique » à la fin de l'année 2010.

b) Quelles perspectives de réforme de la PAC ?

Tant les perspectives financières que les instruments juridiques de la PAC expirent en 2014. L'Union européenne doit donc se doter d'un cadrage budgétaire et de nouveaux règlements pour la période après 2013. La réflexion sur ces deux sujets a commencé de manière parallèle.

La commission européenne a adopté une communication le 17 novembre 2010, prévoyant le maintien de la politique d'aide au revenu des agriculteurs, mais dans un cadre renouvelé renforçant les exigences environnementales de la PAC . Il s'agit d'une base de travail, les propositions de textes européens de la commission ne devant pas intervenir avant la mi-2011. Par ailleurs, le processus de discussion des futures perspectives financières n'en est qu'à ses débuts.

S'il est relativement certain que le budget de la PAC sera mis à contribution pour financer les autres dépenses d'intérêt communautaire, une baisse drastique des crédits agricoles n'est plus l'hypothèse de négociation la plus probable.

Il n'en reste pas moins que les aides européennes dont bénéficient les agriculteurs français pourraient baisser de manière substantielle après 2013, nécessitant une adaptation continue de nos exploitations pour s'adapter aux exigences du marché et gagner encore en compétitivité.


* 11 Le Mercosur, ou communauté économique des pays de l'Amérique du Sud, est une organisation internationale à vocation économique créée en 1991, organisant le libre-échange de biens et services entre ses membres : le Brésil, l'Argentine, le Paraguay et l'Uruguay.

* 12 Question d'actualité au gouvernement n° 0487G de M. Jean Bizet, posée le 21 mai 2010.

* 13 COPA : Comité des organisations professionnelles agricoles, et COGECA : Confédération générale des coopératives agricoles de l'Union européenne.

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