III. LE MONOPOLE DES LOIS FINANCIÈRES SUR LES DISPOSITIONS RELATIVES AUX PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

Les dispositions du présent projet de loi constitutionnelle ayant suscité le plus de débats sont celles relatives au monopole des lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale sur les dispositions relatives aux prélèvements obligatoires de l'Etat et des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale.

Le principe de ce monopole est fixé par l'article premier du présent projet de loi constitutionnelle.

A. UNE SOLUTION NOUVELLE À UN PROBLÈME ANCIEN

1. Un dispositif qui reprend par ses objectifs (sinon par ses modalités) une proposition déjà adoptée par le Sénat

Dans son rapport n° 163 (2007-2008) sur la proposition de loi organique tendant à prévoir l'approbation par les lois de financement de la sécurité sociale des mesures de réduction et d'exonération de cotisations et de contributions de sécurité sociale adoptées en cours d'exercice, fait au nom de la commission des affaires sociales, notre collègue Alain Vasselle relève que la Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale « a souligné l'insuffisance préoccupante du contrôle que devraient exercer les ministères sociaux et les commissions des affaires sociales des deux assemblées sur les créations d'exonérations de cotisations et de contributions sociales ainsi que sur les modifications qui leur sont apportées.

« Dans la mesure où ces exonérations ne figurent pas nécessairement en loi de financement et peuvent être insérées dans n'importe quel texte législatif, il est fréquent en effet qu'elles soient adoptées par le Parlement sans avoir été préalablement expertisées par la direction de la sécurité sociale (DSS) et les commissions des affaires sociales, ni soumises à l'avis du gestionnaire (l'Acoss et les Urssaf) ou des caisses initialement bénéficiaires de la ressource dont elles seront ensuite privées.

« Ainsi, d'après une étude menée par la DSS, sur la cinquantaine de mesures d'exonération ou de réduction d'assiette de cotisations sociales votées entre le début 2005 et le début 2007, 40 % ne résultaient pas d'un arbitrage interministériel impliquant le ministère des affaires sociales.

« Or, l'impact de ces mesures sur les comptes sociaux est, comme on l'a vu, de plus en plus lourd. »

Pour remédier à cette situation, la proposition de loi organique, adoptée par le Sénat le 22 janvier 2008, « propose que la création ou la modification d'exonérations ainsi que les changements apportés aux règles d'assiette puissent continuer d'intervenir dans le cadre des lois ordinaires, mais en n'accordant à ces mesures qu'un caractère provisoire .

« En effet, toute prorogation au-delà de l'exercice en cours nécessitera une approbation en loi de financement . Cela permettra d'accompagner les dispositifs concernés d'une première étude d'impact. Cela donnera aussi au Parlement la possibilité de s'assurer d'un niveau adéquat de compensation. »

A cadre constitutionnel inchangé, un dispositif de ce type constitue ce qui s'approche le plus d'un monopole des lois de financement de la sécurité sociale sur les mesures relatives aux recettes de la sécurité sociale.

Elle n'a cependant pas été perçue comme la meilleure solution au problème réel qu'elle soulevait car on imagine aisément les effets déstabilisateurs sur les agents économiques d'une législation provisoire. En outre, il serait sans doute, en pratique, extrêmement difficile de revenir, en loi de financement, sur une mesure adoptée quelques mois plus tôt par la même assemblée.

Avec un système de ce type, les lois financières seraient probablement devenues des instruments de validation formelle de décisions prises ailleurs.

Malgré les inconvénients d'un dispositif de ce type, la commission des lois a estimé qu'il était celui le plus susceptible de concilier la satisfaction des objectifs poursuivis par le monopole avec les atteintes à l'initiative parlementaires qui résulteraient de son institution. Elle ainsi adopté un amendement à l'article premier du présent projet de loi constitutionnelle ayant pour objet, d'une part, de supprimer le monopole et, d'autre part, de subordonner l'entrée en vigueur des mesures relative aux prélèvements obligatoires adoptées au cours de l'année à leur approbation par une loi de finances ou une loi de financement de la sécurité sociale. Vos rapporteurs ne peuvent que réaffirmer leur opposition totale à cette attitude, qui serait perçue par tous nos interlocuteurs comme un vrai recul et, en d'autres termes, comme un signal de laxisme budgétaire contraire aux intérêts de notre pays.

2. Une discipline que le Gouvernement s'impose déjà à lui-même

Le 4 juin 2010, sans attendre l'issue des travaux du groupe de travail animé par Michel Camdessus, le Premier ministre a pris une circulaire « relative à l'édiction de mesures fiscales et de mesures affectant les recettes de la sécurité sociale ».

Le Premier ministre annonce que la révision constitutionnelle à venir a notamment pour objet de « renforcer la cohérence de notre politique de prélèvements obligatoires en mettant un terme à la dispersion des dispositions régissant ces prélèvements entre lois de finances, lois de financement de la sécurité sociale et lois ordinaires. Cette dispersion peut en effet conduire à un contournement des procédures budgétaires et à une insuffisante protection des recettes fiscales et sociales. Elle est aussi génératrice d'instabilité et de complexité pour les acteurs économiques. C'est pourquoi le projet de loi constitutionnelle prévoira que seules les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale peuvent respectivement comporter des dispositions fiscales et des dispositions affectant les recettes de la sécurité sociale ».

En conséquence, il demande donc à ses ministres :

« - de ne plus insérer de dispositions fiscales ou qui affectent les recettes de la sécurité sociale dans les projets de lois ordinaires préparés par [leur] département ; ces dispositions s'appliquent à tous les projets de lois n'ayant pas encore été déposés sur le bureau d'une assemblée ;

« - pour les textes déjà déposés et les propositions de loi qui n'ont pas encore été examinés par la commission compétente de la première assemblée saisie, de présenter des amendements tendant à la suppression des dispositions de cette nature et d'opposer un avis négatif du Gouvernement à tout amendement qui tendrait à en introduire ».

Depuis lors, aucun projet de loi n'a dérogé à ces instructions.

Le programme de stabilité 2011-2014, transmis aux autorités communautaires après avoir été soumis au Parlement et fait l'objet d'un débat à l'issue duquel, en application de l'article 50-1 de la Constitution, les deux assemblées ont approuvé une déclaration du Gouvernement, rappelle qu'une « circulaire du Premier ministre en date du 4 juin 2010 a mis en place le monopole des lois de finances et des lois de financement de la Sécurité sociale pour régir le domaine de la fiscalité et celui des recettes de la sécurité sociale s'agissant des textes d'initiative gouvernementale, permettant d'éviter la dispersion des dispositions fiscales et sociales dans l'ensemble des textes législatifs et de renforcer la cohérence d'ensemble de la stratégie de prélèvements obligatoires et de finances publiques ».

3. Un dispositif qui constitue un engagement européen du Président de la République

Le 11 mars 2011, les Etats de la zone euro ont adopté le pacte pour l'euro (devenu depuis le « Pacte euro + ») et se sont engagés à annoncer les premières mesures concrètes de mise en oeuvre de ce document avant le Conseil européen des 24 et 25 mars 2011.

Dans cette perspective, le Président de la République a adressé le 23 mars 2011 au Président du Conseil européen une lettre dans laquelle il annonce le dépôt d'un « projet de loi révisant la Constitution afin d'y inscrire une règle d'équilibre des finances publiques ». Il précise que cette révision « permettra également d'instituer le monopole des lois de finances et des lois de financement pour tout ce qui concerne les impôts et plus largement les prélèvements obligatoires ».

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