B. UNE DÉMARCHE ENGAGÉE PAR LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE QUI ABOUTIT À DES PROPOSITIONS CONVERGENTES DE LA COMMISSION DES FINANCES ET DU « GROUPE CAMDESSUS »

Pour tirer les leçons des outils existants, et notamment de l'échec relatif de la première loi de programmation des finances publiques, le Président de la République a, à l'issue de la première session de la conférence sur le déficit, le 28 janvier 2010, annoncé la mise en place de quatre groupes de travail, dont l'un chargé de réfléchir aux modalités de la mise en oeuvre d'une règle constitutionnelle d'équilibre des finances publiques.

Michel Camdessus, gouverneur honoraire de la Banque de France, a été chargé de présider ce groupe de travail, par une lettre du Premier ministre en date du 1 er mars 2010. Ce groupe comprenait 16 membres, dont les présidents et rapporteurs généraux des commissions des finances des deux assemblées. Il a adopté son rapport le 21 juin 2010.

L'objectif est de donner un contenu opérationnel et contraignant à « l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques », dont l'inscription à l'article 34 de la Constitution en 2008 n'a pas eu de conséquence pratique.

Sans attendre la constitution de ce groupe de travail, votre commission des finances, dès le 9 février 2010, préconisait la mise en place d'une règle exprimée « en termes d'effort structurel ».

Dans le cadre des travaux du groupe chargé de réfléchir aux modalités de la mise en oeuvre d'une règle constitutionnelle d'équilibre des finances publiques, le président et le rapporteur général de la commission des finances ont adressé le 17 mai 2010 une note (reproduite en annexe au présent rapport pour avis), dans laquelle ils formulaient un certain nombre de propositions. Ces propositions, détaillées dans le rapport de votre commission en vue du débat d'orientation des finances publiques pour 2011, ont en quasi-totalité été retenues par le groupe de travail.

Les propositions du président et du rapporteur général de votre commission des finances, ainsi que celles du groupe de travail présidé par Michel Camdessus, sont synthétisées par le tableau ci-après.

Les propositions de règles destinées à favoriser le retour des finances publiques à l'équilibre

Propositions du président et du rapporteur général de votre commission des finances (1)

Propositions du groupe de travail présidé par Michel Camdessus (2)

Cadre général

Prépondérance de la programmation pluriannuelle sur les lois annuelles

Instituer une loi-cadre de programmation des finances publiques (LCPFP), s'imposant aux LFI et LFSS

Les règles de procédure

Monopole des lois financières sur les dispositions ayant un impact sur le solde des administrations publiques (crédits budgétaires, dépenses fiscales et sociales)

Compétence exclusive des lois financières en matière de prélèvements obligatoires

Fusion des parties « recettes » des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale

Rapprochement des PLF et PLFSS

Confirmation de la règle de gage des dépenses fiscales définie par l'article 11 de la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012

Règle de gage lors de la création d'une mesure fiscale nouvelle instaurée par l'article 11 de la loi de programmation des finances publiques du 9 février 2009

Confirmation de la durée limitée des nouvelles dépenses fiscales et sociales

Extension de la norme de dépense de l'Etat à la dépense fiscale

Association des collectivités territoriales à l'effort de maîtrise des comptes des administrations publiques

Les règles de fond

« Règle de sincérité » : retenir des hypothèses économiques prudentes

Mise en place d'un groupe d'experts, dont « les missions (...) consisteraient d'abord à rendre un avis public sur la pertinence des prévisions retenues dans les projets de lois-cadre de programmation des finances publiques et tout projet de loi financière » et dont les membres « pourraient aussi exprimer un avis sur la conformité et la crédibilité de ces textes et des efforts envisagés pour respecter la trajectoire retenue afin de parvenir à l'équilibre et respecter une trajectoire d'endettement conforme à nos engagements » (3).

« Règle de responsabilité » : définir les engagements du Gouvernement en termes de mesures nouvelles en recettes et en dépenses, exprimées en milliards d'euros, de façon à rendre les gouvernements effectivement responsables, mais uniquement de ce qu'ils contrôlent réellement.

La LCPFP « fixerait, en euros constants, pour chaque année de la période de programmation considérée : - le plafond du niveau des dépenses de l'État entrant dans le champ de la loi de finances (LF) et le plafond du niveau des dépenses de la sécurité sociale entrant dans le champ de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) ; - le plancher des recettes de l'État et de la sécurité sociale (dans le champ de la LFSS) résultant de facteurs autres que l'évolution spontanée des produits, notamment les mesures nouvelles concernant les prélèvements obligatoires au sens de l'évaluation des voies et moyens annexée à la loi de finances » ; « fongibilité entre plafonds des dépenses et mesures nouvelles en recettes ».

Se doter d'outils permettant un pilotage quasiment en temps réel

Instaurer un dispositif d'alerte rapide devant le Parlement

Contrôle de constitutionnalité : au niveau de l'ensemble LFI+LFSS, mais en cas de dérapage des dépenses publiques dans leur ensemble ou du coût des mesures nouvelles sur les PO, des mesures devraient être prises dans la loi financière la plus proche.

Saisine obligatoire du Conseil constitutionnel sur les lois financières.

« Lors de l'adoption des LCPFP, le Conseil constitutionnel vérifierait de plein droit qu'elles s'inscrivent dans l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques figurant au 21ème alinéa de l'article 34 de la Constitution et, éventuellement, sur la trajectoire vers la cible d'équilibre fixée par le législateur. »

Limiter le recours à l'emprunt des opérateurs et l'affectation à leur profit de recettes non renouvelables

Déterminer par la loi organique la date du retour à l'équilibre des finances publiques (3)

Cadre européen

Création d'une Autorité européenne des comptes publics

Promotion d'un consensus macro-économique européen

(1) Note adressée le 17 mai 2010 à Michel Camdessus par le président et le rapporteur général de votre commission des finances (reproduite en annexe au présent rapport pour avis).

(2) Groupe de travail présidé par Michel Camdessus, Réaliser l'objectif constitutionnel d'équilibre des finances publiques , 21 juin 2010.

(3) Absence de consensus au sein du groupe Camdessus au sujet du groupe d'experts.

Source : commission des finances, d'après les textes indiqués

1. Etablir une nouvelle « hiérarchie des normes financières » pour rendre juridiquement contraignants les efforts discrétionnaires de réduction du déficit

La commission des finances, comme le « rapport Camdessus », sont très clairs sur le fait que la norme destinée à se substituer aux lois de programmation des finances publiques doit s'imposer aux lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale.

Ainsi, selon le rapport de votre commission des finances sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, « L'expérience des douze programmes de stabilité adressés à la Commission européenne depuis la fin des années 1990, dans une sorte de jeu formel sans la moindre conséquence pratique, montre la nécessité d'en finir avec le double langage.

« Il n'est plus possible, d'un côté, de continuer à adresser à la Commission européenne des programmations affichant une amélioration rapide du solde public, grâce à des hypothèses de croissance du PIB et de dépenses publiques dépourvues de crédibilité, et, de l'autre, de ne pas véritablement engager de politique de réduction du déficit structurel.

« La poursuite d'une telle « stratégie » aurait à terme des conséquences désastreuses en termes de crédibilité.

« Pour en finir avec le double langage, il faut instaurer une nouvelle « hiérarchie des normes financières ».

« Les lois financières de l'année (loi de finances, loi de financement de la sécurité sociale) doivent être subordonnées à une norme supérieure . Dans son rapport en vue du débat d'orientation des finances publiques pour 2011, votre commission préconisait « une trajectoire pluriannuelle des finances publiques qui s'impose aux lois financières » ».

De même, selon le « rapport Camdessus », « l'engagement fixé par le législateur dans la LCPFP [loi-cadre de programmation des finances publiques] s'imposerait aux LF et aux LFSS votées annuellement pendant la durée de la programmation. Cette primauté de la LCPFP sur les LF et les LFSS, dans la hiérarchie des normes, ferait l'objet d'une révision constitutionnelle. Les lois-cadre de programmation des finances publiques seraient ainsi érigées en une nouvelle catégorie de lois qui, de même que les lois organiques, s'imposeraient aux lois financières annuelles ».

2. D'importantes autres règles, dont le monopole des lois de finances sur les dispositions relatives aux prélèvements obligatoires

A cette règle d'équilibre s'ajoutaient d'autres propositions de la commission des finances et du « rapport Camdessus » :

- monopole des lois financières sur les dispositions ayant un impact sur les prélèvements obligatoires ;

- fusion des parties « recettes » des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale ;

- encadrement des dépenses fiscales.

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