DEUXIÈME PARTIE : LE PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE

Le présent projet de loi constitutionnelle comporte seize articles (dont trois insérés par l'Assemblée nationale). Il modifie douze articles de la Constitution, et en insère trois.

Le tableau ci-après en donne une présentation synthétique, en indiquant les principales préconisations de la commission des finances.

Les articles du présent projet de loi constitutionnelle

Articles de la Constitution

Articles du présent projet de loi constitutionnelle

Numéro

Objet

Numéro

Objet

Modifications apportées par l'AN

Remarques

34

Domaine de la loi

1

Monopole des LF et LFSS pour l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature et les principes fondamentaux des autres ressources de la sécurité sociale ; institution des lois-cadres d'équilibre des finances publiques (LCEFP)

• Précision selon laquelle les lois-cadres couvrent une période d'au moins 3 années ;

• Inscription (avec une imprécision rédactionnelle) de la « règle » d'effort structurel proposée par le rapport Camdessus et la commission des finances du Sénat, et figurant dans la LPFP 2011-2014 ;

• Précision que les lois-cadres comprennent les « règles de gestion des finances publiques » ;

• Précision qu'une LCEFP peut être modifiée en cours d'exécution dans les conditions et sous les réserves fixées par la LO.

• Précision que les « écarts constatés lors de l'exécution des lois de finances et de l'application des lois de financement de la sécurité sociale sont compensés dans les conditions prévues par une loi organique ».

• L'amendement de la commission des finances de l'AN tendant à instaurer des « lois de PO » n'a pas été adopté.

• La « règle » d'effort structurel doit être précisée (propositions en ce sens des commissions des lois et des finances).

• La commission des lois propose de remplacer le monopole strict par une obligation de validation des dispositions relatives aux PO en LF ou en LFSS.

• Les « règles de gestion » doivent être interprétées comme comprenant l'ensemble des règles relatives à la politique de finances publiques ou à l'information du Parlement.

Le texte ne prévoit pas :

- que la LO comprend des dispositions garantissant que les LCEFP reposent sur des hypothèses économiques non biaisées ;

- que le monopole est étendu à l'assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des ressources non fiscales de la sécurité sociale (le texte proposé ne concerne que les principes fondamentaux) ;

- que pour accroître la cohérence des débats, des dispositions portant sur un même sujet peuvent être réunies dans un même texte (LFI ou LFSS).

Il est également prévu d'aligner sur l'orthographe de la LOLF celle du texte actuel, qui se réfère aux « impositions de toute s nature s ».

39

Initiative législative

2

Précision que la première lecture des LCEFP se fait à l'Assemblée nationale

Additionnel après 2

Article additionnel proposé par la commission des finances (dépôt d'un PLF ou d'un PLFSS conjointement avec le projet de loi dont il est le volet financier).

41

Irrecevabilité en cas de non respect du domaine de la loi

2 bis

Extension de l'article 41 de la Constitution au respect du monopole des LF et LFSS

Les commissions des lois et des finances proposent la suppression de l'article.

42

Première lecture des projets et propositions de loi

3

Dérogation des LCEFP à la règle selon laquelle la discussion porte sur le texte de la commission

46-1 (nouveau)

4

Modalités de discussion des LCEFP

47

Discussion des projets de lois de finances

5

Impossibilité d'adoption d'une LFI en l'absence de LCEFP

Anticipation au 15 septembre du dépôt du PLF

Cette remontée des dates de dépôt des projets de lois financières ne peut se comprendre que si les règles habituelles de computation des délais d'examen des textes ne sont pas modifiées.

47-1

Discussion des projets de lois de financement de la sécurité sociale

6

Impossibilité d'adoption d'une LFSS en l'absence de LCEFP

Anticipation au 1 er octobre du dépôt du PLFSS

47-2

6 bis

Assistance de la Cour des comptes pour le contrôle de l'exécution des lois-cadres

48

Ordre du jour

7

Inscription des projets de LCEFP par priorité, à la demande du Gouvernement

49

Engagement de la responsabilité du Gouvernement

8

Possibilité d'engager la responsabilité du Gouvernement sur un projet de LCEFP

61

Saisine du Conseil constitutionnel

9

Soumission automatique des LCEFP au Conseil constitutionnel

Contrôle automatique par le Conseil constitutionnel de la conformité des LF et LFSS à la loi-cadre

• La commission des lois propose d'étendre cette saisine automatique à l'ensemble LF+LFSS, pour ne pas faire porter le risque de censure sur la seule loi de finances.

• La commission des finances propose de préciser les conséquences d'une non-conformité à la loi-cadre.

61-2 (nouveau)

9 bis

Contrôle du respect du monopole par le Conseil constitutionnel (si saisi sur le texte)

• Les commissions des lois et des finances proposent la suppression de l'article.

• Si maintien de l'article, nécessité d'un amendement rédactionnel.

70

Consultation du Conseil économique, social et environnemental

10

Possibilité de consulter le CESE sur les projets de LCEFP

72-2

Autonomie financière des collectivités territoriales

11

Monopole des LF pour l'habilitation des collectivités territoriales à fixer l'assiette et le taux des impositions de toute nature (1°), et pour la compensation des créations ou extensions de compétences (2°)

• La commission des lois supprime le monopole de la loi de finances et remplace cet article (1° et 2°) par une simple modification rédactionnelle.

• Le 2° du présent article ne modifie vraisemblablement pas le droit actuel et introduit une ambiguïté (cf. infra).

88-8 (nouveau)

12

Transmission au Parlement des projets de programme de stabilité, avant transmission aux institutions européennes

Précision que le projet de programme de stabilité doit être transmis au Parlement au moins 2 semaines avant sa transmission à la Commission européenne ; vote du Parlement sur les programmes de stabilité (avec explicitement soumission pour avis à l'une des commissions permanentes).

• La commission des finances propose de prévoir le vote d'une résolution.

• La commission des lois propose de préciser la rédaction, qui pourrait être interprétée comme impliquant qu'une seule commission peut rendre un avis.

34, 39, 42, 46-1, 47, 47-1, 48, 49, 61 et 70

-

13

Fixation par la LO de la date d'entrée en vigueur de l'ensemble des dispositions, à l'exception de celles ne concernant pas les LCEFP : monopole des LF et LFSS prévu par les articles 1 er (impositions de toute nature et principes fondamentaux des autres ressources de la sécurité sociale) et 12 (autonomie financière des collectivités territoriales), et transmission du projet de programme de stabilité prévue par l'article 88-8

Modifications rédactionnelles et de coordination.

La commission des finances propose une modification de coordination.

Sources : textes concernés, commission des finances

Le tableau ci-après permet de mettre en évidence l'architecture du présent projet de loi constitutionnelle.

L'architecture du présent projet de loi constitutionnelle

Règles destinées à assurer le respect des futurs engagements du Gouvernement en termes d'effort discrétionnaire de réduction du déficit

Vote du Parlement sur les
projets de programme de stabilité

Monopole des LF et LFSS

Article

« Règle » d'équilibre

Lois-cadres d'équilibre des finances publiques

1

Inscription par l'AN (avec une imprécision rédactionnelle) de la « règle » proposée par le « rapport Camdessus »

Institution des lois-cadres

Instauration du monopole

2

Première lecture à l'Assemblée nationale

2 bis

Irrecevabilité en cas de non respect du monopole des LF et LFSS

3

Dérogation des LCEFP à la règle selon laquelle la discussion porte sur le texte de la commission

4

Modalités de discussion des LCEFP

5

Impossibilité d'adoption d'une LFI en l'absence de LCEFP. Anticipation au 15 septembre du dépôt du PLF

6

Impossibilité d'adoption d'une LFSS en l'absence de LCEFP. Anticipation au 1 er octobre du dépôt du PLFSS

6 bis

Assistance de la Cour des comptes pour le contrôle de l'exécution des LCEFP

7

Inscription des projets de LCEFP par priorité, à la demande du Gouvernement

8

Possibilité d'engager la responsabilité du Gouvernement sur les projets de LCEFP

9

Soumission automatique au Conseil constitutionnel, qui contrôle en outre la conformité des LF et LFSS à la loi-cadre

9 bis

Contrôle du respect du monopole par le Conseil constitutionnel (si saisi sur le texte)

10

Possibilité de consulter le CESE sur les projets de LCEFP

11

Coordination pour les dispositions relatives aux collectivités territoriales

12

Vote du Parlement sur les projets de programme de stabilité

NB : l'article 13 concerne les modalités d'entrée en vigueur.

Source : commission des finances

I. RENFORCER LA LÉGITIMITÉ DÉMOCRATIQUE DES ENGAGEMENTS EUROPÉENS DE LA FRANCE

A. LE PRINCIPE DU VOTE DU PARLEMENT SUR LE PROJET DE PROGRAMME DE STABILITÉ

1. Une initiative du Sénat ...

Rendant compte à votre commission des finances d'un récent déplacement au Portugal, votre rapporteur général relevait, le 24 mars 2010, que « le gouvernement portugais est contraint de rompre avec la pratique, constatée dans tous les pays européens, du « double langage », qui conduit à tenir un discours différent devant les électeurs et devant les instances européennes. La surveillance des marchés et des agences de notation ne le permet plus. Dans ces conditions, de nouvelles méthodes ont été mises au point et le programme de stabilité a été soumis, pour consultation, aux partis politiques et aux partenaires sociaux. Il est discuté au Parlement, ce qui pourrait constituer une source d'inspiration pour le Parlement et le gouvernement français ».

Au cours du printemps de l'année dernière, cette idée à fait son chemin et, après avoir pesé les mérites respectifs de l'adoption d'une résolution selon la procédure de l'article 34-1 de la Constitution ou d'une déclaration du Gouvernement suivie d'un vote en application de l'article 50-1 de la Constitution, le Gouvernement et les assemblées sont convenus que la présentation des orientations pluriannuelles des finances publiques, dans le cadre du débat d'orientation des finances publiques, s'achèverait par un vote en application de l'article 50-1.

Dans son rapport en vue du débat d'orientation des finances publiques pour 2011, votre commission des finances se prononçait en faveur d'un vote annuel sur le programme de stabilité.

Lors de l'examen du projet de loi de programmation des finances publiques 2011-2014, la commission des finances de l'Assemblée nationale avait prévu l'obligation pour le Gouvernement de déposer un nouveau projet de loi de programmation avant le 1 er juin 2011. L'objectif était que le Parlement puisse adopter la trajectoire des finances publiques préalablement à son inscription dans un document européen qui engage la France.

Le Gouvernement a obtenu le retrait de cet amendement en échange de l'engagement de soumettre aux assemblées le projet de programme de stabilité avant le 15 avril de chaque année, de façon à ce qu'elles puissent formuler des observations avant sa transmission aux institutions de l'Union européenne, au plus tard le 30 avril.

A l'initiative de sa commission des finances, le Sénat a inscrit cet engagement du Gouvernement dans la loi, en précisant que le projet de programme de stabilité devrait faire l'objet d'un débat et d'un vote . Le texte du Sénat est devenu l'article 14 de la loi de programmation des finances publiques 2011-2014.

A l'occasion de son séminaire annuel tenu à Bruxelles, votre commission des finances s'est entretenue avec le commissaire en charge des affaires économiques et monétaires, Olli Rehn, qui s'est déclaré très partisan de la solution mise en oeuvre en France.

2. ... élevée au rang d'obligation constitutionnelle par l'Assemblée nationale

L'article 12 du présent projet de loi constitutionnelle prévoit qu'« à la demande du Gouvernement ou d'un groupe parlementaire au sens de l'article 51-1, [le projet de programme de stabilité] donne lieu à un débat en séance, puis fait l'objet d'un vote sans engager la responsabilité du Gouvernement ».

Un amendement adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative de sa commission des finances, précise que le projet de programme de stabilité doit être transmis au Parlement au moins deux semaines avant sa transmission à la Commission européenne.

Il s'agit de la reprise d'une disposition figurant déjà à l'article 14 de la loi de programmation des finances publiques 2011-2014.

En outre, une précision adoptée à l'initiative de la commission des lois de l'Assemblée nationale prévoit qu'à la demande du Gouvernement ou d'un groupe parlementaire, le projet de programme de stabilité donne lieu à un débat en séance, puis fait l'objet d'un vote sans engager la responsabilité du Gouvernement.

Il s'agit donc d'une procédure inspirée de l'actuel article 50-1 de la Constitution.

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