C. LES RÉSULTATS DE LA GENDARMERIE EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LA DÉLINQUANCE ET L'INSÉCURITÉ ROUTIÈRE TÉMOIGNENT DE L'ENGAGEMENT DES UNITÉS SUR LE TERRAIN

1. Un rapport critique de la Cour des comptes

La Cour des comptes a rendu, en juillet dernier, un rapport public thématique portant sur l'organisation et la gestion des forces de sécurité publique, qui se montre assez critique sur le pilotage des forces de sécurité.

Ainsi, la Cour des comptes considère, dans son rapport, que « les résultats obtenus dans la lutte contre la délinquance depuis 2002 ont été contrastés, puisque, selon les données du ministère de l'intérieur, si les atteintes aux biens ont baissé de 28,6 % de 2002 à 2010, baisse que les enquêtes de « victimisation » réalisées par l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) conduisent à relativiser, les atteintes aux personnes ont augmenté de 21,2 % sur la même période » .

Elle estime que « la « culture de résultat », érigée en 2002 en mode de fonctionnement des services de sécurité publique, a fait prévaloir une gestion par objectifs exprimés en fonction des statistiques de la délinquance » .

Concernant les recommandations formulées par la Cour des comptes, on peut notamment mentionner la question de la répartition des effectifs de la gendarmerie sur le territoire, qui serait uniquement fondée sur la population et qui ne prendrait pas suffisamment en compte la délinquance.

Comme le relève la Cour des comptes dans son rapport, « le nombre de faits de délinquance par gendarme présente ainsi de grandes variations entre les départements, qui tendent à montrer que la répartition des effectifs est largement perfectible ».

Interrogé à propos des conclusions de ce rapport, lors de son audition devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, le 9 novembre dernier, le ministre de l'intérieur, M. Claude Guéant, a apporté les éléments de réponse suivants :

« Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, je considère que ce rapport de la Cour des comptes sur la sécurité publique ne constitue pas un exemple d'objectivité car il contient plusieurs approximations et erreurs d'analyse.

Ce rapport contient un certain nombre d'erreurs. Je pense notamment aux chiffres mentionnés concernant le département des Yvelines qui ne correspondent pas à la réalité.

Surtout, j'estime qu'il y a une sorte de vice de raisonnement dans ce rapport.

Dans un premier temps, je regrette que la Cour n'ait retenu que la période 2002-2009 pour analyser les efforts de réorganisation. L'inscription de cette étude dans un temps un peu plus long aurait, très certainement, permis de mieux révéler les contrastes entre les résultats obtenus aujourd'hui et les politiques de sécurité menées antérieurement, afin d'en tirer tous les enseignements utiles en matière de gestion et d'organisation des forces de sécurité publique.

Parmi les différentes observations de la Cour, vous avez rappelé les affirmations du rapporteur sur le caractère soi-disant « contrasté » des résultats obtenus dans la lutte contre la délinquance depuis 2002.

Le contraste, c'est très certainement la rupture en 2002 avec plusieurs années de hausse ininterrompue de la délinquance pour atteindre le niveau historiquement le plus élevé. Rappelons que cette mobilisation s'est traduite par huit années consécutives de baisse de la délinquance et ce, alors que la population française, dans le même temps, augmentait de 3,2 millions d'habitants, soit plus que la seule ville de Paris.

Entre 2002 et 2010, la délinquance a diminué de 17 %, après avoir enregistré une forte hausse entre 1997 et 2002.

Il faut surtout différencier les atteintes volontaires aux personnes et les atteintes aux biens. Les premières représentent 13 % de la délinquance, tandis que les secondes représentent quasiment tout le reste, soit plus de 85 %. On ne peut donc pas mettre sur le même plan la diminution de 20 % des atteintes aux biens et l'augmentation de 20 % des atteintes aux personnes, car la proportion des deux n'est pas du tout la même.

Par ailleurs, au sein des atteintes volontaires aux personnes, il faut tenir compte des violences infra familiales, qui, par définition, sont difficiles à prévenir pour la police et la gendarmerie. Pour les autres formes d'atteintes volontaires aux personnes, comme les violences crapuleuses, la délinquance a baissé de 10 % depuis 2002.

Enfin, depuis 2002, le taux d'élucidation est passé de 26 % à plus de 37 % en 2009, ce qui témoigne de la mobilisation des services et de l'efficacité du travail d'enquête et des progrès enregistrés en matière de police scientifique et technique ou en matière de fichiers, par exemple avec le fichier des empreintes génétiques.

Ces résultats attestent de l'efficacité de la politique du gouvernement et, contrairement à ce que laisse entendre la Cour, la « culture du résultat » n'est pas une politique du chiffre, mais bien une politique d'action, car l'action conduit aux résultats et nos concitoyens attendent bien des forces de sécurité de faire baisser la délinquance. Il est normal que le ministre de l'intérieur fixe des objectifs aux forces de sécurité ».

Pour sa part, le directeur général de la gendarmerie nationale, le général Jacques Mignaux, a fait valoir , lors de son audition devant la commission, le 10 novembre dernier, les éléments de réponse suivants :

« Le rapport parle en préalable de « résultats contrastés de la lutte contre la délinquance de 2002 à 2010 », évoquant une baisse des atteintes aux biens, mais une hausse des atteintes aux personnes.

Je vais vous parler de la délinquance constatée par la gendarmerie.

Je souhaiterais vous redonner deux ordres de grandeur : cette délinquance est constituée à 63 % par les atteintes aux biens (AAB) (627 696 faits en 2010). Les atteintes volontaires à l'intégrité physique - AVIP - n'en représentent quant à elles que près de 10 % (95 547 faits en 2010, avec une baisse de 0,3 %, dont seulement 8 859 faits de violences physiques crapuleuses, en hausse de 1,5 %).

Sur la période évoquée par la Cour, la délinquance constatée par la gendarmerie a baissé de 16,7 %. En 2010 et pour la première fois, le nombre de faits est passé en dessous de 1 million (de 1 182 173 faits en 2002 à 984 648 faits en 2010).

Sur cette période de 8 ans, ce sont donc 200 000 victimes en moins dans la zone de compétence de la gendarmerie. Dans le même temps, le taux d'élucidation des crimes et délits est passé de 32 à 40 %. Voilà pour les résultats contrastés du point de vue de la gendarmerie. »

Le général Jacques Mignaux a ajouté :

« La Cour des comptes pointe également la « culture du résultat, érigée en mode de fonctionnement des services de sécurité publique ».

Je préfèrerais parler de culture de la performance. Cette notion me paraît plus conforme à la réalité. Dans sa double acception d'évaluation quantitative et qualitative, elle rend mieux compte de notre démarche. Cette culture de la performance s'impose aujourd'hui à nous comme un impératif : impératif car nous devons rendre publiquement compte de notre action. Impératif car elle découle de l'esprit de la LOLF et des indicateurs du programme annuel de performance, comme la représentation nationale l'a voulu. Impératif enfin car la lutte contre la délinquance n'est pas figée : il nous faut mesurer, d'une manière ou d'une autre, les problématiques auxquelles nous sommes confrontés, analyser l'évolution des phénomènes criminels, pour adapter en conséquence nos réponses voire anticiper les nouvelles menaces. Je pense notamment, dans le domaine de la cybercriminalité, aux escroqueries sur internet.

La culture de la performance - ou du résultat - n'est pas une course à la statistique. Elle permet de mesurer la qualité de notre réponse en matière de sécurité.

Vous avez fait allusion à deux de mes directives écrites du mois de septembre qui ont été rendues publiques, alors qu'il s'agit de documents à usage interne exclusivement.

Ces directives écrites, je les assume pleinement. Des notes de cette nature, j'en signe plusieurs par année. Il est bien dans mes attributions de pilotage de l'action de la gendarmerie de mobiliser mes moyens pour obtenir des résultats concrets.

Je commande et manoeuvre mes moyens. Je veux également tenir les engagements que j'ai pris devant vous pour la sécurité des Français.

Dès lors que j'ai clairement identifié une hausse des cambriolages, j'ai choisi de tout mettre en oeuvre pour en briser la spirale. Sont notamment visées les résidences principales dans lesquelles sont recherchés, en journée pendant les heures ouvrables et en l'absence de leurs occupants partis au travail, argent, or et bijoux. »

Enfin, concernant la répartition des effectifs sur le territoire, le général Jacques Mignaux a précisé :

« Le rapport de la Cour des comptes pointe enfin du doigt la répartition des effectifs sur le territoire. Il s'attarde sur le critère de population, soulignant que le critère de délinquance serait plus judicieux.

La pression de la délinquance entre, bien évidemment, en ligne de compte. Mais la gendarmerie est avant tout un service public de sécurité de proximité, dans la profondeur des territoires, même les plus reculés.

Il est hors de question de laisser se déliter notre maillage territorial et de voir s'installer des déserts sécuritaires dans certaines parties du territoire.

La responsabilité de la gendarmerie s'étend sur de vastes espaces territoriaux, qui impliquent une présence partout. Avec aujourd'hui 3 200 brigades territoriales réparties sur 95 % du territoire, la gendarmerie peut dissuader la délinquance par sa seule présence, répondre aux attentes de la population et des élus, veiller les réseaux de communication et les flux, garantir la continuité de la réponse de l'État. »

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