III. UN SOUTIEN ENCORE TROP TIMIDE AUX AUTRES OPÉRATEURS DE LA COOPÉRATION QUE SONT LES ONG ET LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

1. Il faut renforcer les opérateurs associatifs français qui mènent sur le terrain des actions remarquables

Alors que la France a longtemps peiné à concevoir sa politique de coopération autrement qu'au niveau interétatique, la reconnaissance de la contribution des ONG à l'efficacité de l'aide progresse au niveau national parmi les acteurs de la coopération et du développement.

Alors que cette situation se traduisait au niveau budgétaire par le peu de crédits publics transitant par les ONG, la coopération non gouvernementale restant le parent pauvre de la coopération française, l'engagement de 2005 du Président Jacques Chirac, repris par le Président Nicolas Sarkozy, de doubler la part d'APD transitant par les ONG françaises entre 2004 et 2009 (de 1 % à 2,08 % en 2009) permet progressivement de rattraper le retard français dans ce domaine.

En effet, avec 1,14 % de l'APD transitant par les ONG françaises en 2004, la France était alors très loin de la moyenne des pays de l'OCDE qui se situait déjà à un peu plus de 5 %.

Les ONG sont en effet des acteurs assurant une véritable complémentarité par rapport aux actions mises en oeuvre dans le cadre de la coopération publique .

Une particularité essentielle des ONG est de s'appuyer sur des démarches, participatives et partenariales dans leurs actions de renforcement des sociétés civiles du Sud. Les ONG agissent, en effet, le plus souvent, avec des partenaires locaux (ONG des pays du Sud, organisations sociales locales).

Les premiers critères de qualité de l'action des ONG sont ainsi la qualité et la pérennité du partenariat et leur capacité à contribuer au renforcement de la responsabilité et de l'efficacité de leurs partenaires. Leurs atouts résident également dans la mise en oeuvre d'une coopération de proximité, dans leur rapidité d'intervention, et dans leur capacité d'innovation qui leur permet de faire évoluer rapidement leurs interventions et de les adapter aux contextes changeants.

Les crédits transitant par les ONG dans le projet de loi de finances se répartissent entre quatre actions de trois programmes LOLF : le 209, le 301 et le 185. Ces crédits couvrent quatre catégories principales de projets portés par les ONG françaises :

- les crédits pour le cofinancement des projets et programmes des ONG françaises sur leur droit d'initiative relèvent de l'action 2 du programme 209, au sein des crédits « Aide projet FSP et AFD ». Le Projet Annuel de Performance agglomère sous l'appellation « aide projet (FSP et AFD) » des crédits fondamentalement différents dans leur objet et leur forme juridique : des crédits dédiés aux projets des ONG françaises mais également et surtout, des crédits pour les projets AFD ;

- les crédits pour le financement des différentes formes de Volontariat International relèvent de l'action 2 du programme 209 et dans une moindre mesure du programme 185 ;

- les crédits pour le financement des interventions d'urgence humanitaires des ONG relèvent du Fonds d'Urgence Humanitaire (FUH), au sein de l'action 2 du programme 209 ;

- les crédits pour le cofinancement de projets d'ONG relevant des priorités du MIIIDS.

Globalement, le montant de l'APD transitant par les OSI (françaises, locales, internationales) est passé de 117 millions d'euros en 2005 à 137 millions d'euros en 2010, montant qui représente 1,5 % de l'APD française totale, chiffre qui reste, il est vrai, encore éloigné de la moyenne des pays de l'Union Européenne, du Canada ou des Etats-Unis, proche de 5 % 43 ( * ) .

Cette comparaison peut toutefois être relativisée. La structure de l'APD française est particulière, compte tenu notamment de la part des annulations de dette.

Aussi le niveau d'effort réel en direction des OSI est-il mieux reflété par le montant de l'APD versée aux ONG rapporté à l'APD bilatérale programmable.

Cet agrégat présente en effet l'avantage d'exclure les éléments de l'APD qui, par définition, ne peuvent pas transiter par les ONG.

Ainsi, rapportée à l'APD bilatérale programmable, la part d'APD transitant par les ONG françaises s'élève à 4,50 % en 2009 tandis que celle transitant par les ONG françaises, locales et internationales s'élève à 6 %.

en millions d'euros

2006

2007

2008

2009

2010

Montant de l'APD française totale

8 445

7 219

7 566

9 048

9 075*

Montant de l'APD française bilatérale

6 309

4 571

4 483.5

5 040

Montant de l'APD française bilatérale programmable

2 262

1 847

2 183

2 334

Montant de l'APD versé aux OSI françaises

97

100

102

105

112*

% de l'APD totale versé aux OSI françaises

1,15%

1,38%

1.35%

1.16%

1.23%*

% de l'APD bilatérale versé aux OSI françaises

1,54%

2,18%

2.28%

2.08%

% de l'APD bilatérale programmable versé aux OSI françaises

4.29%

5.38 %

4.70%

4.50%

Montant de l'APD versé aux OSI françaises,
locales et internationales

126

142

151

137

% de l'APD totale versé aux OSI

1,50%

1,96%

2,02%

1,51%

% de l'APD bilatérale versé aux OSI

2%

3,10%

3,40%

2,72%

% de l'APD bilatérale programmable versé aux OSI

5,59%

7,7%

6,99%

5,87%

A l'occasion de la dernière réunion du CICID, le 5 juin 2009, le Premier ministre a renouvelé l'engagement de porter à 2 % la part de notre aide publique au développement transitant par les OSI.

Vos rapporteurs souhaitent que les pouvoirs publics tiennent cet engagement et observe que d'après la récente enquête publiée par l'OCDE, la France reste le dernier des Etats membres du CAD en part d'APD transitant par les ONG, avec 1,5%, alors que la moyenne OCDE est de 13%16 .

Pour les trois éléments principaux concernant les crédits aux ONG dans le PLF, les financements prévus pour 2012 sont stables par rapport à l'an dernier :

- 45 M€ d'AE pour l'appui aux initiatives des ONG (41 M€ en CP)

- 21,6 M€ (AE=CP) pour le volontariat, dont 19,5 M€ pour France Volontaire et le dispositif Volontariat de Solidarité Internationale (VSI)

- 8,9 M€ (AE=CP) pour le Fonds d'urgence humanitaire, dont on estime approximativement que la moitié de ce fonds est destinée aux ONG.

Comme le souligne Coordination Sud la stabilité des crédits destinés aux ONG dans le contexte budgétaire actuel. Néanmoins ces montants ne permettront pas d'atteindre l'engagement pris par le Président Sarkozy de porter les crédits d'APD transitant par les ONG françaises à 150 M€ en 2012. En s'appuyant sur les montants indiqués dans le PLF 2012, Coordination SUD estime que ces crédits seront approximativement de 100 M€ en 2012/14 44 ( * ) .

Vos rapporteurs souhaitent que les engagements pris à l'égard des ONG soient tenus, car il importe, pour l'efficacité même de notre politique, de renforcer les opérateurs associatifs français qui mènent sur le terrain des actions souvent remarquables.

Les printemps arabes ont montré qu'il convenait de renforcer les liens des services de coopération avec les sociétés civiles pour ne pas rester dans un dialogue exclusif avec les autorités gouvernementales. Dans ce cadre, les ONG peuvent être des vecteurs essentiels de ce dialogue avec la société civile de nos partenaires en Méditerranée mais également en Afrique.

La France a en effet tout à gagner à un renforcement de la capacité des ONG à mener des actions en concertation avec les ONG locales. Or les ONG françaises ont, dans l'ensemble, des capacités financières limitées par rapports à leurs homologues anglo-saxonnes, comme l'illustrent les tableaux suivants :

10 premières ONG françaises au regard du Budget

Budget 2009/2010
(en M€)

1

Médecins Sans Frontières

223

2

Secours Catholique - Caritas France

130

3

Action Contre la Faim

90

4

Secours populaire français

73,7

5

Médecins du Monde France

63,5

6

ACTED

62

7

Ordre de Malte France

56

8

Solidarités

44,8

9

AIDES

43

10

CCFD

42

Principales ONG internationales

Budget 2009/2010

1

OXFAM International

642,2 M€

2

CARITAS

5,5 Md$

3

World Vision

2,48 Md$

4

Green Peace

200 M€

5

Amnesty International

21M£

6

CARE International

665 M€

7

Save The Children

291.5 M£

8

Fondation Bill & Melinda GATES

3Md$

9

WWF

509M€

10

Human Rights Watch

48M$

2. Soutenir la coopération décentralisée

Autre acteur infra-étatique, les collectivités territoriales sont en passe de devenir des acteurs majeurs de la coopération.

Les 26 régions, plus des trois quarts des départements, la quasi-totalité des grandes villes et des communautés urbaines, de très nombreuses communes moyennes ou petites et un nombre croissant de structures intercommunales sont en effet impliquées dans des projets de coopération à l'international.

4 776 collectivités françaises ou groupements engagés à l'international dans 141 pays, 9 870 collectivités locales étrangères partenaires, 12 150 projets de coopération décentralisée et 490 projets dans le cadre d'autres actions extérieures ont été répertoriés dans l'Atlas français de la coopération décentralisée et des autres actions extérieures.

L'enquête annuelle en ligne sur l'aide publique au développement réalisée chaque année par la Délégation pour l'action extérieure des collectivités territoriales du ministère des affaires étrangères a montré que les collectivités territoriales ont consacré, en 2009, 72 millions d'euros à des projets menés dans des pays en développement ou au bénéfice d'associations agissant pour elles à l'international .

Les zones choisies par les collectivités territoriales françaises sont : d'abord l'Afrique francophone, ensuite la Chine et l'Asie du Sud-Est, une présence encore limitée mais en progression en Amérique du Sud, des percées intéressantes dans l'Afrique lusophone et anglophone, enfin une forte présence dans les pays d'Europe médiane (Pologne, Roumanie, Hongrie...).

Les priorités géographiques constatées correspondent, dans l'ensemble, aux données de l'histoire et à nos intérêts, ainsi qu'aux grandes tendances économiques du monde contemporain. Au cours des derniers mois, une tendance s'est faite jour vers une plus grande cohérence des actions menées à la lumière de stratégies géographiques (actions vers la Russie, la Chine, le Maghreb...), de logiques thématiques (gouvernance de proximité, aménagement du territoire, services publics locaux, eau, développement durable) dans la suite des engagements de Johannesburg et de Kyoto, avec un développement des réflexions à l'échelle des régions en liaison avec l'ensemble des acteurs du territoire.

La coopération décentralisée française est financée d'abord par les collectivités territoriales sur leurs fonds propres. Le reste provient des cofinancements du ministère des affaires étrangères et européennes qui peut, en fonction d'un certain nombre de critères, apporter un soutien financier aux collectivités territoriales ou aux réseaux nationaux et aux dispositifs de coordination ou de concertation régionale.

Les cofinancements accordés par le ministère des affaires étrangères et européennes se sont élevés, dans le cadre des appels à projet annuels 2007-2009, à 12,5 millions d'euros et à 4,22 millions d'euros dans le cadre des appels à projet 2008.

Dans le cadre du projet de loi de finances 2012, suite à un changement d'architecture budgétaire, les crédits consacrés à la coopération décentralisée, précédemment répartis entre le programme 185 et le programme 209 selon des critères géographiques, seront intégralement regroupés sur le programme 209. Il est prévu de maintenir les crédits ouverts en 2012 à leur niveau 2011, soit 9,836 millions d'euros.

Suite aux comités de sélection qui se sont réunis en 2010, 173 projets au titre du programme 209 bénéficieront d'un cofinancement au titre de la coopération décentralisée pour la période 2010-2012 pour un total de cofinancement de 16 millions d'euros.

Le cofinancement étant au maximum de 35 % du montant des dossiers (25 % s'il n'y a pas de mutualisation), l'effet de levier est donc très important et a été encore amélioré par rapport aux années précédentes. A noter que les collectivités territoriales qui bénéficieront d'un cofinancement font état de financements dans le cadre de programmes européens à hauteur de 1 633 045 euros.

La répartition par priorités géographiques et/ou thématiques, qui avaient été fixées dans l'appel à projets, montre que, sur 173 projets retenus, 96 sont des projets de soutien au développement économique et à la gouvernance locale en Afrique.

La loi « Oudin » 45 ( * ) relative à la coopération internationale des collectivités territoriales a, par ailleurs, joué un rôle incitatif accru. Celle-ci permet aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale de financer, sur le budget des services publics de l'eau et de l'assainissement, des actions de coopération décentralisée, d'aide d'urgence ou de solidarité dans les domaines de l'eau et de l'assainissement. Le plafond des dépenses est fixé à 1 % des ressources affectées jusqu'ici à ces services.

L'application de la loi Oudin, promulguée le 9 février 2005, a permis la mobilisation directe de 13,2 millions d'euros en 2009, soit 75% du total investi dans des actions de coopération décentralisée eau et assainissement en France.

Depuis trois ans, le ministère des affaires étrangères et européennes, en collaboration avec les préfectures de région, conduit une politique de partenariat avec les collectivités territoriales, fondée sur des appels à projet triennaux et annuels. Ce dispositif transparent et respectueux de l'autonomie des collectivités territoriales tient compte des grandes orientations de notre politique de coopération et des domaines d'excellence des collectivités territoriales.

L'objectif reste, en effet, la mobilisation des collectivités territoriales, d'abord sur leur savoir-faire en matière de développement de territoires et celle des acteurs locaux, en leur proposant un partenariat qui puisse donner plus de cohérence et d'efficacité à leurs actions.

Vos rapporteurs souhaitent que l'Etat puisse, dans le respect de leur autonomie, aider les collectivités à structurer leurs efforts dans ce domaine.


* 43 A noter que les statistiques du CAD de l'OCDE ne distinguent pas la nationalité des ONG bénéficiaires.

* 44 Coordination SUD L'Aide publique au développement (APD) française - Projet de loi de finances 2012 : Plaidoyer pour un budget en phase avec les priorités

* 45 Loi relative à la coopération internationale des collectivités territoriales et des agences de l'eau dans les domaines de l'alimentation en eau et de l'assainissement (n° 2005-95 du 9 février 2005)

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