3. L'échec du « RSA jeunes »

L'extension du RSA aux jeunes âgés de dix-huit à vingt-quatre ans est effective depuis le 1 er septembre 2010 en métropole. Le montant du RSA jeunes est établi sur les mêmes bases que celles du RSA généralisé ; il varie en fonction des ressources et de la situation familiale de son bénéficiaire. En revanche, le Gouvernement a décidé de cibler la mesure sur les jeunes qui ont déjà travaillé deux ans à temps complet dans les trois ans qui précèdent la demande , soit 3 214 heures de travail pour les salariés.

Les premiers résultats disponibles sont sans appel : le « RSA jeunes » est un échec . A ce jour, un peu plus de 10 000 personnes seulement en bénéficient. Votre rapporteure y voit deux explications :

- la condition du nombre d'heures travaillées est inadaptée à la réalité de la jeunesse française : comment, alors que le taux de chômage des moins de vingt-cinq ans s'élève à plus de 20 %, demander à un jeune - surtout à un étudiant ou un jeune de milieu modeste - de justifier de deux années travaillées à temps complet ?

- quand bien même cette condition serait remplie, la reconstitution des heures travaillées sur une période de trois ans est difficile à prouver pour ce public qui a souvent recours à des contrats précaires.

Dans son livre vert sur la jeunesse présenté en juillet 2009, Martin Hirsch préconisait pourtant une manière alternative d'étendre le RSA aux jeunes de moins de vingt-cinq ans, qui présentait l'avantage de concerner plus de bénéficiaires et de ne pas écarter les étudiants : « une logique simple de bonus d'un euro par heure travaillée » . Face au coût d'un tel dispositif (un milliard d'euros), le Gouvernement a préféré y renoncer.

Pour votre rapporteure, il y a urgence à lutter contre la précarité des jeunes ; les chiffres sont là pour le prouver :

- plus d'un jeune sur cinq (20,2 %) vit en dessous du seuil de pauvreté (soit 880 euros par mois) contre 13 % de l'ensemble de la population ;

- moins de la moitié des jeunes au chômage perçoivent une indemnisation, contre 60 % des demandeurs d'emploi ;

- 35 % des emplois salariés occupés par les jeunes âgés de quinze à vingt-neuf ans sont des emplois temporaires ou des emplois aidés, contre moins de 14 % pour l'ensemble des salariés.

4. Les résultats décevants du contrat unique d'insertion

La création du contrat unique d'insertion (CUI), avec ses deux volets - contrat initiative emploi (CUI-CIE) pour le secteur marchand et contrat d'accompagnement dans l'emploi (CUI-CAE) pour le secteur non marchand - par la loi du 1 er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion visait, entre autres, à mettre un terme à l'instabilité et à la complexité des dispositifs antérieurs.

Si cette évolution est positive, il apparaît aujourd'hui que ses objectifs de qualité, en termes d'accompagnement et d'insertion professionnelle des bénéficiaires, restent loin d'être atteints . En outre, en termes d'efficacité sur l'emploi, ses résultats sont décevants . Tel est le constat sévère dressé par la Cour des comptes dans un récent rapport sur les contrats aidés 4 ( * ) .

Pointant les lacunes dans l'accompagnement des publics bénéficiant du CUI, la Cour propose :

- de formaliser les actes professionnels indispensables en matière d'accompagnement et de quantifier les moyens nécessaires à leur réalisation ;

- de fixer aux prescripteurs (c'est-à-dire les organismes participant à l'information des publics jeunes et adultes à la recherche d'une formation ou d'un emploi) des objectifs en matière d'accompagnement et d'en assurer le suivi ;

- d'identifier au sein des dépenses dédiées au CUI une enveloppe destinée à l'accompagnement et à la formation ;

- de veiller à la mobilisation des Opca (organismes paritaires collecteurs agréés) et des organismes de formation professionnelle du secteur public.

Très critique envers Pôle emploi, la Cour préconise également de prévoir, à l'occasion de la négociation de la nouvelle convention Etat-Unedic-Pôle emploi, des engagements précis de Pôle emploi sur l'organisation d'un suivi plus formalisé, plus régulier et plus personnalisé en fonction des difficultés prévisibles à la sortie du contrat.

Le CUI, comme tout contrat aidé, poursuit deux objectifs difficilement conciliables : lutter à court terme contre le chômage et faciliter l'insertion professionnelle, voire sociale, de publics très éloignés de l'emploi, avec des mesures de suivi et d'accompagnement renforcé. Dans le contexte de crise économique, le Gouvernement a privilégié le premier objectif au détriment du second. Priorité a été donnée au nombre de contrats, souvent de courte durée, plutôt qu'au ciblage sur les personnes en ayant le plus besoin. Ainsi, la part d'entrants en contrats aidés bénéficiaires de minima sociaux a diminué depuis 2009. Or, selon la Cour, l'efficacité sur l'emploi des contrats aidés est décevante, ces contrats courts ne facilitant pas l'accès à un emploi stable .

En conséquence, elle recommande deux mesures :

- cibler les contrats aidés sur les personnes les plus éloignées de l'emploi et les plus vulnérables , notamment les titulaires de minima sociaux. Lors de son audition, le comité national de liaison des régies de quartier (CNLRQ) a fait également part de la nécessité d'orienter les contrats aidés vers les publics les plus fragiles, à l'instar des jeunes dans les quartiers populaires ;

- veiller à la prescription de contrats de durée suffisante pour permettre le développement d'actions à visée d'insertion durable . Ainsi que l'ont indiqué les représentants du secteur de l'insertion par l'activité économique, les contrats aidés d'une durée de six mois ne sont pas un outil pertinent pour accompagner les personnes très éloignées du marché du travail dans leur démarche de réinsertion.

Votre rapporteure insiste également sur la nécessité de renforcer le suivi personnalisé des titulaires de contrats aidés et de leur proposer des formations afin de faciliter leur réinsertion dans la vie professionnelle à la sortie du contrat.


L'exemple des emplois de vie scolaire recrutés sur contrats aidés

L'accompagnement des enfants handicapés en milieu ordinaire est assuré par trois catégories de personnel :

- en classe collective (classe d'intégration scolaire - CLIS - et unité localisée pour l'inclusion scolaire - ULIS -) par des assistants de vie scolaire collectifs (AVS-Co) ;

- en classe ordinaire, par des assistants de vie scolaire individuel (AVS-I) ou des emplois sous contrats aidés, les emplois de vie scolaire (EVS).

Les EVS sont recrutés sur des contrats aidés , de droit privé : contrat d'accompagnement dans l'emploi (CAE) et contrat d'avenir (CAV), ceux-ci étant progressivement remplacés, depuis le 1 er janvier 2010, par les contrats uniques d'insertion.

Compte tenu de la forte croissance des demandes d'accompagnement, les contrats aidés sont devenus la variable d'ajustement du système .

Pour votre rapporteure, cette politique n'est pas satisfaisante à plusieurs titres :

- la durée de ces contrats étant très limitée (six mois ou un an), elle ne permet pas une réelle continuité de l'accompagnement , ce qui peut se révéler extrêmement dommageable pour les enfants handicapés ;

- leur renouvellement étant de plus en plus rare, les EVS sont confrontés à une grande précarité ;

- aucune action de formation ne leur est proposée .

Face à cette situation, elle plaide pour un véritable suivi des EVS une fois leur contrat d'EVS arrivé à terme et, plus généralement, pour l'accès à des emplois statutaires pour les personnels en place.


* 4 Cf. rapport précité.

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