N° 110

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2011-2012

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 novembre 2011

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur le projet de loi de finances pour 2012 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME II

Fascicule 1

CULTURE :
PATRIMOINES, TRANSMISSION DES SAVOIRS

Par MM. Vincent EBLÉ et Philippe NACHBAR,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : Mme Marie-Christine Blandin , présidente ; MM. Jean-Étienne Antoinette, David Assouline, Mme Françoise Cartron, M. Ambroise Dupont, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, M. Jacques Legendre, Mmes Colette Mélot, Catherine Morin-Desailly, M. Jean-Pierre Plancade , vice-présidents ; Mme Maryvonne Blondin, M. Louis Duvernois, Mme Claudine Lepage, M. Pierre Martin, Mme Sophie Primas , secrétaires ; MM. Serge Andreoni, Maurice Antiste, Dominique Bailly, Pierre Bordier, Jean Boyer, Jean-Claude Carle, Jean-Pierre Chauveau, Jacques Chiron, Mme Cécile Cukierman, M. Claude Domeizel, Mme Marie-Annick Duchêne, MM. Alain Dufaut, Vincent Eblé, Mmes Jacqueline Farreyrol, Françoise Férat, MM. Gaston Flosse, Bernard Fournier, André Gattolin, Jean-Claude Gaudin, Mmes Dominique Gillot, Sylvie Goy-Chavent, MM. François Grosdidier, Jean-François Humbert, Mmes Bariza Khiari, Françoise Laborde, Françoise Laurent-Perrigot, MM. Jean-Pierre Leleux, Michel Le Scouarnec, Jean-Jacques Lozach, Philippe Madrelle, Jacques-Bernard Magner, Mme Danielle Michel, MM. Philippe Nachbar, Daniel Percheron, Jean-Jacques Pignard, Marcel Rainaud, François Rebsamen, Michel Savin, Abdourahamane Soilihi, Alex Türk, Hilarion Vendegou, Maurice Vincent.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) : 3775, 3805 à 3812 et T.A. 754

Sénat : 106 et 107 (annexe n° 7 ) (2011-2012)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

L'architecture du projet de budget de la mission « Culture » distingue trois grands programmes articulés chacun en plusieurs actions : programmes n° 175 « Patrimoines », n° 131 « Création » et n° 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». Le présent fascicule regroupe les programmes 175 et 224.

L'examen de ces programmes est partagé entre deux rapporteurs.

M. Vincent Eblé a analysé le programme « Patrimoines ».

M. Philippe Nachbar a centré son examen sur le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ».

L'analyse des crédits du programme « Création » a été confiée à M. Jean-Pierre Leleux, Mmes Maryvonne Blondin et Cécile Cukierman qui les présentent dans un fascicule distinct.

Le programme « Patrimoines » représente près de 32 % des crédits de la mission et regroupe l'ensemble des moyens consacrés à la conservation et à la mise en valeur des différents patrimoines culturels : monuments historiques, musées, archéologie, archives... .

Le programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », représente quant à lui 40 % des crédits de la mission. Il regroupe à la fois les fonctions de « soutien » de l'ensemble de la mission et les moyens consacrés par le ministère de la culture et de la communication en faveur des enseignements artistiques, de l'éducation culturelle en milieu scolaire et de l'accès du plus grand nombre des citoyens à une offre culturelle de qualité.

Les trois programmes de la mission « Culture » représentent, dans le projet de loi de finances pour 2012, un montant global de 2 601 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 2 732 millions d'euros en crédits de paiement (CP). Ces montants constituent une diminution de 4,3 % des AE par rapport à la loi de finances initiale pour 2011, et une hausse de 1,9 % des CP.

I. LE PROGRAMME « PATRIMOINES »

A. L'ÉVOLUTION DES CRÉDITS : QUELLES PERSPECTIVES AU-DELÀ DES GRANDS PROJETS ?

Les actions du programme « Patrimoines », au nombre de 7, devraient bénéficier des moyens détaillés dans le tableau suivant :

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME « PATRIMOINES »
(hors fonds de concours - en millions d'euros)

Numéro et intitulé de l'action

LFI 2011

PLF 2012

Variation par rapport à 2011
(en %)

AE

CP

AE

CP

AE

CP

01 - Patrimoine monumental

375 821 463

379 839 266

345 937 877

380 746 467

-8,0 %

+0,2 %

02 - Architecture

26 080 463

25 580 463

26 765 202

27 761 202

+2,6 %

+8,5 %

03 - Patrimoine des musées de France

391 848 129

371 875 293

372 733 852

382 601 728

-4,9 %

+2,9 %

04 - Patrimoine archivistique et célébrations nationales

27 575 694

65 361 395

37 330 348

48 876 661

+35,4 %

-25,2 %

07 - Patrimoine linguistique

2 566 333

2 566 333

2 600 833

2 600 833

+1,3 %

+1,3 %

08 - Acquisition et enrichissement des collections publiques

16 631 239

16 631 239

18 506 024

18 506 024

+11,3 %

+11,3 %

09 - Patrimoine archéologique

8 408 766

6 938 766

10 067 766

9 504 766

+19,7 %

+37,0 %

Total Programme

848 932 087

868 792 755

813 941 902

870 597 681

-4,1 %

+0,2 %

Source : Commission de la culture à partir du Projet annuel de performances - Mission « Culture » - Projet de loi de finances pour 2012

Ce tableau retrace l'évolution des crédits de paiement (CP) et des autorisations d'engagement (AE). On note une très légère hausse des CP (0,2 %) demandés qui atteignent 870 millions d'euros. Les AE sont, en revanche, en chute de 4,1 % avec un montant de 813 millions d'euros demandés. Les évolutions sont très différentes d'un programme à l'autre puisque l'on note des variations opposées : les AE chutent de 8 % pour le patrimoine monumental tandis qu'ils augmentent de 35 % pour le patrimoine archivistique à la faveur de la poursuite des travaux préparatoires à l'installation des archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine et aux chantiers connexes. Les CP quant à eux augmentent de 8,5 % pour l'architecture à la faveur d'un accompagnement des collectivités pour la transformation des ZPPAUP (zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager) en AVAP (aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine), opérée en application de la loi n° 2010-788 dite « Grenelle II ».

Si l'enveloppe budgétaire paraît relativement stabilisée, et donc satisfaisante au regard du contexte de crise, votre rapporteur souhaite néanmoins souligner les préoccupations majeures qui doivent sous-tendre l'analyse , par votre commission, des crédits présentés dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2012 .

Le premier point inquiétant relève des arbitrages réalisés par le Gouvernement en faveur des « grands projets ». Ceux-ci semblent en quelque sorte « aspirer » les crédits , au détriment d'un accompagnement plus efficace des autres axes de la politique patrimoniale. En effet, des projets tels que le MUCEM (Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée) ou la Maison de l'Histoire de France concentrent des crédits élevés, aussi bien au titre des monuments historiques (action 1) que de celui des musées de France (action 3).

Le MUCEM est un musée national s'inscrivant dans la poursuite de l'action du musée national des arts et traditions populaires, fermé en 2005. Implanté à Marseille, il doit s'étendre sur trois sites et a ainsi nécessité 90 millions d'euros en AE avant 2012 et 10 dans le PLF pour 2012. En CP, il représente 67,34 millions d'euros avant 2012 et 30,68 millions d'euros dans le PLF pour 2012.

Le projet de la Maison de l'Histoire de France , pour le moins controversé et dont on attend toujours le projet scientifique, comprendra une galerie permanente consacrée à l'histoire de France et une confédération de neuf musées nationaux qui conserveront des collections relatives à l'histoire de France. Ce projet représente d'ores et déjà en 2012 un montant de 20 millions d'euros en AE pour les travaux de clos et couvert et les travaux muséographiques au sein du réseau des musées nationaux. 5 millions d'euros en AE=CP sont prévus pour la rénovation du Quadrilatère Rohan-Soubise où seront réparties les fonctions entre cette nouvelle entité et les Archives nationales. En outre, 5 millions d'euros sont également inscrits pour les dépenses de fonctionnement dans l'action 3, la création étant prévue pour 2012. Ce sont donc 30 millions d'euros qui sont consacrés à ce projet dès 2012. La lecture transversale du programme « 175 » montre ainsi le poids des grands projets dans la mobilisation des crédits au détriment des autres projets .

La charge croissante pesant sur les collectivités territoriales constitue évidemment un obstacle à la mise en oeuvre de la politique patrimoniale : nouvelle responsabilité de la maîtrise d'ouvrage, retards des travaux d'archéologie préventive, etc. Le témoignage de plusieurs représentants des collectivités ou de professions exerçant leur métier pour leur compte est catégorique : les arbitrages financiers auxquels les collectivités sont confrontées se font au détriment de la politique patrimoniale, dans la mesure où elles doivent faire face à des dépenses croissantes incontournables et à des transferts de charges non intégralement compensées par l'État.

Enfin, la mise en oeuvre de la LOLF a accentué les inégalités entre territoires . En effet, la loi organique a donné plus de latitude aux Directions régionales des affaires culturelles (DRAC) pour utiliser les crédits destinés aux patrimoines. Cette souplesse, qui était nécessaire, a cependant le défaut d'induire une exécution des crédits au détriment des plus petites communes , moins bien connectées que les grandes collectivités aux préfectures de région. Or le sort de ces plus petites collectivités est crucial notamment dans le domaine de la politique patrimoniale monumentale car le patrimoine bâti est souvent le seul accès à la culture en milieu rural.

Votre rapporteur a choisi de développer une analyse pour plusieurs actions du programme « patrimoines » qui mettent en évidence les orientations de la politique patrimoniale de l'État et soulèvent des questions quant à leur mise en oeuvre.

1. Action 1 « Patrimoine monumental » : une chute des autorisations d'engagement qui annonce un effort à la baisse ?

ÉVOLUTION ENTRE 2005 ET 2012 DES AUTORISATIONS D'ENGAGEMENT CONSACRÉES AUX MONUMENTS HISTORIQUES

en millions d'euros

Crédits de l'ex catégorie 1

LFI 2005

LFI 2006

LFI 2007

LFI 2008

LFI 2009

LFI 2010

LFI 2011

PLF 2012

MH État (entretien)

13,851

17,068

17,330

18,349

18,33

34,460

34,060

34,06

MH État (investissement)

68,300

196,622

219,950

114,850

88,62

126,35

132,75

123,19

MH non État (y compris crédits d'entretien)

20,068

166,170

103,51

129,82

135,28

136,62

MH « Grands projets »

23,590

34,563

46,770

24,400

24,69

30,78

58,31

37,75

TOTAL

125,809

248,253

284,050

323,769

235,151

321,410

360,400

331,61

dont crédits déconcentrés

135,09

180,78

173,68

209,80

152,68

204,28

213,25

224

Source : Commission de la culture à partir des données du ministère de la culture et de la communication

Ce tableau montre l'évolution des autorisations d'engagement consacrées aux monuments historiques. La chute de près de 30 millions en 2012 s'explique essentiellement par la non-reconduction des AE inscrites en 2011 pour le financement de plusieurs projets désormais en cours de réalisation (rénovation du musée Picasso, du Fort Saint-Jean pour le MUCEM, du Quadrilatère Richelieu, du schéma directeur de Versailles). Votre rapporteur s'inquiète non pas du montant des enveloppes pour 2012, mais de ce qui sera proposé en 2013 alors que les « grands projets » seront menés à terme. Quelle sera alors la stratégie du Gouvernement ? La diminution des AE ne constitue-t-elle pas un mauvais signal pour le patrimoine ?

La question demeure également pour le Centre des monuments nationaux dont la subvention pour charges de service public se maintient à 15 millions d'euros en AE=CP.

En ce qui concerne le constat d'inégalité entre collectivités, dressé par votre rapporteur en introduction, il peut s'apprécier au regard de la cartographie des monuments historiques. Le recensement de propriété des monuments historiques classés montre bien que les communes sont les principaux propriétaires, à hauteur de 55,7 % , contre 3,3 % pour les autres collectivités, 6,3 % pour l'État. 34,7 % de ces monuments appartiennent à des propriétaires privés. On voit combien l'aide accordée aux communes est importante. Si celle-ci paraît proportionnée (cf infra ), votre rapporteur ne dispose pas d'éléments suffisants à ce stade pour analyser la ventilation par territoires et par taille de commune. Il souhaite à ce titre souligner la nécessité, pour le Parlement, de suivre ces données, à l'avenir, afin d'apprécier les éventuels phénomènes de concentration des aides en direction des collectivités les plus grandes.

Le dernier bilan disponible de ventilation des crédits en faveur des monuments historiques concerne l'année 2009. 234,54 millions d'euros ont été consacrés à la restauration des monuments historiques, répartis de la façon suivante :

- 38,4 % pour les monuments appartenant à l'État (soit un peu plus de 90 millions d'euros)

- 50,3 % pour les monuments appartenant aux collectivités (soit 118 millions d'euros)

- 11,3 % au bénéfice de propriétaires privés (soit 26,46 millions d'euros).

2. Action 3 « Patrimoine des musées de France » : des problèmes éludés

La lisibilité budgétaire mériterait que l'on rapproche l'analyse de cette action de celle de l'action n°8 « Acquisition et enrichissement des collections publiques ». C'est d'ailleurs ce que fait le ministère de la culture dans ses réponses au questionnaire budgétaire puisqu'il présente les crédits regroupés avec 391,2 millions d'euros en AE et 401,1 millions d'euros en CP. Votre rapporteur s'interroge dès lors sur la pertinence de la maquette budgétaire qui nuit à la clarté des informations contenues dans le projet annuel de performances. Il faut noter que la hausse des crédits de l'action 8 de 11,3 % en 2012 doit être majoritairement consacrée au financement du fonds du patrimoine dont la dotation s'élève à 8,35 millions d'euros. Cette hausse est prévue pour compenser la baisse attendue des financements extérieurs (mécénat). Par ailleurs, le fonds complète les crédits déconcentrés des 25 fonds régionaux d'acquisition pour les musées (FRAM) et des 5 fonds régionaux d'aide à la restauration (FRAR) afin de soutenir le financement d'acquisitions « prestigieuses » destinées aux collections publiques n'appartenant pas à l'État.

Au-delà du constat d'une concentration des crédits au profit de grands projets développé plus haut, votre rapporteur souhaite aborder la question des efforts de l'État en direction des musées territoriaux . L'année dernière le ministre de la culture a présenté un plan d'investissement pour les musées territoriaux, devant mobiliser près de 70 millions d'euros sur les années 2011 à 2013 pour 79 projets sélectionnés dont la liste figure en annexe du présent rapport. Près de 80 % des crédits affichés à ce « plan musées » sont des subventions pour les collectivités. En 2011, les crédits étaient de 25,75 millions d'euros en AE et de 18,75 millions en CP. Pour 2012, les montants passent à 16,69 millions en AE et 15,07 millions en CP. On peut se demander si l'enveloppe de 70 millions d'euros sera réellement atteinte en 2013, mais la présentation des chiffres peut être difficile à analyser puisque l'effort du ministère s'analyse également à travers les crédits mobilisés dans le cadre des contrats de projet État-régions (CPER) 2011-2013.

En outre, les musées en région rencontrent des difficultés qui nécessitent une mobilisation de l'État allant au-delà d'une concentration des crédits d'investissement. C'est ce que rappelle le « Livre blanc des musées de France » publié par l'Association générale des conservateurs de collections publiques (AGCCPF). Ce rapport met en évidence les difficultés suivantes :


• la démographie du corps des conservateurs est particulièrement inquiétante, avec d'importants départs à la retraite qui ne seront pas compensés par la formation d'un nombre au moins équivalent de conservateurs du patrimoine. Ainsi, 490 des 816 conservateurs du patrimoine de la fonction publique territoriale partiront en retraite dans les dix prochaines années. Au rythme actuel de formation, il faudrait 32 ans pour que l'Institut national du patrimoine (INP) procède à leur remplacement ;


• certaines missions ne sont pas assurées dans beaucoup de musées, faute de moyens suffisants (conservation préventive, réserves, récolement...) ;


• on court le risque d'un système à deux vitesses, entre des très grands établissements aux résultats brillants, d'un côté et, de l'autre, des musées plus modestes qui peinent à survivre avec très peu de visiteurs ;


• les hausses tarifaires que l'on observe dans de nombreux musées et monuments sont contestables.

Ces deux derniers constats ont été partagés par la Cour des comptes qui, dans son rapport 1 ( * ) de mars 2011, décrit une « politique nationale de plus en plus parisienne ». Certes le ministère met en avant sa politique volontariste en faveur des musées de province et l'effet de levier attendu du « plan musées » 2011-2013. Mais l'accès à la culture et aux musées ne peut se réduire à une politique d'investissement ponctuelle favorisant notamment les actions de sûreté et de sécurité des collections, de conservation préventive, ou la création de quelques nouveaux musées tels que celui de la Grande Guerre à Meaux, inauguré le 11 novembre dernier. Ce sont des aides indispensables et dont il faut reconnaître les effets bénéfiques, mais elles ne peuvent dispenser l'État de définir un pilotage stratégique des problématiques muséales et culturelles pour tous les territoires et notamment pour les milieux ruraux . Par ailleurs, un projet tel que le Centre Pompidou Mobile ne peut à lui seul compenser les inégalités constatées entre Paris et la province. La Cour des comptes observe en effet une « double marginalisation des Français de province », puisque seuls les parisiens ont vu leur taux de visite progresser en passant de 57 % en 1997 à 65 % en 2008, alors qu'il diminuait pour les autres.

Votre rapporteur rappelle enfin les conclusions de la Cour : « L'ambition de démocratisation culturelle aurait dû se traduire par des orientations stratégiques plus étayées et plus volontaristes, notamment en direction des régions. (...) Réorienter la politique de l'offre vers une politique des publics, équilibrer les investissements culturels sur l'ensemble du territoire, placer l'exigence d'efficience au coeur de la politique nationale constituent les enjeux d'une nouvelle forme de régulation qu'il appartient à l'État de définir et au ministère de la culture de mettre en place ».

3. Action 9 « Patrimoine archéologique » : dans l'attente d'une réforme annoncée

La hausse des crédits de cette action est particulièrement importante, puisque les AE augmentent de 19,7 % et les CP de 37 %. Ces crédits doivent permettre notamment la rénovation ou la construction des centres d'études et de conservation (CCE) auxquels sont dédiés 5,9 millions d'euros en AE et 5,3 millions en CP.

Aucun crédit n'est en revanche prévu pour l'Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives) alors que plusieurs redéploiements de crédits ont été opérés ces dernières années pour compenser le déficit de financement de l'archéologie préventive, dû au rendement insuffisant de la redevance d'archéologie préventive (RAP). 20 millions d'euros devraient toutefois être débloqués en fin de gestion de l'année 2011, l'État poursuivant ainsi son soutien sur le mode des « sauvetages financiers ». Cela porte à plus de 150 millions d'euros les subventions budgétaires débloquées pour garantir la continuité de l'activité de l'établissement public.

Comme le rappelaient nos collègues Yves Dauge et Pierre Bordier 2 ( * ) en juillet dernier, cette situation critique a conduit l'État à demander une mission de l'inspection générale des finances (IGF) pour étudier les scenarii susceptibles de remédier au problème récurrent de la RAP. Rappelons qu'à deux occasions, la RAP a fait l'objet d'aménagements avec l'intervention du législateur. En 2004, avec la loi n° 2004-804 3 ( * ) du 9 août 2004, les modalités de calcul de la redevance ont été modifiées, puis la loi n°2009-179 4 ( * ) du 17 février 2009 en a augmenté le taux.

Outre la situation critique qui oblige l'État à intervenir de façon récurrente à chaque exercice budgétaire, ce problème de déficit est préjudiciable à la mise en oeuvre de la politique publique, dans la mesure où elle entraîne des retards dans la conduite des diagnostics et des chantiers de fouilles menées par l'Inrap, et pèse ensuite fortement sur la conduite des autres missions de l'établissement, au premier rang desquelles figurent la recherche et la valorisation scientifique. Un stock de près de 900 rapports de fouilles doit être épuré, alors que l'objectif scientifique d'amélioration du patrimoine archéologique justifie la politique publique.

A ces dysfonctionnements s'ajoutent les difficultés techniques propres à la nature et à la gestion de la RAP :


• un champ d'application complexe (séparation de son assiette entre les opérations de construction et les autres aménagements, 42 faits générateurs) ;


• l'existence de deux filières de liquidation : une « filière urbanisme » pour les travaux soumis à autorisation préalable en application du code de l'urbanisme, pour lesquels la liquidation est effectuée par les services départementaux de l'équipement (DDT) ; une « filière DRAC » pour les travaux donnant lieu à étude d'impact en application du code de l'environnement, la liquidation étant alors effectuée par les DRAC ;


• des exonérations nombreuses et larges : logements sociaux, logements réalisés par des personnes physiques pour elles-mêmes, lotissements et zones d'aménagement concerté (ZAC) hormis les constructions effectuées sur ces zones lorsqu'elles portent sur une surface hors oeuvre nette (Shon) inférieure à 1000 m 2 ;


• une inadéquation entre les moyens affectés par l'Inrap et les besoins réels de diagnostics ;


• des difficultés liées à la gestion du FNAP par l'Inrap ;


• une déconnexion entre le paiement de la taxe et la prescription, cette dernière pouvant s'appliquer à des opérations non soumises à la redevance.

Auditionné par votre rapporteur, le directeur général des patrimoines au ministère de la culture a confirmé que la réforme de la RAP serait présentée dans le cadre du collectif budgétaire à la fin de l'année 2011 . Le scénario retenu est celui d'une suppression de la RAP « urbanisme » à laquelle serait substituée une augmentation de la taxe d'aménagement définie par la loi de finances rectificative du 29 décembre 2010. La RAP « DRAC » serait quant à elle maintenue et simplifiée.

Votre rapporteur souligne la nécessité d'une telle réforme afin que la dimension archéologique de la politique patrimoniale nationale ne souffre plus des errements passés. Il sera particulièrement attentif à la réforme présentée et aux dispositions qui seront soumises au Parlement.


* 1 Rapport public thématique, mars 2011 « Les musées nationaux après une décennie de transformations 2000-2010 ».

* 2 Présentation du rapport d'information n° 760 (2010-2011) « Archéologie préventive : pour une gouvernance au service de la recherche » de MM. Yves Dauge et Pierre Bordier.

* 3 Loi relative au soutien à la consommation et à l'investissement.

* 4 Loi pour l'accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés.

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