D. L'ORIENTATION ET L'INSERTION PROFESSIONNELLES : UNE MISSION INÉGALEMENT MISE EN oeUVRE PAR LES ÉTABLISSEMENTS D'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

La loi LRU a érigé l'orientation et l'insertion professionnelles au rang des missions de service public de l'enseignement supérieur, au même titre que la formation, la recherche ou la diffusion de la culture, en modifiant le code de l'éducation en son article L. 612-3 qui dispose que « tout candidat est libre de s'inscrire dans l'établissement de son choix, sous réserve d'avoir, au préalable, sollicité une préinscription lui permettant de bénéficier du dispositif d'information et d'orientation dudit établissement, qui doit être établi en concertation avec les lycées ». La loi a créé ainsi un certain nombre de dispositifs visant à mieux préparer les étudiants à leur entrée dans le monde professionnel :

- après avoir consacré le principe de la liberté d'inscription en premier cycle, la loi a introduit la procédure d'orientation active afin que l'étudiant bénéficie, dès sa préinscription, d'un conseil individualisé et objectif sur ses choix de filières, en relation avec son parcours scolaire et son ambition professionnelle ;

- est créé au sein de chaque université un bureau d'aide à l'insertion professionnelle (BAIP) afin de diffuser auprès des étudiants les offres de stages et d'emplois liées aux formations proposées par l'université et d'assister les étudiants dans la recherche de leur premier emploi ;

- la loi requiert la publication des statistiques comportant des indicateurs de réussite aux examens et aux diplômes, de poursuite d'études et d'insertion professionnelle des étudiants, et d'un rapport du bureau d'aide à l'insertion professionnelle sur le nombre et la qualité des stages effectués par les étudiants ;

- dans une logique d'ouverture du conseil d'administration sur le monde économique, les personnalités extérieures membres du conseil d'administration doivent comporter au moins un chef ou cadre dirigeant d'entreprise et au moins un autre acteur du monde économique et social.

Le dispositif d'information et d'orientation des universités est appelé « orientation active » et s'inscrit dans un processus continu : un accès facilité à l'information sur les filières de l'enseignement supérieur, une aide à l'orientation par un conseil personnalisé, la réussite dans les études supérieures et l'insertion professionnelle des étudiants.

La circulaire commune DGESIP-DGESCO du 26 janvier 2009 précise que l'orientation active est une démarche globale de quatre séquences : l'information, la préinscription, le conseil et l'admission. Une cinquième séquence peut éventuellement y être ajoutée, la réorientation.

Le principe retenu pour la mise en oeuvre de ce dispositif est que tout élève de classe terminale qui envisage de poursuivre des études à l'université doit pouvoir bénéficier de la part des universités d'une aide à l'orientation, sur le fondement de laquelle il pourra choisir sa voie en pleine connaissance de cause.

L'université examine le dossier du futur étudiant au vu de son projet personnel et professionnel, de son parcours scolaire et des exigences du cursus dans lequel il souhaite s'inscrire afin de conforter son choix initial ou de lui conseiller une filière.

Cette démarche ne constitue toutefois pas une procédure de sélection à l'entrée à l'université. Quelle que soit la recommandation de l'université, l'élève reste libre de son choix final, mais celui-ci se fait à la lumière d'une analyse objective, éclairée et réellement accompagnée.

Outre les composantes des universités (UFR, services universitaires d'accueil, d'information, d'orientation et d'insertion professionnelle), la démarche d'orientation implique également les services académiques d'information et d'orientation qui développent de nombreuses actions d'information pour les lycéens en associant les enseignants-chercheurs et les professeurs des établissements du second degré.

La mise en oeuvre d'une politique d'orientation active s'appuie sur la diffusion d'une bonne information concernant notamment les taux de réussite et les débouchés des différentes formations ainsi que sur la délivrance de conseils aux élèves qui souhaitent s'engager dans des études supérieures, en particulier à l'université.

La circulaire du 26 janvier 2009 généralise également à l'ensemble des universités et pour l'ensemble de l'offre de formation de licence l'information sur les filières et le conseil personnalisé. À cette fin, le portail de préinscriptions « Admission Post-Bac » a donc évolué pour proposer un module spécifique de gestion de ce conseil. Un peu plus des trois-quarts des universités ont utilisé ce module, le quart restant ayant préféré d'autres outils propres à l'établissement (par exemple : les universités lyonnaises, bordelaises et quelques universités parisiennes). En 2011, environ 324 000 candidats ont bénéficié d'un conseil par le module précité du portail « Admission Post-Bac », voire un entretien personnalisé, sur leur choix de préinscription. En 2010, le nombre était de 276 000 et de 208 000 en 2009.

Afin de suivre le processus d'orientation active dans sa globalité, la DGESIP a réalisé une enquête en ligne auprès de l'ensemble des universités sur les actions mises en oeuvre au cours de l'année universitaire 2009-2010.

L'analyse de l'enquête fait apparaître que de multiples actions d'information sont réalisées par les universités : elles participent en moyenne à six salons par université et proposent aux lycéens des journées portes ouvertes. Les trois quarts des universités organisent pour les lycéens des rencontres avec le service commun universitaire d'information et d'orientation (SCUIO). Plus de la moitié des universités proposent également aux lycéens de suivre un cours universitaire. Quelques universités (11 %) organisent des visioconférences pour faciliter les échanges entre lycéens et enseignants-chercheurs.

Parallèlement, deux tiers des universités interviennent directement dans les établissements scolaires pour présenter l'offre de formation.

Enfin, un peu plus des trois quarts des universités ont consacré des pages d'information de leur site internet à la démarche d'orientation active et les deux tiers des universités ont réservé un espace dédié aux lycéens.

Par ailleurs, les universités ont mis en place des dispositifs pour accompagner tout au long du cursus les néo-bacheliers. La très grande majorité organise une conférence de rentrée, rédige un guide de bienvenue et crée un compte unique pour l'étudiant sur l'intranet ou sur l'environnement numérique de travail de l'établissement.

Les étudiants qui rencontrent des difficultés sont prioritairement accompagnés. Les enseignants référents et les conseillers d'orientation de l'université conduisent ainsi des entretiens d'orientation avec les étudiants qui ont des résultats aux partiels décourageants, à l'issue du premier semestre ou du second. 67 % des universités proposent au cours de la première année universitaire des modules de remise à niveau et/ou des aides vers l'insertion professionnelle, en appui de partenariat spécifique avec les missions locales et les CFA.

Un quart des universités a enfin élaboré des partenariats avec d'autres filières de l'enseignement supérieur afin de permettre aux étudiants en grande difficulté de bénéficier d'une réorientation vers autre université, vers un DUT, voire vers une STS. Il apparaît cependant dans ces études que le niveau du diplôme et sa nature ont une influence sur le recrutement (preuve d'adaptabilité...) et qu'être armé d'un diplôme universitaire reste une garantie d'insertion professionnelle à moyen terme.

Le Centre d'études et de recherches sur les qualifications (CÉREQ), établissement public à caractère administratif, a proposé la création d'un « observatoire national de l'entrée dans la vie active » , institution neutre qui serait chargée de collecter les données et d'offrir un vrai panorama des performances des établissements dans ce domaine. Cette structure devrait privilégier une approche multidimensionnelle, en mobilisant d'autres indicateurs que les seuls taux d'emploi ou niveau de salaire, afin de pouvoir mieux mesurer la vitesse d'accès à l'emploi, le risque de connaître des difficultés d'insertion durables, les types d'emploi possibles, la rémunération mais aussi les conditions d'emplois.

L'AERES , dans son évaluation des formations et des offres de formation, a mis, pour sa part, la question de l'insertion professionnelle des diplômés au centre de ses grilles d'analyse et se focalise sur l'évaluation des moyens mis en oeuvre par les universités pour favoriser cette insertion, par exemple sur la professionnalisation des formations, l'ouverture de bureaux d'aide à l'insertion professionnelle, ou encore sur l'approche compétences qui vise à mieux faire saisir par les étudiants et les entreprises les aptitudes des futurs diplômés.

Le bilan qu'en fait l'AERES est que les universités ont en général pris cette mission au sérieux et ont développé des organisations et des outils pour professionnaliser les formations et se rapprocher des milieux socio-économiques. Selon l'AERES, « tout montre que la grande majorité des universités a compris l'enjeu. Cela reste cependant encore diversement mis en place selon les universités et les champs disciplinaires ».

L'expression claire des compétences acquises par les étudiants (surtout les compétences non directement disciplinaires) reste encore à développer. L'évaluation de ces compétences acquises par les étudiants est encore un chantier débutant, pour tout ce qui est des aptitudes personnelles, interpersonnelles ou encore méthodologiques. Cela ne peut se faire qu'en liaison avec les milieux socio-économiques. L'AERES compte être un acteur pour la promotion des changements nécessaires, en particulier par ses demandes d'auto-évaluation des formations sur ces aspects et en mettant en valeur les bonnes pratiques dans ces domaines. Ce sera l'objet d'un colloque organisé l'an prochain par l'AERES sur ce thème.

LA POSITION DE LA CPU SUR LES TAUX D'INSERTION PROFESSIONNELLE DES MASTERS PROFESSIONNELS DES UNIVERSITÉS

Si l'on peut se féliciter de ces indicateurs utiles aux universités qui démontrent par ailleurs la réussite de nos établissements lors de l'entrée de leurs étudiants dans la vie active, des progrès importants dans la méthodologie et de la concertation importante avec le ministère pour les établir, la pérennisation par la presse d'un classement, dont la CPU a déjà dit tous les dangers, est inquiétante et pose deux problèmes, l'un politique, l'autre technique.

Le problème politique : c'est la volonté de changer un système universitaire fonctionnant en réseau pour le remplacer de façon artificielle par une compétition sans signification, titrée « Nos meilleures universités » en présentant un classement sur un critère aussi limité que l'insertion professionnelle des masters professionnels. Avec des écarts de l'ordre de 1 %, un tel classement est une absurdité pour qui connaît les statistiques et leur marge d'incertitude. Mais c'est malheureusement une absurdité qui, une fois écrite, devient une sorte de dogme qui s'installe dans les représentations que l'on peut se faire de notre paysage complexe de l'enseignement supérieur.

Le problème technique (le plus évident, mais il y a en a d'autres), c'est l'effet de distorsion induit par la taille très variée des échantillons recensés. Ainsi le classement met en évidence entre autres, le paradoxe suivant : pour réussir son insertion professionnelle, en droit, il faut aller dans une université de sciences ; pour réussir en sciences humaines, choisissez une université de droit ; et, pour les sciences, rien ne vaut une université de lettres, puisqu'il est évidemment plus facile d'obtenir de bonnes statistiques sur 30 étudiants d'un seul master, que sur tous ceux d'une université !

Mais ce qui est une évidence pour nous, qui connaissons nos universités, a bien peu de chance de frapper le lecteur non spécialiste, celui là même qui est censé choisir son orientation d'après de tels critères.

Il convient donc d'utiliser ces indicateurs avec beaucoup de prudence, en les croisant entre eux, et en évitant tout classement restrictif et, par là même, forcément faux.

S'ils avaient le souci d'informer plus que de vendre, les médias sérieux devraient s'attacher à cette pédagogie précautionneuse, indispensable dans un domaine aussi sensible pour les étudiants et leurs familles.

Source : Édito de la Conférence des présidents d'université dans sa lettre du 18 novembre 2011.

Le 15 octobre 2010, le ministère a rendu publique une enquête nationale d'insertion professionnelle concluant que 91,4 % des diplômés de master en 2007 à la recherche d'un emploi en avaient trouvé un, 30 mois après leur sortie du système d'enseignement supérieur . Cette enquête a fait l'objet de vives critiques en raison de biais méthodologiques, notamment de son critère d'insertion 30 mois après l'obtention du diplôme qui ne permet pas d'évaluer l'influence réelle de la qualité du diplôme et de son adéquation avec l'emploi obtenu.

Afin d'apporter des corrections à ces biais méthodologiques, un groupe de travail, réunissant des représentants du ministère, de la CPU, du Réseau des observatoires de l'enseignement supérieur (RESOSUP), du délégué à l'information et l'orientation auprès du Premier ministre et du CÉREQ, a fixé les grandes lignes du contenu de l'information diffusée et la forme des restitutions dans le cadre de ces enquêtes :

- nécessité de rendre compte de l'insertion à travers plusieurs indicateurs : taux d'insertion, mais aussi part des emplois de niveau cadres et professions intermédiaires, part des emplois stables, des emplois à temps plein ;

- accompagnement indispensable des indicateurs d'insertion avec des indicateurs qui permettent d'en apprécier la qualité et la pertinence (taux de réponse, nombre de réponses exploitées, part de la discipline ou du domaine dans l'offre totale de formation) ou d'en éclairer le contexte (part des boursiers, taux de chômage régional) ;

- pas de diffusion d'un taux moyen d'insertion pour une université, un tel taux reflétant avant tout la composition sectorielle de l'université, plus que ses performances en matière d'insertion ;

- diffusion organisée autour de deux entrées, une par université et une par discipline de formation.

Au-delà des relations institutionnelles entre le ministère et les établissements, notamment dans le cadre du dialogue contractuel qui fait une part significative au suivi de la mission insertion professionnelle, un comité de suivi des politiques universitaires d'insertion professionnelle a été installé le 17 décembre 2010 et regroupe des représentants des SCUIO-IP, des observatoires universitaires, un vice-président étudiant, la CPU, le Mouvement des entreprises de France (MEDEF) et l'Adresse emploi des étudiants et des jeunes diplômés (AFIJ). Il a pour mission d'identifier les meilleures pratiques mises en oeuvre dans les établissements. La restitution de ce travail a eu lieu au cours du premier séminaire national des BAIP, organisé le 25 mai 2011 dans le cadre des rencontres universités-entreprises (RUE 2011), qui a réuni près de 200 acteurs de l'aide à l'insertion professionnelle des étudiants.

En ce qui concerne les relations spécifiques avec les collectivités territoriales, celles-ci sont élaborées de façon concrète au niveau des établissements. Ces coopérations locales ont donné des résultats très intéressants (comme à l'université Jean Monnet de Saint-Étienne où les collectivités territoriales ont été associées à l'élaboration du guide des compétences des licences générales), mais c'est certainement un partenariat qui est conduit à prendre de l'ampleur.

Enfin, votre rapporteure pour avis souligne la difficulté des enseignants-chercheurs à se positionner comme accompagnateur de la professionnalisation : ce n'est pas leur métier. Des efforts doivent être conduits, en particulier, afin d'opérer le rapprochement, aujourd'hui encore peu aisé, avec le monde économique de certaines filières (lettres, art, etc.) dont l'opinion générale perçoit encore difficilement l'intérêt pour une insertion professionnelle autre que l'enseignement.

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