E. RÉUSSIR LA RÉFORME AU PLAN LOCAL

L'an passé, notre collègue M. Jean-Claude Peyronnet avait préconisé une déconcentration de l'action du futur Défenseur des droits, considérant que le développement des réseaux de correspondants locaux au sein des différentes AAI devait être salué comme une évolution positive pour la protection des droits , ces correspondants apportant une réponse de proximité , de qualité et pesant relativement peu sur le budget des institutions.

Rappelons que trois des quatre AAI fusionnées fonctionnaient en réseaux avec des délégués territoriaux (délégués du Médiateur et de la HALDE, correspondants du Défenseur des enfants).

L'an passé, notre collègue M. Jean-Claude Peyronnet avait considéré que, sauf exception, un même délégué ne pouvait exercer, à lui seul, les compétences en matière de relations avec l'administration, de lutte contre les discriminations et de défense des enfants. Autrement dit, il était hostile à une fusion des délégués au plan local, qu'il jugeait irréaliste .

Votre rapporteur partage ce point de vue : il serait en effet pour le moins paradoxal qu'au plan national on estime que le Défenseur des droits a besoin d'adjoints spécialisés et qu'au plan local on fasse le pari de délégués omniscients compétents dans des domaines très différents ! Il convient de rappeler que les correspondants sont des bénévoles, souvent retraités, qui exercent à temps partiel (1 à 2 jours par semaine). Une fusion des délégués locaux reviendrait à créer des relais locaux du Défenseur des droits, qui seraient des professionnels à temps plein , ce que les délégués actuels ne souhaitent pas.

Votre rapporteur a cherché à savoir quelle était la position du Défenseur des droits en la matière , étant rappelé que le Parlement a fait le choix de laisser au Défenseur des droits toute latitude quant à son organisation territoriale. En effet, l'article 37 de la loi organique prévoit qu' « il peut désigner, sur l'ensemble du territoire ainsi que pour les Français de l'étranger, des délégués, placés sous son autorité, qui peuvent, dans leur ressort géographique, instruire des réclamations et participer au règlement des difficultés signalées ».

Le Défenseur des droits a précisé qu'il souhaitait conserver les réseaux des délégués territoriaux, et même les étoffer . Le Défenseur des droits dispose, aujourd'hui, d'un réseau de près de 450 délégués qui assurent l'accueil des réclamants dans plus de 650 lieux de permanences.

Il a également indiqué à votre rapporteur qu'il ne lui apparaissait pas souhaitable de créer un réseau de délégués constitué de professionnels , tant pour des « raisons de coût » 23 ( * ) que pour des « raisons d'opportunité ». Il a ainsi partagé la position de votre rapporteur, hostile, on l'a dit, à une fusion des délégués au plan local.

Le Défenseur des droits a toutefois indiqué être favorable à la mise en place d'un « guichet unique » assuré par des délégués, à même d'analyser la recevabilité de la demande afin de l'orienter vers le délégué compétent.

Autrement dit, les dossiers continueraient à être traités au fond selon les spécialités des délégués mais ceux-ci pourraient être saisis indistinctement au titre de chacune des quatre missions de l'institution et devraient apporter au réclamant une écoute, une information et une orientation au plus vite et au plus près de sa demande.

Cette polyvalence des délégués supposera de mettre en place des programmes de formation pluridisciplinaire et d'élaborer des grilles d'analyse permettant d'étudier les critères de recevabilité des demandes au regard de la loi organique relative au Défenseur des droits.

Votre rapporteur se réjouit qu'une telle organisation territoriale, fondée sur un accueil unifié, soit envisagée. Elle permettra aux missions « défense des enfants » et « discriminations » de bénéficier du réseau ancien et étoffé du Médiateur de la République 24 ( * ) . En effet, le réseau de l'ex-Médiateur comprend près de 300 délégués, contre à peine 60 pour celui de l'ex-Défenseur des enfants. Le système envisagé par le Défenseur des droits conduira donc à renforcer les missions « défense des enfants » et « discriminations ». On retrouve là l'idée que la création du Défenseur des droits semble se faire au bénéfice des petites AAI, ce qui répond aux craintes qui avaient été exprimées lors des débats parlementaires.

Votre rapporteur insiste toutefois sur le fait que l'usager « ne devra pousser la porte du Défenseur des droits qu'une seule fois ». Autrement dit, même si le délégué auquel il s'adresse n'est pas compétent pour traiter au fond sa réclamation, il ne devra pas l'inviter à contacter un autre délégué . C'est, à l'inverse, le délégué spécialisé qui devra recontacter le réclamant, si cela s'avère nécessaire pour le traitement du dossier.

Au total, il ressort que les inquiétudes exprimées lors des débats parlementaires portant sur la création du Défenseur des droits ont été bien prises en compte par la nouvelle institution et que le regroupement des 4 AAI devrait largement profiter aux trois plus petites, à savoir la HALDE, la CNDS et le Défenseur des enfants : non seulement l'accessibilité, la lisibilité et l'efficacité des missions exercées autrefois par ces autorités ne devraient pas être affectées, mais elles pourraient même se renforcer à moyen terme.

Cette évolution positive suppose toutefois que la dynamique de la nouvelle institution constitutionnelle ne soit pas contrariée par le Gouvernement. Ce dernier doit non seulement s'employer à installer très rapidement le Défenseur des droits sur un site unique mais il doit également accorder davantage de moyens à l'institution, s'il ne veut pas qu'elle s'apparente à un « colosse aux pieds d'argile ».

Ces moyens doivent être en adéquation avec les exigences de communication de l'institution, l'étendue de ses pouvoirs, la hausse de ses saisines ainsi que sa politique salariale, fondée sur un alignement vers le haut des rémunérations et avantages sociaux du personnel.

La RGPP ne saurait conduire à un affaiblissement de la protection des droits. La démocratie a sans doute un coût, mais elle n'a pas de prix.

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La commission a donné un avis défavorable à l'adoption des crédits du programme « Protection des droits et libertés » dans le projet de loi de finances pour 2012 .


* 23 Rappelons à cet égard, que la loi ordinaire a posé le principe du bénévolat des délégués territoriaux. Ces derniers ne reçoivent qu'une indemnité, de l'ordre de 300 euros par mois.

* 24 Cf avis de M. Jean-Claude Peyronnet sur le présent programme budgétaire dans le cadre du PLF 2010.

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