EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le présent rapport au cours de sa séance du 28 novembre 2012. Après l'exposé des deux co-rapporteurs pour avis, un débat s'est engagé.

M. Jean Besson. - Je partage entièrement vos préoccupations concernant l'état de l'immobilier de la gendarmerie nationale. L'état de vétusté de certains logements du parc domanial de la gendarmerie pèse lourdement sur les conditions de vie des gendarmes et de leurs familles et a un impact direct sur le moral des militaires des gendarmes mais aussi de leurs conjoints. Je rappelle que par le passé nous avons connu un certain mouvement de mécontentement au sein de la gendarmerie. Or, nous devons veiller absolument à préserver le statut militaire de la gendarmerie et à éviter toute dérive vers une forme de syndicalisme, qui serait incompatible avec le statut militaire, dont on peut voir les effets pervers avec la division syndicale au sein de la police nationale qui entraîne une sorte de concurrence entre les différentes catégories et une compétition pour bénéficier de tel ou tel avantage statutaire.

Je suis donc préoccupé par l'hypothèse d'une « année blanche » pour l'immobilier et l'absence de financements pour la construction ou la rénovation des casernes de la gendarmerie.

Nous devons donc avoir une réflexion sur l'avenir de l'immobilier de la gendarmerie nationale.

Je voterai donc en faveur de ce projet de budget tout en faisant part de ma déception sur l'immobilier de la gendarmerie.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Je considère que, sur un sujet de cette importance, qui dépasse les clivages politiques, nous devrions faire preuve de volonté. Il nous appartient de réfléchir ensemble aux solutions qui pourraient être trouvées pour permettre à la gendarmerie de faire face aux dépenses immobilières les plus urgentes.

M. Jacques Berthou. - Je m'interroge sur la manière dont le ministère de l'intérieur définit la liste des zones de sécurité prioritaire.

M. Jeanny Lorgeoux. - Dans ma commune, le commissariat de police, qui compte 47 policiers, doit être remplacé par une brigade de gendarmerie, dotée de 37 gendarmes.

M. Alain Gournac. - Malgré les propos rassurants de la hiérarchie, je pense qu'il subsiste un certain malaise parmi la base, comme je peux le constater dans mon département, et que la question du logement n'est pas étrangère à ce sentiment étant donné que les conditions de logement pèsent lourdement sur les conditions de vie des gendarmes et de leurs familles.

Je voudrais toutefois rappeler que ces dernières années les collectivités locales ont fait des efforts importants pour l'immobilier de la gendarmerie, en finançant la construction ou la réhabilitation de casernes.

M. Daniel Reiner. - A l'image des années précédentes, les crédits de la mission « Sécurité » dans le projet de loi de finances pour 2013 se caractérisent par une forte baisse des investissements, tant pour la gendarmerie nationale, que pour la police nationale d'ailleurs. Depuis déjà plusieurs années, il a été fait le choix de privilégier l'augmentation de la masse salariale de ces deux programmes, malgré la baisse des effectifs, et cela s'est amplifié avec le rapprochement entre la police et la gendarmerie et le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur. Aujourd'hui, les dépenses de personnel représentent plus de 80 % de ces deux programmes, les dépenses de fonctionnement une partie importante et la part de l'investissement est très réduite. Voilà la situation qui résulte de l'héritage de ces dernières années, dont le gouvernement actuel n'est pas responsable. Dans ces conditions, il n'est guère étonnant que les programmes d'investissement, comme le renouvellement des véhicules blindés ou des hélicoptères, soit une nouvelle fois reporté, mais je voudrais rappeler que cela fait déjà plus de dix ans que l'on reporte année après année ces programmes.

De même, les difficultés actuelles concernant l'immobilier de la gendarmerie nationale ne datent pas d'aujourd'hui. Cela fait déjà plus de vingt ans que l'immobilier de la gendarmerie sert de variable d'ajustement et qu'en raison d'investissements insuffisants on se retrouve aujourd'hui avec un état de vétusté préoccupant de certaines casernes domaniales. Il serait donc injuste de faire de l'actuel ministre de l'intérieur, qui a hérité de cette situation, le responsable de ce problème.

Pour autant, je considère comme vous qu'une « année blanche » pour l'immobilier de la gendarmerie est intenable et que nous devons donc trouver une solution, transcendant les clivages politiques, pour permettre à la gendarmerie de faire face aux situations les plus urgentes.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Vous avez raison de rappeler que l'actuel ministre de l'intérieur n'est pas le responsable de cette situation, l'immobilier de la gendarmerie ayant servi trop souvent de variable d'ajustement par le passé. Il ne s'agit pas pour nous de chercher à désigner des responsables mais de trouver des solutions pour permettre à la gendarmerie de sortir de cette situation, une « année blanche » étant difficilement envisageable. A cet égard, je voudrais souligner qu'il serait souhaitable que l'on puisse débattre avec le gouvernement en séance publique sur la deuxième partie du projet de loi de finances, ce qui nous permettrait de faire part au gouvernement d'un certain nombre de préoccupations, notamment concernant l'immobilier de la gendarmerie...

M. Gérard Larcher, co-rapporteur pour avis. - Je remercie nos collègues pour leurs questions et je voudrais faire en réponse quelques observations.

Les zones de sécurité prioritaire sont définies par le ministère de l'intérieur avec le souci de tenir compte de la situation en matière de délinquance en évitant toutefois toute stigmatisation. Ces zones bénéficieront d'effectifs de policiers et de gendarmes supplémentaires.

J'en viens à la question centrale de l'immobilier.

Tout d'abord, je voudrais rappeler que le logement en caserne n'est pas un privilège mais une sujétion qui découle du statut militaire et qui constitue la contrepartie du régime de disponibilité des gendarmes. Il permet aussi le « maillage » de l'ensemble du territoire, grâce aux brigades territoriales. Sa dimension sociale est également essentielle puisque la vie en caserne permet de conserver le lien entre l'institution et les familles, notamment lorsque les militaires de la gendarmerie sont appelés à servir en opérations, outre-mer ou hors du territoire. Le logement concédé par nécessité absolue de service constitue donc un élément structurant du statut militaire de la gendarmerie, auquel nous sommes tous ici très attachés. Il est donc essentiel de le préserver.

Si des efforts significatifs ont été réalisés par les collectivités locales en faveur du parc locatif, l'état du parc domanial n'a cessé de se dégrader ces dernières années faute d'investissement suffisant de la part de l'Etat.

Je partage l'avis de notre collègue Daniel Reiner. Ces dernières années, les investissements immobiliers n'ont pas été à la hauteur, or, en matière d'immobilier, plus on retarde la réhabilitation, plus le coût augmente.

Le parc domanial de la gendarmerie nationale, dont l'âge moyen des logements est de 39 ans et dont 70 % des logements ont plus de vingt-cinq ans, a aujourd'hui atteint un degré de vétusté préoccupant. Une centaine de casernes domaniales exigeraient des interventions urgentes (dont certaines des mises aux normes en matière de sécurité - électricité, incendie, ascenseurs...).

Les études convergentes conduites par des bureaux d'études civils mettent en évidence un besoin annuel de 200 millions d'euros pour des constructions de casernes ou des réhabilitations lourdes et de 100 millions d'euros pour la maintenance lourde, soit au total 300 millions d'euros par an.

Mais, pour la première fois, 2013 sera une « année blanche » pour l'immobilier, c'est-à-dire qu'aucun nouvel investissement n'est prévu pour l'immobilier de la gendarmerie, faute de crédits suffisants. Et cette situation devrait se prolonger jusqu'en 2015.

En effet, le projet de budget triennal 2013-2015 ne permettra, pour les deux années à venir, aucun lancement de projet nouveau et ne prévoit aucun crédit de maintenance lourde. Nous ne sommes donc pas face à une seule « année blanche » mais à trois « années blanches » en matière d'immobilier.

Alain Gournac a cité les efforts réalisés par les collectivités locales. Mais, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013, il ne sera pas possible non plus d'accorder de nouvelles subventions aux collectivités territoriales dans le cadre des constructions de casernes locatives sous le régime du décret de 1993 et, en matière de financement innovant, aucune autre opération de ce type n'est prévue.

Je considère donc qu'il est impératif de trouver des solutions car il ne me paraît pas envisageable de ne pas permettre à la gendarmerie de faire face aux opérations les plus urgentes.

La seule marge de manoeuvre de la gendarmerie en matière d'investissement immobilier était de pouvoir compter sur les revenus tirés des cessions immobilières, notamment la vente de l'ancien siège de la direction générale, situé rue Saint-Didier dans le 16 e arrondissement de Paris.

Lors d'une réunion interministérielle du 2 avril 2012, la gendarmerie nationale s'était ainsi vu promettre environ 120 millions d'euros au titre du retour sur cessions au cours des trois prochaines années.

Mais cet engagement a été remis en cause par la loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement social (dite « loi Duflot »), qui prévoyait d'appliquer une décote qui pourrait atteindre 100 % de la valeur vénale du terrain.

Je considère donc que, dans l'optique de la nouvelle discussion du projet de loi sur la mobilisation du foncier public, nous devrions attirer l'attention du gouvernement sur ce point. Il est en effet crucial que la gendarmerie puisse bénéficier du retour de ses cessions afin de réaliser les opérations de construction ou de réhabilitation lourde les plus urgentes, qui sont évaluées à 80 millions d'euros par an.

La commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « gendarmerie nationale » de la mission « Sécurité », le groupe socialiste et le groupe écologiste votant pour, le groupe UMP et le groupe UDI-UC s'abstenant.

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