B. LES MODALITÉS DE RÉDUCTION DES EFFECTIFS PRENNENT LE RISQUE DE TROP RESSERRER LES RECRUTEMENTS

Dans la loi de programmation, pour mener à bien la diminution du plafond d'emplois de la mission Défense, le ministère de la défense avait prévu d'utiliser trois leviers principaux :

- la régulation des recrutements et des renouvellements de contrats (4 000 militaires et 1 250 civils par an) ;

- la mobilité au sein de la fonction publique (1 100 militaires et 350 civils par an) ;

- les incitations financières au départ (1 200 militaires et 500 civils, dont 350 ouvriers d'Etat, par an).

En 2012, sur le périmètre du ministère, la déflation a été mise en oeuvre par ces trois types de leviers dans les proportions suivantes :

- 58,4 % la régulation par les flux ;

- 19,3 % le reclassement et mobilité au sein de la fonction publique ;

- 22,3 % les départs incités financièrement.

Il était initialement prévu un ratio de 60/20/20. Si les départs aidés sont conformes aux objectifs, les reclassements dans la fonction publique, pour le personnel militaire, n'ont pas été à la hauteur des objectifs, ce qui a contraint les armées à utiliser le premier levier au-delà de ce qui était prévu.

Le tableau ci-après fait état des déflations réalisées au titre des années 2008 à 2011, ainsi que des prévisions pour 2012, telles qu'elles ont été transmises au comité pour la modernisation du ministère (C2M), dans le cadre de sa réunion du 13 juillet dernier.

2008

2009

2010

2011

2012- PRÉVISION INITIALE

2012 - PRÉVISION ACTUALISÉE

ETPE 1

%

ETPE 1

%

ETPE 1

%

ETPE 1

%

ETPE 1

%

ETPE 1

%

Régulation des flux

6 939

85,8%

5 566

66,3%

4 861

58,1%

4 663

58,9%

4 498

57,7%

4 530

58,4%

Reclassement - Mobilité

1 150

14,2%

1 229

14,6%

1 446

17,3%

1 471

18,6%

1 500

19,2%

1 500

19,3%

Départs incités financièrement 2

1 599

19,0%

2 061

24,6%

1 777

22,5%

1 797

23,1%

1 768

22,3%

Total

8 089

8 394

8 368

7 911

7 795

7 798

1 Equivalent temps plein emploi

2 Les mesures d'aide aux départs incités financièrement ont été mises en place à partir du 1 er janvier 2009.

D'une manière générale, la « manoeuvre RH » du ministère de la défense se déroule dans des conditions proches de la prévision initiale.

On observe toutefois un ralentissement préoccupant des recrutements en 2012.

Par ailleurs, les difficultés rencontrées pour reclasser le personnel militaire au sein de la fonction publique de l'Etat, qui expliquent le résultat mitigé des « reclassements-mobilités », devraient être contrebalancées par l'attractivité des mesures d'incitation financière au départ, en particulier pour les ouvriers de l'Etat.

1. Un flux de recrutement qui a été ralenti en 2012

Le principal levier de la déflation des effectifs est la régulation des flux : non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux pour les civils et gel des recrutements des ouvriers d'État, non-recrutement et non-renouvellement de contrat pour les militaires.

Pour ces derniers, la régulation des flux porte principalement sur les personnels sous contrat qui forment l'essentiel de la composante opérationnelle. Il s'agit donc d'un exercice délicat, qui risque d'affecter la moyenne d'âge des militaires si l'équilibre entrées/sorties n'est pas correctement assuré.

Les armées continuent, pendant la conduite de la réduction du format, à recruter chaque année plus de 12 000 militaires du rang et plusieurs milliers d'officiers, de sous-officiers et de civils.

Dans un contexte de déflation significative, la tentation pourrait être grande de réduire le recrutement pour diminuer les effectifs, sans provoquer trop de départs parmi les anciens et sans mettre à mal trop de plans de carrière. Ce serait évidemment une erreur qu'il faut bien se garder de commettre : les armées doivent continuer à recruter pour conserver leur jeunesse et leur nécessaire dynamisme.

Or en 2012, on constate une inflexion significative des recrutements.

Recrutement : armée de terre

Catégories

2011

2012*

2013**

Officiers

433

375

409

Sous-officiers

749

613

651

Militaires du rang engagés 1

9 863

7 789

8 200

VDAT

1 349

1 335

1 300

1 Engagés volontaires de l'armée de terre (EVAT) + engagés volontaires de la légion étrangère (EVLE) tous BOP

* Données arrêtées au 31 juillet 2012 ** Chiffres prévisionnels.

Recrutement : marine

Catégories

2011

2012*

2013**

Officiers

133

139

131

Sous-officiers

757

675

687

Militaires du rang engagés

1292

1 171

1 425

Volontaires

588

342

570

* Données arrêtées au 31 juillet 2012 ** Chiffres prévisionnels.

Recrutement : armée de l'air

Catégories

2011

2012*

2013**

Officiers

162

173

165

Sous-officiers

1 064

1 071

1 267

Militaires du rang engagés

550

798

800

Volontaires

77

123

150

* Données arrêtées au 30 juin 2012) ** Chiffres prévisionnels.

Pour 2012, les effectifs des recrutements externes de militaires sont en diminution par rapport à 2011.

Les recrutements ont été affectés par la mesure de gel de 10 % en 2012, soit 2 000 emplois afin de maintenir la masse salariale.

Votre rapporteur ne peut que souligner le fait que si la déflation d'effectifs se fait en resserrant trop les recrutements, cela se traduira par :

- le vieillissement des armées,

- un déséquilibre de la pyramide des grades,

- un embouteillage des carrières,

- et vraisemblablement un gonflement des soutiens.

2. Des difficultés de recrutement des militaires du rang

Cette diminution des postes s'accompagne d'une difficulté de recrutement de militaires du rang, dans certains domaines de spécialité bien identifiés au sein des armées.

Malgré la réalisation des objectifs de recrutement des officiers, l'armée de terre enregistre depuis 2011 une baisse des niveaux quantitatif et qualitatif des candidats au recrutement officiers sous contrat « OSC », en particulier les « OSC/E ».

Malgré le contexte national du marché de l'emploi, la ressource de la filière « encadrement des formations » reste difficile à capter, avec un ratio de sélection en baisse constante. Il est à noter que des tensions persistent dans certains métiers tant pour les sous-officiers que pour les militaires du rang (informaticiens, métiers de bouche et du bâtiment, maintenanciers).

Les récentes analyses démontrent cependant une baisse sensible du nombre de candidats qui s'est accélérée depuis 2008 (-13,5 % entre 2007 et 2008). Cette baisse concerne principalement les sous-officiers et les militaires du rang. Cette situation est préoccupante pour l'armée de terre puisque le nombre de candidats par poste n'excède pas 1,3 là ou dans d'autres fonctions publiques les ratios sont proches de 10 candidats pour un poste.

L'organisation mise en place doit être capable de recruter 14 000 jeunes annuellement. Il doit être répondu aux besoins des forces tout au long de l'année. Dans l'armée de terre seule, près de 300 types d'emplois différents sont proposés dans l'ensemble des régions métropolitaines. C'est donc une organisation complexe faite pour traiter un grand nombre de postulants mais qui doit néanmoins être capable de se mettre à l'écoute de chacun des engagés potentiels.

Par rapport aux emplois de la catégorie C de la fonction publique civile, la très faible sélectivité du recrutement des militaires du rang est soulignée par le Haut Comité de la condition militaire. En effet, là où il y a deux candidats pour un poste dans l'armée de terre, on trouve dans le civil des proportions plus proches de dix candidats pour un poste.

Pour la marine, la baisse du nombre de dossiers de candidatures amorcée en 2011 se confirme en 2012. Par ailleurs, les difficultés de recrutement en 2012 portent principalement sur les spécialités des opérations navales et de l'aéronautique navale, mais également sur les métiers du domaine de la restauration chez les militaires du rang.

Pour l'armée de l'air, la qualité du recrutement des militaires sous contrat demeure globalement satisfaisante. Malgré la diminution du recrutement dans un contexte de déflation, des difficultés persistent à honorer les recrutements "militaire du rang". Compte tenu de tensions sur certains segments du marché du travail, l'armée de l'air a du mal à recruter certains profils (spécialités opérationnelles aéronautiques) dont les besoins sont croissants.

Dans ce contexte de déflation des effectifs, recrutement et fidélisation restent plus que jamais les priorités.

3. Une fidélisation de personnels formés à considérer avec attention

Depuis la professionnalisation, la fidélisation des emplois d'exécution revêt ainsi un caractère important au regard des savoir-faire nécessaires à la mise en oeuvre des nouveaux matériels.

Le turn-over aujourd'hui accru nuit à la qualité de notre outil de défense. Il est synonyme d'un coût plus élevé pour le recrutement et la formation.

Les solutions à cette situation concernent tous les aspects de la gestion des ressources humaines du recrutement à la reconversion en passant par la gestion des hommes.

Les taux de dénonciation au cours de la période probatoire

Taux de dénonciation de contrat

Officiers (OSC)

Sous-officiers (EVSO 3 ( * ) )

Militaires du rang (EVI 4 ( * ) )

2009

5 %

15,35 %

30 %

Recrutement 2010

9 %

16,12 %

28,7 %

Recrutement 2011

5 %

16,78 %

24,4 %

Parmi la population des officiers sous contrat, une augmentation des départs dans les 6 premiers mois du contrat est enregistrée. Elle concerne surtout la population des officiers sous-contrat de la filière « encadrement des formations ». Les résultats seront consolidés en fin d'année 2012.

La légère augmentation du taux de dénonciation pour les sous-officiers pourrait s'expliquer par l'impact des pertes de l'armée de terre en OPEX.

Selon l'ENSOA 5 ( * ) , la crainte de ne pas détenir la compétence suffisante serait à l'origine de quelques départs venant compléter ceux des élèves qui prétendent ne pas être faits pour le métier des armes.

Taux de départs subis qui s'améliore 6 ( * ) :

Taux de départs subis 7 ( * )

Officiers

Sous-officiers

EVAT

2008

1,7 %

4,5 %

11,5 %

2009

2,4 %

5,5 %

11,5 %

2010

1,2 %

2,6 %

13,25 %

2011

1,3 %

2,4 %

9,21 %

Prévisions 2012

1,2 %

2,3 %

9,72 %

En 2011, le taux de départs subis consolidé au 31 décembre est globalement en retrait par rapport à 2010 avec une amélioration en particulier pour la population sensible des EVAT tandis qu'il se stabilise pour les officiers et sous-officiers. Le niveau contenu des départs subis pour ces catégories résulte d'une politique d'aide au départ ciblée ainsi que du rallongement de la durée de service dans le cadre de la réforme des retraites, dont les premiers effets ont été constatés à partir du dernier trimestre.

Concernant les sous-officiers de l'armée de terre, la baisse du taux de départs subis s'explique également par l'entrée dans sa phase de consolidation du nouveau parcours professionnel qui produit des effets encourageants sur la fidélisation.

L'amélioration de la situation pour les militaires du rang est visible en particulier dans la tranche [0 - 5 ans]. Elle trouve son origine au sein de plusieurs facteurs qui concourent à fidéliser cette ressource :

ü la rénovation du parcours professionnel avec des perspectives plus importantes en termes de durée de contrat ;

ü la promotion interne et l'évolution d'emploi ;

ü une formation initiale homogénéisée au sein des centres de formation initiale militaire (CFIM).

Enfin, le contexte économique constitue vraisemblablement un facteur de diminution des départs inopinés de manière générale. La situation demeure néanmoins fragile pour la catégorie des militaires du rang avec un niveau de dénonciation encore supérieur au seuil cible. En effet, les départs subis constatés sont inférieurs aux prévisions dans toutes les tranches d'ancienneté de service. Malgré cela, l'armée de terre n'a pas encore atteint la durée moyenne de services de 8 ans qu'elle s'est fixée pour ses EVAT. En 2011, elle se stabilise à 6 ans et 5 mois (légère progression). Des signes tangibles de fidélisation (ralentissement des départs) semblent montrer la pertinence des réformes engagées, dont les effets sont à consolider et seront pleinement mesurés à partir de 2014.

En 2012, le taux de départs subis est établi sur une hypothèse intégrant l'amélioration de la fidélisation constatée en 2011 pour la population des EVAT. Le taux de départs subis est en retrait par rapport à 2011 pour la catégorie des officiers et en-deçà du seuil de 3 % pour la catégorie des sous-officiers. Cela traduit ainsi les premiers effets du ralentissement attendu des départs dans le cadre de la réforme des retraites en 2012. Pour la catégorie des EVAT, le taux de départs subis est à ce stade légèrement supérieur à 2011 et correspond à une prévision prudente compte tenu du comportement « volatile » de cette catégorie, malgré la réduction de l'attrition durant le 1 er contrat escomptée à nouveau en 2012.

Au-delà de la période probatoire, la fidélisation des militaires du rang contractuels connaît une évolution préoccupante.

Le taux de renouvellement des contrats s'accroît.

Taux de renouvellement des « primo-contrat »

Officiers

Sous-officiers

EVAT

2010

69 %

70 %

68 %

2011

57 %

70 %

75 %

2012*

68 %

75 %

75 %

*Prévision arrêtée au 31/07/2012.

Le taux de renouvellement de contrat des officiers reste relativement stable ces dernières années, à l'exception de l'année 2011 pour laquelle un ajustement financier a été nécessaire en fin de cycle budgétaire.

Pour les sous-officiers de l'armée de terre, le renouvellement du 1 er contrat est crucial car il leur permet d'intégrer le cursus de formation de 2 e partie de carrière (BSTAT 8 ( * ) ) afin d'honorer à terme des postes de responsabilité plus élevée (NF3 9 ( * ) et NFS 10 ( * ) ). C'est une période délicate pour la fidélisation puisqu'elle se situe entre la fin de l'acquisition d'une première expérience de 5 ans comme sous-officier et l'entrée éventuelle dans une période de service d'au moins 10 ans supplémentaires.

L'encouragement au renouvellement du 1 er contrat demeure une priorité car il permet à la fois de disposer d'une ressource expérimentée sur le plan opérationnel, de contenir et rentabiliser les coûts de la formation initiale.

Actuellement, 88 % de la ressource de recrutement direct est encore présente après 5 ans de service, pour 74 % en 2011.

L'âge moyen de départ des militaires du rang n'a cependant cessé de baisser ces dernières années pour se stabiliser en dessous de 7 ans. Les carrières sont de plus en plus courtes car il devient difficile de fidéliser ce type de personnel.

Comme il constitue le coeur des unités de l'Armée de Terre, ce « turnover » devient une contrainte qui impose un effort accru et continu de formation.

Les Armées, et plus particulièrement l'Armée de Terre, ont besoin d'un équilibre entre le recrutement permanent d'un personnel jeune et le coût que représentent ce recrutement et la formation du personnel.

Aujourd'hui, l'Armée de Terre recrute 13 000 personnes chaque année et on constate un essoufflement de la formation permanente d'un personnel qui est de moins en moins fidélisé.

Pour tenter d'enrayer ce phénomène, l'Etat-major de l'armée de terre a décidé de mettre en place des centres de formation initiale des militaires (CFIM) à destination des recrues pour optimiser les moyens et pour veiller à la stricte orthodoxie en matière de délivrance de la formation.

La montée en puissance des 12 Centres de Formation initiale militaire (CFIM) créés depuis l'été 2010 a permis d'obtenir des résultats encourageants dans le domaine de l'attrition, tout en garantissant l'orthodoxie de l'instruction et de l'éducation dispensées à nos jeunes soldats par des cadres mieux sélectionnés et mieux formés. Le taux d'attrition pendant les quatre premiers mois d'incorporation est descendu à un niveau situé entre 6 % et 14 % suivant les centres.

L'augmentation du taux de renouvellement des contrats arrivant à échéance des militaires du rang en 2011 est la conséquence directe de la baisse du taux de départs subis. Sans minimiser le contexte économique, l'augmentation du taux de renouvellement de contrat est directement liée aux nouvelles perspectives professionnelles offertes par le nouveau parcours professionnel, parmi lesquelles le recrutement interne tient une place prépondérante.

Pour la marine, contenue par un processus d'orientation et de suivi personnalisés des candidats et la généralisation d'une évaluation psychologique à tous les recrutements, l'attrition des jeunes recrues non officiers est modérée et est limitée à 8 % pour les officiers mariniers et 10,8 % pour les matelots. Le taux de renouvellement des contrats initiaux des marins non officiers en 2012 s'élève à 81 % (82 % pour les officiers-mariniers et 80 % pour les quartiers-maîtres et matelots). Le taux de renouvellement des contrats des officiers en 2012 diminue légèrement pour atteindre 71 %.

Pour l'armée de l'air, le taux d'attrition des jeunes engagés au cours de la première année de contrat reste orienté à la hausse pour les sous-officiers. Ce taux dépasse 12 % alors qu'il n'était que de 7 % en 2007. Pour les militaires du rang (MDR), ces départs concernent 20 % des recrutés (17 % en 2007). Pour les officiers, le taux de renouvellement du premier contrat reste à un niveau satisfaisant (93 %). Depuis 2008, le taux d'attrition des jeunes sous-officiers est en hausse : ceux-ci sont de plus en plus nombreux (7 % en 2007, 12 % en 2011) à renoncer à leur engagement au cours de la période probatoire, et le taux de renouvellement du premier contrat diminue (81 % soit -6 points par rapport à 2011), même s'il demeure satisfaisant.

Pour les militaires du rang engagés (MDRE), le taux de renouvellement du premier contrat est de 59 % et diminue de 6 points par rapport à 2011 dans un volume de contrats à renouveler en 2012 en hausse de 16 %. Dans certaines spécialités du soutien, les réorganisations ont nettement réduit le besoin en MDRE ; pour ces spécialités, ceci se traduit par une plus forte sélectivité dès le renouvellement du premier contrat.

Plus que jamais la fidélisation devient un enjeu de la qualité de notre outil de défense. Sans doute les restructurations en cours ont un impact négatif sur le renouvellement des contrats. Mais il y a également des causes plus structurelles qu'il convient d'analyser si l'on veut fidéliser les jeunes recrues.

Selon un calcul du haut comité d'évaluation de la condition militaire, le passage de 6 ans à 8 ans de la durée moyenne d'engagement dans l'armée de terre conduirait à un gain de 2 546 candidats au recrutement, augmenterait le taux de sélection de 0,58, permettrait un gain en effectif d'encadrement de 637 personnels et donc un gain d'effectif non opérationnel de 3 183 personnels.

Ce calcul théorique permet d'estimer que si la durée moyenne d'engagement était de huit ans au lieu de six ans, des gains substantiels seraient possibles aussi bien en matière de coût de formation qu'au plan du taux de sélectivité. Maintenir un engagé un an de plus, c'est disposer d'une personne expérimentée, connue de l'institution, une année supplémentaire. Par ailleurs, le besoin en recrutement devient plus faible. Pour un nombre de candidats équivalent, le taux de sélection est plus fort, ce qui devrait entraîner une baisse des départs avant un an d'engagement. A fortiori, dans le cadre d'une réappréciation globale des conditions de carrière des militaires du rang de l'armée de terre, un objectif de 10 ans de durée moyenne d'engagement n'aurait absolument rien d'absurde et serait sans doute plus conforme à la réalité d'une armée professionnelle que celui de 8 ans établi en 1997.

4. La préservation du moral des troupes, une donnée essentielle de la réforme

La fidélisation des troupes dépend d'un grand nombre de facteurs dont la perception qu'ont les militaires de leurs conditions et de leurs perspectives.

De ce point de vue, votre rapporteur a été frappé, lors de ces déplacements sur les bases militaires, par la fragilité de l'état moral des troupes.

Force est de constater que le rythme des réformes, les déménagements et les restructurations, la diminution des effectifs, la perspective d'une fin des OPEX, les craintes suscitées par la perspective d'une loi de programmation qui pourrait demander à la défense de nouveaux efforts ne favorisent pas la quiétude !

Les chefs d'Etat-major auditionnés par la commission en sont bien conscients.

L'Amiral Edouard Guillaud, chef d'état-major des armées s'en est fait l'écho : « Je vois aussi des risques dans le domaine des ressources humaines. Les économies décidées imposent un gel des recrutements d'environ 2 000 personnes sur 2012-2013 et, une nouvelle fois en 2013, une diminution des mesures catégorielles. En termes de taux de retour des économies dégagées par les déflations, celui du ministère s'est établi à 33 % en 2011 et 20 % en 2012. Il atteindra 30 % en 2013, ce qui est nettement inférieur à la norme en vigueur de 50 %. Le moral est déjà fragile, ce ne sont pas ces mesures qui vont l'améliorer ! ».

Dans ce contexte fragile, les difficultés rencontrées pour liquider les soldes cette année avec les dysfonctionnements du logiciel Louvois n'ont fait qu'accroître l'insatisfaction. Votre rapporteur y reviendra plus avant dans le rapport.

Dans chacune des armées, les efforts demandés depuis de nombreuses années ont beaucoup sollicité les militaires de tous rangs.

Au niveau des officiers, la diminution des postes d'officiers généraux a diminué les perspectives de carrières. L'annonce au cours de l'année d'un effort supplémentaire avec une réduction des avancements dans les grades d'officier supérieur et la mise en place d'un dispositif de contingentement des effectifs militaires par grade n'a pas amélioré le moral des troupes.

Comme l'a souligné le général Denis Mercier, chef d'État-major de l'armée de l'Air, il s'agit d'« une réduction significative des tableaux d'avancement qui risque de fragiliser le moral des aviateurs, notamment dans les catégories de personnel qui portent la réforme ».

De l'autre côté de la hiérarchie militaire, le haut comité de l'évaluation de la condition militaire observe que « l'état du moral des militaires du rang en 2012 demeure fragile » . Les conséquences concrètes en sont, dans l'armée de terre, la difficulté à fidéliser les engagés au-delà de six ans. Pour les militaires engagés, il ressort des enquêtes internes aux armées un sentiment général d'incertitude concernant d'une part leur avenir professionnel, la reconnaissance de leur service et d'autre part, les conséquences des restructurations, en particulier dans l'armée de terre avec le renforcement de la mobilité. Celle-ci s'oppose en effet à un fort ancrage territorial surtout chez les plus jeunes qui bénéficient de la proximité du réseau familial.

Le haut comité souligne que l'insatisfaction se concentre sur les domaines ayant des incidences directes sur la vie sociale et privée : conditions matérielles de vie, solde, indemnités, alimentation, logement. En 2009 comme en 2008, la solde et les indemnités étaient jugées insuffisantes et inadaptées au regard des obligations du métier militaire. « La certitude d'un manque de considération est toujours très présente, tout comme le jugement négatif porté sur la qualité du processus de recrutement ». Ces militaires du rang perçoivent et ressentent les changements de la société qui les entoure (notamment ce qui concerne la qualité de la vie, le temps de travail, l'utilisation des moyens de communication, etc.). La qualité du lien que le militaire entretient avec l'institution est, à l'instar des autres catégories de militaires, conditionnée par celui entretenu avec la famille, qu'il soit direct ou non.

Cette perception d'un déséquilibre entre les sujétions et les contreparties de l'état de militaire est renforcée avec l'ancienneté de service, qui s'accompagne généralement d'une transition de l'état de célibataire vers celui de membre ou chef de famille. L'étude menée par le haut comité et l'INSEE sur les rémunérations des ménages dont la personne de référence est un militaire montre que le niveau de vie moyen du ménage est inférieur à celui d'un ménage dont les membres sont tous deux civils. Cette différence en défaveur des militaires et de leur conjoint s'explique par un revenu moins élevé en moyenne du conjoint.

Le niveau de vie moyen annuel du ménage du militaire était inférieur de 19,8 % à celui du ménage du fonctionnaire civil de l'État sur la période 1996-2001. Neuf années après, l'écart est toujours orienté dans le même sens et diminue légèrement pour atteindre 17,8 %.

Les mesures de revalorisation de la condition militaire doivent prendre en compte cet écart, si on ne veut pas prendre le risque de voir les candidats renoncer à la carrière militaire devant le déséquilibre entre les sujétions et les contreparties offertes aux militaires.


* 3 EVSO : engagé volontaire sous-officier.

* 4 EVI : engagé volontaire initial.

* 5 ENSOA : Ecole nationale des sous-officiers d'active.

* 6 Définition « départs subis » : départs de l'institution liés à une décision de l'individu. Cette catégorie de départs regroupe les radiations suite aux prescriptions de délai de désertion, les départs à la retraite à 15 et 25 ans de service (RJI), les dénonciations, résiliations et non renouvellements de contrat par les individus

* 7 Départs subis par rapport à l'effectif moyen réalisé.

* 8 Brevet supérieur de technicien de l'armée de terre

* 9 De sergent-chef à adjudant-chef

* 10 Niveau fonctionnel supérieur correspondant au grade d'adjudant-chef à major.

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