II. EXAMEN DU RAPPORT

Au cours de sa séance du mercredi 28 novembre 2012, la commission a examiné le rapport pour avis sur les crédits « Développement durable, énergie, et climat » de la mission « Écologie, développement et aménagement durables » du projet de loi de finances pour 2013.

Mme Laurence Rossignol , rapporteure pour avis . - Vous m'avez confié la responsabilité de l'avis portant sur les crédits pour 2013 du développement durable, de l'énergie et du climat au sein de la mission « Écologie », je vous en remercie et vais maintenant vous présenter mes conclusions.

Ce budget, comme cela a été rappelé par notre collègue Philippe Esnol dans le cadre de son avis sur la protection de l'environnement, mais aussi par la ministre lors de son audition devant notre commission, est marqué par l'effort de maîtrise des dépenses publiques du gouvernement. Mais comme, l'a rappelé la ministre, le budget 2013 en matière d'énergie et de climat préserve l'essentiel des capacités d'intervention du ministère, ce dont je me félicite compte tenu des enjeux, notamment en matière de lutte contre le réchauffement climatique.

Seconde observation : en matière d'énergie, la question principale pour 2013 est bien entendu le débat sur la transition énergétique, conformément aux engagements pris par le gouvernement, mais aussi par l'Europe et du fait de nos engagements internationaux.

Ce débat devrait se tenir tout au long du premier semestre, pour aboutir à un projet de loi de programmation sur l'énergie courant juin. Le « conseil national du débat », qui rassemble l'ensemble des parties prenantes, se réunira pour la première fois ce jeudi 29 novembre.

Quatre grandes questions seront à l'ordre du jour : les économies d'énergie, les énergies renouvelables, le financement de la transition et enfin la part des différentes sources d'énergie dans le mix énergétique.

La première phase du débat aura pour but d'établir des scenarii de trajectoires d'évolution possibles. Elle sera suivie par une phase de participation du public, avant la synthèse des observations en mai prochain.

Les orientations qui seront retenues dans le projet de loi de programmation auront très certainement un impact pour le budget 2014. Nous y porterons ensemble une attention soutenue.

L'avis que je vous présente porte sur les crédits de trois programmes : le programme 174 « énergie, climat et après-mines », le programme 170 « météorologie », enfin le programme 217 sur les crédits alloués au ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

Le programme 174, consacré à l'énergie, au climat et à l'après-mines, disposera en 2013 de 682 millions d'euros en AE et de 687 millions en CP.

Il recouvre trois priorités : amorcer la transition énergétique, assurer la garantie des droits collectifs des mineurs et la gestion économique et sociale de l'après-mines, approfondir la politique en matière de qualité de l'air.

Les crédits sont globalement stables entre 2012 et 2013, mais cet équilibre cache une disparité importante entre les actions.

L'action 1, consacrée à la politique de l'énergie, représente 6,4 millions d'euros, soit seulement 1 % des crédits du programme. Cette action est centrée sur la gestion durable des matières et déchets radioactifs, l'essentiel des crédits étant versés à l'Agence nationale de gestion des déchets radioactifs (l'ANDRA) dont la priorité est l'avancement du projet de création d'un stockage géologique réversible pour les déchets radioactifs de haute et moyenne activité à Bure : le projet Cigéo (centre industriel de stockage géologique).

La Commission nationale du débat public a été saisie de ce projet le 10 octobre dernier. Cela devrait permettre d'organiser un débat public au premier semestre 2013, notamment en ce qui concerne la conception industrielle du site, les mesures prises en matière de sûreté, ou encore la réversibilité du stockage.

Comme vous le savez, l'essentiel de la politique énergétique est largement financé hors budget, ou tout au moins hors du champ budgétaire de cet avis. J'ai souhaité, à l'occasion de cet avis, faire le point sur un dispositif en particulier : le fonds chaleur. J'ai auditionné à ce titre le Syndicat des énergies renouvelables.

Le fonds chaleur a été créé en 2008 à la suite du Grenelle, avec pour objectif de soutenir la production de chaleur à partir de sources renouvelables : biomasse, géothermie, solaire thermique, énergies de récupération.

L'objectif de production supplémentaire de chaleur renouvelable d'ici 2020 s'élève à 5,5 millions de tonnes équivalent pétrole, soit plus du quart de l'objectif global fixé à l'horizon 2020 au niveau européen dans le cadre du paquet climat-énergie.

Le fonds chaleur est un des instruments les plus efficaces issus du Grenelle. Il permet de couvrir une large part des objectifs en termes d'énergies renouvelables.

Il a un impact tout à fait positif sur la balance commerciale. Lors de ses trois premières années d'activité, à partir d'un investissement de base de 600 millions d'euros, la substitution d'énergies importées s'est élevée à 240 millions d'euros par an. Le différentiel est positif. Si l'on part du principe que ces premiers 600 millions investis permettront chaque année, sur les vingt ans à venir, de réaliser 240 millions d'euros d'économies, on saisit bien le formidable effet de levier que permettent les investissements du fonds chaleur.

Il est également un atout considérable pour le développement de l'économie de la forêt, avec tous les débouchés que cette industrie représente au niveau local.

Ce fonds est géré hors budget par l'ADEME, sur la base de ses ressources fiscales en provenance de la TGAP (498 millions d'euros pour 2013). Cependant, la stagnation voire la diminution des crédits accordés au fonds chaleur depuis 2010 est un point sur lequel je souhaite attirer votre attention. Car, selon le syndicat des énergies renouvelables, pour remplir les objectifs de développement de la chaleur renouvelable d'ici 2020, il faudrait atteindre une dotation annuelle de 500 millions d'euros.

Il me semble donc important de pérenniser les financements de ce dispositif, qui a fait les preuves de son efficacité, et dont le renforcement est aujourd'hui essentiel si l'on compte atteindre l'engagement de 23 % d'énergies renouvelables à échéance 2020.

Les actions 2, 3 et 4 du programme 174 couvrent les dépenses de gestion économique et sociale de l'après-mines. Ces dépenses représentent au total 86 % des crédits du programme, soit 589 millions d'euros en AE et 594 millions en CP. La dotation comprend les moyens alloués à l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs, à la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines, et la Caisse nationale de retraite des industries électriques et gazières.

Ces crédits sont en baisse de 7 %. Cependant, il s'agit là d'une diminution structurelle d'origine démographique, directement liée à la baisse du nombre des ayants droit.

L'année 2013 verra la réforme du code minier. Les grandes lignes en ont d'ores et déjà été annoncées : il s'agira de mettre le code minier en conformité avec la Charte de l'environnement. L'ensemble des procédures relatives au régime de l'exploration et de l'exploitation des ressources seront revues, ainsi que la fiscalité minière et la responsabilité environnementale des entreprises exerçant des activités minières. Le projet doit également assurer une meilleure prise en compte des particularités des collectivités d'outre-mer, directement concernées par le sujet.

La dernière action du programme 174, consacrée à la lutte contre le changement climatique, est une des dotations du programme qui connaît la plus importante variation positive entre 2012 et 2013 : 35 millions d'euros de crédits de paiement y seront consacrés, soit une hausse de 5 millions d'euros, essentiellement fléchés vers la lutte contre la pollution de l'air.

Les crédits prévus viendront soutenir les Associations Agréées de Surveillance de la Qualité de l'Air (AASQA), et assurer une subvention au Centre interprofessionnel technique d'étude de la pollution atmosphérique (CITEPA), pour la réalisation des inventaires annuels de polluants atmosphériques et de gaz à effet de serre en France. De manière générale, l'objectif est de mettre en oeuvre des mesures de prévention et de réduction de la pollution atmosphérique et de renforcement de la surveillance de la qualité de l'air.

Cet effort budgétaire supplémentaire est on ne peut plus nécessaire compte tenu de la situation actuelle : la pollution de l'air est aujourd'hui responsable de près de 40 000 décès prématurés par an en France, selon les données fournies par le Conseil national de l'air. Le dépassement systématique des normes autorisées pour les différents polluants atmosphériques aura probablement des conséquences graves et coûteuses sur la santé publique et sur l'environnement à long terme.

La France ne respecte pas les objectifs imposés par les directives européennes en matière de qualité de l'air. Ce manquement l'expose à des contentieux, avec risque de sanction financière. La Cour de justice de l'Union européenne l'a d'ores et déjà assignée l'année dernière pour non-respect des valeurs limites relatives aux particules fines dans quinze zones ; un nouveau contentieux se profile du fait du non respect des valeurs limites de dioxyde d'azote.

La lutte contre le réchauffement climatique constitue plus que jamais un enjeu majeur des politiques publiques. Dans ce contexte, le budget 2013 va dans le bon sens, en accroissant les crédits alloués à cette priorité. Mais les efforts réalisés sont encore largement insuffisants au regard des enjeux du réchauffement.

Dans un rapport publié le 18 novembre, la Banque mondiale a annoncé redouter une hausse de la température de la planète de 4°C d'ici 2100, voire dès 2060 en cas d'inertie des pouvoirs publics. Ce scénario est donc bien plus sérieux que les projections de hausse de 2°C généralement admises par la communauté internationale.

Ce rapport confirme ce que l'on sait depuis qu'on est en mesure d'évaluer correctement les projections climatiques et les températures réalisées. Jusqu'à présent, le réalisé a toujours été dans la fourchette haute voire supérieure des projections. Ce rapport est extrêmement préoccupant dans la mesure où il raccourcit le calendrier : nous étions sur un horizon 2100 avec un objectif de maintien du réchauffement en dessous de 2°C. Le rapport évoque maintenant 2060, c'est-à-dire demain. Les enfants d'aujourd'hui seront alors au milieu de leur vie d'adulte. Le rapport estime le réchauffement à 4°C, c'est-à-dire au-dessus des prévisions habituelles, avec des implications à peine imaginables : des sécheresses et des épisodes climatiques extrêmement violents. Entre 1950 et aujourd'hui, les catastrophes naturelles ont augmenté de 35 % en fréquence. La décennie la plus chaude est la dernière décennie. Ces éléments sont très préoccupants.

Le rapport souligne la forte imprévisibilité des conséquences de cette hausse de 4°C, mais prévoit qu'il faudra probablement compter avec des vagues de chaleur extrême, une chute des stocks alimentaires et une montée du niveau de la mer frappant des centaines de millions de personnes. Les pays en voie de développement seraient les plus fortement touchés, mais l'Europe l'est aussi déjà de manière claire.

Aussi, dans ce contexte global très alarmant, il faut se féliciter que des crédits supplémentaires soient accordés dans le budget 2013 au titre de la lutte contre le réchauffement climatique et en faveur de la qualité de l'air. On peut toutefois noter qu'il y a toujours un écart fort entre l'enjeu et le volume des crédits.

Dans une période de maîtrise des dépenses publiques, il faut néanmoins rappeler que les mesures permettant de limiter le réchauffement climatique sont avant tout des mesures de développement économique.

Le programme 170 « Météorologie » comprend le financement des attributions de l'État en matière de prévision et de recherche météorologiques et climatiques. Il s'agit de la dotation à Météo-France. Les crédits inscrits pour 2013 s'élèvent à 215 millions d'euros, en CP comme en AE, soit une augmentation de près de 9 millions d'euros par rapport à 2012, ou encore une hausse de 4,3 %.

L'enjeu pour Météo-France est avant tout d'anticiper l'arrivée des phénomènes météorologiques dangereux afin d'être en mesure d'alerter les populations et de prendre les mesures de sécurité indispensables. Pour mener à bien cette mission, plusieurs objectifs prioritaires sont définis pour 2013 : améliorer la qualité de la prévision météorologique, la mettre au service du grand public et des différents secteurs d'activité économique, poursuivre les travaux sur le changement climatique et ses conséquences. La qualité et la fiabilité de l'information météorologique disponible sont cruciales dans l'anticipation des conséquences du changement climatique pour les populations.

Même si les sommes sont relativement raisonnables, il est frappant de constater à quel point les économies de court terme, qui consistent à ignorer les mesures à prendre pour le réchauffement climatique, impactent déjà les dépenses publiques que nous devons effectuer pour anticiper et prévenir les conséquences du dérèglement climatique. On est dans une relation économique et budgétaire au réchauffement climatique. Il n'est plus possible de reporter à plus tard les investissements pour en limiter l'effet puisque le réchauffement climatique impacte d'ores et déjà les budgets publics.

Le programme 217, consacré aux crédits de la conduite et du pilotage des politiques du développement durable, regroupe l'essentiel des moyens dévolus aux fonctions stratégiques de définition et de pilotage de la politique du ministère, à la gestion des ressources humaines et aux moyens transversaux.

Comme l'a précisé Delphine Batho lors de son audition devant la commission, le budget 2013 tient compte des difficultés financières du pays et de la nécessité d'atteindre l'objectif de réduction du déficit. Le ministère de l'écologie participe donc à l'effort de stabilisation des effectifs de la fonction publique.

Au total, le budget permettra néanmoins de financer les priorités du ministère, dont la mise en oeuvre de la feuille de route pour la transition écologique. Il préservera ses capacités d'intervention, ainsi que celles de ses opérateurs, et permettra d'engager la lutte contre le changement climatique, pour laquelle il faudra certainement mobiliser de nouveaux crédits dans les années à venir.

Je vous propose de donner un avis favorable à ces crédits, tout en soulignant que les enjeux économiques de la préservation de l'environnement, et en particulier du climat, sont probablement d'une toute autre mesure que celle des outils budgétaires que nous avons entre les mains en ce moment.

M. François Fortassin , rapporteur spécial . - Je ne fais pas tout à fait la même analyse. Je préfère parler de tendance au réchauffement climatique. Pour dire cela, je me fonde sur les trois siècles passés. A l'époque où la Savoie était italienne, les éleveurs savoyards s'étaient partagé des pâturages. Au moment de la révolution française, sur l'équivalent local des cahiers de doléances, le climat s'était refroidi et ils constataient la nécessité de revoir ce partage des pâturages parce qu'il y avait désormais des glaciers.

Deuxième exemple : un chroniqueur béarnais qui vivait au 18 ème siècle écrivait, en faisant des croquis pour illustrer les événements, que sur une période de trente ans, les glaciers auraient certainement fondu dans les Pyrénées. A la veille de la révolution, il y a pourtant eu un refroidissement considérable.

On est dans une tendance de réchauffement, c'est évident. Est-ce que cette tendance sera durable ou est-ce qu'elle ne le sera pas ? Nous n'en savons rien. La tendance peut très bien s'inverser dans les dix ou quinze ans qui viennent. Il faut être prudent. Dire que le réchauffement climatique est quelque chose d'inéluctable est à mon sens excessif, même si je sais qu'en disant cela je ne suis pas forcément à la mode...

Mme Odette Herviaux . - Je remercie Mme Rossignol pour son rapport, qui est très complet. On peut être tenté de croire que le réchauffement est seulement une tendance. C'est quelque part rassurant. Il y a déjà trois ou quatre ans, j'ai eu la chance d'assister à Saint-Malo à une réunion entre les régions et le CNUD, et nous avions alors été témoins de la réalité des choses. On constate que les conséquences du réchauffement sont déjà dramatiques, pas forcément chez nous, mais dans le grand Nord par exemple. Dans certains endroits, la fonte du permafrost fait basculer dans la mer des villages entiers. J'ai pu le voir aussi par des sécheresses dramatiques dans des pays considérés comme en difficulté. L'augmentation du niveau de la mer est un phénomène avéré. J'ai pu le constater d'une manière très forte au Sénégal, où la mer avance d'un mètre par an. Il est spectaculaire de voir des villages entiers qui disparaissent, là aussi ensevelis. En Bretagne, sur certaines presqu'îles, les dernières grandes marées ont montré que la mer avance.

Je crois donc qu'il faut être réaliste. Néanmoins, je rejoins Mme Rossignol lorsqu'elle dit qu'on est loin des sommes d'investissements nécessaires, même si on peut penser qu'on dispose déjà de solutions, pour faire abaisser le niveau d'émission de gaz à effet de serre notamment. Je vous ai par exemple souvent entendu, mes chers collègues, prôner le développement rapide, avec des investissements de l'État et des entreprises privées, des énergies marines renouvelables.

Lorsqu'on parle des risques que la France soit condamnée par l'Europe pour le non respect de certaines normes, j'aurais aimé savoir si d'autres pays étaient dans ce cas. On a toujours la volonté de faire bien, parfois mieux que les autres. Qu'en est-il dans la réalité des choses ?

M. Ronan Dantec . - Je crois que le débat sur la réalité du réchauffement climatique est derrière nous : ce n'est plus un débat. On attend pour l'automne prochain le nouveau rapport du GIEC, qui, je le rappelle, n'est pas la secte des adorateurs du changement climatique que dénoncent certains mais bien, sous l'égide de l'ONU, la synthèse de la totalité de la connaissance scientifique produite sur le sujet. De ce qu'on sait déjà de ce prochain rapport, il sera extrêmement alarmant sur la gravité et l'accélération des choses. Tous les rapports du GIEC depuis le premier ont été dépassés par les faits. Regardez, par exemple, les prospectives des précédents rapports sur la rapidité de la fonte de la calotte arctique. Cette fonte a toujours été annoncée à des échéances beaucoup plus lointaines que ce qu'on a mesuré après. Le fonctionnement du GIEC, par la synthèse des connaissances et par la relecture diplomatique du rapport par les États, fait qu'on en atténue généralement les conclusions plutôt que d'en renforcer le caractère alarmant. Le GIEC est donc souvent en deçà de la réalité.

La situation est grave. La France s'engage aujourd'hui par la voix du Président de la République à être candidate pour accueillir la conférence de 2015 qui clôturera le cycle de Durban, avec normalement, sur la table, les engagements non plus seulement des anciens pays industrialisés mais aussi des pays émergents. Il s'agit là d'un acte fort de la diplomatie française, et je soutiens cette proposition de François Hollande, qui est extrêmement ambitieuse.

Il faudrait aujourd'hui que l'État ait un budget transversal consolidé sur le climat. Cela permettrait d'avoir une vision plus claire de l'ensemble des conséquences financières du changement climatique, à la fois par les politiques d'adaptation et d'atténuation de ce changement. Quel est le coût de la montée des eaux ? Dans le pays de Saint-Malo, sur la base d'une hausse d'un mètre du niveau de l'eau, hausse qui est plutôt dans la fourchette basse des estimations du GIEC, certaines communes se retrouveraient presque totalement inconstructibles. La Vendée connaîtrait des problèmes similaires. Ces conséquences du changement climatique ont un coût financier pour la collectivité extrêmement important.

Les politiques d'atténuation du changement climatique supposent d'intégrer de nouveaux raisonnements dans toutes nos stratégies. Par exemple, en matière de transports, si on émet moins de CO 2 , il faut se demander à quel moment la tonne de CO 2 économisée apparaît et permet de créer un basculement des modes de transports très émetteurs vers les modes moins émetteurs de CO 2 . Il s'agit là de systèmes d'ingénierie financière que l'on n'a pas, jusqu'à présent, réussi à mettre en oeuvre.

Je souhaiterais qu'à l'avenir le Gouvernement nous propose un budget transversal sur la question du changement climatique, où la totalité des enjeux et des actions menées soit consolidée. On verrait qu'il s'agit de sommes absolument considérables.

M. Raymond Vall , président . - Je propose qu'on reçoive assez rapidement l'ONERC, Observatoire National sur les Effets du Réchauffement Climatique car il a mené ce genre d'études. Une audition permettrait d'évaluer la fiabilité de leurs travaux qui me paraissent, sur le principe, extrêmement importants.

Je voudrais profiter de l'examen de cet avis budgétaire pour me féliciter de l'amélioration du budget de Météo-France. Beaucoup d'organismes se prévalent aujourd'hui de travailler sur des prévisions météorologiques, mais en réalité, comme l'a rappelé Laurence Rossignol, c'est à partir de Météo-France qu'il faut essayer de construire la prévision et l'information qui seront nécessaires, de manière plus précise que dans le passé, pour faire face au réchauffement.

Il nous faut voir comment éviter l'éparpillement de ce budget et concentrer nos efforts autour de cet organisme qui me paraît performant. Lorsque nous avions reçu son président, il nous avait signalé son inquiétude budgétaire.

M. Vincent Capo-Canellas . - Je voudrais bien évidemment saluer le travail de la rapporteure et souligner qu'il n'y a pas d'équivoque, pour nous, sur le fond de l'action qui est à mener. Nous reconnaissons qu'il y a beaucoup à faire dans le domaine de la transition énergétique et que les échéances qui ont été rappelées sont sombres à bien des égards. Il est donc nécessaire d'avoir une action vigoureuse dans ce domaine. Je comprends l'intervention de François Fortassin qui nous invite à relativiser ce phénomène au regard de l'Histoire, mais la prévision ne peut pas se faire qu'au regard du passé.

Sur ce budget, autant il est possible de partager l'objectif d'une transition énergétique assumée, autant on peut s'interroger sur la méthode retenue. J'avais eu l'occasion de dire, lors de l'audition de la ministre, que sur l'écheveau compliqué que constituent la proposition de loi Brottes, le débat sur la transition énergétique, le futur texte qui interviendra peut-être à l'été prochain, et la conférence environnementale, on peine à y voir clair. Un travail avait été mené de manière consensuelle au sein du Grenelle. On peut remettre en cause ce travail, mais il faut dans ce cas répondre à l'ambition affichée, avec clarté et volonté. On a le sentiment qu'on met aujourd'hui le Grenelle de côté et qu'on peine à reconstruire autre chose.

Le ministère est amoindri dans sa configuration, comme beaucoup l'ont relevé. C'est contradictoire avec l'ambition d'une démarche énergétique forte pour la transition environnementale. Sur l'évolution des crédits, un artifice, ou un effet induit, vise à réintégrer les crédits du bonus-malus et augmenter ainsi beaucoup les crédits. Sans cet élément, on aboutit à une timide hausse de moyens de 5 millions d'euros.

Nous nous abstiendrons sur ce budget.

Mme Laurence Rossignol , rapporteure pour avis . - Je n'arrive pas à mesurer la part de provocation, la part de liberté d'esprit, et de refus du conformisme et de la pensée unique, dans l'intervention de notre collègue François Fortassin. Elle contient probablement un peu de tout cela... Ce ne sont que des postures qui me sont sympathiques, mais en l'espèce, je pense qu'il y a un vrai débat. La question n'est pas : est-ce qu'il y a un réchauffement climatique et est-ce que ce réchauffement climatique sera durable, mais bien quelle est la part de l'activité humaine dans le réchauffement climatique ?

Le réchauffement climatique est avéré. Comme je l'ai expliqué tout à l'heure, et comme Ronan Dantec l'a rappelé, on est toujours au-delà des perspectives les plus pessimistes et on commence seulement à avoir la compréhension de l'effet du réchauffement climatique sur le réchauffement climatique lui-même. Les modèles mathématiques initiaux intégraient les émissions de CO 2 et le réchauffement anticipé. Aujourd'hui, on comprend de quelle manière le réchauffement climatique produit de nouveau des effets et accélère le réchauffement.

Vous n'avez pas tort sur le fait que le réchauffement n'est pas toujours de nature humaine. La civilisation des Mayas a probablement disparu à la suite d'un réchauffement climatique brutal. On ne peut pas mettre cela sur le compte du moteur à explosion...

Il convient d'avoir une discussion sur la soutenabilité de ce réchauffement et, dans la mesure où le changement climatique est en très grande partie d'origine anthropique, sur les moyens de maîtriser et réduire ce réchauffement. Je pense qu'on peut au moins se mettre d'accord sur ce point, et ne pas se perdre dans de fausses discussions. Nous sommes là dans notre rôle de parlementaires, d'acteurs politiques, et dans l'action politique sur les effets du réchauffement climatique.

Pour répondre à la question de Vincent Capo-Canellas sur la voie choisie par le Gouvernement, je dirais qu'on découvre tous un phénomène auquel personne n'a été préparé. Pour se préparer plus tôt, il eut fallu qu'il n'y ait aucun sceptique dès le début, ce qui n'a pas été le cas. Il eut également fallu que cela n'impacte pas les trajectoires économiques des pays concernés. C'est là le problème du réchauffement climatique : il impacte nos trajectoires économiques. Nous cumulons aujourd'hui la crise économique, un accroissement de la compétition internationale, et des tensions sur l'énergie. Les discussions que nous avons eues autour de la loi de finances sur le bonus-malus étaient, de ce point de vue, très révélatrices. Ces discussions étaient régressives : ce qui était consensuel au moment de la loi Grenelle II sur la vocation de maîtrise du CO 2 du dispositif bonus-malus a disparu dans les discussions de samedi après-midi, au profit d'une simple discussion sur les effets budgétaires et industriels du système.

Nous avons donc à faire oeuvre pédagogique constante, et notre commission en particulier. Je ne sais pas si le Gouvernement trouvera une solution, il s'est en tout cas engagé à chercher, ce qui n'est pas le cas de tous les gouvernements. Des ajustements seront faits au fur et à mesure. Face à un phénomène nouveau, inventons aujourd'hui des outils nouveaux.

C'est pourquoi je vous invite à voter ce budget, même s'il existe un écart important entre l'échelle du changement climatique et de ses conséquences et l'échelle de ce budget !

M. Vincent Capo-Canellas . - Ronan Dantec abordait tout à l'heure le manque de visibilité que nous avions sur les crédits concernant la lutte contre le changement climatique, c'est aussi vrai sur la politique de l'énergie. Il existe un problème de pilotage général sur ces deux sujets. Les crédits sont disséminés. Il serait souhaitable d'avoir à l'avenir une vision plus globale sur ces problématiques.

Mme Laurence Rossignol , rapporteure pour avis . - Il existe un document de politique transversale relatif à la lutte contre le changement climatique. Cet « orange » budgétaire collationne et analyse les politiques en faveur du climat réparties dans l'ensemble des programmes.

M. Raymond Vall , président . - Une audition de l'ONERC permettra de compléter ces informations.

Je voudrais simplement ajouter un élément à prendre en compte : l'humanité est aujourd'hui face à un défi démographique sans précédent. Les raisons de ce changement climatique peuvent être discutées, même le changement n'est pas en lui-même discutable. Lors d'un déplacement à Copenhague, nous avons eu accès au laboratoire de carottage de la calotte polaire. L'analyse des échantillons montrait bien qu'à partir d'une certaine époque, les éléments collectés étaient consécutifs à l'activité humaine.

Pour la première fois, l'humanité va se retrouver devant le problème de la démographie. Nous étions 2,5 milliards au début du siècle, nous serons 9 milliards demain. Quelles que soient nos sensibilités politiques, quelles que soient nos réserves par rapport à l'action du Gouvernement, ce budget ne pourra résoudre à lui seul cet enjeu planétaire. Une solidarité internationale de l'humanité toute entière doit émerger de nos actions et de notre volonté. Nous devons accompagner la prise de conscience et le changement de comportements qui sont nécessaires aujourd'hui.

A l'issue de ce débat, la commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits des programmes 170 « Météorologie », 174 « Énergie, climat et après-mines » et 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer » de la mission « Écologie, développement et aménagement durables ».

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