2. L'urgence de solutions pérennes et efficaces
a) Les réflexions sur la création d'une agence de financement des collectivités locales
Les collectivités territoriales ayant les besoins de financements les plus importants et disposant d'une notation favorable ont de plus en plus recours à l'emprunt obligataire sur le marché désintermédié. Depuis 2004, des émissions obligataires groupées ont été lancées, sous l'impulsion notamment de l'Association des communautés urbaines de France (ACUF).
La crise de liquidités qui sévit depuis 2008, à l'origine des difficultés de la banque Dexia, a renforcé l'intérêt des collectivités territoriales pour ce type de financement. Ainsi, plusieurs associations nationales d'élus, à la tête desquelles on retrouve l'ACUF, ont proposé d'étudier la possibilité de créer une agence publique de financement des collectivités territoriales.
La première étape de ce projet a consisté en la création d'une association d'études pour l'agence de financement des collectivités (AEAFCL), le 21 avril 2010, regroupant les trois associations nationales d'élus à l'origine de cette réflexion 18 ( * ) .
Selon ses promoteurs, l'objectif principal de la future agence de financement est de diversifier l'accès au financement des collectivités territoriales, en raison du contexte moins favorable à l'offre de crédit bancaire, à la suite de l'anticipation des règles prudentielles de Bâle 3 et du démantèlement de l'opérateur historique du marché public local, la banque DEXIA. Elle permettrait d'éviter le coût de la syndication et la complexité juridique des montages actuels.
Les promoteurs de ce projet se fixent, à terme, l'objectif de pouvoir lever 25 % des flux annuels d'emprunt du secteur local, soit un flux annuel d'émissions et de crédits s'élevant à 5 milliards d'euros pour un marché représentant 20 milliards d'euros. Pour la première année de fonctionnement, ses promoteurs visent une part de marché représentant 7 % de l'endettement annuel des collectivités, soit environ 1,5 milliard d'euros.
Le projet prévu par les associations nationales d'élus est de constituer cette agence sous la forme d'une structure à double niveau. Elle serait composée :
- en amont, d'un établissement public à caractère industriel (EPIC) et commercial local à vocation nationale, rassemblant uniquement des collectivités territoriales et de groupements à fiscalité propre. Le conseil d'administration de cet EPIC fixerait les orientations stratégiques de l'Agence ;
- en aval, d'une société anonyme, détenue à plus de 99 % par cet EPIC, qui serait chargée des opérations de banque et prendrait le statut d'une institution financière spécifique 19 ( * ) , c'est-à-dire d'un établissement de crédit auquel l'État confierait une mission permanente d'intérêt public. Cette société anonyme serait dotée d'un directoire, composé de professionnels du monde bancaire, ainsi que d'un conseil de surveillance, à la tête duquel serait le président de l'EPIC, réunissant des membres du conseil d'administration et de personnalités qualifiées en capacité de contrôler l'activité de la société anonyme. Celle-ci, enfin, devrait obtenir l'agrément de l'Autorité de Contrôle Prudentiel (ACP).
Un tel statut juridique permettrait à l'agence de disposer d'une meilleure notation ce qui l'autoriserait à lancer des émissions obligataires dans des conditions financières proches de celles de l'État.
L'agence serait financée par les collectivités territoriales elles-mêmes, leur versement étant considéré comme une « condition d'octroi d'un crédit ». Le montant de ce ticket d'entrée dépendra du volume d'emprunt moyen de la collectivité effectué au cours des dernières années. Ainsi, l'agence représentera un dispositif de solidarité entre collectivités de taille différente puisque, par définition, les plus importantes devront s'acquitter d'une mise de fonds supérieure aux plus petites. Toutefois, selon les promoteurs, l'apport en capital, s'il est synonyme d'adhésion, ne conduira pas à un droit de tirage automatique. Comme l'avait relevé votre rapporteur, « l'Agence s'astreindra à établir, suivant des ratios et des critères connus de tous et validés par l'Autorité des Contrôles Prudentiels (ACP), une analyse financière préalable, puis périodique, de chaque collectivité ».
Cependant, d'après les informations fournies à votre rapporteur, cette proposition soulève plusieurs interrogations, notamment sur la question de la nature juridique de l'agence notamment, qui ont été exposées dans le rapport remis au Parlement le 13 mars 2012.
Extraits du rapport au Parlement relatif aux
conséquences
1.2. Une agence de financement ne pourrait contribuer à la diversification du financement des collectivités qu'à moyen terme La création d'une agence de financement des collectivités territoriales pourrait participer à la diversification des sources de financement des collectivités en complétant le financement bancaire traditionnel du secteur public local par un accès facilité au marché obligataire. Une telle agence aurait pour but de diversifier l'origine des ressources des collectivités locales et de permettre aux collectivités de petite taille et de taille moyenne d'avoir un accès à ce marché. Le projet de l'AEAFCL vise à occuper environ 25% du marché de financement des collectivités territoriales. Ce projet ne permettrait toutefois pas de diversifier rapidement les modes de financement des collectivités territoriales. En effet, cette agence ne serait pas en mesure de répondre aux besoins immédiats des collectivités en raison du temps nécessaire à sa mise en place et, à plus forte raison, de celui nécessaire pour convaincre les premiers investisseurs de participer à son refinancement. Une telle agence devrait notamment bénéficier d'une accréditation en tant qu'établissement de crédit, ce qui peut prendre plusieurs mois. Cette agence ne pourrait commencer à fonctionner au plus tôt qu'à la mi-2013 et pourrait connaître une montée en puissance lente correspondant au temps nécessaire pour asseoir sa signature sur les marchés. La mise en place d'un tel projet nécessite un marché stabilisé et une confiance retrouvée du côté des investisseurs pour ne pas être apparentée à un dispositif d'aide provisoire au financement. |
Pierre Moscovici, ministre de l'Économie et des Finances, a récemment déclaré, à Dijon, le 8 novembre dernier, que la mise en place d'une agence de financement des collectivités territoriales n'était pas exclusive de la capacité de ces dernières à émettre sur les marchés financiers pour trouver de nouvelles sources de financements. Il a précisé qu' « elles peuvent déjà le faire seules ou collectivement dès lors qu'elles en assument elles-mêmes tout le risque ». Votre rapporteur rappelle également que quarante-quatre collectivités territoriales se sont récemment groupées pour lever 610 millions d'euros sur le marché obligataire. En d'autres termes, le Gouvernement n'est pas favorable à une garantie de l'État pour une agence de financement des collectivités territoriales.
* 18 Association des Communautés Urbaines de France (ACUF), Association des Maires des Grandes Villes de France (AMGVF) et Association des Maires de France (AMF).
* 19 Conformément aux dispositions de l'article L. 516-1 du code monétaire et financier.