B. LE RENFORCEMENT DE LA DÉONTOLOGIE GOUVERNEMENTALE

1. La charte de déontologie du Gouvernement

Lors du premier conseil des ministres du nouveau Gouvernement, le jeudi 17 mai 2012, les membres du Gouvernement ont signé la charte figurant ci-après.

La charte rappelle en premier lieu le principe politique cardinal de la solidarité gouvernementale, sous l'autorité et selon les arbitrages du Premier ministre, et le principe de confidentialité des délibérations gouvernementales, qui en est le corollaire naturel.

Elle insiste en outre sur la nécessité de la concertation avant la prise de décision et sur le principe de transparence des décisions, des documents administratifs ainsi que des données publiques.

Elle rappelle l'obligation d'impartialité des ministres, mais également celle de probité personnelle, qui imposent la souscription d'une déclaration d'intérêts lors de l'entrée en fonction, qui est rendue publique, pour prévenir tout soupçon de conflits d'intérêts. Elle veille à prévenir des comportements inappropriés et prohibe en particulier - ce qui constitue une innovation - toute intervention en faveur d'un membre de la famille ou d'un proche et toute acceptation d'une invitation pour un séjour privé émanant de personnes dont l'activité est en relation avec le département ministériel.

Elle promeut une utilisation raisonnée et sobre des moyens de l'État dans l'accomplissement des fonctions ministérielles, afin de respecter une exigence d'exemplarité.

Enfin, sur la base d'un principe de disponibilité pour l'exercice de ces fonctions, la charte exige des membres du Gouvernement la renonciation aux mandats exécutifs locaux qu'ils détiennent 28 ( * ) , ce qui constitue également une innovation par rapport aux autres règles et principes affirmés dans la charte. L'ensemble des ministres se sont conformés à cette exigence.

Charte de déontologie des membres du Gouvernement

Le bon fonctionnement d'une démocratie passe par l'existence d'un lien de confiance entre les citoyens et ceux qui gouvernent. Cette confiance ne se confond pas avec la légitimité donnée, directement ou indirectement, par le suffrage universel. Elle échappe d'ailleurs aux clivages politiques. Elle se construit jour après jour, au vu de l'action du gouvernement et de l'image donnée par ceux qui en sont membres. Un manquement isolé peut, à lui seul, suffire à l'entamer durablement.

C'est afin d'aider à la construction et à la préservation de ce lien de confiance qu'il a paru utile de rassembler, sous la forme d'une « charte de déontologie », quelques principes simples qui doivent guider le comportement des membres du gouvernement.

1. Solidarité et collégialité

L'expression des points de vue, la confrontation des idées en toute confiance sont nécessaires pour assurer la vitalité d'un gouvernement. La délibération collégiale permet de rechercher les mesures les plus justes et d'éviter les erreurs. Chaque membre du gouvernement a le droit de s'exprimer dans le respect de la confidentialité qui s'attache aux délibérations du gouvernement sur tout sujet, y compris les sujets extérieurs à ses attributions.

Une fois que la décision est prise, au besoin après arbitrage du chef du gouvernement, c'est le principe de solidarité qui s'applique. L'expression, directe ou indirecte, de désaccords ne peut qu'affaiblir le gouvernement et susciter le scepticisme des citoyens à l'égard de la crédibilité de l'action politique.

2. Concertation et transparence

Les membres du gouvernement doivent être à l'écoute des citoyens. Ils entretiennent des relations suivies avec l'ensemble des partenaires institutionnels de leur ministère. Ils recueillent leur avis sur les principales décisions.

Ces relations institutionnelles suivies doivent aller de pair avec un développement de la consultation du public en utilisant les possibilités offertes par l'internet.

Les projets de texte remis au Président de la République et au Premier ministre font apparaître les consultations menées, leur résultat et la façon dont elles ont conduit à amender le projet.

Plus généralement, le gouvernement a un devoir de transparence. Il respecte scrupuleusement les dispositions garantissant l'accès des citoyens aux documents administratifs. Il mène une action déterminée pour la mise à disposition gratuite et commode sur internet d'un grand nombre de données publiques.

3. Impartialité

Les membres du gouvernement sont au service de l'intérêt général. Ils doivent, non seulement faire preuve d'une parfaite impartialité, mais encore prévenir tout soupçon d'intérêt privé. C'est la raison pour laquelle ils remplissent et signent une déclaration d'intérêts lors de leur entrée en fonctions, déclaration qui est rendue publique, à l'exception des informations concernant des tiers. En outre, ils confient la gestion de leur patrimoine mobilier à un intermédiaire agréé, sur la base d'un mandat garantissant qu'ils ne pourront intervenir directement dans cette gestion.

Les membres du gouvernement s'abstiennent de donner suite à toute invitation pour un séjour privé qui émanerait d'un gouvernement étranger ou de personnes physiques ou morales dont l'activité est en relation avec leur département ministériel.

Ils remettent au service des domaines, soit immédiatement, soit à l'issue de leurs fonctions, les cadeaux d'une valeur supérieure à 150 euros.

Ils renoncent à toute participation à un organisme, même à but non lucratif, dont l'activité intéresse leur ministère.

Ils s'abstiennent absolument de toute intervention concernant la situation d'un membre de leur famille ou d'un proche.

4. Disponibilité

Les membres du gouvernement consacrent tout leur temps à l'exercice de leurs fonctions ministérielles. Ils doivent, de ce fait, renoncer aux mandats exécutifs locaux qu'ils peuvent détenir.

5. Intégrité et exemplarité

Les moyens mis à la disposition des ministres sont réservés à l'accomplissement de leur mission. Seules les dépenses directement liées à l'exercice des fonctions sont prises en charge par l'État.

Les membres du gouvernement disposant d'un logement de fonction déclarent l'avantage en nature correspondant.

Les membres du gouvernement privilégient le train pour les déplacements d'une durée inférieure à trois heures.

Sauf contrainte particulière justifiant une escorte motocycliste, leurs déplacements en automobile se font dans la discrétion et le respect des règles du code de la route.

La signature de cette charte ne résulte d'aucune obligation juridique et n'est assortie d'aucune sanction juridique non plus en cas de manquement. Il faut lui reconnaître la valeur comme la portée d'un engagement politique et moral personnel de chaque ministre. On ne peut guère imaginer, sauf cas d'une particulière gravité, le départ d'un ministre pour le seul fait d'un manquement à cette charte. En revanche, le Premier ministre peut exercer son autorité en faisant un rappel à l'ordre ou en adressant une réprimande, le cas échéant publiquement, en cas de manquement d'un ministre, dans une forme de pouvoir disciplinaire qui peut conduire à des sanctions de nature politique, de la réprimande publique jusqu'à la révocation.

Pour autant, cette charte constitue l'aboutissement visible d'initiatives répétées de chefs successifs de Gouvernement pour encadrer les pratiques et les comportements de leurs ministres. Il s'agit d'un outil de régulation plus politique que juridique, dont seul l'avenir dira la valeur véritable.


* 28 Le comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions avait préconisé sans succès en 2008 l'instauration d'une pareille incompatibilité.

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