B. LA NÉCESSAIRE ÉVOLUTION DU DROIT DE LA FILIATION

1. La fin du primat de la filiation biologique...

En ouvrant l'adoption aux couples de même sexe, le présent projet de loi n'entend nullement laisser croire qu'il serait possible de naître de deux personnes de même sexe, comme cela a été trop souvent dit par ses opposants. Il part, à l'inverse, du constat selon lequel la filiation - c'est-à-dire le lien juridique unissant un enfant à ses parents - s'affranchit déjà très largement des lois naturelles de l'engendrement et de la vérité biologique .

C'est le cas pour les enfants nés de mères célibataires, dont les pères biologiques ne se sont pas déclarés auprès de l'état-civil.

Tel est également le cas de l'adoption . Si elle reposait à l'origine sur un modèle « pseudo-créatif », elle a progressivement pris ses distances avec ce schéma traditionnel :

- aujourd'hui, il n'est plus question de laisser croire à un enfant adopté qu'il est né de ses parents adoptifs ; le mensonge, qui a très longtemps prévalu au sein des familles adoptives du fait de la pression sociale, n'est plus de mise comme l'ont expliqué en audition les associations représentant ces familles. Notons que, sur cette question, l'adoption internationale a contribué à l'affirmation publique de la parentalité adoptive ;

- en outre, le code civil reconnaît à toute personne célibataire la possibilité d'adopter un enfant. Dans un tel cas, l'adoption est alors entièrement fondée sur la volonté de devenir le parent d'un enfant qu'il est, par définition, impossible d'avoir procréé seul.

De même, dans le cadre d' une procréation avec l'aide d'un tiers donneur , le lien de filiation ne correspond pas au lien biologique. Et pourtant, celui ou celle qui a recours à un don de gamète est, sans conteste, autant le parent de l'enfant que celui ou celle qui a procréé sans cette aide.

De ces évolutions, il ressort que la filiation ne repose plus uniquement sur la procréation, mais aussi sur la volonté de deux personnes de mener à bien un projet parental .

En fondant la filiation sur « l'engagement parental » selon l'expression employée par la sociologue Martine Gross 14 ( * ) , l'ouverture de l'adoption aux couples de personnes de même sexe s'inscrit bien dans le cadre des nouvelles modalités de « faire famille ».

A ce titre, votre rapporteure insiste sur le fait que l'intérêt de l'enfant ne se réduit pas à la réalité du lien biologique . On peut avoir biologiquement un enfant et ne pas assumer son rôle de parent. De même, comme la filiation adoptive le démontre chaque jour, on peut faire sien un enfant né d'autres parents ou géniteurs-trices, et on peut se sentir pleinement fille ou fils de ses parents adoptifs.

2. ... doit conduire à une évolution du droit de la filiation

Votre rapporteure est d'avis que le droit de la filiation doit s'affranchir du modèle biologique pour tenir compte de l'évolution des configurations familiales.

Dans cette perspective, plusieurs réformes pourraient intervenir, certaines dès le prochain projet de loi sur la famille :

- construire un statut du tiers, beau-parent ou coparent ;

- ouvrir l'adoption aux couples non mariés ;

- ouvrir l'accès à l'assistance médicale à la procréation aux couples de femmes.


* 14 Martine Gross, « Fonder la filiation sur l'engagement parental plutôt que sur la nature », Le Monde, 5 février 2013.

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