Avis n° 157 (2013-2014) de M. Gérard LE CAM , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 21 novembre 2013

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N° 157

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2013

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires économiques (1) sur le projet de loi de finances pour 2014 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME III

ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT
ET AMÉNAGEMENT DURABLES

PÊCHE ET AQUACULTURE

Par M. Gérard LE CAM,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Daniel Raoul , président ; MM. Martial Bourquin, Claude Bérit-Débat, Gérard César, Alain Chatillon, Daniel Dubois, Pierre Hérisson, Joël Labbé, Mme Élisabeth Lamure, M. Gérard Le Cam, Mme Renée Nicoux, M. Robert Tropeano , vice-présidents ; MM. Jean-Jacques Mirassou, Bruno Retailleau, Bruno Sido , secrétaires ; M. Gérard Bailly, Mme Delphine Bataille, MM. Michel Bécot, Alain Bertrand, Mme Bernadette Bourzai, MM. François Calvet, Roland Courteau, Marc Daunis, Claude Dilain, Alain Fauconnier, Didier Guillaume, Michel Houel, Serge Larcher, Jean-Jacques Lasserre, Jean-Claude Lenoir, Philippe Leroy, Mmes Valérie Létard, Marie-Noëlle Lienemann, MM. Michel Magras, Jean-Claude Merceron, Jackie Pierre, Ladislas Poniatowski, Mme Mireille Schurch, M. Yannick Vaugrenard .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 1395, 1428 à 1435 et T.A. 239

Sénat : 155 et 156 (annexe n° 10a ) (2013-2014)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La pêche maritime joue un rôle important pour l'économie littorale mais s'est affaiblie au fil des ans, avec une réduction importante de la taille de la flotte de pêche, et une baisse du nombre d'emplois de marins-pêcheurs.

Avec 13 657 marins-pêcheurs embarqués sur des navires battant pavillon français en 2012 1 ( * ) , la pêche maritime génère entre 45 et 60 000 emplois à terre 2 ( * ) , essentiellement dans les ports et à proximité immédiate des côtes.

La dernière crise du secteur de la pêche maritime, déclenchée par la hausse des prix du gazole à partir de 2007, avait conduit les pouvoirs publics à mettre en oeuvre un plan exceptionnel en faveur de la pêche à travers le plan pour une pêche durable et responsable (PPDR) lancé en janvier 2008 . Les crédits de l'État comme ceux du fonds européen pour la pêche (FEP), instrument financier de l'Union européenne au service de la politique commune des pêches (PCP) ont alors été fortement mobilisés. Le point haut a été atteint dans la loi de finances pour 2009 qui prévoyait 134 millions d'euros pour la pêche en crédits de paiement (CP).

Depuis, les moyens mis par l'État à disposition de la politique de la pêche sont en net reflux , passant de 84,8 millions d'euros en 2010 à 51,9 millions d'euros en 2013.

Ces crédits sont inscrits au sein de l'action 06 « Gestion durable des pêches et de l'aquaculture » du programme 205 « Sécurité et affaires maritimes, pêche et aquaculture » de la mission « écologie, développement et mobilité durables ». Ils passent pour la première fois sous la barre des 50 millions d'euros, et s'établissent en autorisations d'engagement (AE) comme en CP à 49,5 millions d'euros, soit une baisse de 4,7 % par rapport à l'année 2013.

L'essentiel de cette réduction des crédits nationaux est concentré sur les dispositifs d'intervention économique vers le secteur de la pêche : contrats bleus, plans de sortie de flotte et indemnisation des arrêts temporaires d'activité. Dans le même temps, le passage de relais entre le FEP et le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) va se faire avec retard. La négociation au niveau européen pour le FEAMP n'est pas terminée, alors même que le FEP doit s'éteindre fin 2013. La mise au point du programme opérationnel du FEAMP devrait prendre une bonne partie de l'année 2014. Les mesures de soutien économique devraient ainsi se situer au creux de la vague lors du prochain exercice budgétaire.

Mais la nouvelle PCP ne se résume pas à un changement d'instrument financier. Les pêcheurs devront aussi s'adapter aux nouvelles règles de gestion de la ressource , plus exigeantes sur un plan environnemental : les quotas seront fixés en ayant pour but l'atteinte la plus rapide possible du rendement maximal durable (RMD), et les rejets en mer seront progressivement interdits.

Enfin, si les produits de la pêche française restent prisés, et si la démarche « Pavillon France » constitue une initiative louable, la concurrence de produits importés reste forte. La pêche illicite non déclarée non réglementée (INN) est une menace tant pour l'équilibre environnemental des espaces maritimes que pour l'économie de la pêche, et justifie des contrôles renforcés, jusqu'à l'étal.

Au-delà de la pêche, la production de poissons et de crustacés est aussi le fait de l'aquaculture. Les crédits en faveur de l'aquaculture marine sont extrêmement modestes, et le développement de la pisciculture marine, qui était un des objectifs de la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche (LMAP) de 2010, est au point mort.

Lors de sa réunion du 27 novembre 2013, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à la pêche et à l'aquaculture inscrits dans le projet de loi de finances pour 2014 au sein de la mission « écologie, développement et aménagement durables ».

I. LA GESTION DE LA RESSOURCE AU COEUR DE LA POLITIQUE DE LA PÊCHE.

A. LA POLITIQUE COMMUNE DE LA PÊCHE ENCADRE TRÈS STRICTEMENT LA PÊCHE EN EUROPE.

1. La réforme de la politique commune de la pêche : une nouvelle étape pour mieux protéger les ressources halieutiques.

Mieux gérer les ressources halieutiques en luttant contre la surpêche constitue un objectif central de la politique commune de la pêche (PCP) mise en place en Europe à partir du milieu des années 1980.

L'Union européenne dispose de toute une palette d'outils de régulation : la fixation de totaux admissibles de capture (TAC) par espèce et de quotas de pêche , la définition de mesures techniques portant sur la taille des mailles des filets ou les types d'engins de pêche autorisés, ou encore la limitation de l'effort de pêche exprimé en nombre de jours passés en mer, ou la limitation des périodes de pêche .

Le processus de réforme de la PCP lancé en juillet 2011 est pratiquement parvenu à son terme : Conseil et Parlement européen ont chacun arrêté leurs positions sur la proposition de règlement de la Commission européenne concernant les nouvelles règles de la PCP et sur la proposition de règlement modifiant l'organisation commune des marchés des produits de la mer. Depuis le printemps 2013, les réunions de trilogue ont eu lieu avec la Commission et ont permis d'aboutir fin mai à un accord politique qui devrait permettre d'adopter définitivement les textes régissant la nouvelle PCP d'ici la fin 2013.

Celle-ci conduit clairement à un renforcement des exigences environnementales vis-à-vis de la pêche :

- Le principe d'une exploitation des stocks au niveau du rendement maximal durable (RMD) a été définitivement entériné. Les totaux admissibles de capture devront être fixés en visant l'atteinte du RMD le plus tôt possible, et au plus tard en 2020.

- Les rejets de captures accessoires en mer seront interdits , dans la limite d'une tolérance de 5 %. La mise en oeuvre de l'interdiction des rejets est progressive : un taux de rejet de 7 % sera possible en 2015 et 2016, et baissera ensuite à 6 % puis 5 % à partir de 2019.

- A la demande du Parlement européen, seront de plus instaurées des zones de protection où la pêche sera limitée voire interdite.

La nouvelle PCP est donc encore plus exigeante en matière de préservation des ressources halieutiques. Pourtant, l'actuelle PCP ne constitue pas un si grand échec de ce point de vue : ainsi, alors que seulement 6 % des stocks de poisson d'Atlantique Nord-Est étaient exploités au niveau du RMD en 2005, ce chiffre s'est élevé à 27 % en 2010 et atteint en 61 % en 2013. La communication de la commission européenne du 30 mai 2013 sur les possibilités de pêche 3 ( * ) confirme cette tendance récente à l'amélioration de l'état des stocks halieutiques, qui sont par ailleurs mieux connus , le nombre de stocks pour lesquels il existe une évaluation quantitative ne cessant de progresser.

2. Les exigences environnementales pèsent fortement sur l'équilibre économique de la pêche.

L'encadrement des possibilités de pêche a contraint la flotte européenne à une sévère restructuration. En France hexagonale, le nombre des navires de pêche est passé de 6 593 en 1995 à 4 578 en 2012 4 ( * ) .

Les discussions lors de la réforme de la PCP ont permis d'échapper aux quotas de pêche transférables , qui aurait immanquablement mené à la concentration des droits à produire aux mains d'acteurs poursuivant une logique financière.

Pour autant, les variations de quotas d'une année sur l'autre imposent aux armements de s'adapter. La pêche française est assez polyvalente, ce qui constitue un atout. Pour autant, la disponibilité des quotas constitue une contrainte forte et qui va se renforcer avec l'interdiction des rejets.

Une inquiétude existe aujourd'hui sur les poissons bleus - sardine, anchois essentiellement : les petits poissons pélagiques pêchés sont de taille plus petite et moins concentrés dans les zones traditionnelles, ce qui dégrade la rentabilité de la pêche.

Au-delà, les pratiques de pêche font l'objet d'une contestation forte des organisations non gouvernementales (ONG) et associations de protection de l'environnement qui amènent les pouvoirs publics à renforcer sans cesse la réglementation.

En juillet 2012, la Commission européenne a présenté une proposition de règlement visant à interdire la pêche au chalut ou à l'aide de filets maillants pour les espèces de grand fond . La discussion de cette proposition est actuellement bloquée par les désaccords importants existant au sein du Conseil et du Parlement européen, mais votre rapporteur pour avis appelle à la plus grande vigilance sur les étapes futures de la discussion de ce texte, qui pourrait être le prélude à une remise en cause plus globale de la technique du chalut, qui est pourtant essentielle pour la pêche française.

Au final, le renforcement des exigences environnementales constitue une épée de Damoclès suspendue en permanence au-dessus du secteur de la pêche maritime.

B. DES CRÉDITS RENFORCÉS DANS LE BUDGET 2014 POUR L'EXPERTISE SCIENTIFIQUE ET LE CONTRÔLE.

1. L'expertise scientifique : priorité budgétaire réaffirmée.

La qualité des données scientifiques est essentielle pour bien évaluer les stocks et ajuster les quotas et mesures techniques . Une partie de l'acquisition des données scientifiques est prise en charge sur des crédits européens, mais le budget de l'État est également sollicité à travers les dispositifs suivants :

- Le programme d'observations à la mer (Obsmer) est prévu par les règlements européens et consiste à embarquer des observateurs au sein des navires de pêche. Le projet de loi de finances pour 2014 lui attribue 2,8 millions d'euros, contre 2 millions d'euros en 2013 .

- Des conventions sont également passées avec plusieurs organismes scientifiques, l'Institut français pour la recherche et l'exploitation de la mer (IFREMER), le Museum national d'histoire naturelle (MNHN) et l'Institut de recherche et développement (IRD) pour assurer la collecte de données sur les moyens de la pêche ou sur les ressources naturelles. Les crédits correspondants s'élèvent en 2014 à 3 millions d'euros, contre 2,3 millions d'euros en 2013.

Source : projet annuel de performance

En outre, le budget 2014 permet de financer des projets scientifiques comme la campagne d'évaluation de la Légine dans les terres australes et antarctiques françaises (TAAF) dans le cadre du programme POKER III pour 400 000 euros, contre 200 000 euros en 2013, ou encore l'étude pilote pour la mesure de l'activité de pêche de navires de moins de 12 mètres en France métropolitaine pour 850 000 euros contre 600 000 euros en 2013 .

On peut regretter en revanche que l'État se désengage du financement du programme de recherche sur la mortalité ostréicole, qui reste une vraie préoccupation pour les conchyliculteurs, doté de 600 000 euros en 2013 et baissant à 300 000 euros en 2014.

Au total, l'effort budgétaire en faveur d'une meilleure connaissance scientifique s'élève à 7,4 millions d'euros en 2014, en y intégrant 50 000 euros pour l'enquête sur l'aquaculture qui aura lieu l'année prochaine, contre 5,7 millions d'euros en 2013.

La recherche sur la pêche et les ressources halieutiques relève aussi de l'Union européenne ainsi que des organisations internationales auxquelles la France est partie : le conseil international pour l'exploration de la mer (CIEM), l'organisation des pêches de l'Atlantique Nord-Ouest (OPANO), commission des thons de l'océan Indien (CTOI), commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique (CICTA), commission générale des pêches pour la Méditerranée (CGPM). Le projet de loi de finances prévoit le versement de 800 000 euros à ces organismes, contre 1 million d'euros en 2013. La ligne budgétaire destinée à soutenir les comités consultatifs régionaux reste inchangée à 250 000 euros.

Ces montants représentent toutefois une part réduite des dépenses de recherche scientifique. Ainsi, l'instrument principal de connaissance est le programme national de collecte des données de base, financé à 50 % par l'Union européenne et à 50 % par les organismes scientifiques de recherche, comme l'IFREMER. Ce programme s'élèvera pour 2014 à 14,8 millions d'euros.

2. Le contrôle des pêches : une condition indispensable au bon fonctionnement de la politique commune de la pêche.

Le contrôle des pêches est mis en oeuvre tant au niveau européen que national. Le renforcement des règles de la PCP va exiger de parfaire le dispositif de contrôle, déjà exigeant .

Le projet annuel de performance fixe comme objectif de « mieux contrôler les activités maritimes et en particulier la pêche ». Curieusement, il définit une cible en matière de taux d'infraction à 8 %. Votre rapporteur s'interroge sur la pertinence d'un tel indicateur. Les contrôles s'inscrivent dans le cadre d'un plan national de contrôle (PNC) et repose sur les 270 agents des affaires maritimes. Les crédits correspondants ne relèvent pas de l'action 06 du programme.

En revanche, le budget contient plusieurs lignes relatives au contrôle :

- 1,66 millions d'euros sont réservés aux frais de fonctionnement liés aux contrôles ;

- 4,91 millions d'euros sont consacrés à financer le système d'information opérationnel sur la pêche et assurer l'équipement des navires.

Au total, les crédits de contrôle s'élèvent à 6,6 million d'euros, soit un peu plus que les 6 millions de 2013.

Le contrôle constitue une obligation communautaire. Ne pas l'assurer expose à l'interruption des cofinancements européens. L'Europe a un haut niveau d'exigence qui justifie une action énergique contre la pêche illicite (dite pêche INN). Votre rapporteur pour avis estime que cette lutte doit en particulier être renforcée outre-mer, notamment dans les eaux guyanaises ou encore dans l'Océan indien .

Il importe également que les services de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) puissent s'assurer de la provenance des cargaisons, car la lutte contre la pêche illicite doit se poursuivre jusqu'à l'assiette du consommateur.

II. ADAPTER LA PÊCHE FRANÇAISE AUX NOUVELLES CONTRAINTES : UN DÉFI DIFFICILE.

A. UN DÉFI MAJEUR : MODERNISER LA PÊCHE FRANÇAISE.

1. Les pêcheurs ont déjà fait beaucoup d'efforts.

La nouvelle PCP ne changera pas fondamentalement la donne pour les pêcheurs français en termes de dimensionnement de la flotte : la réduction du nombre de navires a déjà eu lieu. Il n'existe pas de surcapacités notoires, en particulier en pêche côtière.

La faiblesse de l'activité de certains ports pose en revanche la question de la viabilité de certains équipements à terre.

Pourtant, la demande de poissons et produits de la mer reste dynamique et les produits de la pêche française jouissent d'une bonne image. Créée en 2010, l'association France filière pêche a notamment pour but de valoriser le « pavillon France », marque collective de la pêche française offrant des garanties de durabilité. Cette démarche doit être poursuivie, « pavillon France » n'ayant pas encore atteint un niveau suffisant de notoriété.

2. La modernisation de la flotte est nécessaire.

Un des facteurs de fragilité de la pêche française tient à la vétusté de la flotte. La moyenne d'âge des navires dépasse les 25 ans. La dépendance au gazole reste forte, un navire de pêche consommant en moyenne 50 000 litres par an. Les prix du gazole ont été contenus en dessous de 70 centimes le litre en 2013, ce qui a permis de ne pas peser de trop sur les charges, mais il est essentiel de s'orienter vers une réduction des consommations de carburant.

Le secteur de la pêche maritime a été inclus dans le programme gouvernemental des investissements d'Avenir (PIA) au titre des projets « Navire du futur ». Le projet ARPEGE, chalutier innovant de vingt-quatre mètres, a été retenu à l'issue d'un appel à manifestation d'intérêt et bénéficie du soutien de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) depuis le deuxième trimestre 2013. Un deuxième appel à manifestation d'intérêt a été lancé afin de soutenir la conception d'un navire innovant plus petit destiné à la flotte côtière, mais ne s'inscrit pas dans le cadre du PIA. Votre rapporteur pour avis salue le choix de soutenir l'innovation, indispensable pour assurer l'avenir de la pêche .

3. L'indispensable renouvellement des générations.

Le secteur de la pêche maritime peine à attirer de nouvelles recrues. Les reprises d'entreprises de pêche sont également difficiles. Or, il existe un réel risque de disparition de la pêche artisanale, faute de relève. Les facteurs sont multiples : la pénibilité du métier est réelle et les risques encourus élevés. Les reprises d'entreprises sont aussi freinées par l'importance du capital à mobiliser, alors même que le système d'attribution annuelle de quotas ne donne pas une visibilité sur du long terme.

Votre rapporteur pour avis a été alerté par un phénomène inquiétant : à l'occasion de départ en retraite, certains patrons-pêcheurs revendraient leurs navires à des armements étrangers, notamment espagnols, souhaitant disposer du quota de pêche attaché au navire mais n'ayant aucune intention d'exploiter effectivement le navire. Il convient de suivre avec la plus grande attention ce type de phénomène qui réintroduit par des voies détournées le mécanisme du quota de pêche transférable et risque, à terme, d'affaiblir les criées des ports d'attache des navires vendus, dont les volumes traités ne cesseront de baisser.

Au contraire, l'attribution de quotas de pêche doit garantir un lien fort avec le territoire, et s'effectuer dans le cadre collectif maîtrisé par les organisations de producteurs, faute de quoi le principe de stabilité relative qui est au fondement de la PCP serait gravement remis en cause.

B. DES MESURES DE SOUTIEN ÉCONOMIQUE À LA PÊCHE EN NET REFLUX.

1. Des crédits budgétaires d'action économique dans le secteur de la pêche qui se contractent fortement.

L'essentiel de l'ajustement budgétaire à la baisse relève des actions économiques en faveur du secteur de la pêche.

La participation de l'État aux caisses de solidarité chômage pour cause d'intempéries ou d'avaries , cofinancées par une cotisation des pêcheurs eux-mêmes et gérées par le Comité national des pêches maritimes et élevages marins (CNPMEM), est maintenue au même niveau qu'en 2013, à 6,8 millions d'euros.

Les crédits de l'État venant en contrepartie des aides du FEP sont en baisse sensible en 2014 par rapport à 2013 :

- Les plans de sortie de flotte (PSF) et arrêts temporaires d'activité ne représenteront plus que 3,31 millions d'euros contre 7 millions en 2013.

- Les mesures d'adaptation de la flotte , de soutien à l'aquaculture et à la transformation, de promotion ou d'investissement dans les ports ou encore finançant des mesures collectives comme les contrats bleus sont fortement réduites, passant à 12,6 millions d'euros, contre 15 millions en 2013.

- Les crédits inscrits pour achever les opérations inscrites au sein des contrats de projet État-Régions (CPER) 2007-2013 dans le secteur de la pêche et de l'aquaculture s'élèvent à 5,7 millions d'euros en 2014, contre 6 millions d'euros en 2013. La baisse est donc modeste.

Au total, l'action structurelle sur le secteur de la pêche perd 5,8 millions d'euros de crédits budgétaires.

2. Des dispositifs fiscaux maintenus.

L'essentiel du soutien fiscal au secteur de la pêche maritime est assuré par la détaxation du carburant au titre de la taxe intérieure de consommation (TIC). Le projet de loi de finances n'en propose pas une évaluation précise, ce qui est regrettable .

Des exonérations de TVA couvrent également la vente par les marins-pêcheurs et armateurs des produits de leur pêche. Cette exonération s'étend aux livraisons de biens destinés à l'avitaillement des navires et aux prestations de service à bord, de sorte de ne pas créer des rémanences de TVA. Le coût de ce dispositif ne dépasse pas 5 millions d'euros.

Enfin, le dispositif d'étalement de la plus-value de cession des navires de pêche ou des parts de copropriété de navires de pêche représente à peine 3 millions d'euros, tandis que la réduction d'impôt au titre des SOFIPECHE est en cours d'extinction.

3. Une année de transition pour les soutiens européens.
a) Le FEAMP, successeur du FEP.

Prenant la suite de l'Instrument financier d'orientation de la pêche (IFOP) à partir de 2007, le FEP sera à son tour remplacé par le FEAMP.

Mais le processus d'adoption du nouveau règlement 5 ( * ) est long et difficile et de nombreuses incertitudes planent encore sur des points essentiels :

- L'enveloppe globale du FEAMP est connue : elle s'élève à 6,4 milliards d'euros pour la période 2014-2020, mais pas la répartition entre États membres, qui devrait se faire en fonction de l'importance du secteur de la pêche et de l'enveloppe historique attribuée. De ce point de vue, si la France bénéficiait sur l'enveloppe du FEP de 216 millions d'euros, sa part ne s'élevait qu'à 4 % de l'ensemble du fonds. Il conviendrait qu'une meilleure clef de répartition soit trouvée, pour ne pas désavantager la pêche française, hexagonale et ultramarine.

- Le contenu des mesures que les États membres pourront inscrire à leur programme opérationnel (PO) est encore en discussion : la possibilité d'utiliser le FEAMP pour investir dans l'amélioration des navires constitue un réel point de clivage qui n'est pas encore totalement levé.

- La date de mise en oeuvre du FEAMP est très incertaine , celle-ci dépendant à la fois du temps encore nécessaire pour aboutir à un compromis politique au sein du trilogue, et du temps ensuite nécessaire pour élaborer et faire valider le PO de la France. Ce dernier processus avait pris environ 9 mois lors de la mise en place du FEP.

b) Un accord au sein du Conseil qui préserve le rôle d'orientation du FEAMP.

Survenu le 15 juillet 2013, l'accord politique entre les membres du Conseil des ministres de l'Union européenne sur le FEAMP a permis d'aboutir à un texte équilibré :

Il étend notamment à tous les DOM français, y compris Mayotte, le régime de compensation des coûts additionnels supportés par les pêcheurs et les aquaculteurs ultramarins en raison de leur éloignement. La France a également obtenu que l'enveloppe financière au profit de ses outre-mer soit augmentée.

Il affirme une volonté de soutien à l'installation de jeunes pêcheurs, même si ce soutien est assorti de restrictions, notamment de l'interdiction d'aider à l'acquisition de navires de plus de 20 ans.

Il ouvre la possibilité de subventions pour s'adapter à la règle d'interdiction des rejets.

c) Le Parlement européen ouvre de nouvelles possibilités d'intervention.

Alors que la proposition initiale de la Commission européenne limitait la capacité à utiliser le FEAMP pour financer l'investissement dans l'amélioration des navires et le renouvellement de la flotte , le rapporteur du texte au Parlement européen, Alain Cadec, avait introduit lors de la discussion devant la commission pêche une disposition permettant d'utiliser le FEAMP pour soutenir l'investissement à une hauteur maximale de 15 % dans de nouveaux navires de remplacement, à condition qu'il s'agisse de navires de pêche côtière et que l'opération réduise de 40 % la capacité du bateau par rapport au bateau précédent. Cette proposition a été validée par le vote intervenu le 24 octobre dernier au Parlement européen.

- De même, le Parlement européen a accepté que le FEAMP soit mobilisé pour aider les pêcheurs en cas d'arrêt temporaire de leur activité dans le but d'améliorer la ressource

- Il a validé le dispositif d'aide à l'installation des jeunes dans la limite de 100 000€ pour l'achat d'un navire.

- Il a augmenté la part du FEAMP devant être consacré au contrôle des pêches et à la collecte des données scientifiques.

- Il a accru la sévérité des sanctions en cas de non-respect des règles de la PCP, qui pourront faire l'objet d'une interruption des versements du FEAMP.

d) Les conséquences pour la France de la nouvelle donne européenne.

Les négociations ne sont pas encore achevées mais le trilogue devrait permettre d'aboutir à un accord qui amènera à revoir certaines des actions aujourd'hui financées par le FEP :

- Les plans de sortie de flotte ont vocation à n'être plus que résiduels .

- De même, les contrats bleus devront être revus, les financements communautaires pour les actions collectives disparaissant.

En conclusion, votre rapporteur a émis un avis de sagesse sur les crédits de l'action 06 du programme 205 de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Mardi 5 novembre 2013

- Direction des Pêches maritimes et de l'Aquaculture (DPMA) : Mme Cécile Bigot , directrice

- Comité national des Pêches maritimes et des Élevages marins : M. Hubert Carré , directeur général et Mme Emilie Gélard .


* 1 Source : INSEE.

* 2 On estime qu'un emploi en mer génère entre trois et quatre emplois à terre.

* 3 Communication de la Commission au Conseil concernant une consultation sur les possibilités de pêche pour 2014, du 30 mai 2013 (COM(2013) 319 final).

* 4 Source : FranceAgrimer - Les filières pêche et aquaculture en France, édition mai 2013.

* 5 Procédure 2011/0380(COD).

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