EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 13 novembre 2013, la commission a examiné le rapport pour avis sur les crédits du compte spécial « Participations financières de l'État » de la mission « Engagements financiers de l'État » du projet de loi de finances pour 2014.

M. Daniel Raoul, président . - Je passe la parole au rapporteur pour avis.

M. Alain Chatillon, rapporteur pour avis . - Je vous présente aujourd'hui les crédits du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'Etat », dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014.

L'année dernière, la commission avait approuvé à l'unanimité les recommandations que je lui avais soumises pour dynamiser l'Etat actionnaire. Cette année, je me suis, bien entendu, intéressé au sort réservé à nos préconisations. Je constate que les auditions et plusieurs séries de mesures envisagées par le Gouvernement vont dans la direction que nous avons souhaitée. Il s'agira de vérifier si les annonces sont suivies d'effets et si l'énergie des acteurs sera déployée pour renforcer notre économie, sans trop se disperser dans des réaménagements administratifs ou la création de nouveaux comités.

Je reviendrai plus en détail sur la prise en compte de nos préoccupations après une brève présentation générale des crédits de cette mission.

La première partie du rapport résume le cadre juridique et les données budgétaires pour 2014 de ce compte d'affectation spéciale. Elle se résume à une affirmation : avant tout soucieux de ne pas envoyer de « signaux » aux marchés, le compte de l'Etat actionnaire est également peu instructif pour le Parlement. Il faudra un jour sortir de ce flou.

Juridiquement, je rappelle que, selon l'article 21 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), la logique du compte d'affectation spéciale est de rapprocher des recettes de cession de titres et des dépenses d'acquisition de même nature. Pourtant, ce sont les versements exceptionnels du budget général, qui, dans la pratique, sont les montants les plus importants de ce compte. Ainsi, pour 2014, les 10 milliards de recettes prévues, se répartissent à part égales entre des produits de cession de titres, à hauteur de 5 milliards d'euros et des versements du budget général de 5 milliards également. Cependant, entre 2008 et 2013, aucune cession de titres n'a été réalisée, ce qui rend les 5 milliards inscrits en loi de finances largement fictifs. En revanche, les versements du budget général sont effectués. Il n'est pas tout à fait normal qu'en cinq ans aucune recette n'ait été dégagée, ce qui aurait permis de solder l'affaire du Crédit Lyonnais sans recourir intégralement à l'emprunt, comme cela est aujourd'hui prévu.

Les données qui sont présentées au Parlement relèvent donc plus de l'« écran de fumée » que de la transparence budgétaire. Ce n'est pas une nouveauté : nous le redisons année après année, mais je me demande si on a utilisé les bons arguments. J'en ajouterai donc deux pour 2014 : d'une part, comparaison n'est pas raison, mais nos entreprises sont soumises à un tel degré d'exigence et de précision que la présentation de cette mission budgétaire devient un peu « décalée » par rapport à la réalité vécue sur le terrain par les agents économiques de base. D'autre part, je me demande si l'Etat actionnaire, qui « pèse » à peu près 100 milliards de participations (environ 80 milliards pour les titres cotés et 20 pour les titres non cotés) ne surestime pas un peu son importance au regard des « marchés ». 100 milliards, c'est 5 % de notre PIB et de notre dette, mais avec zéro cessions de 2008 à 2013 et moins de 2 milliards en 2013, il n'y a objectivement pas de quoi faire « tanguer » les marchés. Les volumes traités sur les marchés financiers permettraient d'ailleurs sans encombre de faire plus de cessions de titres.

En revanche, on peut se demander s'il n'y a pas là un moyen assez commode de rester discret sur un certain nombre d'éléments périphériques à cette « boite noire » budgétaire, et seule la Cour des comptes publie de temps à autres des informations sur des événements dont on peut se demander si ce sont des maladresses ou le résultat de conflits interne à l'Etat.

Budgétairement, j'insisterai sur les nouveautés 2014 dans le compte de l'Etat actionnaire, et certaines d'entre elles illustrent encore une fois le déficit de sincérité dans la présentation de ce compte. Je prends un exemple : traditionnellement depuis plusieurs années, les sommes affectées au désendettement de l'Etat dans le programme 732 de ce compte étaient systématiquement évaluées à 4 milliards en loi de finances initiale et les réalisations étaient égales à zéro. La nouveauté en 2014 est que le montant prévu de contribution au désendettement est ramené de 4 à 1,5 milliards. On ne trouve aucune justification de cet effondrement dans la documentation budgétaire. Pour en élucider les raisons, il faut recouper plusieurs sources d'information :

- d'une part, la presse, vient d'indiquer que l'Etat, par l'intermédiaire de l'Agence France Trésor, va emprunter 4,5 milliards d'euros sur les marchés financiers en décembre pour solder la dette issue du « naufrage du Crédit lyonnais » ; l'autorisation en serait demandée au Parlement à l'occasion du prochain projet de loi de finances rectificative ;

- d'autre part, mon avis budgétaire de l'an dernier, dans le sillage des rapports de la Cour des comptes, précisait que la sincérité budgétaire devrait conduire à faire apparaître clairement les financements destinés à colmater la défaillance du Crédit Lyonnais - c'est-à-dire 4,5 milliards d'euros remboursables avant le 31 décembre 2014 par l'établissement public de financement et de restructuration (EPFR).

Même si l'on comprend aisément que cet emprunt a pour but d'éviter d'aggraver les déficits en profitant de taux d'intérêt encore bas, il me parait opportun d'interroger le Gouvernement sur ses choix méthodologiques et de manifester notre étonnement sur l'absence d'information du Parlement.

Par ailleurs, je vous suggère, compte tenu de la conjoncture financière, de souligner la nécessité de maintenir ce programme 732 consacré au désendettement de l'Etat. Même s'il n'est plus utilisé, son existence demeure un point de repère essentiel et je serai tenté de proposer qu'il soit alimenté, au moins de manière symbolique, tant une éventuelle hausse des taux menace, à terme, nos équilibres.

Du coté des autres dépenses pour 2014, trois principales séries d'opérations sont prévues. Tout d'abord, 4,76 milliards iraient à des augmentations de capital (c'est l'action 1 du programme 731 intitulée « opérations en capital ») :

- la libération éventuelle d'une nouvelle tranche de l'augmentation de capital de la BPI à laquelle ont souscrit la Caisse des dépôts et consignations et l'EPIC BPI-Groupe pour un montant total de 3,1 milliards d'euros. Une première tranche a déjà été libérée en juillet 2013 lors de la création de la BPI, à hauteur du quart, soit 383,25 millions d'euros pour chacune des deux entités ;

- la recapitalisation des banques multilatérales de développement, pour 56 millions d'euros en 2014.

- et enfin des versements de dotations en fonds propres prévus dans le cadre du nouveau programme d'investissements d'avenir (PIA 2) à hauteur de 1,750 milliard d'euros. Ces montants correspondent aux prises de participation détaillées au sein des programmes 403 « Innovation pour la transition écologique et énergétique », 404 « Projets industriels pour la transition énergétique », 405 « Projets industriels », 406 « Innovation », 407 « Économie numérique », 409 « Écosystèmes d'excellence » et 414 « Villes et territoires durables ».

Ensuite, 378 millions d'euros sont prévus en 2014 au titre de l'action 3 « achats de titres » qui correspond, en principe, au « coeur de cible » de ce compte de l'Etat actionnaire. Le bleu budgétaire précise qu'en 2014, un achat de titres Areva auprès du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives est programmé, afin de participer au financement du démantèlement d'installations nucléaires.

Enfin, je cite également les 3,26 milliards de l'action 6 qui retrace les versements au profit du Mécanisme européen de stabilité (MES), conformément au traité instituant ce mécanisme signé le 2 février 2012 et ratifié en France par la loi du 7 mars 2012. Il est prévu de procéder en 2014 au dernier des cinq versements : en contrepartie, l'Etat actionnaire reçoit des titres, mais on est loin de la logique de prises de participations et c'est pourquoi j'avais pu qualifier ces opérations de « jeux d'écriture » l'an passé.

C'est surtout en recettes que l'on constate du nouveau. Au cours de l'année 2013, les cessions de titres de l'Etat au capital de Safran (3,1 %), d'EADS (3,7 %) et d'Aéroports de Paris (9,5 % conjointement avec le fonds stratégique d'investissement FSI) ont permis de dégager 1,9 milliard d'euros de ressources pour l'Etat.

Ces ventes de titres sont aujourd'hui présentées comme une des composantes de la « nouvelle doctrine de l'Etat actionnaire ». Derrière ces mots, nous retrouvons ce que, pour ma part, et avec votre approbation, j'avais qualifié de nécessité d'une gestion plus active des participations de l'Etat.

Cela m'amène à la seconde partie du rapport consacrée au suivi de nos quatre principales recommandations de l'an dernier.

Je viens d'évoquer la première. Les documents budgétaires ainsi que les auditions témoignent de l'importance qu'attache l'Agence des participations de l'Etat à la communication présentée au Conseil des ministres, le 2 août dernier, par les ministres de l'Économie et des Finances et du Redressement productif sur la « nouvelle doctrine de l'actionnariat public ». Tout ceci semble entouré d'un certain halo de mystère, et je crois comprendre que l'essentiel est d'éviter les mots qui fâchent, en particulier celui de « privatisation ». Bien entendu, votre rapporteur ne peut que souscrire à cette intention de « favoriser la croissance durable dans le respect des principes de bonne gouvernance » . Je m'interroge avant tout sur les modalités concrètes de mise en oeuvre de cette nouvelle doctrine par laquelle on nous dit que « l'État pourra envisager de réduire les niveaux historiques de participation publique dans certaines entreprises ».

Je souligne que la commission avait approuvé ma recommandation qui consiste, pour l'Etat, à vendre des titres tout en préservant son influence. Encore faut-il utiliser et optimiser les outils, comme le vote double, permettant de déconnecter le capital et le pouvoir de décision. J'avais également évoqué la possibilité de créer des holdings ou des « holdings de holdings » qui permettent à un actionnaire de conserver son pouvoir en mobilisant moins de capitaux.

A ce sujet, je vous fais part d'une certaine inquiétude à l'égard d'une disposition aujourd'hui en navette inscrite dans une proposition de loi visant à reconquérir l'économie réelle dont M. François Brottes est l'un des initiateurs. Vous trouverez dans le rapport écrit les détails de ce dispositif que je vous résume très schématiquement. Partant de la très louable intention de favoriser l'actionnariat de long terme, cette proposition de loi prévoit la systématisation du vote double pour les actions nominatives, au bout de deux ans de détention. Cela peut paraître très positif, mais la rigidité d'un tel mécanisme risque de soulever plus de difficultés pour l'Etat actionnaire qu'il ne va en résoudre. En effet, du jour au lendemain, l'Etat va, dans certains cas, franchir des seuils qui l'obligeront à lancer une OPA et à acquérir des titres dont il n'a pas besoin et pas les moyens de financer. Sa principale « parade » serait alors de convertir ses titres « au porteur », comme les fonds d'investissement qui souhaitent faire des allers-retours rapides car les actions au porteur ne bénéficient pas du droit de vote double. Cependant, il ne semble pas raisonnable d'engager l'Etat dans un tel processus qui reviendrait à « se tirer une balle dans le pied » en renonçant à de la valeur patrimoniale. J'attire ainsi votre attention sur ces possibles effets pervers relatifs à l'article 5 de cette proposition de loi.

Notre troisième recommandation, complémentaire d'une gestion plus dynamique et soucieuse de préserver l'influence de l'Etat, était de donner un souffle nouveau à l'Etat actionnaire en faisant appel à des talents reconnus du monde industriel. On l'avait bien vu à l'occasion de la présentation du rapport de M. Louis Gallois : dès qu'une personnalité incontestable s'investit dans un sujet, l'intérêt du pays a tendance à prendre le dessus sur les clivages partisans ou les postures.

Concrètement, l'État participe à la nomination de 936 administrateurs qui siègent actuellement aux conseils d'administration et de surveillance des entreprises du périmètre de l'APE, dont 366 administrateurs représentant l'État. Dans son rapport annuel pour 2014, l'Agence souligne elle-même que la capacité à identifier et à recruter au sein de chaque conseil les profils d'administrateurs les plus adaptés constitue un élément majeur de la mission de l'État actionnaire. Le principal enjeu est donc d'élargir le vivier de candidats susceptibles d'exercer des mandats d'administrateurs. Or les limitations réglementaires imposent de choisir ces représentants parmi les dirigeants d'entreprises publiques ainsi que les fonctionnaires en activité ou retraités, ce qui exclut même les fonctionnaires en disponibilité ou hors cadre travaillant dans des entreprises.

L'article 10 du projet de loi d'habilitation à prendre par ordonnances diverses mesures de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises semble toutefois porteur de progrès dans ce domaine. Il prévoit, dans des termes assez vagues, de « moderniser la gouvernance des entreprises dans lesquelles l'État détient une participation majoritaire ou minoritaire ». Comme on nous l'a affirmé au cours des auditions, il s'agirait, dans les faits, d'assouplir les règles relatives à la nomination d'administrateurs. Si tel est bien le cas, cela va très exactement dans le sens que nous souhaitons.

Encore faudra-t-il examiner de près la nature exacte de l'élargissement du vivier de recrutement de ces administrateurs. L'imprécision des formules employées dans ce texte masque d'importants enjeux, puisque la désignation en tant qu'administrateur constitue une forme de reconnaissance à laquelle sont très sensibles un certain nombre de fonctionnaires ; il parait effectivement souhaitable de préserver une occasion pour ces derniers de se familiariser avec le fonctionnement des entreprises. Le monopole doit cependant être démantelé et à ceux qui craindraient que des non fonctionnaires puissent moins bien défendre les intérêts de l'Etat que des personnalités du secteur public, je rappellerai que la Cour des comptes a signalé, depuis 2004, que les représentants de l'Etat étaient je cite « trop souvent incapables d'exprimer une position cohérente au sein des conseils d'administration. ».

C'est pourquoi je plaide pour un rééquilibrage dans le sens de la mixité des recrutements : parité entre femmes et hommes, bien entendu, et mixité des cultures professionnelles en faisant appel à des personnes issues du secteur privé ayant exercé des fonctions dans le domaine considéré, tout en prévenant tout risque de conflit d'intérêt. Nous l'avions proposé l'an passé et j'avais, par exemple, rappelé à quel point il était important qu'au sein d'EADS puissent siéger plus de spécialistes du secteur aéronautique.

J'évoquerai enfin la question des dividendes de l'Etat actionnaire. Le constat est celui de leur diminution probable de près de 30 % en 2014 et les interrogations concernent la politique et le traitement budgétaire de ces revenus. La maximisation de la distribution de dividendes fait, à juste titre, partie des principaux indicateurs de performance de l'Etat actionnaire.

Alors qu'environ 4,5 milliards de dividendes ont été encaissés par l'État au cours de chacune des années 2010, 2011, 2012 et 2013 au titre de ses participations, le bleu budgétaire de cette année mentionne une prévision de 3,2 milliards pour 2014. Les principaux contributeurs concernés sont EDF, GDF Suez, Orange, SNCF, La Poste, Safran et ADP qui représentent près de 90% du montant total. L'Etat encaisserait donc, en 2014, 1,3 milliard d'euros de moins que les années précédentes. Officiellement, cette baisse s'explique par un contexte de montée des risques qui amène les entreprises à constituer des provisions. Peut-on aller un peu plus loin dans le raisonnement, tout en respectant une certaine confidentialité sur ce sujet extrêmement sensible ? Je dirai simplement que les entreprises ont peut-être fourni un effort suffisamment notable les années précédentes pour que le freinage qui est anticipé ne soit pas choquant.

Au total, comme le souligne l'Agence des participations, le portefeuille de l'Etat conserve un bon rendement, d'environ 6 % en 2012, presque deux fois supérieur à celui du CAC 40 (3,5 %). La composition sectorielle du portefeuille de l'APE, marquée par une forte présence des secteurs énergie et télécommunication, qui traditionnellement ont des politiques de distributions plus élevées que les autres entreprises, est une des explications de cette « surperformance ». Ce rendement va cependant baisser, et au moment où d'éventuels prélèvements sur l'épargne des français sont envisagés, la situation de l'Etat semble témoigner des difficultés que peuvent connaître les petits actionnaires, en particulier par rapport aux épargnants focalisés sur l'immobilier.

Je précise, par ailleurs, que l'hypothèse retenue pour 2014 est celle du versement intégral des dividendes en numéraire, comme en 2013, tandis qu'en 2012, 1,4 milliard de dividendes ont été versés en actions par GDF-Suez et le FSI.

Cette remarque nous amène au suivi de notre quatrième grande recommandation. J'avais souligné l'an dernier que les dividendes versés à l'Etat actionnaire donnent lieu à deux traitements budgétaires différents selon les cas : si le dividende est versé en espèces, il est affecté au budget général et non pas au compte d'affectation spéciale. En revanche le dividende versé en action vient alimenter le patrimoine de l'Etat actionnaire. J'avais suggéré d'harmoniser les mécanismes et d'affecter l'intégralité des sommes au compte d'affectation spéciale à condition que l'arbitrage pour le réemploi de ces sommes entre le désendettement de l'Etat et le financement de projets industriels puisse être éclairé par des personnalités incontestables du monde industriel. Je renouvelle cette suggestion car il convient, plus que jamais, d'agir avec discernement avec l'argent du contribuable.

En résumé, l'Etat dispose d'environ 100 milliards investis dans des entreprises. Pour optimiser l'allocation de ces sommes, il serait logique d'abaisser à 51 % un certain nombre de seuils de participation qui dépassent ce chiffre, l'Etat pouvant se contenter de conserver la majorité absolue. On pourrait également accorder un traitement particulier aux secteurs qui ont besoin de financer des investissements stratégiques en constituant des réserves ou en maintenant une participation plus élevée de l'Etat qui se désengagerait, par la suite, à un prix plus élevé, lorsque les investissements innovants se traduiraient par une amélioration de l'activité des entreprises. Ce qui me surprend, c'est surtout le caractère assez statique de la gestion de l'Etat actionnaire alors que la vie des entreprises et des élus qui accompagnent les évolutions économiques est de plus en plus mobile. L'Etat, sans réduire son influence sur les entreprises qu'il contrôle, pourrait sans doute dégager des marges de manoeuvre de 10 à 15 milliards d'euros pour investir ou réduire la fiscalité pesant sur les ménages contribuant ainsi à la relance de la consommation et à la résolution des difficultés majeures auquel le pays doit faire face.

Au total, les principales suggestions unanimement approuvées l'an dernier par la commission trouvent un prolongement dans des annonces formulées avec prudence mais qui pourraient se traduire par des mesures volontaristes. C'est pourquoi je suggère d'émettre un avis de sagesse sur les crédits de la mission participations financières de l'Etat prévus par le PLF pour 2014. Dans l'hypothèse où ces annonces ne seraient pas suivies d'effets, et compte tenu des imprécisions de ce compte, je préconiserais, en revanche, d'émettre un avis très défavorable à l'occasion du prochain budget.

M. Daniel Dubois . - Je salue la continuité de la réflexion du rapporteur et j'adhère à ses propos : dans la situation que nous connaissons, 100 milliards ce n'est pas négligeable et nous devrions les utiliser comme levier de développement stratégique. Sans prendre de risques excessifs ni adopter une démarche capitalistique, il serait souhaitable d'augmenter le nombre de prises de participations et d'allers-retours. En même temps, il me parait opportun de « flécher » à la fois les produits de cession et les dividendes de l'Etat actionnaires pour les affecter au développement stratégique de l'économie plutôt que de les reverser au budget général.

M. Daniel Raoul , président . - Ce n'est peut-être pas tout à fait aussi simple car il y a des versements réguliers du budget général vers ce compte et les chiffres montrent qu'il s'agit souvent d'un jeu à somme nulle.

M. Alain Chatillon, rapporteur pour avis . - Je mets surtout l'accent sur le manque de mobilité et de souplesse de la gestion de l'Etat actionnaire qui s'apparente aux pratiques du passé. Pour être tout à fait clair, je ne me range pas du côté de ceux qui prônent un désengagement de l'Etat et je rappelle avoir plaidé pour que ce dernier conserve une majorité de contrôle des sociétés d'autoroutes. A mon sens, il convient, en revanche, d'allouer plus de fonds propres aux secteurs, entreprises ou filiales porteurs d'espoir de croissance et de développement, or il me semble que l'APE se limite trop à gérer son portefeuille « en bon père de famille ». Un gestionnaire industriel s'efforce de doubler son capital de départ en quinze ans et, pour ce faire, procède à une gestion active alors que le périmètre de l'Etat actionnaire a très peu évolué depuis plusieurs années, ce qui témoigne d'une certaine insuffisance de vision stratégique. Il faudrait donc rechercher de nouvelles compétences là où elles se trouvent, c'est-à-dire chez les industriels.

M. Jean-Jacques Lasserre . - Je remercie le rapporteur qui a rendu intéressant un exercice souvent rébarbatif. Son plaidoyer pour financer les secteurs d'avenir mérite, à mon sens, de poursuivre et d'approfondir les investigations pour nous assurer que les orientations ainsi définies se traduisent par un ciblage et des actions précises.

M. Roland Courteau . - Le rapporteur a évoqué les remarques de la Cour des comptes : quelle suite leur sont-elles réservées ? Il a également mentionné d'éventuelles conséquences néfastes d'une des dispositions de la proposition de loi de M. François Brottes, qui vise cependant à améliorer l'environnement normatif de notre économie.

M. Michel Bécot . - J'avais moi aussi plaidé pour que l'Etat ne cède pas ses participations dans les sociétés d'autoroute. Par ailleurs, je m'interroge sur les raisons de l'annonce de la diminution de 1,3 milliard d'euros des dividendes de l'Etat actionnaire.

M. Alain Chatillon, rapporteur pour avis . - Confrontées à un environnement économique difficile, les entreprises ont tendance à augmenter leurs provisions pour risque, ce qui diminue mécaniquement leur bénéfice distribuable et donc les dividendes versés.

M. Martial Bourquin . - J'estime avant tout qu'on ne peut pas faire comme si l'Etat n'avait pas une dette abyssale et il faut rappeler que les titres d'Etat ont tout de même permis d'alimenter le budget général. Les orientations présentées par le rapporteur méritent d'être approuvées mais je me souviens également, il y a plusieurs années, des pressions exercées par les précédents Gouvernements pour privatiser de grandes entreprises comme la Poste dont on se rend compte aujourd'hui qu'elle joue un rôle fondamental pour l'aménagement du territoire et le financement des collectivités territoriales. Par ailleurs, si l'Etat avait conservé les sociétés d'autoroute, il n'aurait pas été besoin d'instituer les taxes qui soulèvent tant de contestation. Il n'y a rien de pire que l'amnésie et les ventes de titre ne procurent des recettes qu'une seule fois. Le recours au vote double pour préserver l'influence de l'Etat est une piste intéressante mais, de grâce, ne faisons pas abstraction de la réalité ni des erreurs du passé.

M. Alain Chatillon, rapporteur pour avis . - Mon point de vue est celui de l'entrepreneur qui plaide pour le dynamisme de la gestion de portefeuille et non pas pour une diminution de l'influence de l'Etat. Certains seuils très élevés de participations de l'Etat pourraient être réduits sans perte d'influence. On peut, par exemple dans le secteur agroalimentaire, contrôler une grande entreprise avec 3,5 % du capital par le jeu des votes doubles, des pactes d'actionnaires et des holdings, ce qui permet de mobiliser moins de fonds et d'allouer ces derniers à des investissements d'avenir. Sans appliquer nécessairement un tel schéma optimalisé, l'Etat pourrait sans se désengager, trouver des ressources pour accompagner les mutations économiques.

Mme Renée Nicoux . - Une partie du produit des cessions pourraient également être utilisée pour aider des secteurs stratégiques momentanément en difficulté afin d'éviter les démantèlements et les délocalisations. L'expérience nous enseigne que les nationalisations ont parfois permis d'améliorer la gestion d'entreprises déficitaires. Il faudrait également recenser précisément les entreprises dans lesquelles l'Etat dispose d'une majorité.

M. Alain Chatillon, rapporteur pour avis . - Il faut, à mon sens, surtout viser les secteurs dynamiques. Investir dans des entreprises sans avenir me paraît peu opportun. Investir dans les secteurs porteurs et innovants serait à la fois rentable pour l'Etat et bénéfique pour notre économie.

M. Claude Bérit-Débat . - Tout en félicitant à mon tour notre rapporteur, je voudrais rappeler que certaines stratégies industrielles de certains groupes dites offensives ont conduit à des catastrophes cuisantes. Certes, l'Etat pourrait se contenter d'une minorité de blocage, mais ne confondons pas la gestion entrepreneuriale et la gestion des participations de l'Etat qui n'obéissent pas aux mêmes objectifs.

M. Daniel Raoul, président . - Je précise ma pensée : l'Etat doit être un stratège encore plus qu'un entrepreneur.

M. Alain Chatillon . - Entendons-nous : je plaide avant tout pour plus d'investissement dans les métiers d'avenir et je rappelle, par ailleurs, que la prise de risque est inhérente au développement industriel. Mon expérience professionnelle m'a enseigné que les restructurations comportent également des risques et impliquent des décisions courageuses. Il faut transformer ce capital dormant détenu par l'Etat en un capital dynamique investi dans des secteurs qui créent des emplois et de la valeur ajoutée.

M. Daniel Raoul, président . - Je me demande s'il n'y a pas une certaine corrélation entre l'augmentation des cessions de titres et la diminution prévisible des dividendes ?

M. Alain Chatillon . - L'APE obéit à une certaine culture du secret et j'en suis réduit à des hypothèses. Les cessions sont réalisées lorsque les valorisations augmentent et les dividendes diminuent en corrélation avec la baisse des bénéfices imputables aux provisions pour charges.

M. Daniel Raoul, président . - Je comprends que les recommandations de la commission ont été prises en compte, mais que le rapporteur a des doutes sur les réalisations consécutives aux annonces qui ont été faites. Cela nécessiterait, à mon sens, un avis de sagesse « avec les encouragements du jury » même si ce concept est sans doute difficile à traduire juridiquement.

M. Alain Chatillon . - Je formule une sagesse positive.

La commission des Affaires économiques s'en remet à l'unanimité à la sagesse du Sénat en ce qui concerne l'adoption des crédits du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'Etat » .

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