C. UNE ÉQUATION BUDGÉTAIRE FRAGILE QUI REPOSE SUR LES PRODUITS DE CESSIONS IMMOBILIÈRES

1. Un modèle qui n'est ni vertueux ni soutenable et pourrait être remis en cause dès 2015

Votre commission le dénonce chaque année : non seulement les investissements mais aussi, de plus en plus, de l'entretien immobilier lourd voire courant (depuis 2010) reposent (à l'étranger 5 ( * ) ) sur le produit de la vente des biens du ministère des affaires étrangères. Désormais, la mise à niveau en termes de sécurité de nos implantations diplomatiques est également gagée par ces cessions.

Vos rapporteurs ont déjà dénoncé les effets pervers d'un tel système.

Pour être coordonné et efficace, l'entretien du patrimoine immobilier devrait en effet, non seulement être préventif mais aussi d'autre part, faire l'objet d'une programmation pluriannuelle. La durée de vie des bâtiments et des gros équipements étant connue et souvent associée à des garanties, l'entretien dit « du propriétaire », prédictible et récurrent, devrait donc être programmé sur une base pluriannuelle.

Faire dépendre l'entretien du patrimoine immobilier des produits de cession, c'est introduire au contraire de l'aléa dans les montants et les échéanciers, et se priver d'envisager la mise en place d'une programmation pluriannuelle.

De plus, non seulement toutes les cessions dites « faciles » ont pour la plupart déjà été réalisées, mais l'enveloppe des dépenses à financer ne cesse de croître.

Le réemploi des recettes de cessions est orienté en priorité vers de nouvelles opérations structurantes (nouvelles constructions, réhabilitations, rénovations fonctionnelles ou techniques, mise en conformité parasismique, etc.) mais il sert également depuis 2010 à assurer les dépenses d'entretien du propriétaire engagées sur le parc immobilier à l'étranger (8 M€ par an en 2012 et 2013). S'y ajoute, depuis 2013, la nécessité impérieuse de financer les besoins croissants de sécurisation des emprises à l'étranger...

La contribution exceptionnelle de 22 millions d'euros qui sera prélevée en 2014 sur les recettes de ce même compte d'affectation spéciale pour le désendettement de l'État apparaît discutable au vu des réels besoins d'entretien du propriétaire du ministère des affaires étrangères.

Enfin, le contexte actuel des finances publiques, la disparition programmée, à partir du 1 er janvier 2015, du taux de retour dérogatoire (100%) pour le ministère des affaires étrangères sur ses cessions immobilières à l'étranger rend d'autant plus hypothétique l'instauration d'un mode de financement soutenable de l'entretien immobilier.

Votre commission plaide depuis plusieurs années pour que des crédits d'entretien soient prévus sur le programme 105 afin de retrouver des ressources prévisibles permettant de construire une programmation pluriannuelle de l'entretien de nos bâtiments. Un premier pas a été franchi dans le cadre des projets de loi de finances pour 2012 et 2013, mais les montants alloués (2,5 M€ et 2,3 M€) sont très insuffisants au regard des besoins estimés (entre 10 et 20 M€ pour le seul entretien du propriétaire).

Le retour à une réelle budgétisation de l'immobilier, tant pour les opérations d'investissement lourd que pour l'entretien du propriétaire, permettrait d'assurer la pérennité des ouvrages et le maintien de leur valeur immobilière en prévision -ou non- de potentielles cessions, à condition toutefois que les lignes budgétaires soient réellement abondées.

LE REGROUPEMENT DES EMPRISES PARISIENNES DU MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Le schéma pluriannuel de stratégie immobilière (SPSI) du ministère des Affaires étrangères, validé par le Ministre du budget, prévoyait à terme un regroupement de l'ensemble des services sur trois sites (Quai d'Orsay, Convention et La Courneuve). Sa mise en oeuvre devait être financée en intégralité par les cessions réalisées sur les emprises parisiennes du ministère des Affaires étrangères.

Toutefois, l'indemnisation de 69M€ due par le ministère de l'écologie au titre du transfert en 2009 de l'immeuble du 244 Bd Saint-Germain n'a jamais été versée au ministère des affaires étrangères, malgré de nombreuses réunions interministérielles consacrées à ce sujet.

Faute d'avoir obtenu ce financement, le ministère des Affaires étrangères n'a pas été en mesure de lancer l'opération de rénovation du Quai d'Orsay, dernière étape de son schéma pluriannuel de stratégie immobilière. Une solution de financement de la rénovation de l'aile des archives est en voie d'être finalisée, par l'apport de 24 M€ à partir du CAS immobilier. Cette opération prioritaire devrait permettre la création sur le site de 120 postes de travail supplémentaires.

Source : ministère des affaires étrangères

2. Les cessions réalisées en 2012 et 2013 et prévues en 2014

Le parc immobilier géré par le ministère des Affaires étrangères est composé de plus de 1 500 biens immobiliers d'une très grande diversité pour un montant estimé, pour les biens en propriété, à 5,6 Mds € fin 2012 par un prestataire extérieur mandaté par France Domaine (ministère du Budget).

En 2012 , le ministère des affaires étrangères a réalisé pour 25,7 millions d'euros de produits de cession à l'étranger (dont la vente du Campus de Fann à Dakar pour 7,3 millions d'euros, ou le logement de fonction du premier conseiller à Séoul, pour 2,7 millions d'euros).

Le programme des cessions à l'étranger pour 2013-2014 , validé par la CIME (commission pour les opérations immobilières à l'étranger), comportait au total une valeur estimée à 242 millions d'euros de produits de cessions, dont la villa Jourdan à Alger (résidence consulaire), le bâtiment de l'Institut français à Berlin, la résidence diplomatique à Santiago du Chili, le campus diplomatique à Séoul, la résidence du représentant permanent de la France auprès des Nations unies, le campus diplomatique à Helsinki, le domaine des « Grandes Charmilles » à Madagascar, ou l'immeuble de la Palazzina à Rome....

En 2013 , le produit des cessions s'est élevé à 26 millions d'euros , dont 8 millions d'euros pour la résidence diplomatique à Buenos Aires, 7,3 millions d'euros pour la résidence consulaire à San Francisco, 4,7 millions d'euros pour les terrains dits « de l'armée de l'air » à Pointe Noire au Congo. 12,8 millions d'euros de cessions finalisées en 2013 viennent s'y ajouter, concernant notamment un terrain et des locaux du SCAC à Jakarta (3,6 millions d'euros), l'ancien bâtiment du lycée français Anna de Noailles à Bucarest (3,2 millions d'euros) ou un appartement de fonction à Londres (2,2 millions d'euros).


* 5 Pour la France, les crédits d'entretien du propriétaire reposent sur le programme 309 : 3 millions d'euros de crédits ont été accordés en 2013, contre 4 millions d'euros de crédits de besoins recensés.

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