C. UN DISPOSITIF D'ACCOMPAGNEMENT COMPLET ET ROBUSTE

1. Des mesures d'accompagnement sont renforcées dans la loi de programmation militaire 2014-2019

La réalisation des objectifs de déflation, de dépyramidage et de maîtrise de la masse salariale, dans la logique de flux qui caractérise la gestion du personnel militaire, est conditionnée par la mise en oeuvre effective des mesures d'aide au départ .

L'effort budgétaire pour accompagner les départs restera conséquent au cours de la prochaine programmation, autour de 200 millions d'euros par an , comme constaté lors de la précédente LPM.

2. Les crédits d'accompagnement sont ouverts en loi de finances pour 2014

Les incidences budgétaires de la déflation de 2014 sont doubles. Au titre du plan d'accompagnement des restructurations (PAR), l'ensemble des mesures de titre 2 adoptées en faveur du personnel militaire s'élèvera à 109,2 M€ en 2014 . Les personnels civils sont quant à eux pris en charge par le programme 212 « Soutien de la politique de la défense », qui centralise l'ensemble des crédits du PAR les concernant, soit une dotation du PAR civil (hors chômage) de 58,6 M€ en 2014 pour la mission « Défense ».

a) Quatre principaux leviers pour le personnel militaire

Concernant le personnel militaire, quatre leviers seront mis en oeuvre dès 2014. Les deux premiers sont nouveaux, alors que les deux autres constituent des rénovations de mesures existantes afin de les rendre plus attractives et donc plus efficaces :


• La promotion fonctionnelle
. Ce dispositif concerne les officiers généraux du premier grade, les colonels, lieutenants-colonels, commandants, adjudants-chefs et adjudants, sous certaines conditions d'ancienneté, de grade et d'écart avec leur limite d'âge. Il offre la possibilité de promouvoir certains militaires pour occuper une fonction déterminée sur une durée comprise entre vingt-quatre et trente-six mois, avant leur radiation des cadres ou leur admission en deuxième section.

Cette mesure, qui s'inscrit dans le cadre du contingentement des effectifs par grade, n'aura pas d'incidence budgétaire avant 2017, date à partir de laquelle le dispositif devrait entraîner un surcoût pension annuel de 0,3 M€.

Elle s'appliquera du 1 er janvier 2014 au 31 décembre 2019. Compte tenu de ses conditions de mise en oeuvre, les effets de cette mesure en termes de déflation d'effectifs ne seront visibles qu'en 2017. C'est le projet de loi de programmation militaire (LPM) 2014-2019 qui constitue le cadre juridique de ce dispositif.


• La pension afférente au grade supérieur
est un dispositif qui concerne les colonels, lieutenants-colonels, commandants, capitaines, adjudants-chefs et adjudants de carrière qui disposent d'un droit à pension à jouissance immédiate, alors qu'ils se trouvent à plus de cinq ans de leur limite d'âge. Ils sont incités à quitter l'institution militaire pour engager une seconde carrière dans le secteur privé, en échange d'une pension à liquidation immédiate revalorisée. Un arrêté interministériel déterminera le nombre de militaires, par grade et par corps, appelés à bénéficier de cette disposition qui restera subordonnée à un agrément de la demande de l'intéressé. Pour l'année 2014, le volume prévu est d'environ 400 attributions, qui n'auront une incidence budgétaire qu'à partir de 2015.

Ce dispositif est prévu par le projet de LPM 2014-2019, et plus précisément par son article 23. Cette mesure d'incitation au départ aura un coût total de 18,56 M€ sur la LPM 2014-2019.


• Le pécule d'incitation au départ
constitue une évolution du dispositif actuel de pécule d'incitation à une seconde carrière qui prendra fin en 2014. La mesure concerne le militaire de carrière en position d'activité se trouvant à plus de trois ans de la limite d'âge de son grade, ou le militaire engagé en position d'activité rayé des contrôles avant quinze ans de service. Ces militaires peuvent, sur demande agréée et dans la limite d'un contingent annuel fixé par arrêté interministériel, prétendre au versement d'un pécule modulable d'incitation au départ dont le montant est déterminé en fonction de la solde budgétaire perçue en fin de service. Il est prévu d'en accorder environ 1 100 en 2014. Ce dispositif d'incitation au départ représentera un montant prévisionnel de 100,3 M€ en 2014 dont 71,7 M€ au profit des nouveaux pécules accordés (1ère fraction). Ce dispositif est prévu par le projet de LPM 2014-2019, et plus précisément par son article 25.


• Le dispositif de disponibilité
sera enfin rénové, afin de le rendre plus attractif à moindre coût. Cette mesure consiste à placer en position de non-activité, dans le respect d'un contingent, les officiers de carrière qui en font la demande agréée et qui ont effectué plus de quinze années de service, dont six en qualité d'officier. D'une durée de cinq ans, cette mesure n'est pas renouvelable contrairement au dispositif en vigueur, renouvelable une fois pour une durée totale de 10 ans. Par ailleurs, les militaires qui en bénéficient sont mieux rémunérés qu'auparavant (la solde est diminuée de 50% durant la première année, de 60 % durant la deuxième, et 70% durant les trois années suivantes - au lieu d'une diminution de 66% sans dégressivité pour la disponibilité actuelle). Ce dispositif est prévu par le projet de LPM 2014-2019, et plus précisément par son article 26.

b) Des mesures d'accompagnement pour le personnel civil comparable à celles précédemment en vigueur

Concernant le personnel civil, les mesures d'accompagnement prévues sont comparables à celles mises en place lors de la précédente LPM. L'objectif recherché consiste à favoriser la mobilité, tant au sein du ministère que vers d'autres fonctions publiques. Le volet incitatif au départ volontaire est maintenu avec un assouplissement des conditions d'attribution pour les ouvriers de l'État (fin de l'obligation d'occuper un poste restructuré).

Les mesures spécifiques au ministère de la défense qui seront mises en oeuvre sont les suivantes :


• Le complément spécifique de restructuration pour les fonctionnaires et les agents non titulaires de droit public recrutés pour une durée indéterminée attribué lors d'une mobilité aux agents bénéficiant de la prime de restructuration de service ;


L'indemnité de conversion et son complément exceptionnel de restructuration attribués aux ouvriers de l'État dans le cadre d'une mobilité ;


L'indemnité de départ volontaire accordée aux ouvriers de l'État, dont la reconduction a été intégrée dans le projet de LPM 2014-2019, et l'indemnité de départ volontaire pour création ou reprise d'entreprise pouvant être attribuée aux ouvriers de l'État quittant l'administration et créant ou reprenant une entreprise privée.

Les mesures financières d'incitation au départ pour le personnel civil concerneront environ 400 personnes en 2014.

3. Le coût du chômage des anciens personnels de la défense

À la fin juin 2013 (derniers chiffres disponibles de Pôle emploi à la date de la rédaction des réponses au questionnaire budgétaire), le nombre d'anciens militaires indemnisés était estimé à 10 738, en diminution de 2,2% par rapport au 31 décembre 2012.

Au plan financier, le montant des indemnités de chômage payées par le ministère de la défense en 2012 s'élève à 105,9 M€ soit une augmentation de 2,6% (2,7 M€) par rapport à 2011 (103,2 M€). Depuis juillet 2012, une revalorisation des indemnités chômage de 2% est intervenue.

4. Un point de vigilance : le moral des militaires
a) « Fatigue » de la réforme, dégradation de l'environnement quotidien et contingentement de l'activité sont des facteurs de démotivation

Lors des visites de terrain et des échanges avec les personnels du ministère de la défense, vos rapporteurs ont observé que trois facteurs sont souvent mis en avant comme causes de la dégradation du moral des militaires :

. La « fatigue » de la réforme . L'effet des différentes réformes et restructurations qu'a connues le ministère de la défense ces 15 dernières années se fait sentir. Combien de ministères auront perdu 82 000 emplois en 10 ans, comme cela va être le cas pour le ministère de la défense ? En particulier les personnels du soutien ont le sentiment qu'une réforme n'a pas encore totalement produit ses effets qu'elle est déjà suivie d'une autre réforme ;

. Les dépenses qui sont rognées année après année portent sur l'environnement quotidien du soldat : ici on réduit la période de chauffe, là on diminue le coût des repas servis, ou on rogne sur les effets, le petit équipement... cela produit sur les personnels une impression de dégradation du cadre de vie qui a un fort effet psychologique ;

. Enfin, le contingentement de l'activité , des jours d'entraînement, du carburant, des pièces de rechange, des matériels disponibles, etc... pèsent naturellement sur le moral des personnels dont l'engagement professionnel et l'investissement dans leur métier est, en général, tout à fait remarquable.

b) Les ménages militaires, soumis à mobilité et à restructurations, ont un niveau de vie inférieur de 18% aux autres agents publics

La dernière livraison du rapport du Haut comité d'évaluation de la condition militaire (HCECM) (7 ème rapport, septembre 2013) met en exergue un certain nombre de contraintes spécifiques qui pèsent sur les militaires.

Le précédent rapport décelait déjà des signaux de rupture inquiétants :

. Faible taux de sélectivité du recrutement des sous-officiers et militaires du rang, signe d'une moindre attractivité des carrières militaires ;

. Augmentation de la mobilité géographique ;

. Baisse du nombre de militaires accédant à la propriété ;

. Augmentation du taux de départ spontané des militaires du rang (problème de la fidélisation).

Dans la revue de la condition militaire 2013 (portant sur l'année 2012), certaines évolutions favorables sont constatées, comme par exemple l'amélioration de la sélectivité des recrutements (-toujours faible, de l'ordre de 2 candidats pour 1 poste-) lié au resserrement du nombre des recrutements. Cette sélectivité reste toutefois inférieure à celle des agents civils de l'État ce qui confirme le diagnostic de la faible attractivité des carrières militaires ;

D'autres évolutions ne sont, au contraire, pas favorables : du fait des restructurations, les mutations ont connu un pic en 2012, avec plus de 45 000 mutations. Un quart des officiers (22%) a été muté en 2012. On observe par ailleurs une augmentation significative du nombre d'officiers mutés avec un préavis de moins de trois mois . 28% des mutations hors métropole se sont ainsi réalisées avec préavis de moins de 3 mois en 2012....

« Pour les trois armées », observe le Haut Conseil, « il serait bon qu'une phase de stabilité s'instaure (...) et que les mutations géographiques au sein d'une même région soient favorisées. La mobilité géographique est un facteur de déstabilisation professionnelle mais également social et financier ».

Pour une même catégorie socioprofessionnelle, le revenu des ménages dont la personne de référence est militaire est inférieur à celui des ménages dont la personne de référence est un fonctionnaire civil. La multiplication des mutations est en effet un obstacle à la progression des carrières professionnelles des conjoints de militaires. D'autre part, quelle que soit la tranche d'âge, la proportion de militaires propriétaires de leur résidence principale est moindre que dans la population en général. Ainsi, alors que près de la moitié des 30-39 ans possèdent leur logement (49%), ils sont seulement un tiers (36%) chez les militaires.

Ce rapport confirme que le niveau de vie annuel moyen du ménage d'un militaire est inférieur de 18% à celui du ménage d'un fonctionnaire civil de l'État : alors que le revenu individuel moyen des militaires est inférieur de 7,9% à celui du fonctionnaire civil de l'État, celui du conjoint de militaire est inférieur de 33% à celui du conjoint de fonctionnaire civil de l'État.

Dans son récent rapport sur la rémunération des militaires, la Cour des comptes fait le même constat et précise que « Les rémunérations des militaires français sont inférieures à celles qui sont servies au Royaume-Uni ou en Allemagne ».

D'après le HCECM, le célibat géographique concerne désormais 17% des officiers supérieurs, 14% des sous-officiers et 5% des militaires du rang.

Les dysfonctionnements de Louvois ont naturellement affecté les situations individuelles et fragilisé la confiance des militaires dans leur administration.

Le Haut Comité relève une moindre adhésion à la réforme du ministère : « La confiance fragilisée vis-à-vis de l'administration et la visibilité restreinte sur la poursuite de leur carrière conduisent les militaires à douter des réformes qui ont été décidées et pourraient marquer une certaine défiance vis-à-vis des prochaines transformations ».

c) La « civilianisation » des postes de soutien est un point sensible

La question de l'équilibre entre personnels militaires et personnels civils est une question sensible au sein du ministère de la défense.

Dans le contexte actuel de réformes accélérées, vos rapporteurs sont très soucieux de la préservation de la cohésion entre toutes les catégories de personnel, gage de la réussite de la transformation du ministère de la défense.

En 2012, l'effectif du ministère de la défense était de 288 066, avec 77% de militaires et 23% de civils.

Le Livre blanc de 2013 préconise le recentrage des militaires sur leur coeur de métier c'est-à-dire la préparation et la conduite des missions opérationnelles. Ce recentrage se traduit pour le personnel civil par une plus grande participation aux emplois d'administration, de gestion et de soutien au personnel projetable.

Le ministre de la défense a ainsi donné mandat au directeur des ressources humaines de recenser les emplois et les postes, à caractère administratif et de soutien, susceptibles d'être essentiellement tenus par des agents civils.

Sur cette base, il s'agira d'affecter autant que possible le personnel civil sur des postes militaires vacants. Ce rééquilibrage entre militaires et civils peut également concerner certains domaines techniques et stratégiques tels que le renseignement ou la cyber-défense.

Ce rééquilibrage répond au souhait des organisations syndicales du personnel civil de la défense. Ainsi, M. Gilles GOULM, représentant de la Fédération syndicaliste FO de la défense, des industries de l'armement et des secteurs assimilés, déclarait en audition le 18 septembre dernier que « Les personnels civils, qui étaient de 145 000 il y a quinze ans et moins de 64 000 aujourd'hui, devront supporter encore 7 400 suppressions d'emplois, dont la moitié concernera les ouvriers d'État. Cela va à l'encontre de la civilianisation des effectifs sur les fonctions de soutien ! La proportion de civils par rapport aux militaires est globalement restée la même en début et en fin de RGPP. Nous demandons le rééquilibrage des effectifs militaires et civils sur les fonctions de soutien. »

M. Henri-Philippe BAILLY, pour la Fédération CGC-Défense et l'UNSA Défense, a quant à lui déclaré que « La civilianisation sera porteuse de gains significatifs sur la masse salariale du ministère que nos organisations estiment de l'ordre de 3 Md€ par an au terme de la démarche de rééquilibrage, hors gains induits sur les autres dépenses (habillement, restauration, logement, mobilité, formation, équipement des forces,...) ».

Certaines des analyses sur lesquelles repose ce primat à la civilianisation sont toutefois contestées de la part des militaires, s'agissant en particulier du temps de travail des différentes catégories. D'ailleurs, le dernier rapport du Haut comité d'évaluation de la condition militaire suggère d'instaurer une réelle mesure du temps de travail des militaires.

Le Général RACT-MADOUX, chef d'état-major de l'armée de terre, a indiqué lors de son audition 2 ( * ) , « S'agissant de la civilianisation, nous sommes naturellement très attachés au personnel civil. Toutefois, la comparaison de la rentabilité entre ce dernier et le personnel militaire, mesurée par les coûts et le temps de travail, me semble contestable dans les chiffres et inopportune dans son approche. Ce type d'analyse, rarement bien perçue par ceux qui en font l'objet, présente le risque de fragiliser la cohésion entre le personnel militaire et le personnel civil, par ailleurs très solide dans l'armée de Terre. ».

Vos rapporteurs ne peuvent que faire part à nouveau de leur défiance face à toute approche trop dogmatique : il faut envisager cette question avec pragmatisme, dans le respect de la complémentarité de toutes les catégories de personnel.

La civilianisation : extrait du rapport d'information « Bases de défense : une réforme à conforter », juillet 2012

Cette question semble toutefois traitée avec un peu trop de dogmatisme, ce qui comporte un risque d'opposition entre deux catégories de personnels pourtant complémentaires.

On entend ainsi un certain nombre de jugements très définitifs sur la question, dont on peut faire le florilège :

- les civils auraient un plus long temps de travail, dans la mesure où, de par leur statut, les militaires s'entraînent, font du sport, etc... ; d'autres contestent cette argumentation, en rétorquant que les militaires sont culturellement d'une grande disponibilité ;

- les civils ne seraient pas mobiles (or beaucoup de civils ont été mutés à l'intérieur du ministère ou en interministériel ces dernières années) ;

- les civils apporteraient de la « rigidité » là où les militaires sont mutés très fréquemment, (d'autres disent aussi de la continuité, de la mémoire) ;

- les militaires sont seuls projetables en opérations, y compris dans le soutien ;

- les militaires doivent pouvoir trouver, après le temps des engagements extérieurs, une période de « respiration », en deuxième partie de carrière, dans les postes du soutien.

En particulier, vos rapporteurs n'adhèrent pas aux discours tendant à opposer les deux catégories de personnels. Chacun doit pouvoir trouver sa place, autour de l'objectif global et partagé de la civilianisation du soutien, mais sans dogme.


* 2 18 septembre

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