IV. LE PROJET BALARD

Dans leur rapport pour avis sur le projet de loi de finances pour 2013, vos rapporteurs ont décrit dans ses grandes lignes l'économie de ce projet inédit, par son ampleur 21 ( * ) et ses modalités de financement, dont le montant est estimé à 3,5 milliards d'euros constants HT et qui se traduira pour le budget de la défense par le versement d'une redevance annuelle constante de 154 millions d'euros TTC durant 27 ans, de 2014 à 2041. Il fait en outre l'objet d'une description détaillée dans le projet annuel de performances (p. 261 et suiv.) dans la rubrique « grands projets transversaux et projets contractualisés ». Vos rapporteurs souhaiteraient que cette rubrique renvoie plus explicitement aux crédits inscrits dans les différentes OS et OB au sein des actions concernées et qu'au sein de celles-ci, le montant des crédits fléchés « Balard » apparaisse clairement.

1. Une montée en charge progressive des crédits afférant à cette opération
a) Des travaux préparatoires et annexe réalisés par le ministère de la défense

Le regroupement des administrations centrales et des états-majors est pour une toute petite partie financé au titre de l'action 04 au sein de l'OS « infrastructures de défense » pour un montant de 12,40 millions d'euros en CP et 4,66 millions d'euros en AE. Il s'agit en effet de travaux annexes (8,07 millions d'euros en CP et 4,66 millions d'euros en AE) de densification de certains sites (Villacoublay, Arcueil et Vanves) dans le cadre des opérations de restructurations préalables au déménagement et du règlement des dernières dépenses de restructuration de la tour A (4,33 millions d'euros en CP) confiée à Opale Défense pour exploitation. La réhabilitation des tours A et F préexistantes sur la parcelle Est a été prise en charge par le ministère de la défense.

b) La redevance d'exploitation

Le partenariat public-privé se traduira par une redevance annuelle de 154 millions d'euros à verser de 2014 à 2041. Cette redevance aura vocation à s'inscrire dans l'action 11 « pilotage, soutien et communication » au sein de l'OS « Fonctionnement et activités spécifiques ». D'ores et déjà, sont inscrits dans l'OB « fonctionnement courant », et pour des montants qui sont devenus significatifs (104,54 millions d'euros en AE et 49,64 millions d'euros en CP), des crédits destinés à l'acquittement des redevances du contrat de partenariat à OPALE défense. Ces redevances portent sur la parcelle Est (phase 1 et 2). La dotation intègre également l'exploitation de la restauration provisoire d'Opale Défense à compter de l'été 2014 ainsi que la prestation de nettoyage à compter de l'automne alors que les autres prestations de services démarreront à la mise à disposition de la parcelle Ouest, laquelle est reportée en février 2015.

c) Des crédits d'assistance à maîtrise d'ouvrage

A l'action 11 « pilotage, soutien et communication » sont en outre inscrits au titre de l'OB « prestations intellectuelles » des crédits d'assistance à maîtrise d'ouvrage, réalisée dans la perspective des mouvements de services attendus en 2014-2015, pour quelques centaines de milliers d'euros.

d) Un système d'information pour piloter les opérations de déménagement

S'y ajoutent au titre de l'action 5 « Systèmes d'information, d'administration et de gestion » les crédits dédiés à l'opération SIMBAD (Système d'Information du Ministère à Balard et des Administrations centrales Distribuées).

Ce système vise à piloter le déménagement des systèmes d'information des états-majors et services centraux du ministère vers Balard, d'usage général comme opérationnel, tout en garantissant une continuité de service aux utilisateurs (sous-opération dénommée TAC\TIC), et à définir le système d'information permettant à l'administration centrale de 2015 de fonctionner dans sa nouvelle configuration (sous-opération dénommée TAC\SI). Les montants associés à l'opération SIMBAD en 2014 sont de : 4 M€ en AE et 5,9 M€ en CP (TAC/TIC : 2,6 M€ en AE et 3,8 M€ en CP ; TAC/SI : 1,4 M€ en AE et 2,1 M€ en CP).

2. Un calendrier qui fait l'objet de décalages limités

Le calendrier du chantier s'étend sur trois ans et demi.

Dès août 2014, le chantier principal devait être achevé, avec la fin des travaux de la parcelle Ouest et de la première tranche de la parcelle Est ; les opérations de levée des réserves, de prise de possession et de transfert s'échelonnaient donc de juillet à décembre 2014. Entre-temps, en octobre 2014, la deuxième tranche de travaux de la parcelle Est devait débuter, pour s'achever en mai 2016.

Ce calendrier de mise à disposition des bâtiments au ministère a dû être recalé au terme d'une négociation avec Opale ayant conduit à un accord global en juillet 2013. La date de mise à disposition de la parcelle Ouest (bâtiment principal) est arrêtée au 28 février 2015 et la date de mise à disposition de la parcelle Est correspondant à la mise à disposition du dernier bâtiment de la phase 1 est fixée au 24 avril 2015, bien que la majorité des bâtiments de cette phase sera mise à disposition au 28 février 2015.

Ces prolongations de délais, respectivement de 6 et 8 mois font suite à l'accord intervenu en juillet 2013 entre le Ministère et Opale. Elles trouvent leur origine dans le décalage de la signature du contrat d'un mois et dans les délais nécessaires à l'évacuation des terres polluées rencontrées lors des travaux de terrassement et de fondation, aux travaux de désamiantage supplémentaire suite à la découverte d'amiante non décelable dans le cadre des diagnostics préliminaires et enfin dans des modifications apportées au programme initial par le Ministère.

Les conséquences financières de ce décalage sont de deux types : des coûts directs liés aux travaux supplémentaires et des coûts indirects dus à la prolongation du chantier, leurs montants ont été arrêtés dans le cadre de l'accord intervenu en juillet 2013. Le calage des dates de mise à disposition a permis la fixation des taux du contrat (octobre 2013) engendrant une économie de 130 M€ HT sur les redevances par rapport aux hypothèses du contrat, soit l'équivalent d'une année complète de redevances sur les 27 du contrat.

Les opérations restant à conduire sont inchangées. Le gros oeuvre de la parcelle ouest sera terminé fin novembre. Les aménagements intérieurs sont déjà partiellement commencés. Sur la parcelle Est certains bâtiments sont déjà exploités par Opale. L'exercice dit de microzoning (détermination de la position des cloisons et implantation des prises informatiques) est terminé en parcelle Ouest et très avancé en parcelle Est. Les entités appelées à s'installer sur Balard ont validé cet exercice. Il est convenu que les demandes de modifications ultérieures ne sauraient engendrer de modification du calendrier de mise à disposition. Par conséquent, les demandes résultantes ne seront satisfaites qu'après la mise à disposition, soit avant l'emménagement, soit en période d'exploitation en profitant de la flexibilité générée par la modularité du bâtiment.

Le contentieux avec la ville de Paris a trouvé une solution et n'a pas eu de conséquences dommageables sur l'exécution du projet comme vos rapporteurs avaient pu le craindre.

Des difficultés sont apparues entre le ministère de la défense et la ville de Paris. En effet, le plan local d'urbanisme (PLU) impose depuis 2005 une servitude pour l'installation d'un garage à bus situé à la Croix-Nivert et dont le déménagement est nécessaire pour permettre la réalisation de 450 logements. Afin de lever ce blocage, le préfet de Paris a donc dû avoir recours à la procédure de déclaration de projet prévue par le code de l'urbanisme et, malgré une délibération défavorable du Conseil de Paris, a le 17 février 2012 délivré des permis de construire pour les différents aspects du projet. La ville de Paris a déposé des recours devant le tribunal administratif, dont l'un porte sur la corne ouest où est prévue la construction d'immeubles de bureaux à but locatif. Dans un jugement rendu le 21 février 2013 devenu définitif, la ville de Paris n'ayant pas interjeté appel, le tribunal administratif de Paris a confirmé la validité de la déclaration de projet et des permis de construire.

Parallèlement à cette phase contentieuse, une solution a été recherchée concernant le garage à bus, associant la Ville de Paris, la RATP, Héliport de Paris et la préfecture de région. Elle s'est matérialisée par un protocole entre l'Etat et la Ville visant à favoriser l'implantation de ce garage à bus sur l'héliport d'Issy les Moulineaux.

Les travaux de la Corne Ouest ont été suspendus au moment du dépôt du recours de la ville de Paris contre le permis de construire (avril 2012). Le risque pour le ministère de devoir se substituer à l'investisseur de la Corne Ouest (à hauteur de 250 M€) est levé puisque la ville n'a pas fait appel du jugement, favorable à Opale et au ministère, rendu par le tribunal administratif.

S'agissant de la partie « exploitation » du PPP, la mise en exploitation de la tour F par Opale défense est intervenue en février 2012. En revanche, la mise en exploitation de la tour A a été reportée à mars 2013 en raison d'un retard dans la livraison après travaux due à la défaillance d'un des titulaires du marché de réhabilitation.

3. La mise en place d'une direction de site solide pour assurer la réception des travaux et constater tout au long du partenariat la conformité d'exécution des prestations

Le projet Balard n'est pas une opération immobilière ordinaire, ni même une simple opération de crédit-bail. Il s'agit de la livraison et du fonctionnement d'un immeuble intelligent, associant la réalisation de travaux de construction, d'installation de réseaux et de systèmes d'information et de communication, de leur maintenance et la gestion de facilités et de services (du gardiennage à la restauration). Elle exige que l'administration se dote de la capacité technique, juridique et financière à assurer la réception de l'immeuble et de ses installations techniques, mais aussi de suivre au jour le jour l'exécution de l'ensemble des prestations et d'être en mesure de négocier intelligemment les clauses d'aménagement de la convention 22 ( * ) , d'éviter toute dérive de coût et de faire respecter les clauses du PPP, que ce soit dans la phase de construction ou dans la phase d'entretien et de maintenance, laquelle est prévue pour durer jusqu'en 2041.

La direction du site de Balard du service parisien de soutien de l'administration centrale (SPAC) assure dès à présent le pilotage de l'exploitation du site (parcelle Est en cours de rénovation) en lien avec OPALE Défense et les prestataires qu'elle continue à gérer en direct jusqu'en 2015, ainsi que toutes les opérations de déménagement puis de consignation des bâtiments sur le site au fur et à mesure de leur remise à OPALE. Le service assure également d'ores et déjà toute l'exécution financière du contrat ainsi que les activités budgétaires associées.

Une modification de l'arrêté d'organisation du service sera publiée prochainement afin de prendre en compte les évolutions des compétences de cette entité rendues nécessaires par la mise en place du contrat de partenariat. D'ores et déjà le nouveau sous-directeur en charge de la future exploitation du site a rejoint le service à l'été et les principaux responsables de cette nouvelle entité sont déjà en place. Les attributions de la nouvelle sous-direction du site de Balard sont prévues à l'article 10 : assurer la gestion et le suivi administratif de l'exécution du contrat, mettre en oeuvre les mesures nécessaires au contrôle de la performance du titulaire, assurer la coordination des soutiens, exercer une compétence générale sur l'ensemble des conditions de fonctionnement du site.

La préparation de cet arrêté a été l'occasion de préciser, dans la perspective de l'emménagement sur l'emprise de Balard en 2015, les responsabilités réciproques et les interfaces nécessaires avec la délégation pour le regroupement des états-majors et services centraux de la défense (DRESD) et le futur commandement militaire du site (COMILI) rattaché à l'Etat-major des armées (EMA). Différents protocoles d'organisation sont en cours de rédaction, en matière par exemple de prévention et de sécurité incendie.

La montée en puissance de cette nouvelle structure a d'ores et déjà commencé avec l'identification des compétences nécessaires, leur priorisation et les premiers recrutements. Dans le même temps, des solutions de reclassement ont été mises à l'étude, dans le cadre du dispositif ministériel de restructuration pour les agents devant quitter l'actuelle direction de site.

À titre d'exemple, pour un site de 3 500 personnes, le ministère de la défense britannique a constitué une équipe de 10 personnes de haut niveau chargées d'encadrer et de suivre l'évolution du partenariat. Le site Balard devrait regrouper près de 9 000 personnels et doit donc être encadré par une équipe plus étoffée possédant un haut niveau de compétences. A l'échelle d'un PPP comme Balard, ce serait une faute grave que de sous-dimensionner en nombre et en compétence la direction de site.

Le ministre avait demandé un rapport conjoint à l'Inspection générale des finances (qui travaille par ailleurs à un rapport sur les PPP de manière générale) et au Contrôle général des armées (CGA) sur l'opération Balard. Les conclusions de ce rapport étaient attendues d'ici la fin de 2012. Outre l'examen de la procédure et de la soutenabilité financière du projet, la mission d'inspection était invitée à aborder la question de l'organisation du pilotage du contrat. Vos rapporteurs ont demandé à avoir communication de ce rapport, le ministère de la défense a répondu que « ce rapport étant classifié, il ne pouvait être communiqué » .


* 21 http://www.senat.fr/rap/a11-108-8/a11-108-88.html#toc53

* 22 Les contrats d'entretien et de maintenance à la charge d'Opale font l'objet de réévaluations périodiques (trois ans pour le ménage ou cinq ans pour la restauration par exemple) et permettent à l'État de reprendre la main si les clauses du contrat ne sont pas respectées.

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