D. UN REGRET : L'ABSENCE, AU PLUS HAUT NIVEAU DE L'ETAT, D'UNE VOLONTÉ FORTE DE MENER UNE NOUVELLE POLITIQUE DES ADDICTIONS

Par ses propos, la présidente de la Mildt affirme sa volonté de rompre avec la philosophie de son prédécesseur. Néanmoins, dans les faits, les moyens ne sont pas à la hauteur des ambitions affichées .

De l'avis des professionnels auditionnés par votre rapporteure, un vaste effort doit être entrepris pour faire évoluer les représentations sociales sur les drogues et les addictions . Celles-ci ne correspondent en effet pas au point de vue des acteurs engagés sur la question et, surtout, à l'état actuel des connaissances scientifiques. Ainsi, les produits illicites sont perçus par la population comme étant ceux ayant les effets sanitaires les plus graves, alors qu'il n'en est rien : le tabac et surtout l'alcool, de par leur diffusion, ont des conséquences bien plus importantes en matière de santé publique.

Il est évident que seul un engagement fort au sommet de l'Etat, de la part du Président de la République, permettrait d'enclencher ce mouvement sociétal indispensable et de modifier des idées reçues, profondément enracinées sous l'effet de plusieurs décennies de politiques essentiellement répressives, qui associent encore trop souvent le toxicomane à un criminel. L'urgence sur ce point est réelle : il faut mener un travail en profondeur auprès de la population, permettant une prise de conscience et une mobilisation accrue de l'opinion en faveur de la réduction des risques.

Une telle initiative ne semble constituer une priorité ni pour le Président de la République, ni pour le Gouvernement. C'est d'autant plus regrettable qu'en France l'acquisition des connaissances dans le domaine des addictions par le pouvoir politique est très faible. Ce constat, présenté à votre rapporteure par une des personnes lors de son audition, expliquerait le retard de notre pays par rapport à ses voisins et le peu d'effet de la plupart des politiques menées jusqu'à présent, qui souffriraient d'une conception et d'un pilotage reposant sur des bases scientifiques fragiles. Sans véritable volonté politique, il est permis de douter que le plan 2013-2017 soit à lui seul suffisant pour mettre un terme aux errements du passé.

Par ailleurs, force est de constater les difficultés que rencontrent tous ceux qui sont amenés à intervenir auprès des personnes en situation d'addiction. L'absence quasi-généralisée de formation sur la prise en charge des toxicomanes pour les professionnels non-médicaux qui sont confrontés à cette population, en particulier les membres des forces de l'ordre et les agents de l'administration pénitentiaire ainsi que les intervenants en milieu scolaire, doit être corrigée dans les plus brefs délais.

Pour remédier à cette situation, le rapport Reynaud ainsi que la Charte « Pour une autre politique des addictions » 10 ( * ) appelaient à l'organisation d' états généraux de la réduction des dommages et des addictions , associant l'ensemble des acteurs impliqués dans la réduction des dommages liés aux addictions, afin de formuler des propositions acceptées par tous et destinées à « réduire l'ensemble des dommages liés aux addictions et à améliorer la qualité des soins et de l'accompagnement des patients, des victimes et de leurs proches ». Cette idée n'a malheureusement pas été retenue par le plan gouvernemental 2013-2017. Votre rapporteure le déplore, car le résultat de ces travaux aurait constitué le socle de la nouvelle politique des addictions qu'il est nécessaire, au vu des résultats sanitaires, sociaux, judiciaires et économiques des politiques actuelles, de mettre en place.

Après une année d'élaboration et de réflexion, l'année 2014 devait être pour la Mildt l'année de la mise en oeuvre et de l'action. Considérant les moyens qui lui sont accordés, il est permis de douter de l'effectivité des mesures qu'elle entreprendra et, plus largement, du renouveau de la politique de prise en charge de la toxicomanie qui était annoncé . Pour cette raison, votre rapporteure avait proposé à la commission d'émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits de la Mildt. En effet, il est très important de donner un signal fort aux pouvoirs publics afin de replacer la lutte contre les addictions au coeur d'une politique de santé publique avec un développement assumé humainement et financièrement de la prévention. Elle n'a, sur ce point, pas été suivie.

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La commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de l'action « Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt) » du programme « Coordination du travail gouvernemental » de la mission « Direction de l'action du Gouvernement ».


* 10 Disponible à l'adresse suivante : www.pouruneautrepolitiquedesaddictions.fr ; elle a recueilli plus de 1 700 signatures depuis juillet 2012.

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